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Décisions | Chambre de surveillance

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C/5696/2021

DAS/206/2022 du 26.09.2022 sur DJP/283/2022 ( AJP ) , REJETE

Recours TF déposé le 31.10.2022, rendu le 08.02.2023, CONFIRME
Normes : CC.583.al1; CC.580
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5696/2021 DAS/206/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 26 SEPTEMBRE 2022

 

Recours (C/5696/2021) formé le 24 juin 2022 par l'hoirie de feu A______, composée de Mesdames B______ et C______ et Monsieur D______, comparant tous trois par Me Fabien V. RUTZ, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 27 septembre 2022 à :

 

- Madame B______
Madame C______
Monsieur D______

c/o Me Fabien V. RUTZ, avocat,
Rue de Hesse 16, case postale 1970, 1211 Genève 1.

- JUSTICE DE PAIX.

Pour information, dispositif uniquement communiqué à :

- Maître E______
______ Genève.

 

 


EN FAIT

A.           Par décision DJP/283/2022 du 9 juin 2022, communiquée pour notification aux parties le 13 juin 2022 et reçue le 14 du même mois, la Justice de paix a invité E______, notaire, à déposer l'inventaire de la succession de A______, né le ______ 1968 et décédé le ______ 2021, dans les meilleurs délais.

La Justice de paix, après avoir rappelé que l'inventaire faisait foi des éléments qu'il renferme mais n'apportait pas la preuve de l'exactitude des indications qui y figurent, a relevé qu'elle n'avait pas la compétence pour examiner matériellement les droits annoncés. Se basant sur le fait que, selon le notaire commis, le défunt ne faisait plus partie de l'actionnariat de la Société F______ SA à son décès, elle n'était pas fondée à instruire cette question dans le cadre de l'établissement de l'inventaire. Pour le surplus, dans le cadre d'une demande de consultation de l'ensemble du dossier de la part de l'hoirie, elle a considéré que seul l'inventaire pouvait faire l'objet d'un droit de consultation et non l'ensemble du dossier en mains du notaire ou de l'autorité.

B. a) Par acte du 24 juin 2022, l'hoirie de A______, soit B______, C______ et D______, a formé recours contre cette décision, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et, principalement, à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à la Société F______ SA de produire divers documents, en particulier les registres des titulaires et/ou des ayants-droit économiques des parts au porteur pour les années 2015 à 2020 et l'ensemble des procès-verbaux des assemblées générales de la société pour les années 2015 à 2021. L'hoirie a conclu en outre à ce que soit sollicitée du Registre du commerce la communication de l'acte constitutif de ladite société en la forme authentique, le procès-verbal de la séance constitutive du conseil d'administration et tous les documents en possession dudit Registre mentionnant la composition de l'actionnariat de la société, et à ce qu'il soit enjoint au notaire commis de prendre les renseignements visés. Subsidiairement, l'hoirie a conclu à l'annulation de la décision de la Justice de paix et au renvoi de la cause à celle-ci pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens qu'elle estime à 3'500 fr.

En substance, l'hoirie recourante reproche tout d'abord à la Justice de paix d'avoir violé son droit d'être entendue, dans la mesure où le notaire commis lui avait refusé l'accès au dossier de la procédure de bénéfice d'inventaire, la Justice de paix considérant sur ce point que seul l'inventaire lui-même pouvait être consulté.

Pour le surplus, l'hoirie fait grief à la Justice de paix d'avoir violé les règles régissant la mise en œuvre du bénéfice d'inventaire dans la mesure où le notaire commis n'aurait pas investigué avec suffisamment d'acuité la qualité alléguée d'actionnaire de la Société F______ SA du défunt, s'étant contenté d'une réponse négative des organes de celle-ci sur la base d'une situation postérieure au décès. Ce faisant, elle aurait violé les maximes inquisitoire et d'office.

b) Par arrêt DAS/139/2022 du 29 juin 2022, l'effet suspensif a été octroyé au recours par la Chambre civile de la Cour de justice.

Des déterminations n'ont pas été requises.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants:

a) A______, de nationalité italienne, domicilié à Genève, est né le ______ 1968 et décédé le ______ 2021 en Grèce.

