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Décisions | Chambre de surveillance

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C/29872/2009

DAS/262/2023 du 24.10.2023 sur DTAE/7708/2023 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.426
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29872/2009 DAS/262/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 24 OCTOBRE 2023

 

Recours (C/29872/2009-CS) formé en date du 16 octobre 2023 par Monsieur A______, actuellement hospitalisé à la Clinique B______, Unité C______, sise ______ (Genève), représenté par Me Robert ASSAEL, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 octobre 2023 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Robert ASSAEL, avocat
Rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12.

- Maître D______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

- Direction de la Clinique B______
______, ______.

 


EN FAIT

A.                a) A______, d'origine polonaise, est né en Israël le ______ 1955. Il a acquis la nationalité suisse en 1972. Il est divorcé, sans enfant, et sous curatelle de portée générale de D______, avocat. Il est bénéficiaire d'une rente de l'assurance-invalidité à 100% et a fait un héritage important.

b) Connu pour un trouble bipolaire depuis de nombreuses années, il a été hospitalisé à une vingtaine de reprises à la Clinique B______ de manière volontaire ou non volontaire, la première fois en 1980, puis régulièrement depuis 1996, soit pour des épisodes maniaques, soit pour des épisodes dépressifs.

Sa dernière hospitalisation non volontaire date du 5 avril 2018, la décision médicale y relative ayant été prolongée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) le 8 mai 2018.

Le 24 septembre 2021, ledit Tribunal a prononcé un sursis à l'exécution du placement, moyennant conditions. Depuis, A______ vit seul dans une résidence pour personnes âgées, les E______.

Par décision du 3 mars 2023, le Tribunal de protection, constatant qu'à ce jour l'intéressé était compliant au traitement qui lui était prodigué et que son état était suffisamment stable, a prononcé la levée du placement institué le 5 avril 2018.

c) En août 2023, A______ a envoyé au Tribunal de protection, plus précisément à la présidente F______, à des médecins et à la directrice des E______, de nombreux courriels inappropriés, se plaignant notamment d'être victime de faux témoignages, faux diagnostiques, maltraitance et actes de torture.

d) A______ a été adressé à la Clinique B______, Unité C______, le 28 septembre 2023, pour un placement aux fins d'assistance par le Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie de l'âgé (CAPPA), pour une décompensation maniaque en rupture de traitement depuis le 22 septembre 2023.

L'infirmier chargé des soins à domicile en charge de A______ décrivait une rupture des soins depuis plusieurs jours, des troubles de l'élocution, des dyskinésies et un épisode d'énurésie. Le lendemain, il criait dans les couloirs de la résidence, se montrait grossier et menaçant vis-à-vis des intervenants.

Il résulte du plan de prise en soin des Hôpitaux universitaires de Genève du 29 septembre 2023, qu'outre la participation à des entretiens thérapeutiques et des ateliers, le traitement médicamenteux consiste en la reprise du traitement du trouble bipolaire, soit du Lithium et de l'acide valproïque 2 fois par jour ainsi que du Xanax, 3 fois par jour. Le plan de traitement n'avait pas été accepté par le patient.

e) Le même jour, A______ a fait recours contre ce placement.

f) Le 29 septembre 2023, le Tribunal de protection a ordonné une expertise psychiatrique de l'intéressé, afin de déterminer si son hospitalisation s'imposait encore.

g) Le 4 octobre 2023, les Dr G______, et H______, toutes deux psychiatres FMH et respectivement médecin ______ [fonction] et médecin ______ [fonction] de l'Unité de psychiatrie légale, Centre CURML-HUG, ont rendu leur rapport d'expertise.

Les experts ont constaté une thymie élevée. L'expertisé était désinhibé. Le discours était logorrhéique, difficile à recadrer et circonvolutoire. On notait une désorganisation de la pensée et des réponses à côté. Il n'y avait pas d'idées suicidaires. L'expertisé exprimait spontanément une augmentation de sa libido avec le recours fréquent à des prostituées, de manière parfois non protégée. Il chantait pendant la nuit. Les experts ont constaté la présence d'éléments délirants de persécution et mégalomaniaques, non critiqués, à mécanisme intuitif et interprétatif.

Les experts parviennent à la conclusion que l'expertisé souffre actuellement d'une décompensation maniaque sur rupture thérapeutique. Son placement aux fins d'assistance était justifié et se justifiait encore afin de remettre en place un traitement thymorégulateur de fond et de réinstaurer un suivi ambulatoire. En l'absence de placement, son état clinique empirerait très probablement. Il existait un risque de mise en danger du patient, par des conduites à risques, sur le plan sexuel et financier notamment.

h) Lors de l'audience du Tribunal de protection du 5 octobre 2023, A______ a déclaré que les soignants du CAPPA n'avaient pas d'empathie pour lui, ni pour la Shoah. S'il pouvait sortir de la Clinique B______, il était disposé à prendre le traitement qui lui était prescrit et à être suivi par un psychiatre à I______ [GE].

