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Décisions | Chambre de surveillance

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C/21865/2022

DAS/99/2023 du 03.05.2023 sur DTAE/8677/2022 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21865/2022-CS DAS/99/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 3 MAI 2023

 

Recours (C/21865/2022-CS) formé en date du 20 janvier 2023 par Madame A______, domiciliée c/o M. B______, ______, comparant par Me Butrint AJREDINI, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 mai 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Butrint AJREDINI, avocat.
Rue de Saint-Jean 15, CP 23, 1211 Genève 13.

- Madame C______
Madame D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) Le 31 octobre 2022, le Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement a signalé au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) la situation de la mineure E______, née le ______ 2007, de nationalité ukrainienne. Cette dernière était arrivée à Genève durant le mois de mars 2022, à la suite du conflit armé qui sévissait en Ukraine. Elle était hébergée chez sa tante, A______, mariée à F______, le couple ayant une enfant, G______, née le ______ 2021. La mineure E______ n’avait pas connu son père et sa mère s’était suicidée l’année précédente. En Ukraine, elle avait été confiée à sa grand-mère maternelle, laquelle avait accepté qu’elle quitte l’Ukraine pour Genève. L’état de santé de la mineure E______ était préoccupant et elle était hospitalisée en psychiatrie au sein des HUG. Le Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement sollicitait du Tribunal de protection qu’il statue concernant la tutelle en faveur de E______, que A______ pourrait assumer en qualité de parent nourricier.

b) Par ordonnance du 8 novembre 2022, le Tribunal de protection a instauré, sur mesures provisionnelles, une mesure de tutelle provisoire en faveur de la mineure E______ et nommé A______ aux fonctions de tutrice provisoire.

c) Par courrier du 2 décembre 2022, le Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement a informé le Tribunal de protection de ce que A______ souffrait elle-même de fragilités psychiques, susceptibles de la mettre en difficulté dans l’exercice du mandat de tutelle qui lui avait été confié. En outre, la mineure E______ avait besoin d’un cadre éducatif clair et structurant. Au vu des difficultés déjà apparues durant les premiers mois de vie commune, A______ et son époux avaient besoin d’être soutenus dans leur mission par l’aide d’un professionnel. Le Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement considérait dès lors préférable de confier le mandat de tutelle au Service de protection des mineurs.

d) Le Tribunal de protection a convoqué la cause en délibérations.

B.            Par ordonnance DTAE/8677/2022 du 14 décembre 2022, le Tribunal de protection a relevé A______ de ses fonctions de tutrice provisoire de la mineure E______ (chiffre 1 du dispositif), désigné derechef, en ses lieu et place, D______, intervenante en protection de l’enfant et C______, cheffe de groupe au Service de protection des mineurs, aux fonctions respectives de tutrice principale et de tutrice suppléante de l’enfant susqualifiée (ch. 2) et dit que l’ordonnance était immédiatement exécutoire, nonobstant recours (ch. 3).

Le Tribunal de protection, en se fondant sur le courrier du Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement du 2 décembre 2022, a considéré qu’il convenait de relever A______ de ses fonctions et de désigner deux intervenantes du Service de protection des mineurs aux fonctions de tutrice de la mineure E______.

C.           a) Le 20 janvier 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance, reçue le 21 décembre 2022, concluant à son annulation ; elle a par ailleurs sollicité la restitution de l’effet suspensif et l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter son recours.

Elle a notamment exposé que la mineure E______ avait déjà rencontré des problèmes de santé mentale lorsqu’elle vivait en Ukraine. A Genève, elle avait été hospitalisée du 29 septembre au 15 décembre 2022 ; depuis lors, elle était retournée vivre chez la recourante. Celle-ci avait rencontré une représentante du Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement le 1er décembre 2022, durant une vingtaine de minutes. Le lendemain de cette rencontre, ladite représentante s’était adressée au Tribunal de protection, en indiquant que la recourante rencontrait des difficultés à exercer le mandat qui lui avait été confié, ce que celle-ci contestait, tout en relevant que ces prétendues difficultés n’étaient pas explicitées. L’ordonnance attaquée ne contenait au demeurant aucune motivation. La recourante a invoqué la violation de son droit d’être entendue, soutenant que le droit d’accès au dossier lui avait été refusé par le Tribunal de protection, sans motif valable et qu’elle n’avait pas été entendue avant le prononcé de l’ordonnance litigieuse.

b) Par décision DAS/24/2023 du 9 février 2023, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a restitué l’effet suspensif au recours formé le 20 janvier 2023 par A______.

c) Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

EN DROIT

1. 1.1. Interjeté auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC) dans les délai et forme utiles (art. 450b al. 1 et 450 al. 3 CC), par la personne directement visée par l’ordonnance litigieuse, le recours est recevable.

