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Décisions | Chambre de surveillance

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C/30416/1994

DAS/55/2022 du 24.02.2022 sur DTAE/515/2022 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/30416/1994-CS DAS/55/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 24 FEVRIER 2022

 

Recours (C/30416/1994-CS) formé en date du 18 février 2022 par Madame A______, actuellement hospitalisée au sein de la Clinique B______, Unité C______, ______ (Genève), comparant par Me Ghislaine de MARSANO-ERNOULT, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 février 2022 et anticipée par courriel du 24 février 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Ghislaine de MARSANO-ERNOULT, avocate.
Rue du Tunnel 15, 1227 Carouge.

- Madame D______
Monsieur E______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

- Direction de la Clinique B______
______.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance du 31 janvier 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a ordonné le placement à des fins d'assistance de A______, née le ______ 1957, de nationalité française (ch. 1 du dispositif) et prescrit l'exécution de la mesure à la Clinique B______ (ch. 2).

En substance, le Tribunal de protection a retenu, notamment sur la base d'une expertise psychiatrique du 12 janvier 2022, que la personne concernée, qui souffre depuis plus de 30 ans d'un trouble psychique, non traité du fait de son anosognosie, prenant la forme d'une schizophrénie paranoïde et d'un syndrome de Diogène, avait vu sa situation se dégrader du fait du refus de tout traitement, au point où elle se trouvait dans un grave état d'abandon pouvant conduire à une mise en danger auto-aggressive, sa violence verbale pouvant en outre évoluer vers un passage à l'acte physique à l'encontre de tiers considérés comme persécuteurs.

L'ordonnance en question indique, au moyens de timbres humides du greffe, qu'elle a été communiquée pour notification les 2 et 9 février 2022. Le suivi postal en mains de la Cour ne fait état que d'une communication le 9 février 2022, avec réception de l'acte le 11 février 2022 au guichet postal.

B.            Par courrier du 18 février 2022, A______ fait recours contre cette ordonnance.

Elle expose contester les termes de l'expertise, souhaiter un retour à domicile et ne pas accepter de traitement médicamenteux, dont elle estime ne pas avoir besoin, ne souffrant d'aucun problème particulier.

C. Lors de l'audience de la Cour du 23 février 2022, la recourante a persisté dans son recours pour les mêmes motifs que ceux soulevés dans son acte. Par ailleurs, elle a déclaré ne pas être favorable à la prise de médicaments, son corps se défendant seul. Elle s'est toutefois déclarée consciente d'avoir été évacuée de son logement, mais a indiqué ne pas avoir eu le temps d'en trouver un autre. Elle a d'autre part soutenu ne pas être assez âgée pour intégrer un EMS.

La curatrice de la recourante a déclaré à ce propos que celle-ci refusait toutes les propositions de relogement qui lui étaient faites. La procédure avait été initiée du fait de son évacuation de son appartement et de son refus d'un autre lieu de vie.

La curatrice d'office a quant à elle, sur cette question, indiqué, qu'à terme, bien que ce ne soit pas la volonté actuelle de la recourante, un lieu de vie en EMS serait adéquat.

Le médecin qui suit la recourante à la Clinique B______ a déclaré que sa situation était stable depuis son arrivée et qu'aucun traitement n'avait été accepté par celle-ci, qui vivait recluse dans sa chambre sans interférer avec les autres patients. A défaut d'urgence, il n'avait pas été envisagé un traitement sans consentement, en l'état. Un tel traitement devait cependant être envisagé avant une sortie. Le placement était encore justifié dans la mesure où la recourante avait besoin de soins.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

D. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) A______, née le ______ 1957, de nationalité française, est connue du Tribunal de protection depuis 1993, en raison de symptômes délirants persécutoires liés à une schizophrénie paranoïde, un trouble délirant persistant et une anosognosie qui l’ont progressivement empêchée d’assurer la gestion de ses affaires financières et administratives, notamment la tenue de son logement.

Une mesure de curatelle de représentation et de gestion a été instaurée provisoirement en sa faveur le 29 juillet 2011 par le Tribunal tutélaire d'alors et confirmée par ordonnance du 24 février 2015 du Tribunal de protection. Le recours contre cette mesure a été rejeté par arrêt du 6 octobre 2016 de la Cour de justice.

b) Par courrier du 3 novembre 2020, les curateurs ont requis du Tribunal de protection l'autorisation de faire désencombrer l'appartement de leur protégée, ce qu’elle a refusé. Son bail a été résilié pour le 31 mars 2021. Le bailleur, bienveillant, n’était disposé à négocier une remise en vigueur de celui-ci que s’il était procédé au désencombrement de l’appartement et à une prise en charge médicale de l’intéressée, ce qu’elle a à nouveau refusé.

