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Décisions | Chambre de surveillance

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C/14576/2015

DAS/196/2022 du 06.09.2022 sur DTAE/2686/2022 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14576/2015-CS DAS/196/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 6 SEPTEMBRE 2022

 

Recours (C/14576/2015-CS) formé en date du 3 juin 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me Andrea VON FLÜE, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 12 septembre 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Andrea VON FLÜE, avocat.
Rue de la Terrassière 9, 1207 Genève.

- Madame B______
Monsieur C
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) La situation de A______, née le ______ 1971, originaire de D______ (Berne) a été signalée au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) le 16 juillet 2015 par le Département de psychiatrie des HUG. L’intéressée était connue pour un trouble schizo-affectif depuis plusieurs années et était hospitalisée, en entrée non volontaire, à la Clinique [psychiatrique] de E______ depuis le 24 juin 2015. Délirante, elle n’avait plus payé ses factures depuis le mois de janvier 2015. Elle n’était pas en mesure de gérer ses affaires administratives et financières.

b) Ce signalement a abouti, après instruction, au prononcé de l’ordonnance DTAE/5226/2015 du 2 décembre 2015, par laquelle le Tribunal de protection a institué une mesure de curatelle de représentation en faveur de A______, les curatrices désignées étant chargées de la représenter en matière de gestion du patrimoine, d’administration des affaires courantes et dans ses rapports juridiques avec les tiers, dans les limites du mandat.

c) A______ a fait l’objet d’autres mesures de placement à des fins d’assistance en 2017, 2018, 2019 et 2020.

Plusieurs rapports du Centre universitaire romand de médecine légale ont confirmé le diagnostic de trouble schizo-affectif de nature chronique et ancien, les troubles étant apparus en 2001.

d) Le 16 novembre 2020, A______ a fait l’objet d’une nouvelle mesure de placement en la Clinique de E______, en raison d’une décompensation psychotique.

Par ordonnance du 17 décembre 2020, le Tribunal de protection a prolongé, pour une durée indéterminée, le placement à des fins d’assistance prononcé le 16 novembre 2020.

Par ordonnance du 5 janvier 2021, le Tribunal de protection a sursis à l’exécution du placement à des fins d’assistance institué le 16 novembre 2020 en faveur de A______ et a soumis le sursis aux conditions suivantes : suivi régulier auprès de son médecin psychiatre privé, la Dre F______ ; suivi infirmier pour l’administration du traitement et compliance au traitement médicamenteux.

B.            a) Par courrier du 16 mars 2022, la Dre F______ a informé le Tribunal de protection de ce que A______ ne respectait plus les conditions posées par l’ordonnance du 5 janvier 2021. Elle refusait d’ouvrir sa porte aux infirmiers, ne s’était pas rendue au rendez-vous fixé par la Dre F______, n’avait pas répondu à ses téléphones ni à ses courriels et il était probable qu’elle ait à nouveau interrompu son traitement médicamenteux. Elle avait par ailleurs été opérée d’un cancer du sein à la fin de l’année 2021 et avait également interrompu le traitement de radiothérapie en cours.

b) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 29 mars 2022, à laquelle A______ a fait défaut, le médecin de la Clinique de E______ présent à l’audience ayant indiqué qu’elle avait refusé de se présenter. Il a précisé que l’évolution de la patiente était bonne. La Dre F______ était toutefois dépassée par la prise en charge de A______ et il convenait d’étoffer sa prise en charge, notamment du point de vue somatique, en lien avec le cancer du sein dont souffrait l’intéressée. Elle avait besoin d’aide pour la gestion des soins et il était nécessaire d’élargir à ce domaine la curatelle dont elle bénéficiait déjà, de manière à être guidée par rapport à la prise en charge des soins par rapport à son cancer du sein. Elle manquait en effet parfois un peu de discernement et les alternatives devaient lui être réexpliquées. L’intéressée était d’accord avec cette extension de curatelle. Il n’apparaissait pas nécessaire de révoquer le sursis au placement, mais il était préférable que A______ soit désormais suivie par le Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée (CAPPI), afin de bénéficier d’un suivi pluridisciplinaire plus contenant, solution à laquelle elle était toutefois opposée.

