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Décisions | Chambre de surveillance

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C/37697/1992

DAS/132/2023 du 05.06.2023 sur DJP/575/2022 ( AJP ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.07.2023, rendu le 08.02.2024, CONFIRME, 5A_529/2023
Normes : CC.602; LaCC.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/37697/1992
DAS/132/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 5 JUIN 2023

 

Appel (C/37697/1992) formé le 19 décembre 2022 par Monsieur A______, domicilié ______, comparant par Me Philippe JUVET, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 7 juin 2023 à :

- Monsieur A______
c/o Me Philippe JUVET, avocat
Rue de la Fontaine 2, 1204 Genève.

- Madame B______
c/o Me Charles PONCET, avocat
Rue Saint-Léger 6, 1205 Genève.

- Maître C______
______,
______.

- JUSTICE DE PAIX.


 

EN FAIT

A. a. D______, domiciliée en dernier lieu à Genève, est décédée à E______ (Vaud), en date du ______ 1992.

Elle avait épousé en uniques noces F______, lequel est décédé le ______ 2012.

b. B______, née [B______] en 1948 et A______, né en 1957, sont les descendants et seuls héritiers légaux de D______ et F______ (ci-après: les époux D______/F______).

c. Les époux D______/F______ étaient notamment propriétaires de l'intégralité du capital-actions des sociétés G______ SA et H______ SA (ci-après également: les sociétés), chaque capital-actions étant composé de 50 actions au porteur. Ces sociétés exploitent chacune un immeuble à Genève, dont la fonction de gérant est exercée par [la régie immobilière] I______.

c.a. Par testament du 19 avril 1991 et codicille du 15 juillet 1992, D______ avait légué à son époux l'usufruit de l'entier de sa succession et institué comme héritiers son fils et sa fille, pour moitié chacun.

B______ et A______ ont ainsi hérité de la propriété en indivision des actions 26 à 50 des sociétés H______ SA et G______ SA ayant appartenu à leur mère.

c.b. En ce qui concerne les actions 1 à 25 des sociétés précitées, feu F______ en avait fait donation à sa fille, B______, par testament du 16 juillet 2003.

d. Les parties sont, depuis de nombreuses années, en litige concernant la succession de leurs parents, notamment sur le sort des actions des sociétés H______ SA et G______ SA.

A______ a formé contre sa sœur, en septembre 2013, une action en rapport et en partage relative à la succession de leur mère et, en relation avec la succession de leur père, une action en annulation du testament, en constatation de la nullité (respectivement en annulation) de la donation reçue par B______, en réduction, en rapport de diverses libéralités et en partage (C/1______/2013).

Des mesures superprovisionnelles et provisionnelles ont été requises dans le cadre de cette procédure, enregistrée sous la cause C/2______/2014.

e. Par arrêt ACJC/180/15 du 20 février 2015 rendu sur mesures provisionnelles, la Cour de justice a ordonné le blocage en mains [de la régie immobilière] I______ de la moitié des revenus des immeubles propriété des sociétés H______ SA et G______ SA, sous réserve des paiements nécessaires à la gestion courante de ces immeubles et a fait interdiction à B______, à I______ et aux sociétés, de vendre les actions au porteur 26 à 50 des deux sociétés. Cet arrêt confirmait, en outre, la limitation des droits d'actionnaire de B______ aux seuls actes de gestion et de disposition ne touchant pas, directement ou indirectement, les droits de A______.

La Cour a considéré qu'il était vraisemblable que B______ soit la seule propriétaire des actions 1 à 25 des deux sociétés, de sorte qu'il ne se justifiait pas de lui interdire d'en disposer ou de percevoir le dividende relatif à ces actions. En revanche, il était rendu vraisemblable que les actions 26 à 50 de chacune des sociétés étaient encore en indivision et qu'elles devaient être partagées. Or, B______ se comportait d'ores et déjà comme l'unique propriétaire des actions 26 à 50 des deux sociétés, alors qu'elles appartenaient à la succession. Tant que le partage n'avait pas eu lieu, les deux parties devaient pouvoir bénéficier des biens de la succession sans porter préjudice à l'autre. Il y avait ainsi lieu de limiter ses droits d'actionnaire afin de garantir le droit d'usage de son frère sur la partie non partagée de la succession.

