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Décisions | Chambre de surveillance

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C/6412/2015

DAS/154/2021 du 06.07.2021 sur DJP/292/2020 ( AJP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6412/2015-CS DAS/154/2021

DÉCISION

DE LA COUR DE JUSTICE

La Chambre civile

DU MARDI 6 JUILLET 2021

 

Appel (C/6412/2015) formé le 27 août 2020 par Monsieur A______, domicilié c/o B______, ______ (Genève), comparant par Me François GAY et
Me Louis GAILLARD, avocats, en l'Etude desquels il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 27 juillet 2021 à :

- Monsieur A______
c/o Me François HAY et Me Louis GAILLARD, avocats
Rue du Mont-Blanc 16, 1201 Genève.

- Monsieur C______
______, ______.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. a) Par décision DJP/292/2020 rendue le 10 août 2020, le Juge de paix a débouté A______ des fins de sa requête en destitution de C______ de sa qualité d'administrateur d'office de la succession de D______, et mis les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., à la charge de la succession.

b) Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 27 août 2020, A______ appelle de cette décision, qu'il a reçue le 17 août 2020. Il demande à la Cour de l'annuler et, cela fait, de destituer C______ de ses fonctions d'administrateur d'office de la succession de D______ et de renvoyer la cause à la Justice de paix pour désignation d'un nouvel administrateur d'office, sous suite de frais.

c) C______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation de la décision entreprise, sous suite de frais.

d) Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

B. Les faits suivants résultent de la procédure :

a) D______, née le ______ 1941 à E______ (Canada), divorcée, de nationalité française, en son vivant domiciliée 1______ [GE], est décédée le ______ 2015 à Genève.

Elle laisse pour héritier légal son fils adoptif, A______.

b) Par testament olographe du 16 mars 2015, D______ a déclaré exhéréder son fils A______, lui léguer un montant de 1'000'000 fr., à verser sous forme de rente mensuelle de 1'500 fr., et instituer héritières des fondations d'intérêt public, soit des fondations à caractère environnemental dans le monde, des fondations suisses dont elle avait parlé précédemment avec l'exécuteur testamentaire, et éventuellement des fondations à caractère social ou médical à Genève.

Au cas où l'exhérédation de son fils ne devait pas être admise, elle a indiqué souhaiter que les droits de A______ soient réduits à sa stricte réserve légale, sous forme d'usufruit, en tenant compte de montants rapportables par son fils, et que la nue-propriété et la quotité disponible soient distribuées aux fondations précitées.

Elle a désigné C______ exécuteur testamentaire.

c) Le 10 avril 2015, C______ a transmis le testament de D______ à la Justice de paix.

Il a indiqué que les fondations d'intérêt public instituées héritières étaient les suivantes : la Fondation H______, la I______, la Fondation J______, la Fondation K______, la Fondation L______ et la Fondation M______.

Il a en outre invité la Justice de paix à procéder à la notification des dispositions testamentaires à A______ en son étude.

d) Par courrier du 28 avril 2015, le Juge de paix a attesté que D______ avait désigné C______ en qualité d'exécuteur testamentaire. Il a refusé de notifier les dispositions testamentaires à A______ en l'étude de C______, ce dernier ne justifiant d'aucune procuration en ce sens. Il a en outre invité l'exécuteur testamentaire à ne pas disposer ni mettre en danger la part réservataire qui pourrait revenir à A______ s'il obtenait gain de cause dans la procédure en contestation de l'exhérédation qu'il envisageait d'intenter.

e) Les dispositions testamentaires ont été notifiées le 30 avril 2015 aux héritiers légaux, à savoir A______, fils exhérédé, ainsi que les héritiers légaux de la deuxième parentèle F______, G______, N______ et O______, frères et sœurs de la défunte, ainsi que P______, Q______ et R______, ses nièces et neveu enfants d'une sœur prédécédée.

f) Le 13 mai 2015, A______ s'est opposé à la délivrance d'un certificat d'héritier délivré à toute autre personne qu'à lui-même. Il a en outre requis l'administration d'office de la succession et sollicité qu'elle soit confiée à une personne autre que l'exécuteur testamentaire.

g) Le 4 juin 2015, la Justice de paix a ordonné l'administration d'office de la succession et désigné un avocat aux fonctions d'administrateur d'office.