Selon deux certificats médicaux établis le 27 mai 2021 par la Dre F______, médecin cheffe de clinique au sein de l'Equipe mobile de psychiatrie, A______ était incapable de discernement pour décider d'un lieu de vie adapté à ses besoins psychiques actuels et souffrait d'un trouble délirant persistant avec idées délirantes de persécution permanentes entraînant une perte d'autonomie aux actes de la vie quotidienne avec une incapacité à gérer seule son lieu de vie et la propreté de ce dernier, liée à un syndrome de Diogène. Le même médecin a, le 16 juillet 2021, précisé que la patiente, fortement anosognosique et incapable de se déterminer quant à ses soins, notamment psychiatriques, souffrait d'un trouble délirant persistant nécessitant à son avis l'instauration d'une curatelle de soins.

c) Par ordonnance du 16 août 2021, le Tribunal de protection a étendu la curatelle de représentation et de gestion aux tâches ressortant de l'assistance personnelle et au domaine médical.

Le 8 octobre 2021, les curateurs ont sollicité le placement à des fins d’assistance de leur protégée au sein de l’établissement médico-social (EMS) « G______ », qui apparaissait être un lieu de vie adapté à ses besoins et qui était prêt à l’accueillir.

d) Par ordonnance du 1er novembre 2021, le Tribunal a ordonné l’expertise psychiatrique de A______.

Selon le rapport d’expertise établi le 12 janvier 2022, A______ souffrait d’une schizophrénie paranoïde non décompensée, constitutive d’un grave trouble mental, et d’un syndrome de Diogène. Ses troubles psychiatriques sévères et durables n’ayant jamais été traités, elle se trouvait dans un grave état d’abandon et avait besoin d’assistance et d’un traitement psychiatrique, lequel ne pouvait être dispensé de manière ambulatoire. Bien que totalement dépendante de sa curatrice pour gérer ses affaires administratives, financières et de soins, la personne concernée ne collaborait pas avec elle, ni avec aucun tiers, tant ses troubles mentaux impactaient fortement la gestion de sa vie quotidienne.

L’expert recommandait, dans un premier temps, un placement à des fins d’assistance, à défaut duquel la personne concernée poursuivrait son refus de soins et de traitements médicamenteux et pourrait se mettre en danger psychiquement et physiquement en raison de ses convictions délirantes. Le risque principal était une péjoration de son état d’abandon. Une mise en danger auto-dommageable n’était pas exclue du fait de comportements pouvant être inadaptés, précipités et désorganisés. Il existait aussi un risque que les comportements actuels d’hétéro-agressivité et de violences verbales évoluent vers un passage à l’acte physique, en particulier à l’encontre de tiers-persécuteurs. Dans un second temps, la recherche d’un lieu de vie devait s’orienter vers l’intégration d’un établissement avec encadrement médico-social pour personnes souffrant de trouble psychotique pour poursuivre une médication antipsychotique.

A______, par le biais de son conseil, a contesté les conclusions de l’expert et s’est opposée aux mesures préconisées, qu’elle estimait anxiogènes et supposait correspondre à une contrainte et un enfermement, ce qui ne pouvait que générer révolte et violence. Dans la mesure où son incapacité de discernement n’était pas établie, elle considérait que l’équipe médicale se devait de discuter du traitement envisagé avec elle.

e) Le 31 janvier 2022, le Tribunal de protection a prononcé l'ordonnance querellée.

EN DROIT

1.             Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, la décision a été communiquée le 2 février 2022, puis le 9 février 2022, à la recourante, pour notification. On ignore à quelle date la décision du 2 février a été notifiée. La décision communiquée le 9 février 2022 a été notifiée le 11 février 2022. Le recours a été formé dans le délai utile de dix jours dès cette seconde notification et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable, sans qu'il soit nécessaire, vu la matière, de rechercher à quelle date la première communication est parvenue à sa destinataire.

2.             2.1 En vertu de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière, l'article 429 al. 1 CC stipulant par ailleurs que les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal.

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d’abandon), un besoin d’assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l’existence d’une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d’assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l’adulte, p. 302, n. 666).