Ses héritiers ont requis le 27 mai 2021 le bénéfice d'inventaire de sa succession.

b) Par décision du 15 juin 2021, la Justice de paix a ordonné l'ouverture du bénéfice d'inventaire de la succession de A______, ordonné les publications légales et commis E______, notaire, aux fins de dresser ledit inventaire, prescrivant en particulier l'inventaire immédiat de l'ensemble des affaires et des biens meubles garnissant les locaux loués par la Société F______ SA, sis 1______, ainsi que le ou les conteneurs détenus au nom de ladite société ou du défunt actuellement en dépôt chez G______ SA, rue 2______. La Justice de paix a imparti en outre au notaire un délai au 29 juin 2021 pour lui remettre l'inventaire des derniers biens visés et un délai de six mois pour lui remettre un inventaire complet de la succession.

c) En date du 18 juin 2021, une requête de mesures provisionnelles urgentes a été adressée par l'hoirie à la Justice de paix visant à faire interdiction à la Société F______ SA d'emporter les affaires et biens garnissant les locaux sous la menace de la peine de l'art. 292 CP et à autoriser l'hoirie à les faire entreposer dans un lieu de son choix.

Par décision du même jour, la Justice de paix a constaté que l'inventaire des biens en question avait été dressé le 17 juin 2021 et autorisé l'hoirie à en prendre possession et à les faire entreposer dans un dépôt de son choix.

d) Dans le cadre du bénéfice d'inventaire, la Société F______ SA a produit dans la succession deux créances, l'une à hauteur de 1'110'957 fr. 96 et l'autre à hauteur de 12'000'000 fr.

Quant à elle, l'hoirie a informé la Justice de paix d'une créance alléguée (litigieuse) du défunt à l'encontre de son frère dans le cadre de la société en question pour un montant de 19'950'000 USD, à porter aux actifs de la succession dans le cadre de l'inventaire.

e) Après diverses péripéties, le notaire commis a adressé, le 20 décembre 2021, à la Justice de paix un projet d'inventaire faisant état au passif de la première créance produite par la Société F______ SA en 1'110'957 fr. 96 mais ne faisant pas mention de la créance alléguée en 12'000'000 fr. Le projet d'inventaire fait en outre état de diverses revendications de l'hoirie du défunt, dont la créance de 19'950'000 USD évoquée précédemment. Ces revendications ne sont cependant pas portées à l'actif ou au passif de la succession.

Il résulte du projet d'inventaire que la succession serait passive d'environ 1'835'000 fr.

A cette occasion, le notaire a encore informé la Justice de paix que les prétentions en revendication de l'hoirie devaient, le cas échéant, faire l'objet d'actions à intenter par les héritiers après avoir accepté la succession sous bénéfice d'inventaire.

f) Le notaire a remis, le 30 mai 2022, à la demande de la Justice de paix, une attestation du président du conseil d'administration de la Société F______ SA selon laquelle, au 5 mars 2021, le défunt n'était pas actionnaire de la société.

Suite à quoi, la décision querellée a été rendue.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions finales et incidentes du juge de paix en matière successorale, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel ou d'un recours, par une personne qui y a un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), dans un délai de dix jours (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), selon que la valeur litigieuse est ou non d'au moins 10'000 fr. (art. 306 al. 2 CPC).

Quant aux ordonnances d'instruction, elles sont susceptibles d'un recours pour autant qu'elles puissent causer un dommage difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours déposé par une personne qui y a un intérêt et dans le délai légal, contre une ordonnance de la Justice de paix, est recevable de ce point de vue.

La possibilité que ladite ordonnance puisse causer un dommage difficilement réparable est une condition de recevabilité d'un recours contre les ordonnances d'instruction (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Quand bien même la réalisation de cette condition apparaît douteuse, à titre exceptionnel au vu du type de procédure spécifique en matière bénéfice d'inventaire et des conséquences attachées à l'inventaire lui-même, la question peut rester indécise dans le cas présent dans la mesure de ce qui suit.

2.             En l'absence de conclusion relative aux développements consacrés par l'hoirie recourante relatifs au refus de la Justice de paix de la laisser consulter l'intégralité du dossier, cette question ne sera pas abordée.

3.             3.1 Point n'est besoin de rappeler les principes qui gouvernent la procédure de bénéfice d'inventaire et son déroulement dans la mesure où ils ressortent clairement des arrêts cités par l'hoirie recourante elle-même, et notamment de l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_392.2016 c. 4 et de l'arrêt DAS/134/2019 c.2 rendu par la Chambre céans.

