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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18108/2010

DAS/143/2023 du 19.06.2023 sur DTAE/9302/2022 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18108/2010-CS DAS/143/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 19 JUIN 2023

 

Recours (C/18108/2010-CS) formé en date du 15 mars 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par Me Francesco LA SPADA, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 21 juin 2023 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Francesco LA SPADA, avocat
Rue De-Beaumont 3, 1206 Genève.

- Madame B______
c/o Me Valérie LORENZI, avocate
Boulevard Helvétique 4, 1205 Genève.

- Madame C______
Madame D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/9302/2022 datée du 13 décembre 2022, communiquée pour notification aux parties le 10 février 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a, notamment, suspendu les relations personnelles entre A______ et ses enfants E______, F______, G______, H______ et I______, nés respectivement les ______ 2010, ______ 2012, ______ 2014, ______ 2015 et ______ 2017 et invité A______ à prendre contact avec le curateur désigné des enfants, afin d'envisager une reprise progressive de son droit de visite sur ses cinq enfants (ch. 2 du dispositif).

En substance et sur ce point, le Tribunal de protection a retenu que le père n'avait pas exercé le droit de visite fixé dans le jugement de divorce entre les parties en 2020 et n'exerçait plus du tout son droit aux relations personnelles depuis juillet 2022, à tout le moins. Les enfants refusaient par ailleurs de se rendre chez lui. A______ avait pour le surplus déclaré souhaiter un allègement des modalités de son droit de visite, au vu de son état de santé. Le Tribunal de protection a dès lors considéré qu'une suspension formelle dudit droit devait être prononcée dans l'intérêt des enfants au vu de ces éléments, une reprise progressive ne pouvant être envisagée que si elle était préparée.

B. Par acte du 15 mars 2023, A______ a recouru contre ce seul point du dispositif de l'ordonnance attaquée, concluant à son annulation et à ce que son droit soit limité à deux week-ends par mois, chaque mercredi durant la journée, ainsi que durant la moitié des vacances.

Il se réfère à ce propos à un préavis du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: SEASP) du 31 août 2022 en ce sens. Il fait grief au Tribunal de protection d'avoir adopté la mesure "extrême" de la suspension des relations personnelles avec ses enfants sans essayer de prendre des mesures moins incisives. Il lui reproche en particulier de s'être écarté sans motivation suffisante du rapport du SEASP du 31 août 2022.

En date du 14 avril 2023, le Tribunal de protection a fait savoir à la Chambre de surveillance de la Cour de justice qu'il n'entendait pas reconsidérer sa décision.

Le 27 avril 2023, les curateurs du Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi) ont observé que le père n'exerçait plus son droit de visite sur ses enfants et n'avait plus de contact avec eux depuis juillet 2022, soit avant l'ordonnance attaquée, du fait d'une "fatigue émotionnelle". Ils relèvent que les enfants ne souhaitent plus voir leur père, craignant ses interférences. Les curateurs considèrent qu'il n'est pas dans l'intérêt des enfants qu'un droit de visite s'exerce selon les modalités en vigueur avant la décision attaquée. Une reprise doit se faire selon les besoins spécifiques de chaque enfant, de manière préparée et progressive.

La mère des enfants a répondu tardivement au recours concluant à son rejet.

Les parties ont été informées le 23 mai 2023 de ce que la cause était mise en délibération à dix jours.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinent suivants :

a) Les mineurs E______, F______, G______, H______ et I______, nés respectivement les ______ 2010, ______ 2012, ______ 2014, ______ 2015 et ______ 2017 sont issus de l'union entre B______ et A______.

b) Par jugement de divorce du 24 janvier 2020, statuant sur requête commune, le Tribunal de première instance a, notamment, maintenu l'autorité parentale conjointe entre les parents, attribué la garde des enfants à leur mère et réservé en faveur de leur père un droit de visite à raison de trois week-ends sur quatre, du vendredi à la sortie de l'école au dimanche 18h00, la journée du mercredi et la moitié des vacances scolaires. Le Tribunal a prescrit que lorsque les week-ends se passeraient chez la mère des enfants, A______ pourrait prendre ses enfants auprès de lui du mardi soir après l'école au jeudi matin retour en classe et qu'il pourrait également une fois par mois, étendre un week-end du jeudi au dimanche soir.

c) Par requête du 20 janvier 2022, la mère des enfants a sollicité du Tribunal de protection une modification des modalités du droit de visite du père, les visites étant l'occasion pour ce dernier d'instrumentaliser les enfants et de rompre leur équilibre.

