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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3766/2018

DAS/60/2022 du 22.02.2022 sur DJP/293/2021 ( AJP ) , REJETE

Recours TF déposé le 31.03.2022, rendu le 28.03.2023, IRRECEVABLE, 5A_234/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3766/2018 DAS/60/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 22 FEVRIER 2022

 

Appel (C/3766/2018) formé le 21 juin 2021 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 1er mars 2022 à :

 

- Madame A______
______, ______.

- Madame B______, Madame C______ et Madame D______
c/o Me Xavier LATOUR, avocat
Rue Bartholoni 6, case postale 5210, 1211 Genève 11.

- Maître E______
______, ______.

- JUSTICE DE PAIX.

 

 


EN FAIT

A.           a) F______, né le ______ 1945 à H______ (ancienne Yougoslavie), originaire de G______ [GE], domicilié ______ [GE], est décédé à S______ [GE] le ______ 2018, sans laisser de dispositions testamentaires connues.

Ses héritiers légaux sont son épouse, A______, née [A______] le ______ 1953, ainsi que trois filles nées d'une précédente union, C______, B______ et D______.

b) Par courrier du 26 juillet 2019 adressé à la Justice de paix, C______, B______ et D______ ont sollicité de toute urgence la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire de F______, au sens de l'art. 602 al. 3 CC. A l'appui de leur requête, elles ont exposé n'avoir pu obtenir aucune information concernant la succession de feu leur père, au motif qu'elles n'avaient aucun contact avec A______, épouse de ce dernier. Selon elles, celle-ci ainsi que son fils, I______, avaient depuis plusieurs années la mainmise sur les affaires de F______, lequel n'était plus en mesure de les gérer, à tel point qu'une procédure avait été ouverte devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, qui était encore pendante au moment du décès de l'intéressé. Or, C______, B______ et D______ avaient été convoquées en leur qualité de cohéritières de feu leur père à des audiences de mainlevée en raison de poursuites initiées à l'encontre du défunt par la Caisse cantonale des assurances sociales (OCAS), les montants réclamés par celle-ci s'élevant respectivement, en capital, à 738'417 fr. et à 184'775 fr. 10; le Tribunal avait prononcé des mainlevées définitives. A leur demande, l'administration fiscale cantonale leur avait adressé une déclaration de succession, à l'établissement de laquelle elles n'avaient pas participé et qui leur avait permis de constater que si les actifs couvraient a priori les passifs, lesdits actifs n'étaient toutefois pas liquides. En effet, la fortune du défunt était essentiellement constituée de biens immobiliers, dont l'un d'entre eux était détenu via la société J______ SA, dont I______ est l'administrateur. Tous les biens immobiliers et/ou les actions de ladite société étaient copropriété ou codétenus pour moitié par A______, celle-ci n'ayant toutefois jamais disposé des ressources nécessaires pour acquérir la moitié de ces biens. F______ avait par conséquent dû céder gratuitement à son épouse certains biens, ce qui était préoccupant, puisqu'il ne disposait plus de sa capacité de discernement depuis quelques années. C______, B______ et D______ avaient en outre découvert, sur la base des déclarations fiscales que la fiduciaire K______ SA leur avait transmises, que la fortune fiscale de leur père était passée de 12'532'759 fr. à la fin de l'année 2009 à un montant de 1'270'363 fr. à la fin de l'année 2017, ce qui représentait une diminution de plus de 11'000'000 fr. en huit ans. F______ avait par ailleurs prêté environ 9'000'000 fr. à L______, époux de la fille de A______. Or, les créances que le défunt détenait à l'égard de L______ avaient été réduites à 1 fr. dans ses dernières déclarations fiscales. Interpellée, A______ n'avait pas répondu à leurs questions.

c) Par décision DJP/1______/2019 du 26 août 2019, la Justice de paix a désigné E______, avocat, aux fonctions de représentant de la communauté héréditaire de feu F______, lui a conféré le pouvoir général de représenter la succession, de l'administrer et de préparer le partage, lui a imparti un délai au 23 septembre 2019 pour déposer un rapport exposant la situation successorale, comprenant un état des actifs et passifs au jour du décès et au jour de son entrée en fonction, ainsi qu'un descriptif des activités déployées dans le cadre de sa mission et celles envisagées et a mis les frais exposés par le greffe et un émolument de décision de 600 fr. à la charge de la succession.

d) Sur appel de A______, opposée à la nomination d'un représentant de l'hoirie, la Cour a, par arrêt DAS/207/2019 du 31 octobre 2019, confirmé la décision du 26 août 2019.