Selon l'art. 583 al. 1 CC, l'autorité chargée de l'établissement de l'inventaire inventorie d'office les créances et les dettes qui résultent des registres publics ou des papiers du défunt. Le but de la norme vise à obtenir la vision la plus complète possible de l'état de la succession. Des actifs qui ne ressortent pas des registres publics ou des papiers du défunt peuvent néanmoins être pris en compte, par exemple lorsqu'ils sont annoncés par des tiers. Doivent être inventoriées d'office toutes prétentions qui ressortent non seulement de la comptabilité commerciale, des extraits de comptes bancaires, des contrats, des reconnaissances de dette et de la correspondance, mais aussi des papiers-valeurs retrouvés, de même que des documents privés et des données électroniques. Toutefois, l'autorité n'a pas à rechercher d'éventuelles prétentions de créanciers dans les documents laissés en vrac par le défunt (VOGT/LEU, Basler Kommentar Zivilgesetzbuch II, 6ème édition, nos 1 et 2, ad art. 583).

Il découle de ce qui précède que l'autorité n'est tenue, dans le cadre de l'établissement de l'inventaire selon les art. 580 et ss CC, d'inventorier que les dettes et créances de la succession immédiatement disponibles, telles qu'elles ressortent des documents à sa disposition, après les productions et après les recherches usuelles. L'autorité n'a non seulement pas à effectuer des recherches qui sortent de l'ordinaire mais ne doit pas non plus se prononcer sur la matérialité de l'existence de dettes ou de créances. Ceci est d'ailleurs conforme à la nécessaire célérité avec laquelle l'inventaire doit être dressé, le délai pour produire les créances et déclarer les dettes étant d'un mois à partir de la première publication (art. 582 al. 3 CC). L'autorité doit par ailleurs, une fois le délai pour les productions expiré, clore le plus rapidement possible formellement l'inventaire et en permettre la consultation pendant le délai d'un mois (art. 584 al. 1 CC).

En outre, comme la jurisprudence l'a rappelé, la clôture de l'inventaire est un acte administratif sans autorité de chose jugée. L'inventaire fait foi des éléments qu'il renferme mais il n'apporte pas la preuve de l'exactitude des indications qui y figurent. Il reflète uniquement l'annonce des créanciers et leurs prétentions à l'encontre du défunt, avec les effets liés à l'inscription de celles-ci. L'autorité qui dresse l'inventaire n'a pas la compétence pour examiner matériellement les droits annoncés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_392/2016 du 1er novembre 2016 consid. 4.3 et références citées).

3.2 Dans le cas présent et sur la base de ce qui précède, alors que la clôture de l'inventaire n'a pas encore été prononcée, on doit admettre que le notaire chargé par la Justice de paix d'établir l'inventaire de la succession de A______ n'avait pas à examiner plus avant si d'éventuelles prétentions de la succession à l'égard de tiers pouvaient être matériellement fondées ou si d'autres actifs que ceux qui ressortaient des papiers du défunt et des investigations auxquelles il avait déjà procédé devaient être pris en compte. Ce n'est pas son rôle. Des actions visant l'obtention d'autres renseignements que ceux qui ressortent des papiers du défunt pris en compte dans le cadre de l'établissement de l'inventaire, sont à intenter, par les héritiers, s'ils s'y estiment fondés, par-devant les instances compétentes pour en connaître.

Dans la mesure où certes, l'inventaire doit être aussi complet que possible de manière à ce que les héritiers puissent opter pour l'acceptation de la succession, l'acceptation sous bénéfice d'inventaire ou la répudiation de celle-ci, il leur appartient, s'agissant de prétentions matérielles auxquelles ils estiment pouvoir prétendre et qui par hypothèse ne figureraient pas dans l'inventaire dressé, de décider eux-mêmes quelle position adopter, suite à la clôture, de celui-ci, sans que cela ne remette en question la façon dont l'inventaire aurait été dressé. La loi ne stipule pas l'exhaustivité nécessaire de l'inventaire.

Dès lors, le recours dirigé contre la décision querellée, qui ne vise que l'invite faite au notaire commis de déposer son inventaire, pour autant qu'il soit recevable tant le dommage difficilement réparable que pourrait causer cette décision d'instruction n'apparaît pas évident, doit être rejeté. Il le sera sous suite de frais.

4. Les frais judiciaires, arrêtés à 700 fr., seront mis à la charge de l'hoirie qui succombe (art. 106 CPC) et compensés entièrement avec l'avance de frais versée qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Rejette, dans la faible mesure de sa recevabilité, le recours formé le 24 juin 2022 par l'hoirie de feu A______, composée de B______ et C______ et D______, contre la décision DJP/283/2022 rendue le 9 juin 2022 par la Justice de paix dans la cause C/5696/2021.

Arrête les frais judiciaires à 700 fr., les met à la charge de l'hoirie de feu A______, composée de B______ et C______ et D______, et les compense entièrement avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.