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Décisions | Chambre de surveillance

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C/8992/2018

DAS/161/2022 du 29.07.2022 sur DTAE/4845/2022 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8992/2018-CS DAS/161/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREdi 29 juillet 2022

 

Recours (C/8992/2018-CS) formé en date du 21 juillet 2022 par Madame A______, actuellement hospitalisée à la Clinique de B______, Unité C______, sise ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 29 juillet 2022 à :

- Madame A______
p.a. Clinique de B______,
Unité C______
______, ______.

- Maître D______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

- Direction de la Clinique de B______
______, ______.


EN FAIT

A. a) Le 28 mai 2018, A______ a fait l'objet d'une mesure de placement à des fins d'assistance par un médecin, confirmée par ordonnance DTAE/3145/2018 du 12 juin 2018 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et décision du 25 juin 2018 de la Chambre de surveillance de la Cour de justice. Celle-ci a en particulier retenu qu'il résultait de l'expertise établie le 8 juin 2018 par le Dr E______ que A______ présentait, lors de son admission, des éléments délirants persécutoires, avec des troubles du comportement (fugues et multiples appels téléphoniques aux équipes de secours), et que le diagnostic probable retenu était un trouble psychotique, qualifié d'aigu d'allure schizophrénique.

Par ordonnance DTAE/4611/2018 du 26 juillet 2018, le Tribunal de protection a sursis à l'exécution du placement à des fins d'assistance institué le 12 juin 2018, soumis au respect, par A______, d'un suivi régulier au CAPPI [du quartier] des F______ et à la prise régulière du traitement prescrit par le médecin du CAPPI.

b) A______ a fait l'objet d'une nouvelle mesure de placement à des fins d'assistance le 14 juin 2022, ordonnée par la Doctoresse G______, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

Elle a été ainsi hospitalisée à l’Unité C______ du Service de psychiatrie adulte des Hôpitaux universitaires de Genève.

Par acte du 14 juin 2022, A______ a formé recours contre la décision médicale précitée.

Mandatée par le Tribunal de protection le 15 juin 2022, la Doctoresse H______ a relevé, dans son rapport d'expertise du 20 juin 2022, que A______ avait été hospitalisée après que le propriétaire d'une parcelle située à I______ (Vaud), dans laquelle elle avait pénétré, avait appelé la police. Au poste de police, l'intéressée présentait un discours délirant, raison pour laquelle l'agent avait contacté un médecin. Ce dernier avait ordonné un PAFA-MED dès lors que A______ était logorrhéique et euphorique. Elle était méfiante et se sentait persécutée par rapport aux questions ayant trait à ses finances. Elle avait expliqué être millionnaire. Elle refusait d'être hospitalisée ou de prendre un quelconque traitement, contestant être bipolaire. Son hospitalisation avait été nécessaire en raison d'une décompensation maniaque accompagnée par des symptômes psychotiques. Elle souffrait d'un trouble bipolaire, se présentant alors sous la forme d'un épisode maniaque. Elle ne disposait pas de la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité d'un traitement. Un traitement médicamenteux s'avérait nécessaire pour apaiser la symptomatologie délirante. En l'absence d'un traitement, il existait un risque de passage à l'acte ainsi que d'une errance pathologique qui pourrait amener A______ à se mettre en danger, voire par exemple dans le cas de la persistance d'un envahissement délirant, mettre en danger des tiers. Des mesures moins rigoureuses qu'un placement avec traitement médicamenteux ne pouvaient pas être envisagées.

A l'audience du Tribunal de protection du 21 juin 2022, A______ a confirmé le recours formé contre son placement à des fins d'assistance. Elle a déclaré ne pas prendre de médication et que son hospitalisation n'était pas nécessaire. Elle avait subi une importante insolation lorsqu'elle s'était trouvée sur la place à I______ et avait depuis lors des problèmes de sommeil.

La Doctoresse J______ a déclaré que le PAFA-MED était justifié en raison de la diminution du sommeil de l'intéressée, de son accélération psychique et de son décalage avec la réalité. Son hospitalisation était nécessaire en vue de stabiliser son état clinique ainsi que pour prévoir et définir la suite des soins ambulatoires.

Par ordonnance DTAE/3999/2022 du 21 juin 2022, le Tribunal de protection a déclaré recevable le recours formé le 14 juin 2022 par A______ contre son placement du 14 juin 2022 et l'a rejeté.

c) A la suite d'une décision de limitation de mouvements de A______, et du recours formé par celle-ci contre cette mesure le 25 juin 2022, une nouvelle expertise a été ordonnée.

