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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18496/2020

DAS/297/2023 du 27.11.2023 sur DTAE/2778/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18496/2020-CS DAS/297/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 27 NOVEMBRE 2023

 

Recours (C/18496/2020-CS) formé en date du 24 mai 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), représenté par Me Julie LAURENT, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 4 décembre 2023 à :

- Monsieur A______
c/o Me Julie LAURENT, avocate.
Promenade du Pin 1, 1204 Genève.

- Madame B______
______, ______.

- Madame C______
c/o Me D______, avocat.
______, ______.

- Madame E______
Monsieur F______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) A______ et B______ sont les parents mariés de C______, née le ______ 2003, laquelle est atteinte de trisomie 21, et de G______, née le ______ 2016.

b) Par ordonnance DTAE/502/2021 du 21 janvier 2021, le Tribunal de protection a instauré une curatelle de représentation et de gestion, étendue à tous les domaines, en faveur de C______ et désigné conjointement ses parents, B______ et A______, aux fonctions de curateurs.

c) Le 10 novembre 2022, le Service de protection des mineurs, dans le cadre d’un rapport rendu au sujet de la mineure G______, a signalé la situation de la majeure C______. Il ressortait de ce rapport que la Fondation H______, auprès de laquelle celle-ci exerçait diverses activités en journée, avait dénoncé à la police, début juin 2022, des suspicions de violences sexuelles et physiques sur la jeune fille de la part de son père; une mesure d’éloignement avait été prononcée à l’encontre de celui-ci, lequel avait quitté le domicile conjugal. En mai 2022, les personnes encadrant celle-ci avaient relevé diverses marques sur les bras de la jeune fille, qui leur avait indiqué que son père en était à l'origine. Quelques jours plus tard, elle avait spontanément exposé avoir subi des actes à connotation sexuelle de la part de son père.

d) Par courriel du 20 décembre 2022, le Ministère public a informé le Tribunal de protection qu’une procédure pénale P/1______/2022 avait été ouverte à l’encontre de A______. Cette procédure porte sur les faits susmentionnés, concernant C______, mais également sur des faits commis au préjudice de la mère de celle-ci.

e) Par ordonnance du même jour, le Tribunal de protection a nommé D______, avocat, aux fonctions de curateur d’office de C______ dans le cadre de la procédure ouverte auprès du Tribunal de protection.

f) Dans l’intervalle, le 31 août 2022, B______ a déposé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale auprès du Tribunal de première instance.

g) Le 10 janvier 2023, le Tribunal de protection a désigné, sur mesures superprovisionnelles, D______, avocat, aux fonctions de curateur de substitution, pour représenter C______ dans le cadre de la procédure pénale ouverte à l’encontre de A______, ainsi que dans les procédures administratives et civiles connexes, et l’a invité à rendre un rapport dans un délai d’un mois.

h) Dans son rapport du 28 février 2023, le curateur d’office a préconisé de nommer un curateur au sein du Service de protection de l’adulte (SPAd) et de lui confier la gestion des affaires administratives, juridiques et financières de la personne protégée, en lieu et place de ses parents, lesquels étaient pris dans un conflit majeur suite à leur séparation. Le père n’exerçait, de fait, plus sa fonction de cocurateur, à tout le moins depuis qu’il avait quitté le domicile conjugal, et émettait des craintes que la mère n’utilise les ressources financières de leur fille à des fins personnelles. La mère était décrite par l’assistant social auprès de I______, qui lui apportait son appui, comme parfaitement adéquate, collaborante et soucieuse de veiller aux intérêts de sa fille C______. La mesure préconisée était de nature à contribuer à l’apaisement des relations familiales, dans l’intérêt de la personne concernée, et à éviter tout débat quant à un éventuel conflit d’intérêts dans la gestion des affaires financières de l’intéressée, laquelle percevait des rentes mensuelles totales de 3'725 fr., qui étaient versées sur un compte ouvert à son nom, dont le solde au 31 décembre 2022 s’élevait à 21'995 fr. 34. La collaboration entre les parents étant inexistante, les tâches relevant du bien-être social, de l’assistance personnelle et de la représentation dans le domaine thérapeutique devaient être confiées à la mère, qui semblait la personne la plus à même de veiller aux intérêts de sa fille dans ces domaines, et qui s’occupait de sa prise en charge quotidienne.