Sur recours formé par C______, la Cour de justice a, par décision du 28 octobre 2015 (DAS/185/2015) confirmé l'administration d'office de la succession et désigné C______ comme administrateur d'office. Elle a notamment retenu que les liens qu'avait entretenu ce dernier avec la défunte, le fait qu'il l'ait conseillée et représentée dans des procédures l'opposant à son fils ne permettait pas de retenir l'existence d'une prévention de l'exécuteur testamentaire telle qu'elle mettrait en péril la gestion conservatoire des biens de la succession, de sorte qu'il ne se justifiait pas de déroger au principe de la désignation de l'exécuteur testamentaire comme administrateur de la succession selon l'art. 554 al. 2 CC.

h) Le 17 juillet 2015, le juge de paix a restreint les pouvoirs de l'exécuteur testamentaires aux seuls actes de gestion conservatoire nécessaires en l'invitant à s'abstenir de tout acte de liquidation qui pourrait préjudicier aux droits des opposants jusqu'à droit jugé sur une éventuelle action en nullité ou en réduction ou jusqu'à péremption d'une telle action.

i) Le 30 octobre 2015, C______ a transmis à la Justice de paix l'inventaire des biens de la succession, établissant la valeur de la masse successorale à 7'531'800 fr. à la date du décès.

j) Le 20 décembre 2016, A______ a saisi le Tribunal de première instance d'une action en annulation d'une clause d'exhérédation et en nullité, dirigée contre les héritiers de deuxième parentèle ainsi que les fondations désignées comme héritières. Dans ce cadre, il a fait notamment valoir que la désignation desdites fondations était contraire à la jurisprudence, selon laquelle le disposant devait désigner lui-même l'héritier institué et ne pouvait en laisser le soin à un tiers.

Dans cette procédure, les fondations instituées héritières ont été représentées par Me S______ jusqu'en mai 2017, puis par Me T______ jusqu'en août 2018 et par Me U______ depuis novembre 2018.

Me V______ était collaboratrice de Me C______, qu'elle a notamment représenté lors d'une audience tenue devant le Tribunal de protection le 10 avril 2014 dans le cadre d'une procédure de protection concernant A______. Elle a ensuite rejoint l'Etude W______ et s'est vu confier la défense des intérêts de quatre fondations gratifiées, mandat qui a été repris par Me U______ en août 2018.

Lors d'une audience tenue devant le Tribunal de première instance le 18 septembre 2019, l'avocat des fondations instituées héritières de la succession a indiqué que les représentants de ces dernières avaient des contacts avec C______, qui était au courant des déplacements de l'une des sœurs de la défunte. Le conseil des fondations n'a pas répondu à la question de savoir si les noms des témoins figurant sur la liste de témoins qu'il avait déposée dans la procédure lui avaient été communiqués par C______.

X______ et Y______, père de A______, ont été cités par les fondations pour témoigner dans la procédure en annulation de la clause d'exhérédation.

Selon A______, les fondations, qui n'avaient pas eu de contact avec la défunte ni avec les membres de sa famille, ne pouvaient avoir connaissance des noms des témoins qu'elles ont cités autrement que par l'entremise de l'administrateur officiel. Leurs écritures contiennent par ailleurs de nombreuses allégations qui ne peuvent, selon A______, émaner que de l'administrateur d'office.

Entendues par le Tribunal de première instance, les fondations ont confirmé avoir des contacts avec C______, qui était au courant des déplacements de l'une des sœurs de la défunte.

k) Les actifs successoraux sont constitués essentiellement d'appartements de luxe dans un immeuble de prestige [sis] 1______ à Genève, ainsi que d'actifs bancaires.

S'agissant des avoirs bancaires, C______ a fait transférer, en juin 2017, les avoirs bancaires de la succession déposés auprès de [la banque] Z______ sur un compte à [la banque] AA______.