Par arrêt 5A_258/2015 du 30 juillet 2015, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par B______ contre l'ordonnance précitée.

f. A la demande des parties, la Justice de paix a désigné un représentant officiel de la communauté héréditaire par décision du 2 janvier 2018 et nommé à cette fonction C______, avocat, tout en limitant son mandat à l'exercice des droits liés à la titularité des actions 26 à 50 des sociétés H______ SA et G______ SA.

g. Le 25 novembre 2021, faisant suite à une plainte déposée par A______, la Justice de paix a rappelé à C______ son obligation de reddition de comptes envers les héritiers, en lui enjoignant de remettre aux actionnaires l'ensemble des documents relatifs aux assemblées générales au plus tard 20 jours avant leur tenue et a rejeté la plainte pour le surplus.

h. Le 2 juin 2022 se sont tenues les assemblées générales annuelles des sociétés H______ SA et G______ SA.

i. Il ressort encore de la procédure que ces sociétés ont réalisé des bénéfices durant ces dernières années et versé des dividendes, dont les chiffres sont récapitulés dans les tableaux ci-dessous (en francs).


 

Société G______ SA

 

Année

Bénéfice annuel

Moitié du bénéfice

Bénéfice accumulé au 31.12

Dividende

2015

67'537

33'768

689'724

 

2016

183'839

91'919

873'563

 

2017

155'990

77'995

1'029'554

400'000

2018

175'780

87'890

805'334

200'000

2019

180'604

90'302

785'938

200'000

2020

91'928

45'964

677'866

200'000

Il ressort encore des comptes de la société que les actifs circulants comportaient notamment un poste "Régie" à hauteur de 264'355 fr. au 31 décembre 2019 et 104'051 fr. au 31 décembre 2020, des liquidités d'environ 10'000 fr. durant ces deux années et un poste "Comptes-courants" à hauteur de 919'218 fr. au 31 décembre 2020. Quant aux Passifs, ils comprenaient des Fonds étrangers dont un "Compte-courant L______" à hauteur de 383'267 fr. au 31 décembre 2020.

Société H______ SA

Année

Bénéfice annuel

Moitié du bénéfice

Bénéfice accumulé au 31.12

Dividende

2015

111'480

55'740

408'029

 

2016

147'704

73'852

555'734

 

2017

149'523

74'761

705'257

560'000

2018

203'745

101'872

349'003

340'000

2019

207'260

103'630

216'264

200'000

2020

176'257

88'128

192'520

180'000

Selon les comptes de la société, les actifs circulants comportaient notamment un poste "Régie" à hauteur de 254'382 fr. au 31 décembre 2019 et 242'111 fr. au 31 décembre 2020. Quant aux Passifs, ils comprenaient des Fonds étrangers dont un "Compte-courant L______" à hauteur de 392'471 fr. au 31 décembre 2019 et de 462'466 fr. au 31 décembre 2020.

j. Lors des assemblées générales qui se sont tenues le 14 novembre 2018, C______ a demandé comment les dividendes proposés seraient concrètement versés, avant de procéder à leur vote. J______, représentant de l'organe de révision, et K______, secrétaire, lui ont expliqué qu'après versement de l'impôt anticipé, le dividende serait crédité sur le compte courant de B______ pour moitié et sur le compte courant de l'hoirie de D______ pour l'autre moitié, laquelle serait bloquée conformément à l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 2015.

k. Selon les comptes de gestion établis par I______ et figurant au dossier, B______ a effectué les prélèvements suivants en lien avec les dividendes décidés par les sociétés G______ SA et H______ SA :

Société G______ SA

Année

Dividende

Dividende / Part B______

Prélèvements

2018

200'000

100'000

50'000

2019

200'000

100'000

60'000

2020

200'000

100'000

75'000

Société H______ SA

Année

Dividende

Dividende / Part B______

Prélèvements

2018

340'000

170'000

90'000

2019

200'000

100'000

60'000

2020

180'000

90'000

75'000

B. a. Par requête du 21 juin 2022 déposée auprès de la Justice de paix, A______ s'est plaint de l'activité de représentant d'hoirie déployée par C______, en lui reprochant de ne pas l'avoir prévenu de la date des assemblées générales de 2022, de n'avoir pas répondu à un certain nombre de questions posées par ses soins le 6 mai 2022 en vue de la tenue desdites assemblées, ainsi que de n'avoir rendu aucun rapport suite à la tenue de celles-ci. Ces circonstances, ajoutées à celles ayant donné lieu à la décision du 25 novembre 2021, le conduisaient à demander la révocation de C______ et la désignation d'un nouveau représentant de la communauté héréditaire.

