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Décisions | Chambre de surveillance

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C/19633/2022

DAS/94/2023 du 25.04.2023 sur DAS/27/2023 ( CLAH ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.05.2023, 5A_355/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19633/2022 DAS/94/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 25 AVRIL 2023

Requête (C/19633/2022) en modification, subsidiairement en révision de l'arrêt rendu par la Chambre civile le 13 février 2023 concernant le retour de l'enfant A______, née le ______ 2020, formée en date du 20 février 2023 par Madame B______, c/o Fondation « C______", ______, comparant par Me Manuel BOLIVAR, avocat, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 2 mai 2023 à :

- Madame B______
c/o Me Manuel BOLIVAR, avocat
Rue des Pâquis 35, 1201 Genève.

Monsieur D______

c/o Me Ana KRISAFI REXHA, avocate

Boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève.

- Maître E______, curatrice de représentation
______, ______.

- AUTORITÉ CENTRALE FÉDÉRALE
Office fédéral de la justice
Bundesrain 20, 3003 Berne.


EN FAIT

A. a) D______, né le ______ 1991 à F______/VD, originaire de G______/VD, et B______, née le ______ 1993 à H______ (Pérou), de nationalité péruvienne, sont les parents non mariés de l'enfant A______, née le ______ 2020 à I______ (France).

Ils ont vécu ensemble à J______ (France) de septembre 2019 jusqu'en automne 2021. D______ a progressivement quitté le domicile familial par la suite. Fin décembre 2021, B______ a quitté l'appartement familial à J______ (France) pour s'installer à Genève avec l'enfant A______.

D______ réside à J______ avec sa nouvelle compagne et l'enfant de celle-ci.

B. Sur requête de D______ du 7 octobre 2022, la Cour de justice a, par arrêt DAS/27/2023 du 13 février 2023, ordonné le retour de l'enfant A______ en France, a ordonné à la mère d'assurer le retour de l'enfant dans les dix jours dès la notification de l'arrêt ou de laisser D______ l'y emmener, a ordonné, à défaut d'exécution, au Service de protection des mineurs d'organiser la remise de l'enfant à D______, le cas échéant avec le concours des agents de la force publique, ce immédiatement après l'échéance du délai de dix jours, et a dit que les mesures prononcées antérieurement par la Cour de justice étaient maintenues jusqu'au retour effectif de l'enfant en France.

La Cour a retenu que le déplacement de la mineure de la France en Suisse était illicite au sens de l'art. 3 al. 1 CLaH80, dès lors qu'il avait été effectué sans l'accord du père, également détenteur de l'autorité parentale, qui comprenait le droit de décider du lieu de résidence de l'enfant en vertu du droit français applicable au regard du domicile français de l'enfant depuis sa naissance jusqu'à son déplacement en Suisse. Aucune exception prévue par l'art. 13 CLaH80 n'était par ailleurs réalisée, puisque le retour de la mineure en France ne la plaçait pas dans une situation intolérable, dès lors que le père était en mesure d'accueillir sa fille et que la mère, qui s'était installée en Suisse plus par confort que par nécessité, n'était pas dans l'impossibilité de retourner en France. Le retour de l'enfant A______ en France devait ainsi être ordonné en application de l'art. 12 al. 1 CLaH80.

L'arrêt a été notifié aux parties le 16 février 2023.

C. a) Par acte du 20 février 2023, B______ a requis la modification, subsidiairement la révision de cet arrêt, concluant à l'annulation de l'ordre de retour de l'enfant en France et au déboutement de D______ de toutes ses conclusions en retour de l'enfant en France.

Elle s'est prévalue du jugement rendu le 31 janvier 2023 par le Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains (France), qui s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande formée par le père de l'enfant tendant à l'attribution de l'autorité parentale exclusive en sa faveur, à la fixation à son domicile de la résidence habituelle de l'enfant et à la réserve d'un droit de visite en faveur de la mère, a ordonné une enquête sociale et fixé à titre provisoire, dans l'attente du rapport d'expertise, la résidence habituelle au domicile de la mère et un droit de visite en faveur du père.

La requérante a sollicité des mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant à la suspension de l'exécution de l'ordre de retour de l'enfant en France à tout le moins jusqu'au 4 juillet 2023.

b) Par arrêt du 21 février 2023, la Cour a suspendu le caractère exécutoire de l'arrêt du 13 février 2023.

c) D______ et la curatrice de l'enfant ont conclu au rejet de la requête en modification et en révision de l'arrêt du 13 février 2023.

d) La cause a été gardée à juger le 8 mars 2023, ce dont les parties ont été informées par avis du greffe du même jour.

e) Par la suite, la curatrice de l'enfant et B______ ont, par courriers respectivement des 22 et 30 mars 2023, fait état de nouvelles décisions judiciaires françaises, soit l'ordonnance du Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du 21 mars 2023 autorisant D______ à assigner B______ en référé pour une audience le 28 mars 2023 afin qu'il soit statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, et celle rendue par ce même tribunal le 30 mars 2023, rejetant la requête du père.

f) La curatrice a produit le relevé de son activité fournie dans cette procédure, faisant état de 8,6 heures d'activité pour un montant de 3'870 fr.

