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Décisions | Chambre de surveillance

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C/23852/2009

DAS/80/2022 du 14.03.2022 sur DTAE/5754/2021 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23852/2009-CS DAS/80/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 14 MARS 2022

 

Recours (C/23852/2009-CS) formé en date du 25 octobre 2021 par Madame A______, domiciliée ______[GE], comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 28 mars 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Sandy ZAECH, avocate.
Rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge.

- Monsieur B______
c/o Me Malek ADJADJ, avocat.
Rue du Rhône 118, 1204 Genève.

- Maître C______, avocate
Rue ______ Genève.

- Madame D______ et
Monsieur E______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.



EN FAIT

A. Par décision DTAE/5754/2021 du 11 octobre 2021, notifiée le surlendemain à A______ et communiquée à nouveau le 28 octobre 2021 après rectification d'une erreur matérielle, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection), statuant sur mesures provisionnelles, a confirmé la décision DTAE/3886/2021 du 9 juillet 2021 à l'exclusion de l'élargissement des relations personnelles entre les enfants et leur père (ch. 1 du dispositif), dit que cette question relevait de la compétence du Tribunal civil dans le cadre de la procédure C/1______/2016 (ch. 2), renvoyé pour le surplus la cause pour raison de compétence au Tribunal civil (ch. 3), ordonné à A______ de respecter le calendrier des visites fixées par courrier du Service de protection des mineurs en date du 10 septembre 2021, uniquement en modalité d'accueil, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP (ch. 4 et 5), débouté les parties de toutes autres conclusions et rappelé que la décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 6 et 7).

B. a) Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 25 octobre 2021, A______ a formé recours contre cette décision. Elle a conclu, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, principalement à l'annulation des ch. 1 - en ce qu'il confirme la décision DTAE/3886/2021 - et 4 à 7 du dispositif de la décision entreprise. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour constate l'incompétence du Tribunal de protection pour statuer, ainsi que la compétence du Tribunal civil (ci-après : le Tribunal de première instance) et renvoie la cause à celui-ci, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

b) Après avoir donné l'occasion aux parties de se déterminer sur l'octroi de l'effet suspensif, la Cour a, le 11 novembre 2021, rejeté la requête de A______ et réservé la question des frais à la décision à rendre au fond.

c) La curatrice agissant pour les mineurs F______, G______, H______ et I______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

d) B______ a, lui aussi, conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles.

e) Le Tribunal de protection a renoncé à se déterminer, mais a fait parvenir à la Cour des pièces nouvelles qui lui avaient été remises.

f) A______ a répliqué, persisté dans ses conclusions et produit des pièces nouvelles.

g) Les autres parties s'étant vu communiquer la réplique n'ont pas réagi, de sorte que la cause a été gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent pour le surplus de la procédure :

a) A______, ressortissante lettone, et B______, ressortissant du Niger, sont les parents non mariés de quatre enfants mineurs, reconnus par leur père, à savoir les jumeaux I______ (ci- après : I______) et G______ (ci-après : G______), nés le ______ 2009, et les filles H______ (ci-après : H______), née le ______ 2011, et F______ (ci-après : F______), née le ______ 2013.

b) La situation des mineurs précités est connue des autorités de protection depuis 2009.

B______ souffre de troubles psychiques graves, qui entravent la prise en charge des enfants, notamment lorsqu'il est sujet à des crises.

A______ et B______ se sont séparés en 2013 en mauvais termes.

c) La garde des enfants et le droit aux relations personnelles ont été réglés par des décisions successives du Tribunal de protection, confiant, en substance, la garde des enfants à A______ et réservant un droit de visite à B______.

Le droit de visite de celui-ci n'a pu être exercé que très sporadiquement, car A______ s'oppose souvent aux rencontres entre le père et ses enfants.

d) Le 26 juillet 2016, A______ a déposé une action alimentaire par devant le Tribunal de première instance contre B______ afin de fixer les contributions dues par ce dernier pour l'entretien de ses enfants (C/2______).

Son instruction a été suspendue par ordonnance du 29 mai 2017 dans la perspective d'une attraction de la procédure pendante devant le Tribunal de protection au profit d'un examen de l'ensemble des questions litigieuses liées au sort de I______, G______, H______ et F______ par le seul Tribunal de première instance en application des art. 298b al. 3 CC. L'instance a été reprise le 27 octobre 2017.