b. Dans sa réponse du 15 juillet 2022, C______ a exposé qu'en vue de la tenue des assemblées générales, il avait demandé la fourniture des documents nécessaires à un administrateur des sociétés et qu'il les avait transmis à A______ en temps et en heure, lequel avait ainsi eu le temps de poser ses questions dans un courrier du 6 mai 2022. Celles-ci avaient été traitées au cours des assemblées et dûment protocolées. Toutefois, les procès-verbaux de ces assemblées ne lui avaient pas encore été communiqués, à l'exception d'un point à l'ordre du jour de chaque assemblée ayant requis l'intervention d'un notaire et ayant fait l'objet de procès-verbaux distincts, lesquels avaient déjà été transmis à A______. C______ n'avait relevé aucun problème particulier lié à l'administration et à la gestion des sociétés et soutenait avoir exercé ses droits sociaux en fonction des intérêts de l'hoirie, tout en préservant ses droits en refusant de décharger les Conseils d'administration de leur responsabilité.

c. Le 19 juillet 2022, C______ a transmis à la Justice de paix ainsi qu'à A______ la suite des procès-verbaux des assemblées générales des sociétés, reçus la veille du président de l'assemblée.

d. B______ s'est opposée à la demande de révocation de C______ de ses fonctions de représentant de l’hoirie, considérant qu'il faisait preuve de diligence et d'impartialité en préservant les droits de chacun. Au surplus, un changement de représentant aurait engendré des coûts exorbitants et injustifiés.

e. Par réplique du 15 août 2022, A______ a persisté dans sa demande, en se livrant à des calculs comptables sur les montants qui auraient dû, selon lui, être en mains de la régie, compte tenu des montants comptabilisés au début de chaque exercice, les recettes, les dépenses, ainsi que les dividendes votés. Il reprochait à C______, en acceptant le versement des dividendes lors des assemblées générales, d'avoir fautivement privilégié l'un des héritiers au détriment de l'autre, ce qui justifiait sa révocation.

f. B______ a répliqué, en arguant que A______ invoquait des éléments nouveaux et dénués de tout fondement. Se référant aux comptes de gestion, sur lesquels figurent les versements effectués chaque année en sa faveur, elle considérait que ceux-ci étaient largement inférieurs à la moitié des bénéfices de chaque exercice, de sorte que les dispositions de l'arrêt de la Cour de Justice du 20 février 2015 étaient respectées. Selon ses propres calculs, elle considérait qu'il existait en réalité un solde disponible en sa faveur et que les résultats auxquels aboutissait A______ étaient erronés, du fait qu'ils ne prenaient pas en compte l'impôt anticipé, charge fiscale payée par la société pour le compte de l'actionnaire, lequel devait ensuite en réclamer le remboursement. Elle considérait, en outre, que le montant de l'impôt anticipé ne devait pas être additionné au dividende versé à l'actionnaire pour déterminer le versement total effectué en sa faveur chaque année.

g. A______ et B______ se sont encore déterminés les 10 et 27 octobre 2022, chacun ayant persisté dans ses propres conclusions.

C. Par décision DJP/575/2022 du 6 décembre 2022, la Justice de paix a débouté A______ de l'ensemble de ses conclusions (chiffre 1 du dispositif) et arrêté l'émolument de décision à 1'000 fr. en le mettant à la charge de ce dernier, de même que les frais exposés par le greffe (ch. 2).

En substance, le juge de paix a considéré que, pour l'année 2022, le représentant d'hoirie avait satisfait à ses obligations d'information et de reddition envers les actionnaires en transmettant les documents nécessaires à la tenue des assemblées générales suffisamment à l'avance, notamment à A______, qui avait pu se déterminer, en s'assurant que les questions de ce dernier soient discutées et traitées lors les assemblées générales du 2 juin 2022, ce qui avait bien été fait à teneur des procès-verbaux, et en communiquant sans délai lesdits procès-verbaux des assemblées, étant relevé qu'il n'était pas encore en leur possession au moment de la requête formée par A______ à son encontre. Concernant l'utilisation du résultat de l'exercice, le premier juge a retenu que, selon les éléments produits, les montants des dividendes décidés par les assemblées générales pouvaient être versés sans que les comptes-courants créés au nom de l'hoirie de D______ ne soient touchés. Partant, les décisions prises par les assemblées générales ne constituaient pas d'office des violations de l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 2015. Quoi qu'il en soit, il en allait de la responsabilité du Conseil d'administration de s'assurer de la déduction de l'impôt anticipé sur le dividende décidé en vertu de l'art. 14 al. 1 LIA et de la bonne répartition des dividendes entre actionnaires, responsabilité dont l'examen outrepassait la compétence de la Justice de paix.