1.2. La Chambre de surveillance revoit la cause, soumise aux maximes inquisitoire illimitée et d'office (art. 446 al. 1 et 3 applicable par le renvoi de l'art. 314 al. 1 CC), avec un plein pouvoir d'examen (art. 450a al. 1 CC).

2. 2.1.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH comprend entre autres le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_19/2020 du 18 mai 2020 consid. 6). Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité n'a pas satisfait à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 135 III 670 consid. 3.3.1; 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 5A_609/2012 du
12 septembre 2012 consid. 3.1). L'essentiel est que la décision indique clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 II 145 consid. 8.2).

2.1.2 L’autorité de protection de l’enfant nomme un tuteur lorsque l’enfant n’est pas soumis à l’autorité parentale (art. 327a CC).

Les dispositions de la protection de l’adulte, notamment celles sur la nomination du curateur, l’exercice de la curatelle et le concours de l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie (art. 327c al. 2 CC).

L’autorité de protection de l’adulte nomme curateur une personne physique qui possède les aptitudes et les connaissances nécessaires à l’accomplissement des tâches qui lui seront confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne (art. 400 al. 1 CC).

L’autorité de protection libère le curateur de ses fonctions s’il n’est plus apte à remplir les tâches qui lui sont confiées ou s’il existe un autre juste motif de libération (art. 423 al. 1 ch. 1 et 2 CC).

2.2 Dans le cas d’espèce, le Tribunal de protection, sur la base d’une requête du Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement du 31 octobre 2022, a instauré, sur mesures provisionnelles, une mesure de tutelle provisoire en faveur de la mineure E______ et nommé la recourante aux fonctions de tutrice provisoire, considérant par conséquent qu’elle remplissait les conditions légales pour être désignée à une telle fonction.

Le Tribunal de protection, sur la seule base d’un courrier du même Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement du 2 décembre 2022, a considéré qu’il se justifiait de relever la recourante de ses fonctions, considérant par conséquent implicitement qu’elle n’était plus apte à remplir les tâches qui lui avaient été confiées.

Ce faisant, le Tribunal de protection a violé le droit d’être entendue de l’intéressée. Il ne lui a en effet pas transmis le courrier du Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement du 2 décembre 2022, de sorte que la recourante n’a pas pu prendre position sur celui-ci. Par ailleurs, force est de constater que la décision attaquée ne contient aucune motivation explicite, le Tribunal de protection s’étant contenté de faire sien le contenu du courrier du service susmentionné du 2 décembre 2022. Or, ledit courrier, s’il fait état de « fragilités psychiques » chez la recourante, susceptibles de la mettre en difficulté dans l’exercice du mandat de tutelle qui lui a été confié et de « difficultés déjà apparues durant les premiers mois de vie commune », ne fournit aucune précision sur lesdites fragilités psychiques et sur les éventuelles difficultés auxquelles l’intéressée aurait déjà été confrontée. Autrement dit, le contenu extrêmement lacunaire du courrier du 2 décembre 2022 ne permet pas, sans mesures d’instruction, de déterminer de manière claire les raisons pour lesquelles la recourante ne serait pas en mesure, contrairement à ce qui avait pourtant été retenu quelques mois plus tôt, de demeurer tutrice de sa nièce.

Au vu de ce qui précède, la décision attaquée sera annulée et la cause renvoyée au Tribunal de protection. Il appartiendra à celui-ci de procéder à l’instruction de la cause, en particulier de solliciter toutes informations utiles auprès du Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement et de donner à la recourante la possibilité de se déterminer avant la prise de toute nouvelle décision.

3. La procédure concernant une mesure de protection de l’enfant, elle est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/8677/2022 rendue le 14 décembre 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/21865/2022.

Au fond :

Annule l’ordonnance attaquée.

Cela fait :

Retourne la cause au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant pour suite d’instruction dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.