Il n'y a pas eu d'autre décision de suspension de la procédure.

e) Par ordonnance du 12 mars 2020, le Tribunal de protection a constaté que A______ avait formé, le 30 mai 2019, une demande d'attribution de l'autorité parentale exclusive sur les trois enfants les plus âgés. Cette requête a été transmise au Tribunal de première instance pour raison de compétence. La saisine du Tribunal de première instance, appelé à trancher les questions financières et liées à la prise en charge des enfants, en application de l'art. 298d CC [recte 298b CC], justifiait que le Tribunal de protection se dessaisisse "en opportunité" de la procédure et confie la poursuite de l'instruction de l'ensemble des questions liées aux droits parentaux (autorité parentale, relations personnelles) au Tribunal de première instance. Ainsi, le Tribunal de protection a transmis pour raison de compétence la procédure au Tribunal de première instance.

f) Le Tribunal de première instance a, notamment, entériné par ordonnance du 26 juin 2020 un accord des parties visant à la reprise du droit de visite de B______ en milieu protégé, au sein du Point de Rencontre, selon les modalités "accueil", pendant une période de trois mois, à l'issue de laquelle la curatrice d'organisation et de surveillance du droit de visite était chargée de fournir un rapport sur le déroulement des relations personnelles.

Lors de l'audience ayant précédé le prononcé de cette ordonnance, le Tribunal de première instance avait exhorté les parties à suivre une médiation.

g) Par ordonnance du 21 septembre 2020, le Tribunal de première instance a interpellé les parties, notamment pour leur demander s'il y avait lieu de reprendre l'instruction de la cause, en lien avec la mise en œuvre d'une médiation.

h) Dans les mois qui ont suivi et en l'absence d'avancée dans le processus de médiation, le Tribunal de première instance a poursuivi l'instruction notamment par une audience et par une décision en lien avec l'inscription des mineurs dans le système informatisé de la police (OTPI/703/2020 du 13 novembre 2020). Cette ordonnance a fait l'objet d'un appel de A______ à la Cour, qui l'a annulée par arrêt du 29 juin 2021.

i) Par décision DTAE/3886/2021 du 9 juillet 2021, le Tribunal de protection a, sur requête des curateurs des enfants et sur mesures superprovisionnelles, sommé A______ de respecter la décision du Tribunal civil du 26 juin 2020 et d'honorer les entretiens au Service de protection des mineurs (SPMi), autorisé les curateurs à rencontrer leurs protégés en cas de non-présentation aux entretiens, dans leurs écoles respectives, limité l'autorité parentale de A______ en conséquence, autorisé l'élargissement des relations personnelles dès septembre 2021 à une demi-journée à quinzaine en mode "passage" par le Point rencontre avec temps de battement avant et après les visites et exhorté A______ à fournir une liste des thérapeutes et médecins des quatre enfants, le tout sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

j) Par courrier du 19 juillet 2021, A______ s'est opposée à cette décision, en raison du défaut de compétence ratione materiae du Tribunal de protection.

k) Après avoir donné aux parties l'occasion de se déterminer, le Tribunal de protection a gardé la cause à juger.

D. Dans la décision entreprise, le Tribunal de protection a constaté que les curateurs qu'il avait nommés conformément au mandat délivré par le Tribunal de première instance étaient confrontés depuis neuf mois à une résistance passive de A______. Parallèlement, le Tribunal de première instance avait suspendu sa procédure en invitant les parties à mettre en œuvre une médiation, puis avait été dessaisi du dossier en raison de l'appel de A______ contre l'ordonnance portant sur l'inscription des enfants au système informatisé de la police. Le Tribunal de protection s'est donc considéré compétent pour statuer sur le respect de la mise en œuvre de la décision du Tribunal de première instance (art. 307 al. 3 CC). Au vu de l'attitude de A______, un rappel à l'ordre était urgent. En outre les curateurs n'avaient pas pu rencontrer les enfants, de sorte qu'il fallait autoriser, en dépit du refus de leur mère, une rencontre dans le cadre scolaire. Il en allait aussi de la mission des curateurs de pouvoir échanger avec les médecins et thérapeutes des enfants mineurs. Bien que le Tribunal de protection reconnaisse que la question des relations personnelles entre les enfants et leur père relève du Tribunal de première instance, il était "impératif" que les visites fixées par celui-ci aient lieu. L'ordre de le faire devait donc être donné au sens de l'art. 307 al. 3 CC. Pour le surplus, la cause était de la compétence du Tribunal civil.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (450 al. 1 CC; art. 53 al. 1 LaCC; art. 126 al. 1 let. b LOJ). Le délai de recours, s'agissant de mesures provisionnelles, est de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 445 al. 3 CC; art. 53 al. 2 LaCC) et de trente jours pour les décisions au fond (art. 450b al. 1 CC; art. 53 al. 2 LaCC).