B.            Par ordonnance DTAE/2778/2023 du 20 mars 2023, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a rappelé que C______, née le ______ 2003, était sous curatelle de représentation et de gestion avec limitation de l’exercice des droits civil en matière contractuelle par décision du 21 janvier 2021 (chiffre 1 du dispositif), libéré A______ de ses fonctions de curateur (ch. 2), libéré B______ de ses fonctions de curatrice en ce qui concernait les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d’administrer ses affaires courantes (ch. 3), les a dispensés de fournir un rapport final (ch. 4), désigné deux intervenantes en protection de l’adulte aux fonctions de curateurs, avec pouvoir de substitution l’un à l’égard de l’autre (ch. 5), confié aux curateurs visés au chiffre 5 les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d’administrer ses affaires courantes (ch. 6), confié à B______ les tâches de veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et en cas d’incapacité de discernement la représenter dans le domaine médical (ch. 7), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée dans les limites de leur mandat et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 8) et laissé les frais judiciaires à la charge de l’Etat (ch. 9).

En substance, le Tribunal de protection, sur la seule question litigieuse sur recours, a relevé le père de ses fonctions de curateur concernant les tâches relatives au bien-être social et au domaine médical de la personne protégée et a dit qu'elles resteraient confiées à la mère, laquelle vivait avec la protégée, dont elle s’occupait au quotidien.

C.           a) Par acte expédié le 24 mai 2023 à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu’il a reçue le 24 avril 2023, sollicitant l’annulation des chiffres 2, 3 et 7 de son dispositif.

Cela fait, il a conclu à ce que la Chambre de surveillance le libère, de même que B______, de leurs fonctions de curateurs concernant les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d’administrer ses affaires courantes et confie conjointement à A______ et B______ les tâches de veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter dans tous les actes nécessaires dans ce cadre, de veiller à son état de santé, de mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, de la représenter dans le domaine médical, l’ordonnance pouvant être confirmée pour le surplus et les frais de recours laissés à la charge de l’Etat.

Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au Tribunal de protection dans le sens des considérants.

Il a produit des pièces nouvelles.

En substance, il considère qu’il n’existe aucun juste motif pour le relever de ses fonctions de cocurateur dans les domaines du bien-être et de la santé. Aucune pièce du dossier ne permet, selon lui, de retenir qu’il ne serait plus en mesure d’assumer ces tâches aux côtés de son épouse, ni que les tensions entre les époux, consécutives aux procédures en cours, soient telles qu’ils seraient incapables de prendre conjointement des décisions répondant aux besoins de leur fille. Il relève que, bien que la procédure pénale ne semble pas avoir fondé la décision du Tribunal de protection, le Ministère public avait informé les parties, par avis de prochaine clôture de l’instruction du 7 mars 2023, qu’il entendait rendre une ordonnance de classement.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité revoir sa décision.

c) B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’ordonnance attaquée.

d) Le curateur d’office de C______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

Il a fait valoir des faits nouveaux, relevant qu’une audience d’instruction s’était tenue le 1er juin 2023 dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2022 dirigée contre le recourant, lors de laquelle des charges complémentaires lui avaient été notifiées, pour avoir occasionné à sa fille C______ une plaie sur le bras droit durant le week-end du 17 au 19 mars 2023, qu’elle avait passé chez lui. Indépendamment de toute considération liée à la procédure pénale, compte tenu du conflit marqué et des procédures qui les opposaient, le recourant et la mère de la personne protégée n'étaient pas en mesure d’exercer en commun les tâches de représentation de C______ en matière sociale et médicale, le recourant ne contestant pas que la mère de la personne protégée s’en occupait de manière prépondérante. Le SPMi avait relevé que la communication parentale concernant leur fille mineure et C______ était au point mort, les parents communiquant par l’intermédiaire de leurs avocats ou SMS.

EN DROIT

1.             1.1 Les décision de l’autorité de protection de l’adulte peuvent faire l’objet, dans les trente jours, d’un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et 3, 450b CC ; art. 126 al. 3 LOJ ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 450 al. 2 CC).

En l’espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi, devant l’autorité compétente, par le père de la personne concernée par la mesure, également curateur de cette dernière.

Il est, partant, recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l’angle de l’opportunité (art. 450a CC).

2.             Bien qu’il conclut à l’annulation des chiffres 2, 3 et 7 du dispositif de l’ordonnance, le recourant ne conteste pas la relève de ses fonctions de curateur, de même que celles de son épouse, concernant la représentation de la personne sous curatelle dans ses rapports avec les tiers, en matière administrative et financière, acceptant que ces tâches soient confiées à des intervenants du SPad.

Il ne conteste également pas que son épouse soit maintenue dans sa fonction de curatrice de leur fille dans les domaines du bien-être social et médical, mais souhaite demeurer cocurateur à ses côtés. Seule cette question sera dès lors traitée par la Chambre de surveillance.

2.1.1 A teneur de l’art. 400 al. 1 CC, l’autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne ; elle peut nommer plusieurs personnes si les circonstances le justifient (art. 400 al. 1 CC).

