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Décisions | Chambre de surveillance

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C/5023/2022

DAS/219/2022 du 18.10.2022 sur DTAE/1754/2022 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5023/2022-CS DAS/219/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 18 OCTOBRE 2022

 

Recours (C/5023/2022-CS) formé en date du 22 avril 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me Robert ASSAEL, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 19 octobre 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Robert ASSAEL, avocat
Rue de l'Athénée 4, 1205 Genève.

- Monsieur B______
c/o Me Karim RAHO, avocat
Rue Saint-Ours 5, 1205 Genève.

- Maître C______
______ Genève.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/1754/2022 rendue le 22 mars 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a désigné en qualité de curatrice de représentation des mineurs D______, née le ______ 2016, et E______, né le ______ 2018, C______, avocate, afin de les représenter dans la procédure pénale P/1______/2022 pendante par-devant le Ministère public, au vu du conflit d'intérêts pouvant exister à l'égard de leurs parents.

B. Par recours du 22 avril 2022 à l'adresse de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a conclu à l'annulation de la décision en question, sous suite de frais à la charge de l'Etat. Elle a conclu préalablement à la remise d'une copie de l'intégralité du dossier du Tribunal de protection et à ce qu'un délai pour compléter le recours lui soit accordé à l'issue de cette remise. En substance, elle reproche au Tribunal de protection d'avoir considéré qu'il existait un conflit potentiel d'intérêts entre les enfants et elle-même et qu'il était nécessaire de nommer aux premiers un curateur dans la procédure pénale. A défaut de motivation relatif à ce potentiel conflit d'intérêts, son droit d'être entendue avait été violé. En outre, même si elle avait appris que son époux avait abusé de leur fils, les enfants "étaient sa priorité".

En date du 19 août 2022, le Tribunal de protection a fait savoir à la Chambre de surveillance qu'il n'entendait pas faire usage de la faculté de reconsidérer sa décision. Il a relevé par ailleurs que A______ avait eu la possibilité de consulter le dossier au Tribunal de protection et s'était abstenue d'y procéder.

Le père des enfants, mis en prévention et détenu, s'en est rapporté à justice en date du 25 août 2022.

La cause a été gardée à juger le 31 août 2022.

En date du 16 septembre 2022, A______ a fait tenir à la Chambre de surveillance un rapport médical faisant état de son suivi psychiatrique et psychothérapeutique depuis mars 2022, exposant qu'elle était fortement impactée sur les plans psychique et émotionnel par les abus sur ses enfants et la procédure judiciaire. Le rapport indique en outre "qu'elle croit ses enfants et les soutient".

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants:

a) Les mineurs D______ et E______, respectivement nés les ______ 2016 et ______ 2018 sont les enfants de A______ et B______.

b) En date du 11 mars 2022, le Service de protection des mineurs, mis en œuvre lui-même par la Brigade des mœurs, a informé le Tribunal de protection du fait que les parents des mineurs concernés avaient été interpellés suite à une suspicion d'abus sexuels par le père sur son fils et sollicitait, sur mesures superprovisionnelles, le retrait de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence des mineurs aux deux parents et leur placement, ainsi que l'instauration de diverses curatelles.

Ces mesures ont été ordonnées le jour-même sur mesures superprovisionnelles par le Tribunal de protection.

Une procédure pénale (P/1______/2022) a été ouverte contre B______ et A______, de divers chefs d'infractions, notamment d'actes d'ordre sexuel sur un enfant, contrainte sexuelle, voire viol, actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, inceste, pornographie et violation du devoir d'assistance ou d'éducation, lesquels ont été mis en prévention. Le premier est détenu depuis lors, détention prolongée encore récemment.

Le 22 mars 2022, la décision querellée a été rendue.

Depuis lors, la procédure pénale suit son cours de même que la procédure de protection.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC).

Interjeté par la mère des mineurs concernés par la mesure, dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite, le recours est recevable (art. 450 al. 2 et 3 et 450b CC).

1.2 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d'office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. Elle n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

2. La recourante a invoqué la violation de son droit d'être entendue, du fait du défaut allégué de motivation de l'ordonnance attaquée.

2.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu impose notamment au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui apparaissent pertinents (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Toutefois, une violation pas particulièrement grave du droit d'être entendu peut exceptionnellement être réparée si l'intéressé peut s'exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d'examen en fait et en droit. Ce moyen doit être examiné avec un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1; ATF 127 III 193 consid. 3).

2.2 En l'espèce, l'ordonnance attaquée ne consacre aucune violation du droit de la recourante à la motivation. Celle-ci l'a d'ailleurs parfaitement comprise en développant les arguments qu'elle soulève dans son recours. Le Tribunal de protection a mentionné la procédure pénale ouverte contre les parents justifiant qu'il soit retenu un potentiel conflit d'intérêts entre les parents et les enfants. S'agissant de la désignation pour ladite procédure d'un curateur de représentation aux mineurs, la motivation de l'ordonnance est parfaitement suffisante.

Ce premier grief est infondé.

3. La recourante conteste la nécessité de désigner un curateur de représentation pour ses enfants dans le cadre de la procédure pénale.

3.1.1 Si les père et mère sont empêchés d'agir ou si, dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l'enfant, l'autorité de protection de l'enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires (art. 306 al. 2 CC).

L'art. 306 al. 2 s'applique de manière large aussitôt que le représentant légal n'est pas en mesure de représenter l'enfant au mieux de ses intérêts dans une affaire particulière, que le conflit soit concret ou abstrait, direct ou indirect. Le conflit dont l'existence est effectivement établie est concret, mais un simple risque est suffisant (conflit dit abstrait) (Commentaire romand, Code civil I, Pichonnaz Foëx (éd.), ad art. 306 n. 5 ss).

Pour qu'il y ait conflit d'intérêts, il suffit que ceux-ci ne soient plus parallèles: un curateur doit être désigné dès qu'une mise en danger des intérêts du représenté apparaît possible (mise en danger "abstraite"; arrêt du Tribunal fédéral 5C.84/2004 du 2 septembre 2004 et les références citées).

3.1.2 L'autorité de protection ( ) désigne un curateur expérimenté en matière d'assistance et dans le domaine juridique (art. 314abis al. 1 CC).

3.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a constaté à juste titre qu'alors qu'une procédure pénale était ouverte à l'encontre des deux parents des enfants concernés (dans laquelle ils ont tous deux été mis en prévention à divers titres), il existait manifestement un (potentiel) conflit d'intérêts dans ladite procédure entre les victimes et les auteurs qui justifiait et nécessitait que les premières soient représentées par un curateur indépendant, capable de défendre leurs intérêts.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal de protection a désigné un curateur chargé de représenter les deux mineurs dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre leurs parents, lequel sera à même de défendre leurs intérêts en toute objectivité et sans affect particulier.

Infondé, le recours sera rejeté sous suite de frais.

4. Les frais judiciaires de la procédure de recours sont arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile- RTFMC) et mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront toutefois laissés provisoirement à la charge de l'Etat, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 22 avril 2022 par A______ contre la décision DTAE/1754/2022 rendue le 22 mars 2022 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/5023/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure de recours à 400 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.