1.2 Le recours est recevable pour avoir été déposé, selon la forme et le délai prescrits, par la mère des enfants mineurs concernés, qui dispose d'un intérêt à agir.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.4 Les pièces nouvellement déposées devant la Chambre de céans par les parties sont recevables, dans la mesure où l'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450 f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne prévoit aucune restriction en cette matière.

2. La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir statué sur des questions intéressant les enfants mineurs alors qu'il n'était pas compétent ratione materiae.

2.1
2.1.1
Les art. 273 et suivants CC règlent le droit aux relations personnelles des père et mère avec leur enfant, prévoyant notamment que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Quant aux art. 296 et suivants CC, ils règlent les conséquences de l'autorité parentale, soit l'attribution de celle-ci (art. 296 et suivants CC), son contenu (art. 301 et suivants CC) et la protection de l'enfant (art. 307 et suivants CC) qui y est liée. Parmi les mesures de protection de l'enfant, une curatelle peut être instituée (art. 308 CC), certains pouvoirs pouvant être confié au curateur (art. 308 al. 2 CC) et l'autorité parentale étant adaptée en conséquence (art. 308 al. 3 CC).

2.1.2 La répartition des compétences entre le juge - i.e. notamment le juge civil compétent pour connaître des actions alimentaires des enfants à l'encontre des parents - et l'autorité de protection - à Genève, le Tribunal de protection (art. 105 al. 1 LaCC) - est un domaine complexe, la loi n'étant, malgré une révision récente, pas toujours claire à ce sujet (Leuba / Meier / Papaux van Delden, Droit du divorce, Conditions - effets - procédure (avec la collaboration de Patrick Stoudmann), 2021, p. 737; Pralong / Zender, Tabelle sur les compétences respectives du juge et de l'APEA dans la mise en œuvre du droit de la famille, in Revue valaisanne de jurisprudence 2017 p. 347).

Ainsi, selon l'art. 298b al. 3 CC, lorsqu'elle statue sur l'autorité parentale, l'autorité de protection de l'enfant règle également les autres points litigieux. L'action alimentaire, à intenter devant le juge compétent, est réservée; dans ce cas, le juge statue aussi sur l'autorité parentale et sur les autres points concernant le sort des enfants.

En outre, selon l'art. 307 al. 1 CC, l'autorité de protection de l'enfant prend les mesures nécessaires pour protéger l'enfant si son développement est menacé et que les père et mère n'y remédient pas d'eux-mêmes ou sont hors d'état de le faire : elle peut, en particulier, rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l'enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives au soin, à l'éducation et à la formation de l'enfant, et désigner une personne ou un office qualifiés qui aura un droit de regard et d'information (art. 307 al. 3 CC).

Les art. 314 et suivants CC règlent la procédure. S'agissant de la compétence ratione materiae, les art. 315a et suivant CC fondent la compétence du juge matrimonial pour prononcer des mesures de protection des enfants. Ainsi, le juge chargé de régler les relations des père et mère avec l'enfant selon les dispositions régissant le divorce ou la protection de l'union conjugale prend également les mesures nécessaires à la protection de ce dernier et charge l'autorité de protection de l'enfant de leur exécution (art. 315a al. 1 CC). Cela étant, conformément à l'art. 315a al. 3 CC, l'autorité de protection de l'enfant demeure toutefois compétente pour poursuivre une procédure de protection de l'enfant introduite avant la procédure judiciaire (ch. 1) et prendre les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l'enfant lorsqu'il est probable que le juge ne pourra pas les prendre à temps (ch. 2).