La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al.3 CC).

En cas de troubles psychiques, la décision de placement à des fins d'assistance doit être prise sur la base d'un rapport d'expertise (art. 450e al. 3 CC). Dans son rapport, l'expert doit se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé. Il doit également indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, et si cela entraîne chez lui la nécessité d'être assisté ou de prendre un traitement (ATF 137 III 289 consid. 4.5 p. 292 ss.; arrêt 5A_469/2013 du 17 juillet 2013 consid. 2.4). Dans l'affirmative, il incombe à l'expert de préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n'était pas mise en œuvre (à propos de la notion de danger concret : arrêts 5A_288/2011 du 19 mai 2011 consid. 5.3; 5A_312/2007 du 10 juillet 2007 consid. 2.3; cf. également infra consid. 6.2.3). Il doit encore indiquer si, en vertu du besoin de protection de l'intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l'assistance ou le traitement nécessaire pourrait lui être fourni de manière ambulatoire. Le rapport d'expertise précisera également si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d'un traitement.

2.2 Dans le cas d'espèce, la recourante a été hospitalisée contre son gré sur décision du Tribunal de protection pour les motifs qui ressortent de l'état de fait.

La recourante conteste la réalisation des conditions ayant conduit à son hospitalisation.

Force est d'admettre toutefois qu'au moment où la décision de placement a été prise, la recourante vivait dans des conditions d'insalubrité, qu'elle conteste mais qui ont conduit le propriétaire de son logement, après des années de patience, à requérir son évacuation, qui permettaient de retenir que le motif du grave état d'abandon était réalisé. Le diagnostic psychiatrique posé depuis de nombreuses années déjà, et repris par l'expertise requise par le Tribunal de protection, le confirme. La recourante, qui souffre d'un trouble psychique, est atteinte d'un syndrome de Diogène, qui l'a conduite à adopter un mode de vie reclus et insalubre, au point que le Tribunal de protection pouvait valablement se fonder sur la qualification retenue. La question de l'adéquation du lieu de placement peut toutefois rester indécise du fait de ce qui suit, étant précisé que les curateurs proposaient un EMS encadré et non une clinique psychiatrique.

La recourante, dont le diagnostic psychique a été posé il y a trente ans, fait l'objet d'une curatelle de gestion et représentation depuis 2011, conjugée depuis août 2021 à une curatelle d'assistance personnelle et de soins. Rien au dossier n'indique que celle-ci, durant toutes ces années, aurait accepté un traitement quelconque. Rien n'indique non plus que sa maladie elle-même se serait aggravée au cours des années, seules les conséquences de celle-ci ayant par contre abouti à retenir le grave état d'abandon constaté par le Tribunal de protection. Le déni de la recourante de sa maladie est par ailleurs toujours identique. Aucun épisode de violence auto- ou hétéro-agressif, à l'exception de celui, relatif, mentionné en audience par sa curatrice n'est survenu durant toutes ces années. Aucune mise en danger concrète d'elle-même ou de tiers n'est à déplorer du fait de l'existence de la maladie dont souffre la recourante. La médecin entendue par la Cour lors de son audience a en outre déclaré que l'état de la recourante était stable et toujours identique, à défaut de traitement prodigué, aucune urgence à instaurer un traitement n'ayant été constatée.

Il en découle que, dans la mesure où il s'agit d'éviter que la recourante ne retombe aussitôt, celle-ci ne disposant plus d'un logement, dans le grave état d'abandon ayant justifié le prononcé du placement, celui-ci doit être maintenu jusqu'au 4 mars 2022, au plus, de manière à laisser au curateur le temps de trouver en sa faveur une solution de relogement. Une telle solution, une fois trouvée, devra être imposée à la recourante, le curateur ayant mandat de veiller à son assistance personnelle et à sa santé. Pour le surplus, le trouble psychique dont souffre la recourante depuis trente ans, qui pourrait certes objectivement devoir être soigné, ne la met pas en danger directement et ne la conduit pas à représenter un danger pour les tiers. Dès lors, les autres conditions à la privation de liberté qu'implique le placement sans consentement ne sont pas réalisées.

3.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ le 18 février 2022 contre l'ordonnance DTAE/515/2022 rendue le 31 janvier 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/30416/1994.

Au fond :

Prolonge le placement de A______ jusqu'au 4 mars 2022, au plus, au sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.