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Décisions | Chambre de surveillance

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C/13547/2022

DAS/175/2023 du 10.07.2023 sur DTAE/1855/2023 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13547/2022-CS DAS/175/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 10 JUILLET 2023

 

Recours (C/13547/2022-CS) formé en date du 17 avril 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par Me Innocent SEMUHIRE, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 19 juillet 2023 à :

- Monsieur A______
c/o Me Innocent SEMUHIRE, avocat.
Rue du Conseil-Général 8, 1205 Genève.

- Madame B______
Monsieur C______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/1855/2023 du 1er février 2023, communiquée aux parties le 16 mars 2023, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, né le ______ 1986, de nationalité brésilienne (ch. 1 du dispositif), désigné deux intervenants du Service de protection de l’adulte (SPAd) aux fonctions de curateurs et dit qu’ils pouvaient se substituer l’un à l’autre dans l’exercice de leur mandat, chacun avec les pleins pouvoirs de représentation (ch. 2), confié aux curateurs les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes, de veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, de veiller à son état de santé, de mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, de la représenter dans le domaine médical (ch. 3), privé la personne concernée de l’accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont elle est ayant-droit économique, et révoqué toute procuration établie au bénéfice de tiers (ch. 4), autorisé les curateurs à prendre connaissance de sa correspondance, dans les limites du mandat, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 5), déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours et laissé les frais judiciaires à la charge de l’État (ch. 6 et 7).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que A______ n'avait pas la capacité d'assurer la sauvegarde de ses intérêts du fait notamment des séquelles dues à un grave traumatisme cranio-cérébral avec troubles mnésiques et exécutifs, couplés avec une dépendance au cannabis et des comportements parfois violents à l'égard de sa mère qui assurait jusqu'alors son soutien et son assistance au quotidien.

B. Par acte du 17 avril 2023, A______ a recouru contre ladite ordonnance, concluant à l'annulation des chiffres 2 à 6 de son dispositif et à la désignation de sa mère à la fonction de curatrice. Il prend en outre la conclusion suivante :"veiller à ce que la curatrice reçoive les instructions, les conseils et le soutien dont elle a besoin pour accomplir ses tâches".

Il se plaint d'une violation de l'art. 401 CC et d'un déni de justice, dans la mesure où il a proposé sa mère comme curatrice, qu'elle a accepté cette charge et qu'il n'existe aucun conflit d'intérêt entre eux. Il fait par ailleurs grief au Tribunal de protection d'avoir rendu une décision inopportune dans la mesure où son médecin traitant considère que sa mère est capable de s'occuper de lui, notamment au niveau administratif et de la gestion, ainsi que relativement à son bien-être et à sa santé, moyennant l’aide de D______ et d'autres services sociaux déjà en soutien.

Il avait requis la restitution de l'effet suspensif au recours, accordée par décision du 12 mai 2023 du Président de la Chambre de surveillance.

Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Suite à un rapport de renseignements de la Police du 27 juin 2022, faisant état d'un conflit avec violences entre A______, né le ______ 1986, de nationalité brésilienne et sa mère, et à la demande d'aide de cette dernière afin que son fils, en situation de handicap, soit pris en charge dans une institution spécialisée, se disant à bout de force, le Tribunal de protection a ouvert la présente procédure.

b) L'enquête administrative diligentée a relevé l'absence de mandat pour cause d'inaptitude enregistré par l'intéressé et l'absence de poursuites ou d'acte de défaut de biens inscrit à son nom dans le canton de Genève, mais les nombreuses poursuites dont fait l'objet sa mère, selon extrait du registre des poursuites du 20 juillet 2022.

Il en est ressorti en outre que l'intéressé avait été mis au bénéfice d'une allocation pour impotence de degré moyen dès le 1er janvier 2021 de l'assurance-invalidité et était aidé par l'Hospice général.

c) Le 20 septembre 2022, le curateur d'office désigné à l'intéressé le 7 septembre 2022, relevait le besoin d'assistance et de protection de son protégé en raison d'une paraplégie résultant d'un accident de moto survenu en 2011, à laquelle s'ajoutait une dépendance au cannabis, qui compromettait son accueil dans plusieurs structures et compliquait ses rapports avec sa mère, laquelle s'occupait de lui quotidiennement et s'avérait fatiguée par la situation.

d) Lors de l'audience tenue le 21 septembre 2022 par le Tribunal de protection, l'intéressé a expliqué qu'il comprenait un peu le français mais ne le parlait pas, n'avait pas d'amis et était d'accord d'aller en clinique pour tenter d'arrêter le cannabis. Sa mère, entendue lors de la même audience, avait expliqué au Tribunal de protection qu'elle gérait les affaires de son fils, qu'elle se chargeait, en outre, avec D______ de ses soins quotidiens, le précité ne pouvant pas marcher ni se laver, et que le foyer de E______, où il se rendait en atelier protégé quatre jours par semaine, avait, avec l'ergothérapeute, fait des démarches pour trouver une résidence à l'intéressé, étant relevé qu'elle souhaitait que son fils et elle-même aient, chacun de leur côté, une vie normale. Quant au curateur d'office, il a expliqué que la Dre F______, spécialiste FMH en médecine interne générale, avait pour projet un sevrage en clinique suivi d'un accueil de son patient dans un foyer.