Selon l'art. 304 al. 2 CPC, le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'aliments se prononce également sur l'autorité parentale et sur les autres points concernant le sort des enfants. Ainsi, si un tribunal est saisi d'une demande d'entretien, l'autorité de protection de l'enfant doit lui transmettre la ou les procédures pendantes devant lui (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1025/2019 du 1er octobre 2020 consid. 5.4.2).

2.1.3 En conséquence, la question se pose de savoir qui, du juge saisi d'une action alimentaire de la part d'un enfant de parents non mariés ou de l'autorité de protection de l'enfant, est compétent pour prononcer des décisions concernant les relations personnelles entre le père, la mère et l'enfant et pour statuer sur les mesures de protection de l'enfant, aspects litigieux en l'espèce.

Conformément à la volonté du législateur exprimée dans le cadre de la révision du droit de l'entretien de l'enfant, la compétence du tribunal, en lieu et place de l'autorité de protection de l'enfant, a été prévue lorsque sont litigieuses tant la question de l'entretien que celles de l'autorité parentale et des mesures de protection des enfants (attraction de compétence; Breitschmid, Basler Kommentaire - ZGB I, 6ème éd. 2018, n. 2a et 14 ad art. 298b CC). Reste à déterminer l'étendue de cette attraction de compétence et les conséquences d'une éventuelle violation des règles de compétence.

Par une décision non publiée, rendue dans le cadre d'une procédure de divorce, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se pencher sur les questions susévoquées et d'énoncer certains principes généraux. En l'occurrence, selon le Tribunal fédéral, l'autorité de protection de l'enfant, saisie parallèlement au juge du divorce, devait se voir reconnaître un pouvoir général de décision dans le domaine de la protection de l'enfant. Cela découlait de sa compétence générale de décision en la matière et de la nécessité de garantir la sécurité juridique. La distinction entre la compétence des tribunaux et celles de l'autorité de protection n'était pas claire, particulièrement du fait que l'autorité de protection de l'enfant demeurait compétente sur certains points au cours d'une procédure matrimoniale (art. 315a al. 3 CC). La sanction de nullité pour les actes de l'autorité de protection de l'enfant exécutés dans pareille situation compromettrait la sécurité juridique, particulièrement dans le cas où des décisions urgentes devaient être prises (arrêt du Tribunal fédéral 5A_393/2018 du 21 août 2018 consid. 2.2.2 ; résumé in Fountoulakis / Macheret / Paquier, La procédure en droit de la famille - 10ème Symposium en droit de la famille 2019, 2020, p. 254).

Dans un arrêt publié, le Tribunal fédéral a en outre retenu que l'autorité de protection est, de manière générale, et tout particulièrement en ce qui concerne les parents non mariés, compétente pour régler les questions relatives aux enfants, respectivement les mesures de protection de l'enfance, aussi longtemps qu'aucun tribunal n'a traité de ces questions, notamment dans le cadre d'une procédure de divorce ou de mesures protectrices de l'union conjugale. Toutefois, l'entretien de l'enfant est exclu de cette compétence extrajudiciaire générale : bien que l'autorité de protection soit compétente pour ratifier une convention relative à l'entretien de l'enfant (art. 134 al. 3 et 287 al. 1 CC), elle n'a pas d'autorité dans ce domaine. Dans la version antérieure des art. 298b al. 3 et 298d al. 3 CC, la demande d'entretien demeurait réservée, mais aucune règle de coordination n'était établie en ce qui concernait les autres questions relatives aux enfants. Par conséquent, la question de savoir si le tribunal compétent pour déterminer l'entretien de l'enfant l'était aussi pour les autres questions relatives à l'enfant ou s'il devait suspendre la procédure et attendre l'issue de la procédure devant l'autorité de protection sur la répartition de la garde n'était pas claire. Dans le cadre de la révision de l'entretien de l'enfant, le législateur a clarifié la règle de coordination en complétant l'art. 298b al. 3 et 298d al. 3 CC ainsi qu'en introduisant le nouvel article 304 al. 2 CPC. Ces modifications ont pour conséquence que l'autorité de protection doit céder son pouvoir de décision au tribunal dès que celui-ci est saisi de la question de l'entretien. Une décision de l'autorité de protection rendue en violation de cette attraction de compétence ne peut toutefois être déclarée comme étant nulle dès lors que la décision rendue ressort de son (véritable) domaine de compétence. Cette dérogation n'est également valable, dans les procédures pendantes, qu'en ce qui concerne les créances alimentaires; l'autorité de protection clôture en principe les procédures pendantes devant elle au moment de l'introduction de la procédure judiciaire. Dans ce contexte, la perte de compétence de l'autorité de protection au profit du juge n'est à tout le moins pas évidente, ou difficilement reconnaissable, de sorte qu'une décision rendue en violation de cette norme ne doit être déclarée nulle et non avenue qu'à titre exceptionnel. Elle peut toutefois en principe être contestée, mais le recourant n'ayant pris, dans le cas d'espèce, aucune conclusion en annulation et n'ayant pas motivé cette question, le Tribunal fédéral s'est abstenu d'examiner l'annulabilité de la décision. De plus, comme les parties avaient procédé sans réserve devant l'autorité de protection, une annulation n'entrait pas en considération (ATF 145 III 436 ; résumé in Fountoulakis / Macheret / Paquier, La procédure en droit de la famille - 10ème Symposium en droit de la famille 2019, 2020, p. 254).

