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Décisions | Chambre de surveillance

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C/15822/2023

DAS/307/2023 du 18.12.2023 ( ARC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15822/2023-CS DAS/307/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 18 DECEMBRE 2023

 

Recours (C/15822/2023-CS) formé en date du 26 juillet 2023 par Monsieur A______, domicilié c/o Fiduciaire B______ Sàrl, ______ [GE], représenté par Me Jordan WANNIER, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Jordan WANNIER, avocat
Rue des Bains 33, 1205 Genève.

- REGISTRE DU COMMERCE
Case postale 3597, 1211 Genève 3.

- DEPARTEMENT FEDERAL DE JUSTICE ET POLICE
Office fédéral de la justice, 3003 Berne.

 


EN FAIT

A.                Par décision du 21 juin 2023, le Registre du commerce a rejeté la réquisition en vue d'inscription de l'entreprise individuelle C______ et fixé un émolument de décision de 200 fr.

En substance, la décision se fonde sur le fait que le requérant, qui se dit actif dans le second œuvre, ne déploie pas d'activité d'indépendant à Genève qui justifierait la compétence à raison du lieu du Registre du commerce de Genève, une simple domiciliation dans une fiduciaire à Genève ne constituant pas un point de rattachement suffisant. Par ailleurs, la constatation de l'absence d'activité d'indépendant à Genève et de rattachement de cette activité avec le Registre de commerce de Genève découlent du fait que le requérant est domicilié à des centaines de kilomètres de Genève, en Alsace, en France.

B.                a) Par acte du 26 juillet 2023, le requérant a fait recours contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné au Registre du commerce d'inscrire l'entreprise individuelle "C______", sous suite de frais et dépens, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Registre du commerce pour nouvelle décision.

En substance, il fait grief au Registre du commerce d'avoir estimé que sa réquisition ne pouvait être admise alors qu'elle remplissait toutes les conditions à son admission. En particulier, il lui reproche un abus de son pouvoir d'appréciation dans la mesure où cette administration avait considéré que la location d'une place dans un espace de co-working n'était pas suffisante. De même, était-il abusif de retenir le fait que le recourant était domicilié à des centaines de kilomètres de Genève pour considérer qu'il ne pouvait pas y avoir de siège de son entreprise individuelle à Genève.

Il reproche enfin à l'administration une attitude de mauvaise foi, celle-ci n'ayant pas cherché à obtenir toutes les explications relatives aux doutes qu'elle pouvait nourrir avant de prendre sa décision, d'où il déduit incidemment une violation de son droit d'être entendu.

b) Par réponse du 9 octobre 2023, le Registre du commerce a conclu au rejet du recours, persistant dans sa décision. Il relève que la forme de l'établissement, qui dépend de la nature de l'activité, n'est pas compatible pour une entreprise du second œuvre avec une domiciliation dans une fiduciaire, en l'absence de tous locaux propres. Il n'y a, à teneur de dossier, aucun établissement à Genève qui pourrait permettre l'inscription au registre cantonal. La compétence du Registre du commerce de Genève n'est pas donnée.

c) Par réplique reçue par la Cour le 13 octobre 2023, le recourant a confirmé qu'il n'avait pas de locaux, pour des raisons financières, la location d'une domiciliation constituant le centre de son activité. Il persiste pour le surplus dans les termes de son recours.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Par réquisition déposée au Registre du commerce de Genève le 24 avril 2023, A______ a sollicité l'inscription de l'entreprise individuelle C______, ayant pour but la "rénovation façade (sic), toiture, demoussage (sic), peinture sur toiture, nettoyage tout (sic) travaux de bâtiment, vente de textile".

Il indiquait comme adresse à Genève "c/o Fiduciaire B______, rue 1______ no. ______", comme son lieu de domicile : [code postal] D______, France et comme date de début d'activité le 24 avril 2023.