Lorsque la curatelle est confiée à plusieurs personnes, celles-ci exercent en commun ou selon les attributions confiées par l’autorité de protection de l’adulte à chacune d’elles (art. 402 al. 1 CC).

Plusieurs personnes ne peuvent cependant être chargées sans leur consentement d’exercer en commun la même curatelle (art. 402 al. 2 CC).

D’après l’art. 403 al. 2 CC, l’existence d’un conflit d’intérêts entraîne de plein droit la fin des pouvoirs du curateur dans l’affaire en cause (art. 403 al. 2 CC).

2.1.2 A teneur de l’art. 423 CC, l’autorité de protection de l’adulte libère le curateur de ses fonctions s’il n’est plus apte à remplir les tâches qui lui sont confiées (al. 1 ch. 1) ou s’il existe un autre motif de libération (al. 1 ch. 2).

Le juge du Tribunal de protection est seul compétent pour prononcer la libération du curateur de ses fonctions (art. 421 à 423 CC) (art. 5 al. 1 let. g LaCC).

L’art. 423 CC permet la libération du mandataire indépendamment de sa volonté. Comme pour l’art. 445 al. 2 aCC, c’est la mise en danger des intérêts de la personne à protéger qui est déterminante et non le fait qu’il y ait eu un dommage ou non (ROSCH, in Commentaire du droit de la famille, Protection de l’adulte, 2013, ad art. 423 CC).

L’autorité de protection dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu, aussi bien lorsqu’elle examine l’aptitude du mandataire (art. 400 CC), que lorsqu’elle le libère pour inaptitude. La notion d’aptitude est relative et doit être appréciée par rapport aux tâches du mandataire. Le mandataire peut aussi être libéré de ses fonctions sur la base d’un autre juste motif. Dans ce cas également, l’accent sera mis sur les intérêts de la personne à protéger (ROSCH, op. cit., ibidem).

L’application de l’art. 423 CC est gouvernée par le principe de proportionnalité. Les autorités de protection doivent exiger une sérieuse mise en danger des intérêts ou du bien-être de la personne protégée pour prononcer la libération du curateur. Dans le cadre de l’application de l’art. 423 al. 1 ch. 2 CC, on pense notamment à la grave négligence dans l’exercice du mandat, à l’abus dans l’exercice de sa fonction, à l’indignité du mandataire et de son comportement. Tous ces motifs doivent avoir pour résultante la destruction insurmontable des rapports de confiance (FASSBIND, Erwachsenenschutz, 202, p. 273).

2.2 En l’espèce, la décision rendue par le Tribunal de protection de libérer le recourant de la curatelle de représentation de sa fille majeure en matière de bien-être social et dans le domaine médical ne souffre aucune critique.

Il n’est en effet pas concevable de maintenir le recourant comme curateur dans ces domaines, eu égard à la procédure pénale ouverte à son encontre, qui, loin d’avoir été classée, a fait l’objet d’un rebondissement, des charges complémentaires lui ayant été notifiées en juin 2023, pour avoir occasionné à sa fille C______ une plaie sur le bras droit en mars 2023.

Indépendamment de cette problématique, il n'est pas possible de maintenir les parents de la personne protégée aux fonctions de cocurateurs. Outre le fait qu'il n'est pas utile de confier cette tâche à deux personnes, la communication entre eux est dorénavant inexistante. Le recourant ne peut, en effet, être suivi lorsqu'il prétend que les tensions entre les époux, consécutives aux procédures en cours (civile et pénale), ne sont pas telles qu’ils seraient incapables de prendre conjointement des décisions répondant aux besoins de leur fille. Tant le curateur d'office que le SPMi dans le rapport d'évaluation sociale rendu dans le cadre de la procédure de leur fille mineure, ont constaté l'absence de contacts entre eux, relevant qu'ils ne communiquaient que par avocats interposés et SMS. La personne protégée étant atteinte de trisomie, il est nécessaire de porter à son bien-être social et à son état de santé une attention toute particulière, sans prendre le risque de décisions contradictoires, de sorte qu'une seule personne doit être désignée à ces tâches. Le recourant ne contestant pas que la mère de leur fille majeure, qui habite avec cette dernière, s'en occupe au quotidien, elle apparaît la personne la plus apte à assumer sa représentation dans les domaines du bien-être et de la santé.

Infondé, le recours sera rejeté.

3.             Les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., seront laissés provisoirement à la charge de l'Etat, le recourant plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 24 mai 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/2778/2023 rendue le 20 mars 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/18496/2020.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais:

Met les frais de recours, arrêtés à 400 fr., à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, celui-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.