2.1.4 Selon les tableaux résumant les dispositions précitées et réalisés par Pralong / Zender (op. cit.), le juge est compétent pour statuer sur l'autorité parentale (art. 296 et suivants CC) lorsqu'une action alimentaire est pendante (art. 298b al. 3 CC). Il en va de même lorsqu'il s'agit de statuer sur la garde, la prise en charge ou les relations personnelles (même disposition légale). Par contre, les mesures de protection (art. 307 et suivants CC) seraient toujours du ressort de l'autorité de protection de l'enfant.

Selon d'autres auteurs, les mesures de protection des enfants sont comprises parmi les autres points concernant le sort des enfants au sens de l'art. 304 CPC et font donc aussi l'objet d'un transfert de compétence en faveur du tribunal, lorsque celui-ci est saisi d'une action alimentaire (Sutter-Somm / Seiler Benedikt, Handkommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung Art. 1-408 ZPO, 2021, n. 2 ad art. 304 CPC; dans le même sens, Vaerini, Guide pratique du droit de la protection de l'adulte et de l'enfant, 2021, p. 156).

2.1.5 S'agissant de la question de la nullité ou de l'annulabilité d'une décision rendue par une autorité matériellement incompétente, l'ATF 145 III 436 précité a donné lieu à une contribution doctrinale spécifique sur le sujet.