e) Par certificat médical du 6 décembre 2022, la Dre F______ a attesté que son patient souffrait de séquelles d'un traumatisme crânio cérébral sévère avec troubles mnésiques et exécutifs, qu'il était anosognosique de ses difficultés cognitives, qu'il n'avait pas d'autre suivi, notamment psychiatrique, que ses affaires étaient intégralement gérées par sa mère, qui s'en occupait très bien et souhaitait être sa curatrice, qu'il avait besoin d'une aide complète pour l'hygiène, le ménage et la préparation des repas, qu'il était partiellement collaborant sur le plan médical et qu'il n'avait jamais agi de manière contraire à ses intérêts sous l'influence de personnes malintentionnées mais était à risque d'une mise en danger à domicile ou sur la voie publique.

f) Par rapport à l'adresse du Tribunal de protection du 13 janvier 2023, le curateur d'office a exposé que malgré la bonne volonté de la mère du recourant, celle-ci était souvent dépassée par la situation et n'avait pas les compétences nécessaires pour effectuer les démarches pour sauvegarder les intérêts de son fils.

Suite à quoi la décision querellée a été rendue.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant sont susceptibles de faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450 al. 1 et 450b al. 1 CC, 53 al. 1 et 2 LaCC, 126 al. 3 LOJ).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC). Disposent notamment de la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches (art. 450 al. 2 ch. 1 et 2 CC).

1.2 En l'espèce, interjeté auprès de l'autorité compétente dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi, par une partie à la procédure, le recours est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit, et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a al. 1 CC).

Les maximes inquisitoire et illimitée d'office sont applicables, de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

2. Le recourant ne remet pas en cause le prononcé de la mesure de protection.

Il souhaite que sa mère soit désignée curatrice en lieu et place des intervenants du SPAd nommés. Le Tribunal de protection ne l'a pas retenue en raison non seulement des poursuites auxquelles elle fait face, mais également en raison d'un potentiel conflit d'intérêts.

2.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membres d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC). Si l'autorité de protection est en principe tenue de retenir le curateur de confiance proposé par la personne concernée lorsqu'il répond aux qualifications requises. S'ils possèdent les qualifications voulues, les parents ou d'autres proches, peuvent être choisis en qualité de curateur (Häfeli, in CommFam Protection de l'adulte, 2013, n. 3 ad art. 401 CC).

2.2 En l'espèce, il ressort de l'instruction menée par le Tribunal de protection qu'une mesure de protection doit être prononcée. Celle-ci l'a été. Elle n'est pas contestée.

Force est toutefois de constater avec le recourant que la question de la personne qui devait être désignée pour exercer ce mandat n'a pas été examinée avec suffisamment d'attention.

Comme mentionné plus haut, le Tribunal de protection a retenu que la mère du recourant ne pouvait pas exercer le mandat de curatelle de son fils, alors qu'elle le pratique depuis dix ans dans les faits, notamment pour des motifs de conflit d'intérêts. Or, ce motif ne ressort aucunement de la procédure. De plus, le Tribunal de protection n'a pas retenu que la mère du recourant pourrait être dépassée par la situation, comme le mentionne le curateur d'office, ou subir des accès de violence de son fils, comme indiqué par le rapport de police. On doit en déduire que ces éléments ne justifiaient pas de s'écarter de la proposition faite par la personne concernée que le mandat soit exercé par sa mère.

Le Tribunal de protection a en outre retenu que la mère du recourant n'était pas apte du fait de ses propres nombreuses poursuites. Si cela entre évidemment en ligne de compte dans l'appréciation de l'aptitude, l'on doit relever que le dossier enseigne que le recourant n'est quant à lui, et suite à la gestion de ses affaires par sa mère durant une décennie, sujet d'aucune poursuite. Au vu de la situation tout à fait particulière de la présente procédure, le recourant étant polyhandicapé et vivant seul avec sa mère, une analyse plus fine de la situation était nécessaire.

Enfin, s'il ressort du procès-verbal de l'audience du Tribunal de protection que la mère du recourant a déclaré s'occuper des affaires de celui-ci, la question de savoir si elle pourrait accepter de fonctionner comme curatrice de son fils avec les obligations qui en découlent, notamment celle de rendre des comptes, ne lui a pas été posée. Il n'est pas impossible que les difficultés propres de la mère du recourant, qui semblent sourdre de la procédure, conduisent le Tribunal de protection à confirmer sa décision. Dans le cas inverse toutefois, il est nécessaire, pour pouvoir la désigner aux fonctions de curatrice, qu'elle ait l'occasion de l'accepter formellement en connaissance de cause.

Pour ces raisons, le recours sera admis et la cause renvoyée au Tribunal de protection pour nouvelle décision au sens des considérants

3. Les frais judiciaires seront laissés à la charge de l'Etat (art. 52 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 17 avril 2023 par A______ contre la décision DTAE/1855/2023 rendue le 1er février 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/13547/2022.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée.

Retourne la procédure au Tribunal de protection pour nouvelle décision au sens des considérants.

Sur les frais :

Laisse les frais à la charge de l'Etat.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.