D. a. Par acte déposé le 19 décembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a fait appel de cette décision, dont il a sollicité l'annulation. Cela fait, il a conclu à la révocation de C______ de ses fonctions et à la nomination d'un nouveau représentant de la communauté héréditaire. Subsidiairement, il a sollicité le renvoi de la cause à la Justice de paix pour nouvelle décision.

A l'appui de son appel, il a développé son grief en lien avec l'utilisation du bénéfice des sociétés et le versement de dividendes, sans revenir sur les autres points écartés par la Justice de paix.

Il a produit un chargé de pièces, comprenant une action en constatation de nullité de décisions d'assemblées générales introduite par ses soins le 24 novembre 2022 (pièce B), les comptes des sociétés G______ SA et H______ SA pour les années 2015 à 2018 (pièces C à J), ainsi que les procès-verbaux des assemblées générales tenues les 14 et 19 novembre 2018 (pièce K), le 5 novembre 2019 (pièce L) et le 11 novembre 2020 (pièce M).

b. Le représentant d'hoirie a contesté privilégier l'un ou l'autre des actionnaires. Si la Justice de paix l'avait certes, à une reprise, invité à faire preuve de davantage de diligence, il avait par la suite suivi cette invitation à la lettre, ce qui avait permis à A______ de poser les questions qu'il souhaitait et d'obtenir des réponses, les demandes de renseignements de ce dernier étant systématiquement discutées lors des assemblées générales. Par ailleurs, il appartenait, selon lui, aux conseils d'administration des sociétés de respecter les décisions de justice et non à l'actionnaire, tout en émettant des réserves sur les reproches évoqués à cet égard par A______. Il a ajouté qu'afin de laisser toute marge de manœuvre aux actionnaires, il avait toujours refusé de donner décharge aux organes des sociétés. Pour le surplus, le représentant de l’hoirie s'en est rapporté à justice.

c. B______ a conclu au déboutement de A______ des fins de son appel. A la forme, elle a soulevé l'irrecevabilité des allégués et moyens de preuve nouveaux invoqués par ce dernier. Au fond, elle a relevé que A______ n'avait cessé de varier dans les griefs élevés à l'encontre du représentant d'hoirie, tous dépourvus de fondement.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour de justice du 31 janvier 2023 de ce que la cause était mise en délibération.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions finales et incidentes du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les décisions rendues en matière de surveillance d'un représentant successoral sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_979/2017 du 21 mars 2018 consid. 1.1 et les références citées).

L'appel doit être motivé (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., compte tenu des actifs successoraux estimés à plusieurs millions de francs.

Déposé au surplus dans le délai de dix jours (art. 142 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite, l'appel formé le 19 décembre 2022 est recevable.

2. L'appelant produit des pièces devant la Cour, dont la recevabilité est contestée par l'intimée.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils ont été invoqués ou produits sans retard et qu'ils n'ont pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 let. a et b). Les deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont applicables même lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire simple (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2;
138 III 625 consid. 2.2) par opposition à la maxime inquisitoire illimitée, où la jurisprudence est plus souple à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 5A_636/2018 du 8 octobre 2018 consid. 3.3.3).

Selon l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du tribunal ne doivent pas être prouvés. Constituent notamment des faits notoires, les faits qui ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, les pièces produites en appel figurent pour l'essentiel dans le dossier de première instance et peuvent ainsi être prises en compte sans autre examen. En effet, sous réserve des comptes relatifs à l'année 2018, l'ensemble des comptes ainsi que des procès-verbaux des assemblées générales ont été produits devant la Justice de paix, notamment à l'appui des rapports de situation établis les 6 mars 2019 et 9 février 2021 par le représentant d'hoirie. Lesdites pièces permettent de retenir les montants chiffrés dans la partie en fait ci-dessus (cf. let. A.i à A.k p. 4-5), lesquels ne sont au demeurant pas contestés en tant que tels.

