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Décisions | Chambre de surveillance

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C/14967/2022

DAS/271/2023 du 31.10.2023 sur DTAE/9269/2022 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14967/2022-CS DAS/271/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 31 OCTOBRE 2023

 

Recours (C/14967/2022-CS) formé en date du 6 avril 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Geneviève CARRON, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 9 novembre 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Geneviève CARRON, avocate
Rue du Mont-de-Sion 12, 1206 Genève.

- Madame B______
Madame C______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, à :

- Maître D______
______, ______.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/9269/2022 rendue le 9 novembre 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte aux fonctions de curateurs (ch. 2), en les chargeant de la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes, de veiller à son bien-être social et de la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, de veiller à son état de santé, de mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, de la représenter dans le domaine médical (ch. 3), en les autorisant à prendre connaissance de sa correspondance, dans les limites du mandat, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 4), et a mis les frais judiciaires à la charge de l'Etat (ch. 5).

B. a) Par acte expédié le 6 avril 2023, A______ a recouru contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le 7 mars 2023. Elle conclut à son annulation et à ce qu'il soit dit qu'elle ne remplit pas les conditions pour prononcer une mesure de curatelle de représentation et de gestion, sous suite de frais et dépens, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal de protection pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Elle requiert, à titre préalable, l'audition des parties et des Drs E______ et F______.

Elle a déposé des pièces nouvelles.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a) A______, née le ______ 1966, est la mère de la mineure G______, née le ______ 2006.

A______ s'est séparée du père de sa fille lorsque celle-ci avait trois ans. Depuis lors, elle assume seule la garde de sa fille, le père exerçant régulièrement son droit de visite.

La mineure G______ fréquente le Collège H______ en option bilingue. Elle est en contact avec la conseillère sociale de l'établissement.

b) A______ a rencontré d'importantes difficultés financières.

Elle fait l'objet de nombreuses poursuites en cours, de 154 actes de défaut de biens pour un montant de plus de 250'000 fr.

Elle n'est pas connue des services de prestations complémentaires ou d'assurances sociales.

Elle a accumulé du retard dans le paiement de son loyer, qui a conduit à une procédure devant la juridiction des baux et loyers.

c) La situation de A______ a été signalée au Tribunal de protection par une collaboratrice de l'Hospice général le 3 août 2022.

L'Hospice avait cessé d'aider A______ depuis le mois d'octobre 2021 et ne parvenait plus à apporter à cette dernière l'aide dont elle avait besoin en raison des difficultés de collaboration. Depuis le début de l'intervention de l'Hospice, en juin 2014, A______ ne se présentait pas régulièrement aux rendez-vous, ne fournissait pas les documents demandés ni n'entreprenait les démarches requises. Entre 2016 et 2017, elle avait obtenu un logement plus grand mais avait omis de résilier le bail de son ancien logement tout en cessant d'en payer le loyer. Elle avait falsifié des quittances présentées mensuellement à son assistante sociale. L'Hospice général était ensuite resté sans nouvelles de sa part entre décembre 2020 et mai 2021. Dès le mois de juin 2021, l'Hospice général avait tenté d'organiser une visite domiciliaire, mais l'intéressée n'avait pas donné suite aux différentes tentatives de contacts ni aux convocations formelles. Une décision d'arrêt d'aide lui avait été notifiée en mains propres en novembre 2021, mais elle n'avait entrepris aucune démarche pour réactiver son droit aux prestations ni donné suite aux demandes de visite domiciliaire par la suite. Une procédure était en cours par-devant la juridiction des baux et loyers vu que son loyer était impayé depuis octobre 2021. L'Hospice général ne parvenait pas à déceler la problématique à l'origine de l'incapacité de A______ à collaborer et était inquiet, notamment en raison de la présence de la fille mineure qui vivait avec elle.

d) Le 17 août 2022, D______, avocate, a été désignée en qualité de curatrice de représentation d'office de A______ pour la présente procédure de protection.