Par réponse du 6 mars 2022, le père s'est opposé au contenu de la requête susmentionnée. En substance, il a indiqué être épuisé par les démarches de son ex-épouse, se disant ouvert à toutes formes de médiation ou de thérapie.

d) Par rapport d'évaluation sociale du 31 août 2022, le SEASP a précisé d'emblée que les modalités du droit de visite prévues dans le jugement de divorce n'avaient jamais été exercées. Il a préconisé la désignation d'un curateur d'assistance éducative et, quant aux relations personnelles, considérée "incontournable" la désignation d'un curateur d'organisation et de surveillance desdites relations. Il a en outre proposé de réserver un droit aux relations personnelles entre les enfants et leur père, sous réserve de l'approbation du curateur ou d'un autre accord entre ce dernier et les parents, à raison de deux week-ends par mois, chaque mercredi durant la journée, ainsi que durant la moitié des vacances. Le père n'avait exercé son droit de visite, hors présence de la mère, que lors des vacances de fin d'année 2021 et ce, pour la première fois. Les enfants, en particulier E______, étaient en grande souffrance à cause du conflit parental, étant pris dans un conflit de loyauté. Les enfants présentaient des besoins spécifiques. I______ était diagnostiqué porteur d'un TDAH assez marqué avec une forte agitation. H______ présentait depuis son plus jeune âge un trouble du langage oral et était suivi par une logopédiste. Il était également suivi par une psychothérapeute en lien avec ses difficultés comportementales et la gestion de ses émotions. G______ a présenté un trouble du langage et était suivie par une logopédiste. Elle a également présenté des difficultés pouvant être compatibles avec un TDAH. F______ avait été diagnostiqué porteur d'un trouble du spectre autistique très circonscrit à certains domaines. Il était scolarisé en classe ordinaire et comme indiqué plus haut. Enfin, E______ présentait une grande souffrance consécutive au conflit parental. Entendu par le SEASP, il avait déclaré qu'il n'avait plus revu son père depuis les vacances de Noël 2021. Lors de ces vacances, son père lui avait beaucoup crié dessus le rendant fautif de la séparation de ses parents. E______ avait indiqué ne plus vouloir revoir son père mais être ouvert à "trouver des solutions" et souhaitait continuer à vivre avec sa mère. Le SEASP concluait que sans un "apaisement drastique de la discorde parentale, les relations parents-enfants resteront très exposées aux loyautés croisées". Il en déduisait que les modalités du droit de visite en vigueur étaient inadéquates et contraires à l'intérêt des enfants. La présence de cinq enfants présentant tous des spécificités devait conduire à la mise en œuvre différenciée des relations. Sans mentionner à ce sujet les trois cadets, le rapport estimait que la suppression des relations avec les deux aînés était une solution extrême et de dernier recours.

e) Dans le cadre de ses observations du 7 octobre 2022 au Tribunal de protection, la mère des enfants s'est opposée aux conclusions du SEASP et a notamment sollicité la limitation des relations personnelles entre le père et ses enfants à une journée par semaine, soit chaque mercredi.

Par écriture du 8 octobre 2022, le père a indiqué adhérer aux propositions du SEASP. Il a toutefois précisé qu'un allègement provisoire de son droit de visite sur ses enfants était nécessaire, compte tenu de son épuisement émotionnel et d'une fatigue générale.

Le Tribunal de protection a tenu une audience le 13 décembre 2022, à laquelle le père était absent "en raison de son état de fatigue et d'épuisement émotionnel".

La mère a, quant à elle, indiqué ne plus avoir de nouvelles de son ex-époux depuis fin juillet 2022, date de la dernière visite de ses enfants chez lui. Elle était d'accord avec l'intervention du SPMi par le biais de mesures de curatelle.

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent, qui dans le canton de Genève est la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC).

Ont qualité pour recourir, les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

Le délai de recours est de trente jours, à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé par une partie à la procédure, dans le délai utile de trente jours et devant l'autorité compétente. Il est donc recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2 Seul est contesté le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance querellée relatif à la suspension du droit de visite du recourant sur ses cinq enfants.

2.1 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le parent qui ne détient pas la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est conçu à la fois comme un droit et un devoir des parents (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 131 III 209 consid. 5). Il est en effet unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_586/2012 du 12 décembre 2012 consid. 4.2).