Quant à l'action en constatation de la nullité, elle est postérieure aux derniers échanges d'écritures de première instance et porte, du reste, sur des faits notoirement connus relatifs à une procédure connexe impliquant les mêmes parties. Elle peut ainsi être prise en considération d'office.

Par ailleurs, la maxime inquisitoire s’applique, de sorte que le Tribunal établit les faits d’office (art. 255 let. b CPC).

3. L'appelant persiste à requérir la révocation de C______ en tant que représentant de la communauté héréditaire, lui reprochant de graves manquements à son devoir de diligence.

3.1.1 En vertu de l'art. 602 al. 3 CC, l'autorité compétente peut, à la demande de l'un des héritiers, désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC).

Les pouvoirs du représentant d'hoirie dépendent de la mission définie par l'autorité. Le représentant peut être désigné pour certains actes isolés sur lesquels les héritiers ne parviennent pas à s'entendre. L'autorité peut aussi donner au représentant un mandat général et lui confier toute l'administration de la succession, auquel cas son statut juridique se rapproche de celui de l'administrateur officiel de la succession, sans toutefois que ses fonctions ne portent sur le partage de la succession (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2013 du 26 juillet 2013 consid. 3.1; 5P.83/2003 du 8 juillet 2003 consid. 1; Steinauer, Le droit des successions, 2ème éd., 2015, n. 1224).

Le représentant de l'hoirie indivise est nommé pour la communauté des héritiers, non comme le représentant et dans l'intérêt d'un unique héritier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_781/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.3; 5A_241/2014 du 28 mai 2014 consid. 2.1). Il s'ensuit que l'instauration d'une mesure de représentation de la communauté héréditaire déploie ses effets pour tous les membres de l'hoirie (arrêts du Tribunal fédéral 5A_796/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.2; 5D_133/2010 du 12 janvier 2011 consid. 1.4 in fine).

La représentation de la succession est une institution de droit privé sui generis. Le représentant de la succession agit comme un mandataire au sens des art 398 ss CO. Il est soumis aux règles du mandat quant à sa responsabilité et à son droit de mettre fin au mandat en tout temps. Il exerce une activité de droit privé. Le fait que le représentant soit désigné par l'autorité n'y change rien (Wolf, in Berner Kommentar ZGB, 2014, n. 154 et 165 ad art. 602 CC; Staufelberger/Keller Lüscher, in, Basler Kommentar ZGB II, 2019, n. 48 ad art. 602 CC; Spahr, in Commentaire romand CC II, 2016, n. 77 et 85 ad art. 602 CC).

Il doit ainsi périodiquement renseigner les héritiers sur l'évolution de son activité. Il est tenu de rendre des comptes, conformément aux exigences de l'art. 400 CO et répond envers les héritiers de la bonne et fidèle exécution de sa tâche (Spahr, op. cit. n. 77 et 78 ad art. 602 CC; Staufelberger/Keller Lüscher, op.cit., n. 47-48 ad art. 602 CC et les références citées).

3.1.2 L'autorité de nomination, à Genève le juge de paix (art. 3 al. 1 let. j LaCC), exerce la surveillance sur le représentant de la succession (art. 3 al. 2 LaCC).

L'autorité de surveillance peut exiger du représentant qu'il lui fournisse des renseignements sur son activité. Elle peut lui donner des directives, le sanctionner disciplinairement et annuler certains actes juridiques. Elle a même la possibilité de le destituer, en cas de violation grave de ses devoirs, d'impossibilité d'exercer la fonction ou de conflits d'intérêts (Spahr, op. cit., n. et 81 ad art. 602 CC; Steinauer, op.cit., n. 1185d).