B.            Par décision DJP/293/2021 du 7 juin 2021, la Justice de paix a arrêté l'indemnité équitable partielle de Me E______, en sa qualité de représentant de la communauté héréditaire de F______, à 98'000 fr. (chiffre 1 du dispositif), débouté A______ de ses conclusions (ch. 2) et mis à sa charge les frais exposés par le greffe et un émolument de 1'200 fr. (ch. 3).

La Justice de paix a retenu que le 22 avril 2020, Me E______ avait été autorisé à prélever une provision de 25'000 fr., ce qui n'avait pas été possible, les actifs de la succession ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire de l'Office des poursuites. Le 6 novembre 2020, Me E______ avait été autorisé à prélever une seconde provision de 85'000 fr. (comprenant la somme de 25'000 fr. dont le prélèvement avait été autorisé précédemment). A______ s'était opposée au versement de ladite provision et avait contesté les honoraires demandés par Me E______, en alléguant notamment qu'il surfacturait ses prestations, que la note d'honoraires qu'il avait présentée contenait des erreurs et que l'exécution des tâches dont il s'était occupé était en partie défectueuse. A______ avait sollicité la suspension de Me E______ de ses fonctions et la nomination d'un nouveau représentant de l'hoirie.

Selon la Justice de paix et dans la mesure où la provision autorisée ne pouvait être prélevée du fait de la saisie et de l'opposition de A______, il convenait de procéder à une taxation partielle des honoraires de Me E______ pour la période du 3 septembre 2019 au 15 janvier 2021, en se référant aux principes dégagés dans le cadre de la rémunération des exécuteurs testamentaires en application de l'art. 517 al. 3 CC. Me E______ avait produit un décompte horaire de 333 heures et 32 minutes pour la période considérée, chaque activité et la durée de celle-ci ayant été détaillée. En ce qui concernait les griefs formulés par A______ et dans la mesure où la Justice de paix allouait au représentant de l'hoirie une indemnité équitable, il ne se justifiait pas de reprendre exhaustivement le décompte litigieux pour fixer ladite indemnité, le décompte demeurant pertinent pour déterminer l'étendue de l'activité. Pour le surplus et dans le cadre de l'action en justice intentée à l'encontre de L______, la Justice de paix a rappelé que le représentant de l'hoirie était tenu à une obligation de moyens et non de résultat, tout en relevant que ladite procédure avait permis de récupérer des actions aux porteur de la société M______ SA, de sorte qu'elle n'avait pas été inutile et avait été déployée dans l'intérêt de l'hoirie; une rémunération était due. Dans son ensemble, le mandat était complexe, compte tenu notamment du grand nombre de biens à attribuer, de leur nature et de leur régime de propriété. La responsabilité du représentant de l'hoirie était lourde, compte tenu de l'importance du patrimoine du défunt et du contexte de dévalorisation de ce dernier nécessitant une intervention massive pour pallier les manquements observés. En effet et jusqu'à la nomination du représentant de l'hoirie, la succession avait été administrée uniquement par l'une des cohéritières, ce qui avait donné lieu à des situations ayant nécessité d'être rectifiées en faveur de l'hoirie; des procédures judiciaires avaient dû être menées. Dès lors, la comptabilisation de 280 heures d'activité pour une durée de fonction de 16 mois et 12 jours apparaissait raisonnable et nécessaire. En ce qui concernait le tarif applicable, il y avait lieu de tenir compte du fait que le représentant de l'hoirie exerçait la profession d'avocat, au sein d'une étude qu'il partageait avec neuf avocats, ce qui nécessitait des locaux et un secrétariat. Dès lors, un tarif horaire global de 350 fr. pouvait être retenu, ce qui correspondait à une indemnité de 98'000 fr. pour la période considérée. Pour le surplus, la Justice de paix a considéré qu'aucun manquement du représentant de l'hoirie n'avait été démontré, de sorte qu'il ne se justifiait pas de prononcer une mesure disciplinaire, ni de le destituer.

C.           a) Le 21 juin 2021, A______ a formé un "recours" contre la décision du 7 juin 2021, reçue le 9 juin 2021. Elle a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la relève de Me E______ de son mandat.