Le Dr J______, médecin adjoint à la Clinique B______, a indiqué que A______ était plus compliant au traitement, qu'il prenait avec négociation, et plus calme. Il avait des idées de grandeur, souhaitant manger avec Poutine et Biden. Il existait une tachypsychie, une logorrhée et une graphorrhée. L'hospitalisation était toujours nécessaire car l'alliance thérapeutique n'était pas solidement établie et le patient était en état d'excitation psychique. A______ ne se mettait pas en danger actuellement, ni autrui. Il avait parfois des propos désagréables, mais pas de gestes hétéro-agressifs. Les faits décrits dans la décision de placement ne s'étaient pas reproduits, étant précisé que le patient se trouvait dans un cadre protecteur.

L'avocat de A______ a fait valoir que les mises en danger relevées dans l'expertise n'étaient pas étayées. Son client était compliant au traitement. Le placement devait être levé sans délai.

i) A l'issue de l'audience, le Tribunal de protection a rendu la décision DTAE/7708/2023 du 5 octobre 2023 et a rejeté le recours formé par A______ contre la décision médicale du 28 septembre 2023 ordonnant son placement à des fins d'assistance.

Cette décision a été communiqué aux parties et intervenants à la procédure par pli recommandé du même jour.

B.                 a) Le 16 octobre 2023, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 5 octobre 2023, concluant principalement à ce que la Chambre de surveillance de la Cour de justice l'annule et mette immédiatement fin au placement, avec suite de frais.

b) La juge déléguée de la Chambre de céans a tenu une audience le 23 octobre 2023, lors de laquelle ont été entendus A______, assisté de son avocat, ainsi que le Dr K______, médecin spécialiste chargé du suivi de A______ à la Clinique B______.

Ce dernier a persisté dans son recours. Il estimait avoir été placé à la Clinique B______ en raison d'une expertise arbitraire, comme celle dont il avait fait l'objet par le passé. Il était molesté et torturé par l'équipe soignante. Il était menacé de mort par des patients de la Clinique B______. Il ne souffrait pas d'un trouble bipolaire, ce diagnostic ancien était erroné. Les médecins essayaient de le tuer avec des médicaments inappropriés qui aggravaient son état, notamment le Lithium, ce que plusieurs personnes pouvaient confirmer. Il voyait épisodiquement des prostituées, avec lesquelles il entretenait des rapports protégés. Il était disposé à retourner habiter aux E______ à sa sortie de la Clinique B______ et d'accord de bénéficier d'un suivi de la part du L______ [institut de soins à domicile].

Le Dr K______, délié de ses secrets de fonction et médicaux, a confirmé le diagnostic de trouble bipolaire. Le placement était motivé par une décompensation maniaque de A______ qui souffrait de troubles de la logorrhée, de tachypsychie et de graphorrhée au début de son internement. Ces aspects s'étaient améliorés assez rapidement mais les idées délirantes de persécution et l'anosognosie subsistaient. Le traitement médicamenteux consistait en Lithium et Valproate.

Le patient avait fugué à deux reprises, la première fois une semaine après son admission, pour une durée de 24 heures, et la seconde 10 jours avant l'audience, pour 4 jours. Lors de cette deuxième fugue, il avait dormi dehors, à la gare, et n'avait pas pris son traitement. Il s'était finalement présenté à la police qui l'avait ramené à la Clinique B______. Il était très affaibli, diminué, affamé et déshydraté et avait attrapé le COVID. En raison de cet état physique diminué, A______ était plus calme psychiquement. Cependant, 48 heures plus tard, il se retrouvait en état de décompensation maniaque, comme au moment de son hospitalisation.

Selon ce médecin, le placement était toujours justifié. L'état du patient n'était pas stabilisé. La désorganisation comportementale de celui-ci était susceptible de mettre son intégrité physique en danger, étant précisé que le patient n'avait que peu d'autonomie et marchait avec un déambulateur. Ce risque s'était d'ailleurs réalisé lors de la deuxième fugue. En cas de sortie précoce, il existait un risque d'effet rebond de décompensation maniaque avec un retour des symptômes ayant provoqué l'hospitalisation. Par contre, les risques de nature sexuelle et financière évoqués dans l'expertise n'étaient plus actuels, étant précisé que l'intéressé bénéficiait d'un curateur.

Une sortie de A______ pouvait être envisagée dans un délai variant entre deux et trois semaines. Une levée du placement impliquait la stabilisation de l'état du patient, qui n'était pas acquise en l'état et sa re-compensation. Il faudrait également mettre en place des mesures permettant de s'assurer du suivi du traitement médicamenteux. Des mesures de surveillance pourraient être ordonnées par le Tribunal de protection par exemple, comme cela s'était déjà produit par le passé pour le même patient.

