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Décisions | Chambre de surveillance

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C/19856/2019

DAS/90/2022 du 04.04.2022 sur DTAE/6978/2021 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19856/2019-CS DAS/90/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 4 AVRIL 2022

 

Recours (C/19856/2019-CS) formé en date du 7 janvier 2022 par Madame A______, domiciliée ______, comparant par Me Benjamin GRUMBACH, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 5 avril 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Benjamin GRUMBACH, avocat
Quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève.

- Monsieur B______
c/o Me Claude ABERLE, avocat
Route de Malagnou 32, 1208 Genève.

- Maître C______
______, ______.

- Madame D______
Madame E
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance DTAE/6978/2021 du 12 octobre 2021, communiquée aux parties pour notification le 2 décembre 2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a modifié les modalités du droit aux relations personnelles telles que fixées par les chiffres 1, 2 et 4 du dispositif du jugement JTPI/1890/2020 du Tribunal de première instance du 3 février 2020 (ch. 1 du dispositif), réservé à B______ un droit aux relations personnelles sur la mineure F______, née le ______ 2010, devant s'exercer un week-end par mois à G______ [ZH], du vendredi à 16h00 à la sortie d'école au dimanche à 18h00, avec retour de la mineure au domicile de A______, et en alternance, à quinzaine, un dimanche après-midi à Genève, de 13h00 à 17h00, avec retour de la mineure au domicile de A______ (ch. 2), maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 3), levé l'interdiction prononcée contre B______ d'emmener hors de Suisse la mineure et ordonné la radiation correspondante des inscriptions dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL/SIS) (ch. 4), déclaré la décision immédiatement exécutoire, nonobstant recours (ch. 5), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6), arrêté les frais judiciaires à 800 fr., et mis ces derniers à la charge des parties à raison de la moitié chacune (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que le large droit de visite prévu par le jugement du Tribunal de première instance devait être modifié en raison de faits nouveaux issus notamment de l'absence de collaboration de B______, ainsi que de son imprévisibilité et d'irrégularités dans le respect des horaires de visites, l'enfant ayant par ailleurs fait part de son malaise et de sa fatigue de devoir se rendre à G______ pour l'exercice de ces visites. Le lien entre l'enfant et son père ne devait toutefois pas être coupé, de sorte que des nouvelles modalités prévues par ordonnance devaient être fixées. Par ailleurs, l'inscription de la mineure dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL/SIS) et l'interdiction corollaire faite au père d'emmener celle-ci à l'étranger devaient être levées "afin que le droit de visite puisse évoluer dans les meilleures conditions" et "du fait et des bonnes dispositions du père".

B. a) Par acte adressé le 7 janvier 2022 à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a conclu à l'annulation du chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance attaquée levant l'interdiction prononcée contre B______ d'emmener l'enfant à l'étranger et ordonnant la radiation de l'inscription de l'enfant au système de recherches informatisées de police (RIPOL/SIS). Elle fait grief au Tribunal de protection d'avoir rendu une décision inopportune qui n'est pas dans l'intérêt de la mineure. Aucun élément ne permettait de renoncer pour le motif invoqué à ladite interdiction et à son corollaire, soit l'inscription dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL/SIS). Le bien de l'enfant était sérieusement menacé par cette décision. Elle a rappelé que B______ avait menacé à plusieurs reprises de partir au Liban avec sa fille, ce qui avait justifié le prononcé de mesures superprovisionnelles. Elle a relevé en outre que les relations entre le père et la fille ne sont pas encore stables.

b) En date du 1er février 2022, le Tribunal de protection a fait part à la Chambre de céans ne pas souhaiter revoir sa décision.

c) Quant au Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi), il a, en date du 24 février 2022, déclaré s'en remettre à justice, annexant à sa détermination un courrier de sa part adressé le 14 janvier 2022 au Tribunal de protection faisant état du fait que plusieurs droits de visite de B______ ne s'étaient pas passés correctement, celui-ci ayant pour le surplus harcelé téléphoniquement sa fille.