Ainsi, selon Bastons Bulleti, une décision de l'autorité de protection incompétente, si elle ne conduit pas à un constat de nullité, n'en demeure pas moins viciée. Il était discutable dans l'ATF 145 III 436, de ne pas entrer en matière sur l'annulabilité, faute de conclusion sur ce point, dès lors que la nullité avait été invoquée et que le principe a majore ad minus aurait dû s'appliquer et conduire le Tribunal fédéral à examiner la question de l'annulabilité implicitement contenue dans les griefs et les conclusions relatifs à la nullité. Devant la deuxième instance cantonale, une telle solution adoptée par le Tribunal fédéral n'aurait pas été défendable : l'art. 60 CPC impose d'examiner d'office les conditions de recevabilité dont fait partie la compétence matérielle (art. 59 al. 2 lit. b CPC). Le Tribunal fédéral a en effet retenu que lorsqu'une décision rendue par une autorité matériellement incompétente est régulièrement attaquée, la question de la nullité n'a pas besoin d'être résolue, dès lors que cette décision peut être annulée (ATF 140 III 227 consid. 3.3). La situation - toujours au stade d'une procédure de recours cantonale - peut être différente si le recourant n'invoque pas du tout l'incompétence matérielle : certes, l'art. 60 CPC, situé dans la partie générale du code, doit aussi s'appliquer en procédure d'appel ou de recours; cependant, le juge de deuxième instance ne saurait être tenu de relever d'office le vice que nul n'invoque, dans la mesure où ce vice n'a (clairement) pas pour conséquence la nullité de la décision. Le Tribunal fédéral envisage en outre que le vice de la décision, même objet de conclusions et griefs recevables, puisse néanmoins ne pas imposer l'annulation, du fait que les parties ont continué sans réserve la procédure devant l'autorité de protection. Cependant, la compétence matérielle est soustraite à la libre disposition des parties – à moins que la loi ne prévoie une possibilité de choix, ce qui n'est précisément pas le cas des dispositions qui sont en cause en l'espèce (cf. art. 298b al. 3 et 298d al. 3 CC; art. 304 al. 2 CPC). On ne voit dès lors pas bien comment le fait qu'une partie s'est laissée attraire devant une autorité matériellement incompétente pourrait, en soi, faire obstacle à l'annulation de la décision, même lorsque le vice n'est pas grave au point d'entraîner la nullité. Dans son résultat, l'arrêt devait, selon cette auteur, néanmoins être approuvé: l'annulation de la décision de l'autorité de protection aurait conduit à faire à nouveau trancher les mêmes questions par le juge de l'entretien. L'économie de procédure en aurait pâti, sans que l'on discerne quel intérêt l'aurait commandé : notamment, on ne voit pas de différence majeure entre la procédure (simplifiée, art. 295 CPC) applicable devant le tribunal et celle applicable devant l'autorité de protection, étant relevé qu'elles sont en particulier toutes deux soumises aux maximes inquisitoire stricte et d'office (art. 296 al. 1 et 3 CPC ; art. 314 al. 1 cum art. 446 al. 1 à 3 CC). Il semble toutefois que le même résultat aurait pu être atteint, sans remettre en cause le principe de l'invalidité d'une décision rendue par une autorité matériellement incompétente ni le caractère impératif de la compétence matérielle, en ayant recours à l'interdiction de l'abus de droit (art. 52 CPC). Dans le cas en question, il apparaissait certes que le recourant n'avait pas sciemment gardé en réserve l'argument de l'incompétence de l'autorité de protection, dont il semble que lui-même, comme la partie adverse, n'ont été conscients qu'après la fin de la procédure cantonale. Cependant, il semble qu'en se prévalant devant le Tribunal fédéral de l'incompétence de l'autorité de protection, le recourant cherchait moins à protéger l'intérêt - au demeurant peu important en l'espèce - à ce que le sort de l'enfant soit tranché par le juge saisi de l'action en entretien, qu'à obtenir une nouvelle chance de faire triompher son point de vue. Un tel intérêt n'étant pas celui que la règle de compétence matérielle en cause a pour but de protéger, l'interdiction de l'abus de droit aurait pu lui être opposée (Bastons Bulletti, Décision d'une autorité matériellement incompétente : quelle sanction ? in newsletter CPC Online 2020-N24).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection était saisi d'une procédure concernant les enfants mineurs depuis plusieurs années déjà, lorsqu'une action alimentaire a été introduite devant le Tribunal de première instance.

Dans ce cadre, en mars 2020, le Tribunal de protection s'est expressément dessaisi du dossier en faveur du Tribunal de première instance, à la suite d'une requête en modification de l'autorité parentale. Par cette décision, le Tribunal de protection a, conformément à la loi, manifesté expressément sa volonté de laisser le Tribunal de première instance statuer sur toutes les questions relatives aux enfants, dans le cadre de l'action alimentaire pendante. Le transfert de compétence a donc été acté et porté à la connaissance de toutes les parties.

En dépit de ce qui précède et des règles d'attraction de compétence applicables, le Tribunal de protection a choisi de renouer avec une partie de la cause, pour répondre à une requête des curateurs, ce que lui reproche la recourante dans la présente procédure de recours.

Ce faisant, la recourante n'invoque pas la nullité de la décision entreprise, mais son annulabilité dans un recours déposé en temps utile contre celle-ci. La situation est donc différente de celle ayant occupé le Tribunal fédéral dans les deux arrêts précités. Il ne peut pas être reproché à la recourante d'avoir procédé sans réagir devant l'autorité de protection et d'être déchue de son droit d'obtenir l'annulation de la décision : elle a soulevé immédiatement la question de la compétence matérielle, dès réception de la décision sur mesures superprovisionnelles. Il s'ensuit que la question de savoir si l'objet de la décision entreprise se trouve dans le noyau dur des compétences du Tribunal de protection peut être laissée ouverte, puisque cette question doit seule être examinée en lien avec l'invocation d'une éventuelle nullité.