L'autorité de surveillance statue uniquement sur les questions de droit formel et sur l'opportunité des mesures prises par le représentant. Les questions de pur droit matériel relèvent, par contre, de la compétence du juge ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_806/2009 du 26 avril 2010 consid. 3.1; 5P_166/2004 du 24 juin 2004 consid. 2.2; Spahr, op. cit. n. 82 ad art. 602 CC et les références citées). Même si elle dispose d'un pouvoir d'examen étendu, l'autorité de surveillance doit faire preuve de retenue dans ses décisions. Elle tiendra compte du large pouvoir d'appréciation dont le représentant dispose et n'interviendra que si le choix opéré par celui-ci est manifestement insoutenable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_813/2014 du 24 novembre 2014 consid. 4; 5P_107/2004 consid. 2.2; Spahr, op. cit., n. 81 ad art. 602 CC; Staufelberger/Keller Lüscher, op. cit., n. 51 ad art. 602 CC; Weibel, in Praxiskommentar Erbrecht, n. 78 ad art. 602 CC).

3.1.3 Si le droit de déterminer l'emploi du bénéfice et de fixer le dividende appartient de manière intransmissible à l'Assemblée générale (CO 698 al. 2 ch. 4), l'exécution des décisions prises par l'Assemblée générale est une attribution intransmissible et inaliénable du Conseil d'administration (CO 716a al. 1 ch. 6), dont la distribution des dividendes fait partie (Peter/Cavadini, in Commentaire romand CO II, n. 40 ad art. 716a CO).

3.2 En l'espèce, les griefs élevés à l'encontre du représentant d'hoirie en lien avec son devoir d'information et de reddition ne sont, à juste titre, plus discutés à ce stade. Il ressort en effet de la procédure qu'à réception de la décision du 25 novembre 2021 lui rappelant ses obligations de transmettre les informations et documents relatifs aux assemblées générales dans les meilleurs délais, le représentant d’hoirie a aussitôt entrepris les démarches pour remédier à la situation et se conformer à ses devoirs, agissant avec toute la diligence requise et dans le respect des droits des deux héritiers actionnaires en vue des assemblées qui se sont tenues en 2022. L'attitude du représentant dénote ainsi une volonté de corriger rapidement ses manquements et confirme sa volonté d'agir dans l'intérêt des membres de l’hoirie, y compris ceux de l'appelant.

Quant au grief relatif à l'utilisation du bénéfice, l'appelant reproche au représentant d’hoirie d'avoir approuvé les comptes 2018 à 2020 alors que ceux-ci ne respectaient pas, selon lui, l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 2015, notamment au vu des dividendes distribués.

A teneur de l'arrêt précité, la Cour de justice a ordonné le blocage en mains de la régie de la moitié des revenus des immeubles propriétés des sociétés H______ SA et G______ SA, correspondant aux revenus découlant des actions 26 à 50, qui demeurent indivises. Il sied en revanche de relever que l'intimée reste libre de percevoir l'autre moitié des revenus, soit celle liée aux actions 1 à 25, dont la Cour avait considéré qu’elle en est vraisemblablement seule propriétaire.

Lors de sa prise de fonction en 2018, C______ a veillé à ce que la décision de la Cour de justice soit appliquée et respectée. Selon le procès-verbal des assemblées générales qui se sont tenues le 14 novembre 2018, soit les premières assemblées auxquelles il participait, le représentant d'hoirie s'est expressément renseigné sur les modalités de versement des dividendes afin de s'assurer de leur compatibilité avec la décision de la Cour de justice. Ce n'est qu'après avoir reçu confirmation du réviseur aux comptes du fait que la moitié du dividende voté serait crédité et bloqué sur un compte courant de l'hoirie de D______ que le représentant a accepté d'approuver les dividendes en question.

Ainsi, l'on comprend des décisions des assemblées que la moitié des dividendes votés devait être créditée et bloquée au nom de l'hoirie de D______, ce qui aurait permis de préserver les droits des héritiers.

La lecture des comptes ne permet cependant pas de vérifier que le blocage a effectivement eu lieu et cette question n'a plus été discutée par la suite, notamment lors des assemblées postérieures.

En ce qui concerne la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour du 20 février 2015, il y a lieu de relever ce qui suit :