d) En date du 28 février 2022, a été expédiée à l'adresse de la Chambre de céans la réponse de B______ au recours, par laquelle il conclut au rejet de celui-ci. En substance, il indique qu'il n'a jamais eu l'intention, ni tenté d'emmener l'enfant hors de Suisse pour s'y établir. Il a rappelé qu'en 2015 et 2017, il avait voyagé au Liban avec l'enfant et qu'aucun risque d'enlèvement n'avait été évoqué. Il expose pour le surplus être constant dans son droit de visite et voir sa fille régulièrement. L'ordonnance du Tribunal de protection de lever l'interdiction de quitter le territoire suisse est justifiée, aucun événement ne plaidant dans le sens inverse.

e) Quant à la curatrice de l'enfant, elle a rappelé que celle-ci avait très mal vécu l'obligation de devoir se rendre à G______ dans le cadre de l'exercice du droit de visite, la pédopsychiatre de l'enfant lui ayant fait part, par ailleurs, de sa grande inquiétude quant à son état psychique. Elle considère que le fait d'envisager que le père puisse sortir de Suisse avec l'enfant est un facteur de stress supplémentaire pour elle. Le maintien de l'interdiction faite au père d'emmener la mineure hors du territoire suisse est de nature à rassurer sa protégée.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure, les faits pertinents suivants:

a) La mineure F______ est née le ______ 2010 des parents alors mariés A______, domiciliée à Genève, et B______, actuellement domicilié à G______. Celui-ci est de nationalité libanaise et a de la famille au Liban.

b) Par ordonnance du 2 septembre 2019, le Tribunal de première instance a notamment fixé les relations personnelles du père sur l'enfant et instauré une curatelle d'organisation et de surveillance de celles-ci, suite à quoi le Tribunal de protection a désigné des curateurs à cette fonction.

c) Le 18 octobre 2019, lesdits curateurs ont sollicité du Tribunal de protection des mesures superprovisionnelles urgentes visant à faire interdiction à B______ de quitter le territoire suisse durant les droits de visite avec son enfant et visant à inscrire la mineure sur le système de recherches informatisées de police (RIPOL/SIS), du fait d'une volonté affichée de B______ de se rendre au Liban avec l'enfant. Les mesures superprovisionnelles en ce sens ont été prononcées le 18 octobre 2019 par le Tribunal de protection.

d) Par jugement non motivé du 3 février 2020, le Tribunal de première instance (JTPI/1890/2020) a nouvellement fixé le droit de visite de B______ sur l'enfant un week-end sur deux, du samedi 11h00 au dimanche 18h00, charge à celui-ci de venir chercher et de ramener l'enfant chez sa mère, ainsi que la moitié des vacances scolaires. Il a, à nouveau, instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles.

e) Ledit droit de visite ayant été la source de nombreux problèmes, le 10 juillet 2020 déjà, puis le 23 juin 2021, le SPMi a sollicité du Tribunal de protection sa modification.

Le Tribunal de protection a tenu une audience le 12 octobre 2021, lors de laquelle il a proposé aux parties de modifier le droit de visite de B______ à un week-end par quinzaine, le dimanche de 13h00 à 17h00 à Genève et un week-end par mois à G______, de 16h00 le vendredi à 18h00 le dimanche. Les parties se sont déclarées d'accord avec cette proposition.

Sur quoi, l'ordonnance partiellement querellée a été prononcée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent, qui dans le canton de Genève est la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC).

Ont qualité pour recourir, les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

Le délai de recours est de trente jours, à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé par une partie à la procédure, dans le délai utile de trente jours et devant l'autorité compétente. Il est donc recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2 2.1 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le parent qui ne détient pas la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est conçu à la fois comme un droit et un devoir des parents (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 131 III 209 consid. 5). Il est en effet unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_586/2012 du 12 décembre 2012 consid. 4.2).

