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Décisions | Chambre de surveillance

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C/27355/2020

DAS/14/2022 du 13.01.2022 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27355/2020-CS DAS/14/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 13 JANVIER 2022

 

Recours (C/27355/2020-CS) formé en date du 16 juin 2021 par Madame A______, domiciliée ______ (France), comparant par Me Alain BERGER, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 janvier 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Alain BERGER, avocat.
Boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. a) A______, née en 1981, de nationalité française, domiciliée à Genève jusqu'en mars 2021 puis en France par la suite, a donné naissance à l'enfant B______ le ______ 2020 à Genève.

C______, né en 1969, a reconnu l'enfant le 16 mars 2021.

b) A______ a rédigé un "testament parental" en date du 19 novembre 2020.

Elle a indiqué vouloir exprimer de manière éclairée ses souhaits sur le sort de son enfant si elle venait à décéder ou à être durablement en incapacité de discernement. Elle souhaitait protéger son fils des convoitises dont il pourrait faire l'objet en raison de l'important patrimoine financier dont il hériterait un jour et désirait qu'il soit placé sous la responsabilité d'adultes aptes à l'exercer.

Elle souhaitait que son fils ne soit pas placé sous la garde de C______, mais qu'il soit confié à sa mère A______, son frère D______ ou sa sœur E______. Son choix était mûrement réfléchi et était dû aux raisons suivantes : elle craignait que si C______ se voyait confier l'autorité parentale et la garde sur l'enfant, il puisse, ainsi que son entourage, en particulier ses filles, exercer une influence néfaste et intéressée sur les décisions concernant B______, et le coupe de sa propre famille. C______ aurait par ailleurs un sérieux conflit d'intérêts pour gérer les biens dont hériterait l'enfant, ce qui pourrait l'amener à ne pas prendre les décision conformes au bien de celui-ci.

Dans le préambule dudit "testament", A______ a exposé avoir donné naissance à B______ le ______ 2020. L'enfant n'avait pas été reconnu par son père biologique, C______, qui était divorcé et père de deux filles F______ et G______, de 20 et 18 ans, qui vivaient avec lui. C______ était manipulateur et avait entamé un travail d'aliénation parentale ayant conduit ses filles à couper tout lien avec leur mère et leur famille maternelle. Elle-même avait vécu une relation avec C______ durant neuf ans, faisant ménage commun avec ce dernier et ses deux filles. Cet environnement était délétère, sa relation avec les filles de son ancien compagnon était très tendue, ce dernier la dénigrait sans cesse. Durant sa grossesse et après l'accouchement C______ s'était peu impliqué et avait continué à se montrer indifférent et à la dénigrer. Quelques jours après l'accouchement, l'une des filles de son compagnon les avait chassés, elle et son bébé, du domicile, sans que son compagnon ne réagisse. Elle avait trouvé le soutien nécessaire auprès de sa propre famille.

B. a) A______ a adressé ce "testament parental" à la Justice de paix le 16 décembre 2020.

b) Le 25 janvier 2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a informé A______ de ce qu'il classait sa requête (sic) et qu'elle pouvait en tout temps saisir le Tribunal de protection en cas de faits nouveaux.

c) Par courrier adressé au Tribunal de protection le 9 mars 2021, A______ a exprimé sa surprise, expliquant ne l'avoir saisi d'aucune requête. Elle s'était adressée à la Justice de paix pour déposer son "testament parental" et sollicitait dès lors que ce document soit transmis au Juge de paix, subsidiairement qu'il lui soit restitué et que la cause soit rayée du rôle du Tribunal de protection.

d) Le 15 mars 2021, le Tribunal de protection lui a répondu que le document qu'elle lui avait soumis n'était pas du ressort de la Justice de paix puisqu'il ne contenait aucune disposition patrimoniale. Dans la mesure où elle y faisait état de ses volontés s'agissant de la responsabilité et de la prise en charge de son enfant mineur au cas où elle devait décéder, un dossier avait été ouvert au nom de l'enfant et le document y avait été déposé.