c) Par courrier du 8 avril 2022, la Clinique de E______ a sollicité du Tribunal de protection une modification des conditions de suspension de la mesure de PAFA-TPAE dont bénéficiait A______. La Dre F______ avait décidé de mettre un terme au suivi qu’elle assurait, considérant qu’une prise en charge plus soutenue et pluridisciplinaire était nécessaire. Il convenait par conséquent de poser les conditions suivantes à la suspension de la mesure de placement : régularité dans le suivi psychiatrique et régularité de la prise médicamenteuse, soutenue par un suivi infirmier à domicile.

d) Par courrier du 12 avril 2022, le Tribunal de protection a informé A______ de ce qu’il envisageait d’étendre les pouvoirs des curateurs aux aspects médicaux, afin d’assurer sa protection dans ce domaine également. Un délai au 29 avril 2022 lui était imparti pour faire connaître sa position.

e) Par courrier reçu le 28 avril 2022 par le Tribunal de protection, A______ a indiqué être opposée à la curatelle médicale et refuser que ses parents (qui avaient pris contact avec la Clinique de E______ et le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant) en aient la charge ; elle leur interdisait de se mêler de ses affaires. Elle se considérait suffisamment entourée et capable de gérer son suivi médical. Elle était désormais suivie par le CAPPI G______, en attendant son rendez-vous, le 4 mai 2022, avec sa nouvelle psychiatre ; un infirmier de l’IMAD se rendait par ailleurs à son domicile deux fois par semaine.

C. Par ordonnance DTAE/2685/2022 du 25 avril 2022, le Tribunal de protection a maintenu la suspension à l’exécution du placement à des fins d’assistance institué le 16 novembre 2020 en faveur de A______ et prolongé par ordonnance du 17 décembre 2020 (chiffre 1 du dispositif), modifié les conditions du sursis, qui seront désormais les suivantes : suivi psychiatrique régulier et prise régulière du traitement médicamenteux prescrit (ch. 2), invité les curateurs de la personne concernée et la Dre H______ à informer le Tribunal de protection de tout fait nouveau pouvant justifier la révocation du sursis ou la levée définitive du placement (ch. 3) et rappelé la gratuité de la procédure (ch. 4).

Le Tribunal de protection a notamment repris les déclarations faites par le médecin de E______ lors de l’audience du 29 mars 2022. Il a par ailleurs rappelé que par pli du 12 avril 2022 un délai avait été fixé à A______ pour se déterminer sur l’opportunité d’une extension du mandat de ses curateurs aux aspects médicaux, celle-ci n’ayant toutefois pas fait valoir son droit d’être entendue dans le délai imparti. Pour le surplus, le Tribunal de protection a considéré que la situation demeurait fragile, au vu des décompensations successives qu’avait connues l’intéressée. Il convenait par conséquent de maintenir le placement à des fins d’assistance, les conditions posées au sursis à son exécution devant être adaptées à l’évolution de la situation.

D.           Par ordonnance DTAE/2686/2022 du 25 avril 2022, le Tribunal de protection a étendu la curatelle de représentation et de gestion instaurée en faveur de A______ et confiée à B______ et I______, collaboratrices au sein du Service de protection de l’adulte (chiffre 1 du dispositif), dit que les tâches confiées aux curatrices sont les suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ; gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes ; veiller à l’état de santé de la personne concernée, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 2), autorisé les curatrices à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 3), déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 4) et laissé les frais judiciaires à la charge de l’Etat (ch. 5).

Le Tribunal de protection a rappelé que par courrier du 12 avril 2022, un délai avait été fixé à A______ pour se déterminer sur l’opportunité d’une extension du mandat de ses curateurs aux aspects médicaux, celle-ci n’ayant toutefois pas fait valoir son droit d’être entendue dans le délai imparti. Il ressortait des éléments portés à la connaissance du Tribunal de protection que l’intéressée, du fait de son état psychique, peinait à se montrer régulière et investie dans ses suivis médicaux, notamment sur le plan somatique, alors qu’elle présentait une problématique de santé importante en raison de son cancer du sein, qui exigeait des soins réguliers. Elle était toutefois dans l’incapacité de se mobiliser utilement et ne bénéficiait d’aucune personne habilitée à la représenter ex lege, de sorte qu’il se justifiait d’étendre le mandat de curatelle au volet médical.

E.            a) Le 3 juin 2022, A______ a formé recours contre les deux ordonnances précitées, concluant à leur annulation et à l’allocation d’une équitable indemnité de procédure.