Par ailleurs, l'art. 315a CC est réservé selon son texte aux procédures de droit matrimonial et non à une action alimentaire de l'enfant de parents non mariés : il n'est cependant pas nécessaire de statuer sur son éventuelle application par analogie, au vu de ce qui suit. D'une part, comme il vient d'être dit, le Tribunal de protection s'est expressément dessaisi en faveur du Tribunal de première instance, de sorte qu'il pourrait difficilement invoquer sa saisine antérieure pour justifier d'avoir statué en dérogation des règles de compétence matérielle. D'autre part, le caractère de l'urgence n'est pas donné, y compris en rapport avec une prétendue inactivité du Tribunal de première instance. En effet, ni l'autorité de protection, ni les intimés, ni les curateurs n'ont interpellé le Tribunal de première instance. Il ne saurait donc être retenu que celui-ci a tardé à statuer, puisqu'il n'était tout simplement pas informé de la requête formulée. L'argument selon lequel le Tribunal de première instance aurait suspendu la cause ou aurait été dessaisi en raison d'un recours n'ont aucun rapport avec sa capacité à statuer, par hypothèse, sur une question urgente qui lui serait soumise en lien avec des enfants mineurs. De surcroît, au vu du dossier et de la longueur des procédures menées par le Tribunal de protection, qui s'occupe des enfants mineurs depuis 2009, il est difficile de percevoir en quoi une exhortation à respecter des décisions judiciaires antérieures, une autorisation pour les curateurs de rencontrer leurs protégés et un élargissement des relations personnelles avec le père, ou encore la communication d'une liste de médecins, présentent une urgence telle que la cause ne pouvait pas être transmise au Tribunal de première instance formellement compétent. Par conséquent, ni la saisine antérieure, ni l'urgence ne fondent une dérogation à l'attraction de compétence en faveur du Tribunal de première instance par application analogique de l'art. 315a CC.

Reste à se demander si les conclusions de la recourante sont abusives et tendent plus à lui permettre de voir la cause rejugée par une autre autorité susceptible de lui donner raison et, donc, à protéger ses propres intérêts, éventuellement au mépris de ceux des enfants mineurs, qu'à assurer la sécurité du droit. Il est vrai que la recourante semble constamment opposer une résistance passive à l'exercice d'un droit de visite du père de ses enfants. Néanmoins, à cautionner la décision du Tribunal de protection, le risque existe de voir une dispersion des compétences entre deux instances qui pourraient, ainsi que cela aurait pu être le cas en l'espèce, prendre parallèlement et simultanément des décisions contraires sur des objets identiques. Etant donné que les décisions prises en l'espèce ne sont, relativement et mises en perspectives avec des mesures nettement plus urgentes et plus incisives qui peuvent concerner des enfants mineurs, pas d'une importance cruciale et déterminante pour leur avenir, il n'apparaît pas indiqué en l'espèce de retenir que l'invocation de l'incompétence ratione materiae par la recourante est abusive. Cela est d'autant moins le cas qu'elle a d'emblée attiré l'attention du Tribunal de protection sur ce problème. L'application des règles de compétence prévues dans la loi doit prévaloir au nom de la sécurité du droit.

Par conséquent, la décision entreprise sera annulée, dès lors qu'elle statue sur le droit aux relations personnelles, l'autorité parentale et les autres mesures de protection d'enfants mineurs. Le Tribunal de protection sera ainsi invité à transmettre le dossier au Tribunal de première instance, afin qu'il statue.

3. S'agissant d'une mesure de protection, la procédure est gratuite (art. 81 LaCC).

Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 25 octobre 2021 par A______ contre la décision DTAE/5754/2021 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 11 octobre 2021 dans la cause C/23852/2009.

Au fond :

Annule la décision entreprise.

Invite le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant à transmettre le dossier au Tribunal civil de première instance pour raison de compétence.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.