Dans son rapport établi le 16 septembre 2022 à l'intention du Tribunal de protection, D______ a relevé que A______ possédait sa capacité de discernement, ne souffrait pas de troubles psychiques, de déficience mentale ni d'un état de faiblesse pouvant affecter sa condition personnelle, qu'elle avait un besoin évident d'aide financière, mais que l'institution d'une curatelle n'apparaissait pas nécessaire, les conditions prévues par l'art. 390 CC n'étant pas remplies.

e) Dans son rapport établi le 5 janvier 2023, le Service de protection des mineurs a indiqué n'avoir pas pu visiter le logement de A______, ne pas comprendre les réticences de celle-ci quant à la visite de son logement sollicité par les différents organismes sociaux et n'être en conséquence pas en mesure de se déterminer sur d'éventuelles mesures de protection à prendre en faveur de la mineure G______.

Dans son courrier du 20 février 2023, le Service de protection des mineurs a indiqué qu'il avait pu visiter le logement de A______ le 30 janvier 2023, que l'appartement était adéquat pour une vie de famille avec une adolescente, que A______ avait indiqué avoir souffert de la situation de précarité dans laquelle elle s'était trouvée avec l'arrêt des prestations de l'Hospice général, mais qu'elle percevait à nouveau les aides sociales depuis l'intervention de son avocat et de la conseillère sociale du Collège H______. Cette dernière était investie dans le suivi social de la mineure et de sa mère. Au terme de son évaluation, le Service de protection des mineurs a estimé qu'il n'y avait pas lieu de prononcer des mesures de protection en faveur de la mineure G______.

Le Tribunal de protection a renoncé à prendre des mesures de protection en faveur de la mineure G______.

f) Le Tribunal de protection a tenu une audience en date du 9 novembre 2022.

L'assistante sociale de l'Hospice général ne s'est pas présentée à l'audience.

La curatrice de représentation d'office a indiqué n'avoir pas pu joindre l'assistante sociale de l'Hospice général. Elle avait eu des contacts avec une collaboratrice du Service de protection des mineurs, qui lui avait expliqué que A______ avait manqué plusieurs rendez-vous à son domicile.

A______ a déclaré ne s'être jamais opposée à une visite domiciliaire. Elle avait dû annuler deux ou trois rendez-vous pris à cet effet en raison du décès de sa sœur ou de problèmes de santé. Elle avait bien reçu un avertissement de l'Hospice général lui indiquant qu'il serait mis fin aux prestations qui lui étaient versées, elle avait préparé tous les documents à fournir mais la décision mettant fin à ses prestations avait été rendue avant qu'elle ait pu les remettre. Elle était désormais à jour avec le versement de son loyer, avec l'aide de la Fondation I______. Son médecin psychiatre pensait lui prescrire un médicament anxiolytique, mais elle voulait d'abord vérifier avec son médecin traitant en faisant un bilan de santé.

g) Il ressort des pièces produites par A______ dans la procédure de recours qu'elle a, en juin 2022, avec l'aide d'un avocat de [l'association] J______, obtenu l'aide de la Fondation I______ pour la régularisation de sa situation envers son bailleur, qu'une demande d'allocation-logement, redéposée le 3 mars 2023 après un refus du 16 novembre 2022, a été acceptée par l'Office cantonal de la planification foncière en date du 17 mars 2023, qu'elle a effectué sa déclaration fiscale 2022 et qu'une demande a été effectuée le 6 février 2023 en vue d'obtenir une bourse ou un prêt d'études en faveur de sa fille.

h) A______ est suivie par la Dre E______, médecin spécialiste FMH en médecine interne, depuis octobre 2022, ainsi que par le Dr F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Dans son attestation du 9 mars 2023, la Dre E______ a indiqué que A______ se présentait à tous les rendez-vous, comprenait les décisions prises concernant son état de santé, était suivie psychologiquement par le Dr F______; son état psychologique semblait tout à fait contrôlé et dans ce contexte, il ne lui semblait pas nécessaire que sa patiente soit mise sous curatelle.

Le 3 avril 2023, Dr F______ a attesté que A______, qui était régulièrement suivie à sa consultation, n'avait pas d'affection psychiatrique l'entravant dans sa capacité à gérer ses affaires et ses biens.