En substance, A______ reproche à la Justice de paix de ne pas avoir retenu que l'activité déployée par Me E______ était préjudiciable et engageait sa responsabilité. Parmi les activités et décisions contestées par A______ figuraient celles-ci: Me E______ avait unilatéralement transformé le compte ouvert auprès de la banque N______ dont A______ était "propriétaire" à 50% en compte de la succession, ce qui l'avait empêchée d'y accéder pendant plusieurs mois et avait nécessité qu'elle recoure aux services d'un avocat; la banque N______ avait dénoncé au remboursement un prêt hypothécaire relatif à un bien immobilier sis à Q______ (Vaud) en raison du fait que Me E______ n'avait pas veillé au paiement des intérêts et des amortissements dus; l'OCAS exigeait toujours le paiement d'un certain montant, plus intérêts, alors que Me E______ avait prétendu avoir négocié et obtenu de l'OCAS l'abandon des intérêts; A______ a ensuite allégué avoir dû "céder ma part de l'actif en avril 2021", le reste de son argumentation étant toutefois incompréhensible; Me E______, sans en référer à l'hoirie, avait accepté d'effacer un prêt de 10 millions consenti par F______ à un dénommé L______, en acceptant en contrepartie le 16% du capital social d'une société ne valant que 4 ou 5 millions d'euros au maximum; Me E______ n'avait toujours pas transmis les informations concernant les actifs appartenant à la société M______ SA; Me E______ avait donné pour instruction à la Régie O______ de priver A______ de ses revenus locatifs, ne lui laissant qu'une rente de veuve de 1'724 fr. par mois depuis l'été 2020; alors que la mission de Me E______ était de sauvegarder les intérêts de l'hoirie, il avait fait notifier à la société J______ SA une réquisition de faillite, avec pour résultat la destruction d'un actif d'une valeur importante, alors que la créance invoquée n'était pas exigible et que la nomination d'un liquidateur, sollicitée par Me E______, allait engendrer des frais supplémentaires; Me E______ avait adressé tardivement à l'administration fiscale une demande de révision, laquelle avait été déclarée irrecevable, ce qui avait provoqué un préjudice financier.

A______ a produit plusieurs pièces, dont seules trois d'entre elles sont postérieures à la décision attaquée.

b) Me E______ s'est prononcé sur l'appel formé par A______ le 4 octobre 2021. Il a principalement conclu à son irrecevabilité, l'appelante s'étant contentée d'exposer sa propre version des faits, sans critiquer pour autant la décision rendue par la Justice de paix le 7 juin 2021 et subsidiairement au déboutement de l'appelante de ses conclusions.

S'agissant pour le surplus des griefs formulés à son encontre par l'appelante, Me E______ s'est prononcé comme suit:

-       En ce qui concernait la banque N______, deux comptes étaient ouverts en ses livres. L'un était exclusivement détenu par F______ et l'autre conjointement par ce dernier et A______. Au décès de F______, ses héritiers, dont A______, étaient automatiquement devenus co-titulaires des deux comptes en question, en lieu et place du défunt. Me E______ n'avait, pour sa part, procédé à aucune modification concernant la titularité des comptes.