Il produisait un "contrat de location" daté du jour-même avec la Fiduciaire B______, portant sur un bureau à usage professionnel pour une durée d'un an, loué "à titre gracieux", comme inclus dans un forfait relatif aux frais de comptabilité et d'établissement des "états légaux".

b) Par courrier du 12 mai 2023, le Registre du commerce a requis de l'intéressé des précisions sur le lieu de son établissement à Genève aux fins d'examen de sa compétence à raison du lieu, à quoi il a été répondu le 22 mai 2023 qu'un "contrat de domiciliation" avait été conclu avec la Fiduciaire B______ lui permettant de disposer d'un "agenda à l'interne, matériel informatique, réseau internet, gestion administrative et espaces de rangement" et que cela lui était suffisant.

c) Parallèlement, le Registre du commerce s'est adressé à la Fiduciaire B______ en date du 21 avril 2023, au vu du nombre de domiciliations similaires auprès d'elle de plus de 150, requérant de cette entité toutes informations relatives à la taille des locaux, nombre de bureaux, nature de l'activité déployée par les entreprises à l'adresse de la fiduciaire, ce à quoi il a été répondu en date du 24 avril 2023 que les locaux pouvaient accueillir entre 8 et 10 postes de travail, très peu utilisés dans les faits, les entreprises domiciliées étant actives dans le second œuvre.

 

EN DROIT

1.                  1.1 Les décisions du Registre du commerce peuvent faire l'objet d'un recours auprès du tribunal supérieur cantonal comme unique instance de recours qui, dans le canton de Genève, est la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 942 al. 2 CO; art. 126 al. 1 let. d LOJ).

La Loi genevoise de procédure administrative (LPA) s'applique à la prise de décision par les autorités administratives et les juridictions administratives (art. 1 LPA). Sont réputées juridictions administratives, les autorités que le droit fédéral ou cantonal charge du contentieux administratif en les désignant comme autorités de recours (art. 6 al. 1 let. e LPA). Tel est le cas de la Cour de justice lorsqu'elle fonctionne sur recours comme autorité cantonale de recours du Registre du commerce (cf. notamment DAS/207/2014 c. 1.1).

Le délai de recours est de trente jours et court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 942 al. 1 CO; art. 62 al. 3 LPA; art. 17 al. 1 LPA).

1.2 En l'espèce, le recours, déposé au greffe de la Cour dans le délai légal par le destinataire de la décision attaquée, est recevable.

2. Le recourant fait en premier lieu grief à l'Office du Registre du commerce d'avoir violé son droit d'être entendu, à bien le comprendre, en ne cherchant pas à lui donner la possibilité de dissiper ses doutes quant à sa compétence et en "évitant le dialogue".

Point n'est besoin de s'appesantir sur ce grief dans la mesure où il ressort clairement de l'état de fait que l'Office du Registre du commerce a requis de la part du recourant et de la fiduciaire chez qui il prétend être domicilié toutes les informations nécessaires pour pouvoir déterminer sa compétence, et ce conformément à l'art. 18 LPA, qui prévoit que la procédure administrative est écrite.

Par ailleurs, le recourant a parfaitement compris la décision notifiée et a pu développer tous ses arguments, pièces à l'appui, dans la présente procédure de recours devant la Cour, qui statue avec pleine cognition en faits et en droit (art. 61 al. 1 LPA).

3. Le recourant soutient en outre, que l'Office du Registre du commerce aurait constaté les faits de manière inexacte et abusé de son pouvoir d'appréciation en ne retenant pas qu'il pouvait exercer son activité depuis un espace de "co-working", i.c auprès de la Fiduciaire B______ et en retenant que le fait que le titulaire de l'entreprise individuelle requérant soit domicilié à des centaines de kilomètres de Genève (à l'étranger) était incompatible avec l'exercice de son activité à Genève.

3.1 Selon l'art. 931 CO, toute personne physique qui exploite une entreprise et qui, au cours du précédent exercice, a réalisé un chiffre d'affaires d'au moins 100'000 francs, doit requérir l'inscription de son entreprise individuelle au registre du commerce au lieu de l'établissement (…) (al.1). Selon l'al. 3 de cette disposition, les entreprises individuelles et les succursales qui ne sont pas soumises à l'obligation de s'inscrire peuvent requérir leur inscription au registre du commerce.