D. Il ressort pour le surplus du dossier que les parties s'opposent dans le cadre de diverses procédures ouvertes en France et à Genève :

a) Le 8 février 2022, B______ a déposé une action en attribution en sa faveur de la garde de l'enfant, en paiement d'une contribution du père à l'entretien de la mineure et en octroi d'un droit de visite en faveur de ce dernier auprès du Tribunal de première instance de Genève.

Par jugement du 11 novembre 2022, ce tribunal s'est déclaré incompétent à raison du lieu pour en connaître, en retenant que les parents exerçaient l'autorité parentale en commun sur leur fille selon le droit français, applicable compte tenu du domicile en France des parties lors de la reconnaissance de l'enfant par son père en novembre 2020, et que la mineure ne s'était pas créé une nouvelle résidence en Suisse lors du dépôt de la demande en février 2022, son déplacement en Suisse étant intervenu sans l'accord du père.

B______ a appelé de ce jugement le 16 décembre 2022.

b) Le 11 février 2022, D______ a saisi les autorités judiciaires françaises d'une requête en fixation des modalités d'exercice de l'autorité parentale, qu'il a retirée le 13 septembre 2022.

c) Le 28 novembre 2022, D______ a déposé auprès du Tribunal de Thonon-les-Bains (France) une requête dirigée contre B______ tendant à l'attribution en sa faveur de l'autorité parentale exclusive, à la fixation de la résidence de la mineure chez lui et à l'octroi d'un droit de visite en faveur de la mère.

Une audience a été fixée au 3 janvier 2023.

Par jugement du 31 janvier 2023, le Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande formée par le père, a ordonné une enquête sociale et fixé, à titre provisoire dans l'attente du rapport d'expertise, la résidence habituelle au domicile de la mère et un droit de visite en faveur du père.

D______ a appelé de ce jugement par acte adressé à la Cour d'appel de Chambéry (France) le 22 février 2023.

EN DROIT

1. 1.1 Le tribunal peut, sur requête, modifier la décision ordonnant le retour de l'enfant lorsque les circonstances qui s'y opposent ont changé de manière déterminante (art. 13 LF-EEA).

Une partie peut par ailleurs demander la révision de la décision entrée en force au tribunal qui a statué en dernière instance cantonale lorsqu'elle découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu'elle n'avait pu invoquer dans la procédure précédente, à l'exclusion des faits et moyens de preuve postérieurs à la décision (art. 328 al. 1 let. a CPC).

1.2 En l'espèce, la requête en modification de l'arrêt ordonnant le retour de l'enfant en France rendu le 13 février 2023, formée devant la Chambre civile de la Cour de justice qui a prononcé cet arrêt, est recevable.

Il en va de même de la requête en révision, formée devant l'instance qui a statué et dans les délai et forme prévus par la loi (art. 328 et 329 CPC).

2. Il ne sera pas tenu compte des faits nouveaux allégués et pièces nouvelles produites par la curatrice de l'enfant et la citée les 22 et 30 mars 2023, soit postérieurement à la mise en délibération de la cause le 8 mars 2023 (art. 229 al. 3 CPC), étant toutefois relevé ici qu'ils n'auraient pas eu d'incidence sur l'issue du litige.

3. La requérante conclut à l'annulation de l'arrêt du 13 février 2023 ordonnant le retour de l'enfant en France en se prévalant de ce que les tribunaux français ont, en date du 31 janvier 2023, provisoirement fixé la résidence de l'enfant auprès de la mère.

3.1 Le tribunal peut, sur requête, modifier la décision ordonnant le retour de l'enfant lorsque les circonstances qui s'y opposent ont changé de manière déterminante (art. 13 LF-EEA).

Le seul fait qu'une décision relative à la garde ait été rendue ou soit susceptible d'être reconnue dans l'Etat requis ne peut justifier le refus de renvoyer l'enfant dans le cadre de la convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980 (ci-après : CLaH80), mais les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat requis peuvent prendre en considération les motifs de cette décision qui entreraient dans le cadre de l'application de cette convention (art. 17 CLaH80; arrêt du Tribunal fédéral 5_705/2014 du 15 octobre 2014, consid. 4.3).