Le Tribunal de protection lui a par ailleurs indiqué qu'au regard des allégations inquiétantes dont elle avait fait état quant à sa relation avec le père de l'enfant, ses incidences sur la vie de l'enfant et l'accès de ce dernier à ses deux parents, il ouvrait d'office une instruction et demandait une évaluation sociale au Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale.

e) Par courrier adressé au Tribunal de protection le 30 mars 2021, A______ s'est étonnée de ce qu'une instruction d'office était ouverte sur la base d'un "testament parental", acte unilatéral de volonté supposé confidentiel, et de ce qu'un rapport d'évaluation était demandé auprès du SEASP alors que C______ n'avait pas encore reconnu l'enfant. Elle a par ailleurs informé le Tribunal de protection de ce qu'elle avait quitté la Suisse avec son fils, de sorte qu'une quelconque instruction n'était plus du ressort des autorités genevoises.

C. Par courrier du 14 mai 2021, le Tribunal de protection a restitué à A______ le "testament parental" qu'elle avait établi le 19 novembre 2020 et l'a informé qu'il en gardait une copie en son dossier, qu'il s'était saisi d'office de la protection de l'enfant B______ et qu'il transmettait la cause aux autorités françaises en raison du déplacement de la résidence habituelle de l'enfant dans ce pays.

D. a) Par acte expédié à la Cour de justice le 16 juin 2021, A______ a recouru contre le courrier que le Tribunal de protection lui a adressé le 14 mai 2021 et qu'elle a reçu le 21 mai 2021. Elle conclut à l'annulation de cette décision en tant que le Tribunal de protection entendait transmettre la cause aux autorités de protection de l'enfant françaises, subsidiairement à ce qu'il soit fait interdiction au Tribunal de protection de transmettre le "testament parental" auxdites autorités françaises et, en tout état, à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de protection de détruire toute copie du "testament parental", les frais judiciaires de recours devant être laissés à la charge de l'Etat de Genève.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

c) Par avis du 13 juillet 2021, la recourante a été informée de ce que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de dix jours.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC). Le délai de recours est de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le recours est recevable.

2. La recourante demande à la Chambre de surveillance d'annuler la décision du Tribunal de protection ordonnant le transfert de la procédure de protection concernant son fils aux autorités françaises.

2.1 Dans le cas où l'enfant est exposé à un grave danger, les autorités compétentes de l'Etat contractant dans lequel des mesures de protection ont été prises ou sont en voie de l'être, si elles sont informées du changement de résidence ou de la présence de l'enfant dans un autre Etat, avisent les autorités de cet Etat de ce danger et des mesures prises ou en cours d'examen (art. 36 de la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants conclue à La Haye le 19 octobre 1996, dont la Suisse et la France sont signataires; CLaH96, RS 0.211.231.011; art. 85 LDIP).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a dans un premier temps, après réception du "testament parental" adressé à la Justice de paix, décidé de classer le dossier le 25 janvier 2021 avant d'initier une procédure de protection en mars 2021 en considérant que les indications contenues dans ce document étaient inquiétantes quant à la relation qu'entretenaient les parents de l'enfant et l'accès du mineur à ses deux parents. Par la suite, lorsque la recourante l'a informé qu'elle avait quitté la Suisse pour s'établir en France, le Tribunal de protection a indiqué qu'il allait transmettre la cause aux autorités françaises.

Les éléments retenus par le premier juge pour initier une procédure de protection de l'enfant et décider de transmettre la cause aux autorités françaises, pas plus que les circonstances ressortant du "testament parental" communiqué par la recourante à la Justice de paix, ne conduisent en l'état à retenir que l'enfant est exposé à un danger grave justifiant que les autorités françaises de protection de l'enfant soient avisées de la procédure en cours devant les autorités genevoises en application des règles de coopération prévues par la CLaH96.

La décision du 14 mai 2021 du Tribunal de protection informant la recourante qu'il entend transmettre la cause aux autorités françaises sera en conséquence annulée.

Il ne sera en revanche pas donné suite aux conclusions de la recourante tendant à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de protection de détruire toute copie de son "testament parental", dans la mesure où elle ne justifie d'aucun droit en ce sens, étant néanmoins relevé ici qu'il appartiendra au Tribunal de protection d'interpeller la recourante avant d'autoriser, le cas échéant, un tiers à consulter le dossier de protection contenant le "testament parental" en question.

3. S'agissant d'une procédure de protection de l'enfant, la procédure est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC).

L'avance fournie par la recourante à hauteur de 400 fr. lui sera restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 16 juin 2021 par A______ contre la décision du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 14 mai 2021.

Au fond :

Annule cette décision en tant qu'elle transfère la procédure de protection concernant l'enfant B______ aux autorités françaises.

Dit que la procédure est gratuite.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 400 fr. à A______.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 


Indication des voies de recours
:

 Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.