Dans son rapport d'expertise du 29 juin 2022, le Docteur K______ a relevé que si l'intéressée avait, lors de son hospitalisation en 2018, présenté un épisode de trouble du comportement avec irritabilité, impulsivité et hétéro-agressivité ayant nécessité l'injection d'un traitement neuroleptique et sédatif, sa décompensation actuelle n'était pas semblable à la précédente. Elle ne présentait en effet pas de tachypsychie, de tendances hétéro-agressives ni de désorganisation idéo-comportementale. L'expertise mettait en évidence un mécanisme de défense de type déni et une attitude banalisante. L'intéressée présentait une anosognosie persistante de son trouble bipolaire. En l'absence d'une mesure limitant sa liberté de mouvement, A______ aurait pu se mettre en danger et, dans un état de toute puissance maniaque, elle aurait pu présenter des tendances hétéro-agressives et des comportements inadaptés qui auraient pu mettre en péril son intégrité physique et sa dignité. Cela étant, au jour de l'expertise, la mesure de contrainte n'apparaissait plus nécessaire.

A l'audience du 30 juin 2022 devant le Tribunal de protection, A______ a retiré son recours du 25 juin 2022 contre la mesure limitant sa liberté de mouvement, lequel était devenu sans objet, ce dont le Tribunal de protection a pris acte par ordonnance DTAE/4325/2022 du 30 juin 2022.

d) Parallèlement, le 27 juin 2022, A______ a formé recours contre l'ordonnance DTAE/3999/2022 du 21 juin 2022 confirmant son placement à des fins d'assistance. La Chambre de surveillance, par décision DAS/152/2022 du 7 juillet 2022, a déclaré recevable le recours et l'a rejeté. A______ ne s'était pas présentée à l'audience.

B. a) Par décisions médicales du 7 juillet 2022, le traitement sans le consentement de A______ a été ordonné, ainsi qu'une mesure limitant sa liberté de mouvement, renouvelée le 12 juillet 2022.

A______ a formé recours contre ces mesures.

b) Le 15 juillet 2022, la Doctoresse J______ a sollicité la prolongation du placement à des fins d'assistance, ordonné le 14 juin 2022.

c) Dans son rapport d'expertise du 18 juillet 2022, la Doctoresse L______ a relevé que certains éléments psychotiques persistaient toujours, sous forme de délire de grandeur, de délires d'interprétation, ainsi qu'un déni de sa pathologie psychiatrique. L'intéressée souffrait d'un trouble bipolaire type I, avec épisode maniaque dû à une décompensation psychotique. L'intéressée semblait moins désorganisée sur le plan cognitif et comportemental, et le lien thérapeutique avec le personnel de santé de l'unité semblait s'améliorer. L'anosognosie totale du trouble psychique persistait ainsi que la nécessité de devoir prendre un traitement psychotrope pour se rétablir. Un traitement était en cours mais son efficacité n'était pas optimale. La situation de l'intéressée restait très fragile. Son comportement vis-à-vis d'autrui restait imprévisible, et un passage à l'acte hétéro-agressif restait possible. Les fugues à répétition de l'unité psychiatrique comportaient une mise en danger pour elle et pour autrui, qui justifiait la mesure de contrainte mise en place, jusqu'à ce que l'intéressée adhère à la nécessité des soins prodigués.

d) Lors de l'audience du 19 juillet 2022 devant le Tribunal de protection, la Doctoresse J______ a exposé que l'hospitalisation de A______ intervenait dans un contexte d'épisode maniaque de trouble bipolaire type 1. Le mesure de limitation de mouvement avait été levée. Le traitement prodigué avait eu une efficacité partielle, avec quand même une amélioration des troubles du sommeil et du comportement, mais la décompensation maniaque n'était toujours pas en rémission. Il fallait optimiser le traitement et mettre en place le suivi psychiatrique pour la suite. Les symptômes actuels étaient les suivants: augmentation du débit du discours, persistance de projets discutables, comme des rendez-vous avec des agents immobiliers pour l'achat de maisons, attitude sarcastique, estime de soi élevée et thymie haute.

A______ a déclaré qu'elle était opposée à tout traitement. Son traitement et le diagnostic posé ne correspondaient pas à la réalité. Elle a sollicité une contre-expertise.

e) Par ordonnance DTAE/4845/2022 du 19 juillet 2022, le Tribunal de protection a déclaré recevables les recours formés par A______ contre les décisions des 7 et 12 juillet 2022 ordonnant l'application de mesures limitant sa liberté de mouvement ainsi que contre la décision du 7 juillet 2022 prescrivant un traitement sans son consentement, et les a rejetés. Il a, pour le surplus, prolongé, pour une durée indéterminée, le placement à des fins d'assistance institué le 14 juin 2022.

f) Le 21 juillet 2022, A______ a formé recours contre cette ordonnance.

g) Lors de l'audience du 29 juillet 2022 devant la Chambre de surveillance, A______ a maintenu son recours. Elle a déclaré être d'accord de rester en clinique jusqu'à ce qu'un traitement qui la stabiliserait soit trouvé, mais elle refusait ensuite de poursuivre tout traitement ou suivi, sauf avec un infirmier durant six semaines. En même temps, elle s'estimait en état de quitter la clinique. Elle ne souffrait d'aucun trouble psychiatrique. Elle était simplement confrontée aux difficultés de la vie. Elle n'avait reçu aucun traitement du 14 juin au 7 juillet 2022. Le traitement qu'on lui imposait provoquait d'importants effets secondaires. La situation était très différente de 2018, et les médecins faisaient un amalgame qui n'avait pas lieu d'être.