D. Dans la décision entreprise, le Tribunal de protection a retenu que A______ s'était montrée incapable de collaborer avec l'Hospice général depuis plusieurs années, et que son inaction avait conduit à la cessation de l'aide financière et à la résiliation du bail de son logement. L'intéressée ne parvenait pas à gérer ses affaires administratives et financières et se trouvait ainsi dans une situation de surendettement. Elle refusait par ailleurs de collaborer avec le Service de protection des mineurs, qui n'avait pu visiter son logement, ce qui laissait craindre une potentielle mise en danger de sa fille mineure. Elle avait également refusé la médication que son médecin psychiatre lui avait proposée. Sur la base de ces éléments, le Tribunal de protection considérait qu'elle n'était pas en mesure de sauvegarder ses intérêts de manière générale, de sorte qu'il convenait d'adopter des mesures de protection afin d'éviter une détérioration de sa situation, dans la mesure où elle risquait de se trouver dans un état d'abandon indéniablement préjudiciable à sa fille. Le Tribunal de protection a renoncé à mettre en œuvre une expertise psychiatrique, qu'il estimait vaine en raison du refus de collaboration de l'intéressée.

EN DROIT

1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Formé dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi, devant l'autorité compétente et par la personne placée sous curatelle, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2. Les pièces nouvellement déposées devant la Chambre de céans par le recourant sont recevables, dans la mesure où l'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450 f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne prévoit aucune restriction en cette matière.

3. La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir institué une curatelle de représentation en procédant à une constatation erronée des faits et en contrevenant aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

3.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

L'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (art. 390 al. 1 ch. 1 CC). Elle détermine, en fonction des besoins de la personne concernée, les tâches à accomplir dans le cadre de la curatelle (art. 391 al. 1 CC). Ces tâches concernent l'assistance personnelle, la gestion du patrimoine et les rapports juridiques avec les tiers (art. 391 al. 2 CC). Sans le consentement de la personne concernée, le curateur ne peut prendre connaissance de sa correspondance ni pénétrer dans son logement qu'avec l'autorisation expresse de l'autorité de protection de l'adulte (art. 391 al. 3 CC).

Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC).

3.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de la recourante en retenant qu'elle se montrait incapable de collaborer avec l'Hospice général depuis plusieurs années, qu'elle ne parvenait pas à gérer ses affaires administratives et financières et se trouvait ainsi dans une situation de surendettement.

La recourante a fait l'objet de plusieurs actes de défaut de biens et a accumulé du retard dans le paiement de son loyer, conduisant à une procédure par-devant la juridiction des baux et loyers. L'Hospice général a mis fin à ses prestations en raison de l'absence de collaboration de sa part pour procéder à une visite de son domicile et pour effectuer des démarches administratives.

Ces éléments font certes ressortir que la recourante a rencontré des difficultés pour gérer ses affaires administratives et financières. Ils ne suffisent en revanche pas pour instaurer la mesure de curatelle sans avoir au préalable entendu l'assistante sociale de l'Hospice général ayant signalé la situation de la recourante au Tribunal de protection ou interpellé ses médecins en vue d'investiguer son état de santé. Cela étant, il s'avère au regard des pièces produites par la recourante à l'appui de son recours qu'elle est parvenue à régulariser sa situation à l'égard de son bailleur en obtenant, avec l'aide d'un avocat de J______, une aide financière de la Fondation I______ ainsi qu'une allocation-logement, et qu'elle a effectué les démarches nécessaires afin que sa fille puisse percevoir une bourse d'études. Son médecin psychiatre a par ailleurs attesté qu'elle ne souffrait d'aucune affection psychiatrique l'entravant dans sa capacité à gérer ses affaires et ses biens, et son médecin interniste a estimé que l'état psychologique de sa patiente lui semblait tout-à-fait contrôlé et qu'aucune mesure de curatelle n'apparaissait nécessaire.

Ces éléments ne permettent pas de retenir que la recourante souffre d'un trouble psychique, d'une déficience mentale ou d'un état de faiblesse, ni qu'elle est dans l'incapacité de trouver l'aide dont elle a besoin. Les conditions posées par les art. 390, 391 et 394 pour l'institution d'une curatelle de représentation et de gestion ne sont ainsi pas réalisées. Il y a en conséquence lieu d'annuler l'ordonnance entreprise et de dire qu'en l'état, la recourante ne remplit pas les conditions pour prononcer une mesure de curatelle de représentation et de gestion.

4. Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l’Etat, compte tenu de son issue. Il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens à la charge de l’Etat, non prévus par le CPC (art. 107 al. 2 CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 6 avril 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/9269/2022 rendue le 9 novembre 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/14967/2022.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Dit qu'en l'état, A______ ne remplit pas les conditions pour prononcer une mesure de curatelle de représentation et de gestion.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat et dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.