-       S'agissant de la dénonciation du prêt hypothécaire et du litige avec la régie O______, la situation était la suivante: le compte bancaire dont les héritiers de feu F______ et A______ étaient conjointement titulaires était rattaché au bien immobilier sis à Q______ (Vaud). Jusqu'en août 2020, la Régie O______ versait sur ce compte les loyers résultant de la location du bien en question et la banque N______ prélevait directement dudit compte les intérêts et les amortissements de la dette hypothécaire rattachée au même bien. En raison d'un litige survenu avec la Régie, celle-ci avait décidé de retenir les produits locatifs en compensation d'une créance en enrichissement illégitime dont elle prétendait disposer à l'égard de l'hoirie, qui en contestait intégralement le bien fondé. La Régie n'avait pas informé Me E______ de ce qu'elle entendait invoquer la compensation avec les loyers, mais avait prétendu que les produits locatifs étaient saisis par l'Office des poursuites. Le compte auprès de la banque N______ ne recevant plus le produit locatif de l'immeuble de Q______, il était devenu négatif, ce qui avait conduit la banque à dénoncer le prêt hypothécaire. Or, A______ était malvenue de s'en plaindre, puisqu'elle était directement à l'origine de cette situation. En effet, les époux A______/F______ avaient acquis en 2007, en copropriété à concurrence de la moitié chacun, divers appartements à Q______. Au décès de F______ la moitié des loyers aurait ainsi dû revenir de plein droit à l'hoirie. Or, le 1er mars 2018, I______, fils de A______, avait donné pour instruction à la Régie de verser dorénavant l'intégralité des loyers sur le compte personnel de sa mère. Ainsi, de mars 2018 à mars 2020, A______ avait encaissé l'entier des loyers, soit plus de 323'000 fr., alors qu'elle ne pouvait ignorer, de même que la Régie, que la moitié de cette somme, soit plus de 161'000 fr., aurait dû être versée sur le compte de la succession. Sur injonction de Me E______ et à compter du 27 mars 2020, la Régie avait finalement versé cette somme sur le compte de la succession. Par la suite toutefois la même Régie avait "fait marche arrière" et agi à l'encontre de la succession en enrichissement illégitime afin de récupérer ce montant, alors que c'était en réalité A______ qui s'était enrichie personnellement. Me E______ avait toutefois bon espoir de pouvoir trouver une solution, la banque N______ ayant indiqué être prête à revoir sa position. Pour cela, il fallait toutefois et notamment que A______ prenne en charge le montant des intérêts et amortissements de la dette hypothécaire échus. La totalité des liquidités de la succession était en effet saisie par l'Office des poursuites, de sorte que Me E______ n'était pas en mesure d'effectuer le moindre paiement.

-       Le montant réclamé par l'OCAS correspondait aux cotisations sociales impayées pour les années 2008 et 2009. L'OCAS, en tant que service étatique soucieux d'égalité de traitement, ne pouvait renoncer aux intérêts courus que dans des circonstances exceptionnelles et les négociations avec lui n'étaient pas aisées. Or, le représentant d'hoirie était tenu à une obligation de moyens et non de résultat et les discussions étaient toujours en cours.

-       Le 26 avril 2021 était intervenue, sous l'égide d'un notaire du canton de Vaud, la vente de plusieurs appartements à Q______. Le notaire avait dissous la société simple ayant existé entre les époux A______/F______ et avait établi un décompte, allouant 460'000 fr. en faveur de l'hoirie, correspondant à la reprise des apports de feu F______. Cette part avait été saisie par l'Office des poursuites pour payer la dette du défunt à l'égard de l'OCAS. La répartition effectuée par le notaire respectait les règles légales en matière de liquidation d'une société simple.

-       En ce qui concernait les prêts consentis par F______ au dénommé L______, le représentant de l'hoirie a allégué n'avoir disposé que de peu d'informations à ce sujet au moment de sa nomination. L______ était introuvable depuis près de dix ans et seuls certains prêts figuraient dans un contrat écrit rédigé par une fiduciaire. A la demande de A______, il avait déposé une plainte pénale, laquelle avait fait l'objet d'une ordonnance de classement. Par la suite, il avait retrouvé l'adresse de L______, contre lequel des poursuites avaient été entreprises et qu'il avait rencontré. L______ lui avait alors présenté un ensemble de documents dont il ressortait qu'en 2013 il avait signé un contrat ainsi qu'une convention d'actionnaire avec F______, qui prévoyaient que les prêts consentis par ce dernier au premier pour plus de 10 millions de francs étaient convertis en une participation à hauteur de 16% dans la P______ SA "et par conséquent dans le rapport de fiducie conclu le 9 juin 2006 avec M______ SA", dont le représentant de l'hoirie avait pu récupérer les actions au porteur.

-       Le représentant de l'hoirie a par ailleurs expliqué avoir été contraint de déposer une requête de faillite sans poursuite préalable à l'encontre de la société J______ SA le 10 mai 2021, dans la mesure où depuis plusieurs années l'hoirie, actionnaire à 50% de cette société, tentait de vendre le seul actif de celle-ci, soit un bien immobilier sis au R______ (Genève), seule solution pour remédier à son endettement. Le créancier gagiste avait en effet révoqué le prêt hypothécaire lié à ce bien le 1er mars 2017 et depuis lors la dette avait augmenté chaque année de 371'280 fr., que les revenus locatifs ne suffisaient pas à couvrir. L'administrateur de la société, soit le propre fils de A______, n'avait pour sa part rien entrepris depuis 2017 pour régler ce problème. Dans son jugement de faillite, le Tribunal de première instance avait retenu que la société se trouvait en situation de surendettement à tout le moins depuis le 31 décembre 2018 et que la situation n'avait cessé de se détériorer depuis lors.