Dans ce dernier cas, le registre du commerce se contente en général de s'appuyer sur la demande présentée, sauf lorsque les conditions à l'inscription ne sont manifestement pas remplies (SIFFERT, Berner Kommentar, OR-Handelsregister, 2021, Nr 9 und 31 ad art. 931) (cf. art. 37 al.1 ORC).

Conformément à l'art. 931 al. 1 CO, l'inscription s'effectue au lieu de l'établissement. Ce lieu peut différer de celui du domicile du détenteur de l'entreprise individuelle. De manière générale, l'établissement est le lieu depuis lequel l'activité économique de l'entreprise individuelle est développée. Il s'agit du centre de la vie de l'entreprise (Message du Conseil fédéral sur la modification du droit des obligations (registre du commerce) du 15 avril 2015, FF 2015 p. 3641; SIFFERT, op. cit., Nr 33-34 ad art.931).

Selon l'art. 929 al. 1 CO, toutes les inscriptions au registre du commerce doivent être conformes à la vérité et ne rien contenir qui soit de nature à induire en erreur ou qui soit contraire à un intérêt public.

Il en va de la confiance dans les informations publiées par les registres publics (Wahrheitsgebot), de la sécurité du droit (Täuschungsverbot) et de la sécurité des transactions (Verkehrsschutz), telles que postulées par l'art 9 al. 1 CC (SIFFERT, op. cit. Nr 4ss ad art. 929).

Dans cette optique, l'art. 937 CO stipule que les autorités du registre du commerce vérifient que les conditions légales requises pour une inscription sont remplies, notamment que la réquisition et les pièces justificatives ne dérogent pas à des dispositions impératives et que leur contenu est conforme aux exigences légales.

3.2 La décision de l'Office du Registre du commerce doit être confirmée pour les raisons suivantes :

Tout d'abord, c'est à juste titre que l'Office du Registre du commerce ne s'est pas contenté de la réquisition d'inscription présentée par le recourant et a cherché à déterminer plus précisément si l'entreprise individuelle de celui-ci disposait d'un établissement à Genève. En effet, il apparaissait d'entrée de cause de la réquisition, qu'hormis une boîte aux lettres (partagée) auprès d'une fiduciaire hébergeant déjà plus de 150 raisons individuelles du même type, la compétence du registre du commerce était douteuse.

Il ressort en effet des principes rappelés ci-dessus, qu'est compétent pour l'inscription d'une raison individuelle le registre du commerce du lieu de son établissement. Comme mentionnée ci-dessus également, l'établissement est le centre de la vie de l'entreprise, soit l'endroit à partir duquel se développe l'activité de l'entreprise.

Il est à ce stade déjà plus que douteux que le centre de vie d'une entreprise puisse être une simple domiciliation auprès d'un tiers qui semble en faire métier.

C'est d'autant plus le cas lorsque l'entreprise est une entreprise du domaine du second œuvre et non une entreprise de services par exemple (p. ex. un avocat). En effet, fonde un établissement d'une telle entreprise, l'existence de locaux propres dans lesquels sont, par exemple, entreposés les matériaux nécessaires à son activité. Une telle configuration n'existe pas en l'espèce.

Par ailleurs, comme l'a retenu l'Office du Registre du commerce, la raison individuelle dont l'inscription est requise n'a aucune attache avec Genève, son titulaire étant domicilié à plusieurs centaines de kilomètres, de sorte que l'on voit mal comment il pourrait y développer son activité et, d'autre part, n'a aucune activité dans ce lieu, comme cela ressort de la réquisition elle-même, l'activité étant censée débuter le 24 avril 2023. De ce point de vue également, il n'y a aucun établissement au sens de la définition légale rappelée plus haut à Genève de sorte que l'Office du Registre du commerce, incompétent ratione loci, ne pouvait pas donner suite à la réquisition déposée.

Le recours sera par conséquent rejeté.

4. Les frais de procédure, fixés à 500 fr., seront mis à la charge du recourant (art. 941 al. 1 CO; art. 3 OEmol-RC; art. 87 LPA).

Il n'y pas lieu à l'allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 26 juillet 2023 par A______ contre la décision rendue par le Registre du commerce le 21 juin 2023.

Au fond :

Le rejette

Sur les frais :

Arrête les frais à 500 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance de frais versée de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Carmen FRAGA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.