Le droit aux relations personnelles n'est pas absolu. Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être limité ou retiré (art. 274 al. 2 CC). Cette disposition a pour objet de protéger l'enfant, et non de punir les parents. Ainsi, la violation par eux de leurs obligations et le fait de ne pas se soucier sérieusement de l'enfant ne sont pas en soi des comportements qui justifient le refus ou le retrait des relations personnelles; ils ne le sont que lorsqu'ils ont pour conséquence que ces relations portent atteinte au bien de l'enfant (ATF 118 II 21 consid. 3c; 100 II 76 consid. 4b et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_448/2008 du 2 octobre 2008 consid. 4.1 publié in FamPra 2009 p. 246). D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. Conformément au principe de proportionnalité, il importe en outre que ce danger ne puisse être écarté par d'autres mesures appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_53/2017 du 23 mars 2017 consid. 5.1; 5A_756/2013 du 9 janvier 2014 consid. 5.1.2).

L'établissement d'un droit de visite surveillé nécessite des indices concrets de mise en danger du bien de l'enfant; il ne suffit pas que ce dernier risque abstraitement de subir une mauvaise influence pour qu'un tel droit de visite soit instauré (arrêt du Tribunal fédéral 5A_184/2017 du 9 juin 2017 consid. 4.1 et les références citées). Il convient dès lors de faire preuve d'une certaine retenue lors du choix de cette mesure (arrêts du Tribunal fédéral 5A_699/2017 du 24 octobre 2017 consid. 5.1; 5A_401/2014 du 18 août 2014 consid. 3.2.2; 5A_699/2007 du 26 février 2008 consid. 2.1).

2.2 Dans le cas d'espèce, le règlement des relations personnelles n'est pas l'objet du recours.

La recourante ne conteste que la levée de la mesure d'interdiction faite au père de quitter le territoire suisse en compagnie de l'enfant et la levée corollaire de l'inscription de celle-ci dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL/SIS).

S'il ressort de l'état de fait que par le passé, certaines circonstances avaient conduit au prononcé de la mesure en question, que la collaboration du père dans le cadre de l'exercice de son droit de visite n'apparaît pas excellente et que la motivation de l'ordonnance attaquée sur le point précis contestée est pour le moins lapidaire, il doit être admis qu'à ce jour, et à teneur du dossier, les craintes de la mère de l'enfant, relayées par le SPMi, d'un risque d'enlèvement de l'enfant par le père lors de l'exercice d'un droit de visite ne ressortent pas de la procédure. Comme pour l'établissement d'un droit de visite surveillé, les principes dégagés à ce propos et rappelés ci-dessus doivent s'appliquer lorsqu'il s'agit de restreindre la liberté de mouvement du titulaire dudit droit et de faire inscrire un enfant dans les systèmes de recherches d'enfants enlevés de la police. Dans le cas présent, aucun élément récent et concret n'apparaît pouvoir soutenir la restriction de mouvement concernée par le recours. Les droits de visite, peu satisfaisants du fait des distances notamment, se déroulent néanmoins régulièrement. Les relations entre le père et l'enfant n'apparaissent pas, à teneur de dossier, particulièrement affectées et celles entre le père et la recourante compatibles avec la recherche de solutions comme celle trouvée lors de l'audience du Tribunal de protection. Par ailleurs aucune menace de départ à l'étranger ne ressort du dossier si ce n'est à une reprise une volonté affichée de rendre possiblement visite à la famille libanaise. Certes, la curatrice de l'enfant indique que celle-ci est fragile psychiquement et que les droits de visite à G______ sont pour elle déstabilisants, de sorte que la perspective d'un éventuel départ à l'étranger le serait d'autant plus. Force est d'admettre que ces raisons ne sont pas suffisantes, à elles seules et en l'absence d'élément concret, pour maintenir les mesures particulièrement incisives et applicables aux cas graves, et dans lesquels des éléments concrets de risque existent, que sont la restriction de la liberté de mouvement et l'inscription de l'enfant dans le système informatisé de recherche de la police. Dans ce sens, l'ordonnance du Tribunal de protection est non seulement proportionnée, mais conforme à la loi. Elle doit être confirmée par substitution de motifs.

3. Dans la mesure où elle succombe, la recourante sera condamnée aux frais de la procédure, fixés à 400 fr., lesquels seront provisoirement et sous réserve de décision inverse du Service de l'assistance judiciaire, laissés à la charge de l'Etat.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 7 janvier 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/6978/2021 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 12 octobre 2021 dans la cause C/19856/2019.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, vu l'octroi de l'assistance judiciaire.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.