-       En ce qui concernait la situation fiscale des époux A______/F______, le représentant de l'hoirie a expliqué que des demandes de révision avaient été déposées auprès de l'Administration fiscale des cantons de Genève et Vaud ainsi qu'auprès de l'Administration fédérale des contributions, conjointement par lui-même et par le conseil de A______. Le motif de la demande de révision portait sur le fait que les créances de F______ à l'encontre de L______, dont les autorités fiscales avaient tenu compte pour calculer l'impôt sur la fortune, étaient en réalité inexistantes (cf. ci-dessus). L'Administration fiscale du canton


de Genève avait déclaré la demande de révision irrecevable pour cause de tardiveté, celle du canton de Vaud l'avait rejetée. Dans l'intervalle, le représentant de l'hoirie avait appris l'existence du contrat et de la convention d'actionnaire conclus entre F______ et L______, ce qui avait fait perdre sa justification aux demandes de révision.

Le représentant de l'hoirie a produit un bordereau de pièces à l'appui de ses explications, dont trois postérieures à la date de la décision attaquée.

c) Dans leurs observations du 9 décembre 2021, C______, B______ et D______ ont conclu au rejet du "recours" formé par A______, mettant toutefois en doute sa recevabilité, compte tenu de sa motivation sommaire. Elles ont relevé que A______ s'était contentée de rédiger quelques paragraphes de complaintes diverses et variées, sans étayer ni prouver le bien-fondé de ses griefs énoncés en termes généraux, tout en produisant quelques pièces "pêle-mêle".

Pour le surplus, C______, B______ et D______ ont rappelé être restées sans nouvelles de A______ pendant presque une année après le décès de leur père. Elles avaient été contraintes d'agir après avoir été convoquées, en leur qualité de cohéritières, à des audiences de mainlevée relatives à des poursuites initiées par la Caisse cantonale des assurances sociales, leur père étant redevable d'une somme totale supérieure à 1'100'000 fr. Elles avaient en outre découvert que leur père était codébiteur d'un prêt hypothécaire de plus de 3'000'000 fr. en capital, les intérêts ayant été fixées à 12% dès le 1er mars 2017, de sorte que la dette augmentait à hauteur d'environ 370'000 fr. par année. Or, ledit prêt concernait un bien immobilier représentant l'unique bien substantiel de la société J______ SA, dont la moitié du capital-actions avait été transférée à A______ avant le décès de leur père, dans des circonstances devant encore être éclaircies, puisque F______ ne jouissait plus de sa capacité de discernement durant les dernières années de sa vie. Ce bien immobilier était toujours occupé par A______, qui ne payait aucun loyer depuis un certain temps. La situation était à tel point dramatique, qu'il n'était désormais plus certain que la vente du bien immobilier suffise à couvrir la dette hypothécaire en capital et intérêts. C'était par conséquent de façon tout à fait opportune que le représentant de l'hoirie avait déposé une requête en faillite de la société J______ SA. La valeur des autres biens immobiliers détenus par F______ à hauteur de 50% était insuffisante pour couvrir la créance de l'OCAS. Pour le surplus, le fait que les prêts consentis par le défunt à L______ aient été convertis en actions d'une société n'était pas du ressort du représentant de l'hoirie. Ainsi et contrairement à ce que prétendait A______, le représentant de l'hoirie entreprenait toutes les démarches utiles pour préserver et sauvegarder les intérêts de la succession. Il tentait en effet de sortir l'hoirie de la situation catastrophique dans laquelle elle s'était retrouvée en raison des agissements, respectivement de l'inaction, imputables non pas à A______ directement, mais à ses enfants, soit notamment son fils I______, lequel refusait de participer à toute solution constructive, usant et abusant de ses pouvoirs, notamment de sa qualité d'administrateur unique de la société J______ SA et de la mainmise qu'il exerçait de facto sur la majorité des actifs de la succession.