La Doctoresse M______ a exposé que A______ souffrait d'un trouble bipolaire et était arrivée à la Clinique en décompensation maniaque. Elle prenait un traitement, dont le but était de la stabiliser, afin qu'elle puisse sortir de clinique et poursuivre les soins à l'extérieur pendant quelques mois. La situation n'était pas suffisamment stabilisée pour permettre une sortie. Le risque d'arrêt de traitement était que la crise maniaque soit à nouveau plus intense et que l'intéressée se trouve dans une situation de danger pour elle-même. Il faudrait un suivi médical et non seulement infirmier à la sortie, laquelle pouvait être envisagée sous trois semaines à un mois, dépendant de la collaboration de l'intéressée.

La curatrice s'en est rapportée à justice.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

2. 2.1 Aux termes de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peuvent lui être fournis d'une autre manière. Les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal (art. 429 al. 1 CC; art. 60 al. 1 LaCC). La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).

Le placement à des fins d'assistance est destiné à protéger la personne, si nécessaire contre elle-même, et à lui fournir l'aide et les soins dont elle a besoin; son but est de faire en sorte que la personne puisse retrouver son autonomie (HAUSHEER/GEISER/AEBI-MÜLLER, Das neue Erwachsenenschutzrecht, n. 2.156).

2.2 En l'espèce, le trouble bipolaire de la recourante est établi, tout comme l'épisode de décompensation maniaque qui a conduit à son hospitalisation, quand bien même la situation paraît moins préoccupante qu'en 2018. La recourante est placée depuis plus d'un mois et semble n'avoir reçu aucun traitement médical pendant les trois premières semaines de son séjour en clinique. Il ne peut toutefois en être conclu, comme elle le voudrait, qu'elle n'a besoin d'aucun soin. En effet, depuis quelques semaines, le traitement prescrit s'avère bénéfique, même si la recourante souffre d'effets secondaires importants. Son sommeil et son comportement se sont améliorés, comme relevé par l'expertise. Les mesures visant à limiter ses mouvements ont pu être levées. Comme l'a exposé la Doctoresse entendue comme témoin, une sortie pourrait être envisagée à court ou moyen terme, mais s'avère aujourd'hui encore prématurée. Le traitement doit encore être optimisé, et les mesures de suivi à sa sortie mises en place. A défaut, la recourante pourrait à nouveau voir son état s'aggraver, et se retrouver dans une situation de mise en danger, ce qui doit être évité. Il sera encore relevé qu'à l'audience, la recourante a d'abord accepté de rester hospitalisée jusqu'à sa stabilisation.

Le recours sera en conséquence rejeté.

3. 3.1 Selon l'art. 434 al. 1 CC, si le consentement de la personne concernée fait défaut, le médecin chef du service concerné peut prescrire par écrit les soins médicaux prévus par le plan de traitement lorsque le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui, lorsque la personne n'a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement et lorsqu'il n'existe pas de mesure appropriée moins rigoureuse. Ces conditions sont cumulatives (GUILLOD, CommFam 2013, no 10 ad art. 434).

3.2 En l'espèce, comme déjà relevé, en l'absence de traitement adéquat, les troubles dont souffre la recourante pourraient s'aggraver et la mettre dans une situation de mise en danger d'elle-même. La recourante étant anosognosique de son état, elle est dans l'incapacité de comprendre, de manière durable, la nécessité du traitement qui lui est administré, considérant au contraire qu'elle n'a besoin d'aucun médicament. Le principe de proportionnalité est par ailleurs respecté, dans la mesure où il n'existe aucune autre mesure moins rigoureuse, permettant de parvenir à une stabilisation de la recourante, laquelle est indispensable à sa sortie de l'hôpital.

Il résulte de ce qui précède que les conditions posées par l'art. 434 al. 1 CC sont réunies et que la décision d'administrer à la recourante un traitement se justifie encore.

La décision prise par le Tribunal de protection le 19 juillet 2022 est dès lors fondée; le recours formé par A______ doit être rejeté.

4. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

****


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 21 juillet 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/4845/2022 rendue le 19 juillet 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/8992/2018.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente ad interim; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.