Le droit aux relations personnelles n'est pas absolu. Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être limité ou retiré (art. 274 al. 2 CC). Cette disposition a pour objet de protéger l'enfant, et non de punir les parents. Ainsi, la violation par eux de leurs obligations et le fait de ne pas se soucier sérieusement de l'enfant ne sont pas en soi des comportements qui justifient le refus ou le retrait des relations personnelles; ils ne le sont que lorsqu'ils ont pour conséquence que ces relations portent atteinte au bien de l'enfant (ATF 118 II 21 consid. 3c; 100 II 76 consid. 4b et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_448/2008 du 2 octobre 2008 consid. 4.1 publié in FamPra 2009 p. 246). D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. Conformément au principe de proportionnalité, il importe en outre que ce danger ne puisse être écarté par d'autres mesures appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_53/2017 du 23 mars 2017 consid. 5.1; 5A_756/2013 du
9 janvier 2014 consid. 5.1.2).

La modification des relations personnelles instaurées n'est envisageable que si un changement notable des circonstances est intervenu (art. 134 al. 1 in fine CC), étant toutefois relevé que le fait nouveau est important et suffisant pour modifier le jugement lorsqu'un tel changement apparaît comme nécessaire pour répondre au bien de l'enfant (ATF 5A_101/2011 du 07.06.2011, consid. 3.1.1).

2.2 En l'espèce, les conditions pour la modification de la réglementation du droit de visite prévue dans le jugement de divorce des parties sont réunies et ne sont contestées par personne. Chaque partie, au contraire, la requiert.

Le Tribunal de protection a fait le choix de suspendre momentanément les relations personnelles du père, alors que celui-ci, se référant au rapport du SEASP d'août 2022, estime que son droit doit être adapté selon les modalités préconisées.

Il considère que le choix opéré par le Tribunal de protection n'est pas motivé à satisfaction et constitue un choix extrême et inadapté.

Il ne peut être suivi.

En effet, il faut tout d'abord remarquer que le recourant n'exerce pas son droit de visite sur ses enfants et n'entretient plus de relations avec eux depuis près d'une année. Par ailleurs, il n'a jamais exercé seul son droit de visite antérieurement, si ce n'est à une reprise et se déclare épuisé et dépassé. En outre, il n'est pas contesté non plus, ce qui ressort du dossier, que le conflit entre les parents est massif et a des répercussions tout aussi massives sur les enfants.

Le recourant fait en outre grand cas du rapport du SEASP d'août 2022. Or, il ressort certes de ce rapport qu'un préavis en faveur d'un droit de visite réorganisé du recourant sur ses enfants a été délivré. L'on peut cependant, avec le Tribunal de protection, sérieusement se poser la question de savoir si ce préavis est en adéquation avec la discussion formant le corps du rapport. En effet, à longueur de texte, il ressort que les enfants se trouvent dans une situation de souffrance inextricable du fait du conflit entre les parents au point qu'il apparaît au SEASP comme indispensable de requérir du Tribunal de protection (ce qui a été fait) la mise sur pied de plusieurs curatelles. En ce sens, le rappel aux parents de leurs devoirs envers les enfants apparaît comme un vœu pieux sans portée aucune, alors que précisément le rapport expose que seul un "apaisement drastique" de la discorde parentale (parfaitement illusoire) est susceptible de protéger suffisamment les enfants. A défaut, "d'apaisement drastique" par des parents incapables d'y procéder, la seule mesure qui pouvait être prise est celle de la suspension momentanée des relations, telles que prononcée par le Tribunal de protection.

Comme le relèvent d'ailleurs fort à propos les curateurs des enfants au sein du SPMi, la reprise d'un droit de visite suspendu de fait depuis un an, comme c'est le cas en l'espèce, ne peut avoir lieu que de manière graduelle et préparée. Or, la mise à plat du système antérieur par une suspension temporaire des relations est la prémisse nécessaire à cette reprise. Ce n'est d'ailleurs pas autre chose que le Tribunal de protection a prescrit puisqu'il a requis, dans le chiffre contesté par le recourant du dispositif de son ordonnance, d'entrée de cause, que celui-ci prépare la reprise des relations avec ses enfants en collaboration avec les curateurs désignés, pour autant que cela s'avère dans l'intérêt des mineurs. Le recourant, en lieu et place de vaines procédures, aurait été bien inspiré de s'y conformer si tel avait été sa réelle volonté.

Par conséquent, la mesure prononcée était nécessaire et proportionnée. Elle est conforme à la loi et doit être confirmée.

3. S'agissant du règlement de relations personnelles, la procédure n'est pas gratuite (art. 77 al. 2 LaCC, 67A et B RTFMC). Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais, arrêtés à 400 frs. Ceux-ci seront en l'état supportés provisoirement par l'Etat, vu le bénéfice de l'assistance judiciaire, sous réserve de nouvelle décision du Service de l'assistance juridique.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 15 mars 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/9302/2022 rendue le 13 décembre 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/18108/2010.

Au fond :

Le rejette.

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.