d) A______ a répliqué le 17 décembre 2021, persistant dans ses conclusions. Elle a notamment soutenu avoir interpellé les filles de son époux en 2019, afin de connaître l'étendue des prêts, virements et donations dont elles avaient bénéficié, sans obtenir aucune réponse. Le représentant de l'hoirie n'était pas intervenu. Elle a par ailleurs contesté avoir la "mainmise" sur les biens de feu son époux, mais s'être occupée de leur entretien et, dans la mesure du possible, du paiement des charges. Son fils, I______, était devenu administrateur de J______ SA en 2017, après la démission du précédent administrateur et dans un contexte catastrophique en raison de la dénonciation du prêt hypothécaire; il ne percevait aucune rémunération. Elle a également indiqué que les biens immobiliers sis à Q______ avaient été acquis par elle-même et feu son époux en 2007 au moyen des acquêts du couple. Par ailleurs, le fait que L______ était l'époux de sa fille n'était pas relevant, les prêts qui lui avaient été accordés étant dus dans leur intégralité. Pour le surplus, elle a soutenu que les honoraires du représentant de l'hoirie, non contestés par les trois filles du défunt, devaient être mis à leur charge, ce d'autant plus qu'elles avaient elles-mêmes requis sa nomination.

A______ a produit des pièces supplémentaires.

e) La cause a été gardée à juger au terme de cet échange d'écritures.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC) sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). Si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ( ), le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC).

L'intitulé erroné d'un acte de recours – au sens large – est simplement rectifié, lorsque cet acte remplit les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté (ATF 134 III 379);

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable. Le fait que l'acte ait été intitulé "recours", de manière erronée, est sans conséquences. Le délai utile de 10 jours a par ailleurs été respecté.

2. 2.1 L'appel doit être motivé (art. 311 al. 1 CPC). Selon l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de motiver son appel, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée; sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que l'appelant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 p. 375). La motivation de l'appel constitue une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office. Lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité n'entre pas en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3.1; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2).

L'instance de recours vérifie d'office les conditions de recevabilité (art. 60 CPC).

2.2 En l'espèce, la motivation de l'acte d'appel est sommaire, l'appelante ayant formulé divers griefs à l'égard du représentant de l'hoirie, lesquels sont toutefois pour l'essentiel peu compréhensibles compte tenu notamment de la complexité de la situation patrimoniale du défunt et peu structurés. Il sera toutefois tenu compte du fait que l'appelante plaide en personne, de sorte qu'il sera fait preuve d'indulgence et que l'appel sera déclaré recevable. Cette question est au demeurant sans réelle portée, l'appel étant, quoiqu'il en soit, infondé.

3. Les parties ont versé à la procédure diverses pièces, dont la plupart sont antérieures au prononcé de la décision litigieuse. La question de leur recevabilité peut toutefois demeurer indécise, dans la mesure où elles sont sans pertinence pour l'issue du litige.

4. 4.1 Selon l'art. 602 al. 1 CC s'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage. A la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC). Sauf précision contraire, les pouvoirs du représentant sont ceux d'un exécuteur testamentaire. L'autorité de nomination, à Genève le juge de paix (art. 3 al. 1 let. J LaCC), exerce la surveillance sur le représentant de la succession (art. 3 al. 2 LaCC) et arrête sa rémunération (SPAHR, CR-CC II 2016, no 68 ad art. 602 CC).

La représentation de la succession est une institution de droit privé sui generis. Le représentant de la succession agit comme un mandataire au sens des art 398 ss CO. Il est soumis aux règles du mandat quant à sa responsabilité et à son droit de mettre fin au mandat en tout temps. Il exerce une activité de droit privé. Le fait que le représentant soit désigné par l'autorité n'y change rien (WOLF, Berner Komm. 2014, nos 154 et 165 ad art. 602 CC; STAUFELBERGER/KELLER LÜSCHER, Basler Komm. 2019, no 48 ad art. 602 CC; SPAHR, op. cit. no 77 et 85 ad art. 602 CC).

Les coûts de la représentation, qui sont des dettes de la succession, sont à supporter par celle-ci, c’est-à-dire par tous les héritiers. Les règles du mandat sont applicables (WOLF, op. cit., no 159 et 181 ad art. 602 CC).