S'agissant du bien immobilier sis 1______ à Genève, la Justice de paix a, par courrier du 17 novembre 2015, indiqué à C______ qu'il n'était pas autorisé à le mettre en vente dans la mesure où une telle vente n'était pas nécessaire pour préserver le patrimoine successoral, vu les avoirs bancaires à disposition. Elle a autorisé l'administrateur officiel de mettre en location les locaux pour une durée déterminée d'un an au maximum.

Par courrier du 25 juillet 2016, C______ a signalé au Juge de paix que la succession devait assumer d'importantes charges de copropriété en lien avec les appartements partiellement inoccupés et que des tiers avaient manifesté de l'intérêt pour l'acquisition de certains locaux. Il a suggéré d'inviter les héritiers à se déterminer sur la mise en vente des appartements afin de préserver la masse successorale des charges s'y rapportant. Les 14 juillet 2016, la régie mandatée pour la gestion de l'immeuble avait invité l'administrateur à verser 4'000 fr. par mois à titre d'acomptes pour les charges de copropriété. Le 11 juillet 2016, la régie lui avait proposé de louer l'une des arcades pour un loyer de 3'500 fr. par mois.

Le 20 juillet 2017, C______ a obtenu l'autorisation du Juge de paix de faire procéder à des travaux de rafraichissement d'un appartement de cinq pièces au deuxième étage et de le mettre en location pour une durée d'une année moyennant un loyer mensuel de 3'500 fr. Par courrier adressé à la Justice de paix le 10 octobre 2017, A______ a exprimé des interrogations quant au faible loyer négocié pour la mise en location de cet appartement alors qu'un logement présentant les mêmes caractéristiques au premier étage était loué pour un loyer de 5'000 fr. par mois.

Le 12 juin 2018, C______ a obtenu l'autorisation du Juge de paix d'accepter la diminution de loyer de 9'000 fr. à 5'500 fr. pour la location d'un appartement de cinq pièces au troisième étage. Par courrier du 15 août 2018, A______ s'est plaint auprès de la Justice de paix de la mise en location de ce bien immobilier à un loyer inférieur au prix du marché.

Le 4 avril 2019, C______ a informé la Justice de paix que lors d'une assemblée des copropriétaires de l'immeuble, ces derniers avaient décidé de permettre aux concierges d'occuper un nouveau logement de fonction, leur précédent logement étant considéré comme insalubre. Il a en conséquence requis l'autorisation du Juge de paix de remettre en location aux concierges de l'immeuble un appartement qu'ils avaient occupé il y a plusieurs années, et qui avait été rénové entretemps, pour un loyer de 2'500 fr. Invité à se déterminer sur ce point, A______ a sollicité des renseignements complémentaires quant au caractère prétendument insalubre de l'appartement occupé par les concierges, relevant que sa mère y avait elle-même logé durant plus d'une année.

l) Jusqu'à fin décembre 2018, C______ a prélevé les sommes de 30'000 fr., 40'000 fr., 40'000 fr. et 40'000 fr., soit 150'000 fr. au total, à titre de provision. Ces prélèvements ont été autorisés par la Justice de paix.

C. a) Par acte adressé à la Justice de paix le 9 septembre 2019, A______ a sollicité la destitution de C______ de sa qualité d'administrateur d'office.

Il lui reproche d'avoir manqué d'impartialité en outrepassant le cadre de sa mission d'administrateur d'office, limitée à la gestion conservatoire des avoirs. L'administrateur d'office entretenait des relations étroites avec les fondations, diligentait des procédures à son encontre au nom de sa mère et insistait auprès de lui pour recevoir pour son compte les communications de la Justice de paix. Il aurait contacté plusieurs témoins, dont son père, pour leur demander de témoigner contre lui. Il aurait par ailleurs eu des contacts avec N______, sœur de la défunte. Il aurait également assisté les fondations parties à la procédure devant le Tribunal de première instance dans la recherche de témoins.