La procédure visant le retour de l'enfant déplacé illicitement dans son État de résidence habituelle n'a pas pour but de statuer au fond sur son sort, notamment sur la question de savoir quel parent serait le plus apte à l'élever et à prendre soin de lui; la décision à ce sujet revient au juge du fait de l'État de provenance et la procédure de retour tend uniquement à rendre possible une décision future à ce propos (art. 16 et 19 CLaH80; ATF 133 III 146 consid. 2.4; 131 III 334 consid. 5.3; arrêt 5A_548/2020, 5A_551/2020 du 5 août 2020 consid. 5.2.1)

3.2 En l'espèce, la Cour a ordonné le retour de la mineure en France par arrêt du 13 février 2023, en retenant que la mère avait déplacé illicitement l'enfant de la France vers la Suisse puisque le père, également détenteur de l'autorité parentale, n'y avait pas consenti. Aucune des exceptions prévues par la convention pour renoncer à ordonner le retour n'était par ailleurs réalisée, dès lors que la mineure ne se trouverait pas dans une situation intolérable si elle devait retourner en France : le père était en mesure de l'accueillir puisqu'il en avait assumé la charge en avril et juin 2022, et la mère, qui s'était installée en Suisse plus par confort que par nécessité, n'était pas dans l'impossibilité d'y retourner.

Contrairement à ce que soutient la requérante, la décision française fixant provisoirement la résidence de l'enfant auprès de la mère ne fait pas obstacle au retour de l'enfant en France. La procédure de retour fondée sur la CLaH80 se limite à l'examen de l'illicéité du déplacement de l'enfant et des circonstances justifiant de renoncer à ordonner le retour, sans se prononcer sur l'attribution des droits parentaux. La décision française attribuant provisoirement la garde effective de l'enfant à sa mère n'a d'incidence ni sur le caractère illicite du déplacement de l'enfant de France en Suisse, auquel le père titulaire de l'autorité parentale n'a pas consenti, ni sur le fait que la mineure ne se trouverait pas dans une situation intolérable si elle devait retourner en France.

Les conditions posées par les articles 3 al. 1 let. a et b sont ainsi remplies et aucune des exceptions prévues par l'art. 13 CLaH80 n'est réalisée, de sorte que le retour de l'enfant doit être ordonné en vertu de l'art. 12 al. 1 CLaH80.

La requête en modification de l'arrêt du 13 février 2023 ordonnant le retour de l'enfant en France doit en conséquence être rejetée.

Il en va de même de la requête en révision dudit arrêt, dès lors qu'il ne s'agit pas de faits pertinents pour l'issue du litige, ni de pseudo-nova, soit de faits qui se sont produits jusqu'au moment où des allégations de faits étaient encore recevables (ATF 143 III 272 consid. 2.2; 134 IV 40 consid. 1.2).

Dans la mesure où l'exécution du retour ordonné le 13 février 2023 a été suspendue, il y a lieu de fixer un nouveau délai de 30 jours à la requérante pour l'exécution du retour de l'enfant en France.

4. Vu l'issue de la procédure, les mesures provisionnelles requises n'ont plus d'objet.

5. 5.1 Les art. 26 CLaH80 et 14 LF-EEA prévoient la gratuité de la procédure; toutefois conformément aux dispositions de l'art. 42 CLaH80 et par application de l'art. 26 al. 3 CLaH80, la France a déclaré qu'elle ne prendrait en charge les frais visés à l'al. 2 de l'art. 26 que dans la mesure où les coûts peuvent être couverts par son système d'assistance judiciaire. La Suisse applique dans ce cas le principe de la réciprocité (art. 21 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111), de sorte que la procédure n'est pas gratuite (arrêts du Tribunal fédéral 5A_930/2014 consid. 7; 5A_584/2014 consid. 9).

Les frais, qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC), sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Les frais judiciaires comprennent notamment les frais de traduction et les frais de représentation de l'enfant (art. 95 al. 2 let. d et e CPC).

L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances et de sûretés, l'exonération des frais judiciaires et la commission d'office d'un conseil juridique (art. 118 al. 1 CPC).

5.2 En l'espèce, les frais judiciaires seront arrêtés à 2'580 fr., comprenant les frais de représentation de la mineure, fixé à hauteur de 2'580 fr. pour 8,6 heures d'activité d'avocat chef d'étude au tarif horaire de 300 fr. au regard de la nature familiale et sans complexité particulière du litige (art. 9 du règlement fixant la rémunération des curateurs, RS/GE E 05.15). Ils seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, la citée plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à verser 2'580 fr. à la curatrice de la mineure.

Il ne sera enfin pas alloué de dépens, vu la nature familiale du litige.

6. Le présent arrêt sera notifié, outre aux parties, à l'autorité centrale fédérale, conformément à l'art. 8 al. 3 LF-EEA, à charge pour celle-ci d'en informer les autorités compétentes.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête formée le 20 février 2023 par B______ en modification, respectivement en révision de l'arrêt DAS/27/2023 rendu par la Chambre civile le 13 février 2023 dans la procédure C/19633/2022 concernant le retour de l'enfant A______.

Au fond :

Rejette la requête de B______.

Fixe à B______ un nouveau délai de 30 jours à compter de la réception du présent arrêt pour exécuter le retour de la mineure A______ en France ordonné par la Cour dans son arrêt du 13 février 2023.

Arrête les frais de la procédure à 2'580 fr. et les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser la somme de 2'580 fr. à E______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 2 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.