Concernant la société G______ SA, et selon les comptes de celle-ci, la moitié des bénéfices qui aurait ainsi dû être bloquée s'élevait à 381'874 fr. en fin d'année 2019 (33'768 fr. + 91'919 fr. + 77'995 fr. + 87'890 fr. + 90'302 fr.) et à 427'838 fr. fin 2020 (33'768 fr. + 91'919 fr. + 77'995 fr. + 87'890 fr. + 90'302 fr. + 45'964 fr.), alors que le compte "Régie" se montait à respectivement 264'355 fr. et 104'051 fr., soit des montants inférieurs aux sommes à bloquer. Les comptes ne laissent pas apparaître d'autres liquidités suffisantes pour garantir les montants précités. Le fait qu'un compte courant "L______" ait été inscrit comptablement dans les fonds étrangers de la société ne permet pas non plus de s'assurer que les fonds nécessaires aient été bloqués, dès lors que ce poste ne représente qu'un engagement de la société envers l'hoirie, sans pour autant garantir que la société dispose des liquidités correspondantes. En définitive, à défaut d'autre élément, on ne peut retenir que le blocage ordonné par la Cour de justice et discuté lors des assemblées du 14 novembre 2018 a été réalisé.

Le même constat s'impose pour la société H______A SA. La moitié des bénéfices qui aurait dû être bloquée s'élevait à 409'855 fr. en fin d'année 2019 (55'740 fr. + 73'852 fr. + 74'761 fr. + 101'872 fr. + 103'630 fr.) et à 497'983 fr. fin 2020 (55'740 fr. + 73'852 fr. + 74'761 fr. + 101'872 fr. + 103'630 fr.+ 88'128 fr.), alors que le compte "Régie" se montait à respectivement 254'382 fr. et à 242'111 fr., sans que d'autres liquidités soient disponibles en suffisance.

L'intimée ne prétend d'ailleurs pas que les sociétés G______ SA et H______ SA auraient procédé au blocage des revenus liés aux actions indivises 26 à 50. Elle ne fait qu'alléguer avoir prélevé la part des dividendes qui lui revenait en lien avec ses propres actions 1 à 25, ce qui ne dit rien sur la mise en œuvre de la mesure conservatoire ordonnée par voie de justice concernant les autres actions.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale relève de la responsabilité du conseil d'administration. Partant, le non-respect des décisions prises lors des assemblées générales et en particulier le fait que, comme le soutient l'appelant, la part du dividende revenant aux actions indivises 26 à 50 n'aurait pas été bloquée ne saurait être imputable directement au représentant. Cela étant, il revenait néanmoins à ce dernier de s'assurer de la mise en œuvre de cette mesure de blocage puisque son mandat vise expressément la représentation et la préservation des actions 26 à 50 des sociétés et que la mesure en question est destinée à préserver les droits liés auxdites actions. De plus, il convient de porter une attention particulière à ce point compte tenu du contexte hautement conflictuel entre les actionnaires.

Le comportement du représentant de l’hoirie ne permet toutefois pas de mettre en doute sa bonne foi ni ses compétences, compte tenu de la technicité comptable des questions qui lui incombent et du contexte conflictuel, qui complique davantage l'exercice de son mandat. Contrairement à l'avis de l'appelant, les actes du représentant ne laissent pas apparaître un parti pris ou une volonté de privilégier l'intimée à son détriment.

Au vu de ce qui précède, les reproches adressés au représentant d'hoirie, qu'ils soient pris isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas constitutifs d'erreurs suffisamment graves pour mettre en doute la confiance placée en lui, au point de prononcer sa révocation, qui constitue l'ultima ratio. Ce dernier sera néanmoins invité à s'assurer de la mise en oeuvre de la mesure de blocage prévue par l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 2015, dans la limite de ses pouvoirs en tant que représentant des actions 26 à 50.

La décision sera dès lors partiellement réformée dans le sens des considérants qui précèdent.

4. 4.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, la quotité et la répartition des frais de première instance ne font l'objet d'aucun grief en appel. La modification partielle du jugement entrepris ne commande pas de les revoir, compte tenu de leur faible montant. Ils seront donc confirmés.

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 26 et 35 RTFMC) et mis à la charge des parties pour moitié chacune vu l'issue du litige (art. 106 al. 2 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance versée par l'appelant à hauteur de 500 fr., qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera en conséquence condamnée à verser 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 décembre 2022 par A______ contre la décision DJP/575/2022 rendue le 6 décembre 2022 par la Justice de paix dans la cause C/37697/1992.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de la décision attaquée et statuant à nouveau sur ce point:

Invite C______ à s'assurer de la mise en œuvre de l'arrêt de la Cour de justice ACJC/180/15 du 20 février 2015, dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés.

Confirme la décision attaquée pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et B______ pour moitié chacun et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance de frais fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, 500 fr. à titre de solde des frais judiciaires.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.