La loi étant lacunaire quant à la rémunération du représentant de la succession, on doit se reporter aux principes dégagés pour la rémunération des exécuteurs testamentaires. Ceux-ci ont droit à une "indemnité équitable" au sens de l'art. 517 al. 3 CC, de droit fédéral, fixée selon les seuls critères du droit fédéral, à l'exclusion du droit cantonal, ne se fondant en particulier pas automatiquement sur des usages professionnels ou des tarifs cantonaux. (KARRER, PETER VOGT, LEU, Basler Komm., 2019, no 27 ss ad art 517 CC). La rémunération doit être objectivement proportionnée aux prestations fournies et ne saurait être fixée forfaitairement en fonction de la seule valeur de la succession ou d'un tarif ad valorem (ATF 129 I 330 c.3.2).

Le droit fédéral ne définissant pas le caractère "équitable" de l'indemnité, celle-ci doit se déterminer selon toutes les circonstances du cas d'espèce, notamment le temps passé, la complexité du cas, l'ampleur du mandat et sa durée, la responsabilité encourue. Dans l'application des critères de complexité du cas et de responsabilité, on peut tenir compte des connaissances spéciales d'un avocat ou d'un notaire (ATF 78 II 123 c. 1b) et de la valeur de la succession. On doit aussi pouvoir tenir compte, sans l'appliquer de manière mécanique, de la pratique dégagée de l'art. 394 al. 3 CO pour certaines professions. Il en est de même de certains tarifs qui doivent toutefois tenir compte de la structure des coûts de la profession (p. ex. secrétariat, etc.) (SJ 1992 p. 81, 86; KARRER et alii, op. cit., no 29 et 30 ad art 517 CC).

4.2 En l'espèce, l'appelante a soutenu que l'activité déployée par le représentant de l'hoirie était préjudiciable et engageait sa responsabilité, ce qui devait conduire à l'annulation de la décision attaquée. Les explications fournies par l'appelante dans son mémoire d'appel relatives aux prétendus manquements du représentant de l'hoirie sont toutefois vagues, imprécises et insuffisamment étayées, de sorte qu'il ne peut être retenu que celui-ci aurait mal exécuté le mandat qui lui a été confié au point qu'il ne pourrait plus faire valoir son droit à des honoraires. Au demeurant, le représentant de l'hoirie a répondu, dans son mémoire du 4 octobre 2021, de manière claire et convaincante aux critiques qui lui ont été adressées et il appert que les difficultés notamment financières de l'hoirie sont dues à des faits ayant précédé la désignation du représentant de l'hoirie et ne sauraient lui être imputées. Pour le surplus, le fait que l'appelante n'approuve pas certaines décisions du représentant de l'hoirie ou que les actions entreprises par celui-ci n'aient pas donné les résultats escomptés ne suffit pas pour retenir qu'il aurait failli dans l'exécution de son mandat, le mandataire ayant une obligation de moyens et non de résultats.

Pour le surplus, l'appelante n'a pas formulé de grief précis concernant le montant de 98'000 fr. arrêté par la Justice de paix, ni à l'encontre de la motivation retenue par celle-ci pour parvenir à ce résultat. Il sera par conséquent simplement relevé que le montant retenu est inférieur à celui qui figurait sur la note d'honoraires du représentant de l'hoirie, ce qui rend vaine la critique de l'appelante relative à de prétendues "erreurs de facturation", au demeurant non détaillées, que celui-ci aurait pu commettre.

Pour le surplus et conformément à la doctrine citée sous 4.1 ci-dessus, les honoraires du représentant de l'hoirie doivent être supportés par la succession, c'est-à-dire par tous les héritiers. Ils ne sauraient par conséquent être mis à la seule charge des trois filles du défunt, quand bien même elles sont à l'origine de la nomination dudit représentant.

Au vu de ce qui précède, la décision attaquée sera confirmée.

5.             Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais d'appel, arrêtés à frs. 1'000 fr. (art. 26, 67 et 67B RTFMC), partiellement compensés à hauteur de 500 fr. avec l'avance de frais versée par l'appelante, seront mis à charge de cette dernière, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). L'appelante sera condamnée à verser à l'Etat de Genève la somme de 500 fr. à titre de solde de frais judiciaires. Elle sera en outre condamnée à verser la somme de 1'000 fr. à C______, B______ et D______, prises conjointement et solidairement, à titre de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ contre la décision DJP/293/2021 du 7 juin 2021 rendue par la Justice de paix dans la cause C/3766/2018.

Au fond :

Confirme la décision attaquée.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 500 fr.

Condamne A______ à verser à C______, B______ et D______, prises conjointement et solidairement, la somme de 1'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.