Elle a fait grief au Tribunal de protection d’avoir violé son droit d’être entendue, celui-ci ayant rendu les décisions litigieuses avant l’échéance qu’il lui avait fixée pour formuler ses observations. Selon la recourante, les mesures contestées violaient par ailleurs le principe de la proportionnalité. Consciente de ses troubles psychiatriques, elle avait montré sa capacité à gérer ses différents suivis médicaux « convenablement ». Si elle avait décidé de mettre un terme au traitement additionnel contre son cancer du sein, c’était en raison de ses effets secondaires insupportables. Il s’agissait par conséquent d’un choix personnel et réfléchi et finalement, d’entente avec les médecins, il avait été renoncé à la radiothérapie. Rien ne justifiait par conséquent l’extension de la curatelle, la recourante parvenant à suivre les recommandations des médecins. La recourante a également fait grief au Tribunal de protection d’avoir subordonné le sursis à son placement à des conditions trop incisives.

Préalablement, elle a conclu à la restitution de l’effet suspensif.

b) Par décision DAS/126/2022 du 20 juin 2022, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a fait droit à cette requête s’agissant de l’ordonnance DTAE/2686/2022 du 25 avril 2022.

c) Dans ses observations du 16 juin 2022, le Tribunal de protection a persisté dans les termes des décisions litigieuses, tout en relevant que la recourante aurait eu la possibilité d’exercer son droit d’être entendue lors de l’audience du 29 mars 2022 à laquelle elle avait fait défaut, de même que par écrit, dans le délai fixé. Or, dans ses écritures du 28 avril 2022, elle ne s’était pas déterminée s’agissant de la mesure de placement.

d) La recourante et le Service de protection de l’adulte ont été informés par avis de la Cour de justice du 29 juillet 2022 de ce que la cause serait mise en délibération à l’échéance d’un délai de dix jours.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Formé par la personne concernée par les mesures, selon la forme prescrite par la loi, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Ce moyen doit être examiné avec un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1; ATF 127 III 193 consid. 3).

2.2 En l’espèce, le Tribunal de protection a rendu deux décisions le 25 avril 2022, l’une modifiant les conditions posées au sursis de la mesure de placement à des fins d’assistance et l’autre portant sur l’extension de la mesure de curatelle.

Avant de rendre lesdites décisions, le Tribunal de protection a tenu une audience, le 29 mars 2022, à laquelle la recourante, alors hospitalisée au sein de la Clinique de E______ en raison d’une nouvelle décompensation, a fait défaut, ce qui n’est pas inhabituel compte tenu de la pathologie dont souffre l’intéressée.

Par courrier du 12 avril 2022, le Tribunal de protection a toutefois invité la recourante à formuler ses observations en ce qui concernait l’éventuelle extension des pouvoirs des curateurs aux aspects médicaux. Ce faisant, le Tribunal de protection n’a par contre pas invité l’intéressée à se prononcer sur une éventuelle modification des conditions posées au sursis de la mesure de placement, pourtant objet de la seconde ordonnance rendue le 25 avril 2022. Par ailleurs, alors que le Tribunal de protection avait fixé à la recourante un délai au 29 avril 2022 pour faire connaître sa position, il n’a pas attendu l’échéance de ce délai pour rendre les deux décisions litigieuses, celles-ci datant du 25 avril 2022, de sorte qu’il n’a tenu aucun compte des observations de la recourante, qui lui sont parvenues le 28 avril 2022.

Il résulte de ce qui précède que le droit d’être entendu de la recourante a été violé dans le cadre des deux décisions rendues, ce qui doit conduire à leur annulation. La cause sera dès lors retournée au Tribunal de protection afin qu’il rende de nouvelles ordonnances après avoir entendu la recourante.

3. La procédure, en tant qu’elle concerne une mesure de placement, ne donne pas lieu à la perception de frais judiciaires (art. 22 al. 4 CPC). Pour le surplus, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l’Etat, compte tenu de son issue.

Il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens à la charge de l’Etat, non prévus par le CPC (art. 107 al. 2 CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre les ordonnances DTAE/2685/2022 et DTAE/2686/2022 du 25 avril 2022 rendues par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/14576/2015.

Au fond :

Annule lesdites ordonnances.

Cela fait, retourne la cause au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant pour instruction et nouvelles décisions.

Sur les frais :

Dit que les frais de la procédure sont laissés à la charge de l’Etat et qu’il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.