Le curateur du recourant s'est rapporté à l'avis des médecins et à justice au sujet du recours. Depuis la précédente hospitalisation non volontaire de son pupille, une infirmière du L______ venait tous les jours à l'EMS où il résidait pour s'assurer qu'il prenait son traitement. Ce système avait bien fonctionné pendant deux ans, mais, vers la fin de l'été, l'intéressé avait cessé de collaborer et avait interrompu le traitement, ce qui avait provoqué une dégradation de son état. Le L______ ne voulait pour le moment plus entendre parler de ce patient car la fin de la relation s'était mal passée en raison du comportement de celui-ci. Un encadrement impliquant le CAPPA avait été mis en place mais A______ n'avait pas tenu les engagements pris. Son état s'était rapidement dégradé, ce qui avait motivé le placement.

L'avocat du recourant a plaidé et a persisté dans les conclusions principales de son recours. Il a conclu subsidiairement à ce que la Chambre de céans lève le placement sur présentation d'un engagement du L______ de reprendre le suivi de A______ lorsqu'il aura réintégré les E______.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

 

EN DROIT

1.                  Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de 10 jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

2.                  Le recourant conteste son placement à des fin d'assistance. Il a fait valoir dans son recours qu'il n'existait pas de risque de mise en danger sur les plans financier ou sexuel. Les aspects financiers de sa vie étaient gérés par son curateur. Le Dr J______ avait attesté devant le Tribunal de protection du fait qu'il ne se mettait pas en danger et ne menaçait pas la sécurité d'autrui. Il était d'accord de prendre ses médicaments, de sorte qu'il n'y avait plus de rupture thérapeutique.

2.1 Aux termes de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peut lui être fourni d'une autre manière (al. 1). La personne concernée est libérée dès que les conditions de placement ne sont plus remplies (al. 3).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (Meier/Lukic, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).

2.2 En l'espèce, il est établi, sur la base notamment des multiples expertises figurant au dossier, dont la dernière a été rendue le 4 octobre 2023, que le recourant souffre d’un trouble affectif bipolaire depuis de nombreuses années, trouble dont il est anosognosique, ce qui le rend peu compliant au traitement médical prescrit.

Son hospitalisation du 28 septembre 2023 a été rendue nécessaire en raison d'une nouvelle décompensation maniaque. Les experts ont confirmé, le 4 octobre 2023, que, en l'absence de placement, l'état clinique du recourant empirerait et qu'il existait un risque de mise en danger de son intégrité physique. Lors de l'audience du 24 octobre 2023, le Dr K______ a attesté de ce que l'état du recourant n'était actuellement pas stabilisé et que, si le placement était levé maintenant, il cesserait de prendre son traitement, ce qui provoquerait un risque pour son intégrité physique.

L'exactitude de ces observations a été corroborée par la dégradation importante de l'état de santé du recourant provoquée par sa deuxième fugue de la Clinique B______, lors de laquelle il a cessé tout traitement.

Le recourant a d'ailleurs confirmé lors de l'audience de la Chambre de céans du 23 octobre 2023 qu'il n'estimait pas souffrir d'un trouble bipolaire, ce qui atteste qu'il ne reconnaît toujours pas la réalité de sa maladie.

Même si les risques de nature sexuelle et financière mentionnés par les experts ne semblent en l'état plus être d'actualité, le risque d'atteinte à la santé du recourant, en cas de levée immédiate de la mesure, est ainsi réel et important, puisque tout laisse penser qu'il interromprait alors immédiatement son traitement, qu'il estime inutile. Une telle interruption provoquerait une dégradation de son état physique et psychique mettant son intégrité en danger.

L'assistance dont le recourant a besoin ne peut pas pour le moment lui être fournie de manière ambulatoire. Les mesures de soutien qui avaient été mises en place avant le placement, avec la participation de plusieurs institutions sociales comme le CAPPA et la L______, n'ont pas été suffisantes, puisqu'elles n'ont pas permis d'éviter une nouvelle décompensation maniaque du recourant due à son absence de compliance avec le traitement.

A ce jour, seule une hospitalisation à la Clinique B______ est susceptible de protéger le recourant contre les risques d'atteinte à sa santé qu'il encourt en raison de sa maladie.

Le placement à des fins d'assistance était ainsi justifié au moment de son prononcé, et il l'est toujours à l'heure actuelle.

L'ordonnance querellée sera par conséquent confirmée.

2.3 Enfin, la Clinique B______, qui dépend du Département M______ de Genève, constitue, sous l'angle de son organisation, de ses moyens, du personnel mis à disposition et de la formation de celui-ci, toujours l'institution la plus appropriée pour apporter au recourant les soins nécessaires dont il a besoin, au sens de l'art. 426 al. 1 CC.

2.4 Il en résulte que le recours est infondé et sera donc rejeté.

3.                  La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 16 octobre 2023 par A______ contre la décision DTAE/7708/2023 rendue le 5 octobre 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/29872/2009.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, présidente par interim; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Monsieur Patrick CHENAUX, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.