Il lui fait par ailleurs grief d'avoir diminué la valeur de la succession, en sollicitant la mise en location d'appartements propriété de la succession à des prix largement inférieurs aux prix du marché, réduisant ainsi la valeur locative des biens. Il aurait également mis à disposition une arcade et mis un lot en location sans obtenir l'autorisation de la Justice de paix.

Il aurait enfin prélevé 150'000 fr. à fin 2018 à titre de provision, montant qui paraissait élevé pour l'activité d'administrateur d'office, de sorte qu'il convenait de lui demander de détailler l'activité déployée.

b) C______ s'est opposé à cette requête le 11 octobre 2019.

Il considère que la question de ses liens étroits avec les fondations et son assistance à la défunte avait déjà été tranchée par la Cour dans sa décision du 28 octobre 2015. Il contestait "piloter les fondations" en leur communiquant des informations et les noms de témoins. Il rencontrait les frères et sœurs de la défunte lors des assemblées générales de la copropriété des biens immobiliers de la succession.

Il explique par ailleurs que la location des appartements propriétés de la succession est soumise à une limite temporelle en raison de l'opposition à la vente des biens immobiliers. Il avait par ailleurs toujours requis l'autorisation de la Justice de paix pour mettre des biens en location ou à disposition.

Il indique enfin que les montants prélevés sur les biens de la succession l'avaient été à titre de provisions avec l'autorisation de la Justice de paix et que le montant définitif de sa rémunération serait arrêté par cette dernière.

c) Par courrier du 11 octobre 2019, les héritiers légaux de la deuxième parentèle, soit les frères et sœurs de la défunte, ainsi que ses nièces et neveu enfants d'une sœur prédécédée, ont appuyé les conclusions en destitution de C______ prises par A______.

d) A______ a répliqué par écriture du 28 octobre 2019.

e) Le 28 novembre 2019, A______ a sollicité le dépôt par l'administrateur officiel de son état de frais intermédiaire.

f) Une audience de plaidoiries a été convoquée, puis annulée à plusieurs reprises. Par avis du 3 juin 2020, la Justice de paix a informé les parties qu'aucune audience ne serait tenue et leur a imparti un délai de dix jours pour se déterminer.

A______ a persisté dans ses conclusions en destitution de C______ de sa qualité d'administrateur officiel.

C______ a persisté dans ses conclusions en rejet de la requête. Il a déposé des pièces complémentaires.

Sur quoi, le Juge de paix a rendu la décision attaquée.

D. Dans la décision entreprise, le Juge de paix a relevé que C______ avait connu la défunte et avait été désigné exécuteur testamentaire par cette dernière, et que la Cour avait, dans sa précédente décision, déjà retenu que cette situation ne révélait pas de conflit d'intérêts s'opposant à ce que l'administration d'office de la succession lui soit confiée. Il ne saurait pour le surplus lui être reproché d'avoir des contacts avec les parties, vu le devoir d'information réciproque entre héritiers et administrateur d'office, le secret auquel était tenu ce dernier n'étant opposable qu'aux tiers. Les rapports périodiques de l'administrateur d'office n'avaient en outre pas fait ressortir d'actes de mauvaise gestion en relation avec la diminution du patrimoine successoral, la location ou encore le prêt de biens immobiliers. Enfin, la rémunération de l'administrateur d'office n'avait pas encore été arrêtée et les montants prélevés l'avaient été à titre de provisions.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let e CPC), sont susceptibles d'un appel, dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté dans les formes et délai prévu par la loi contre une décision rendue par le juge de paix en relation avec l'administration d'office d'une succession dont la valeur est supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit, avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. 2.1 L'administration d'office, prévue à l'art. 554 al. 1 CC, est une institution sui generis du droit privé. Bien qu'il soit nommé par une autorité, l'administrateur officiel exerce une fonction privée en vertu de pouvoirs indépendants, en son nom propre, mais dans l'intérêt des héritiers connus et inconnus. Le but de l'administration d'office est avant tout conservatoire; l'administrateur officiel n'a pas à mettre en œuvre les dernières volontés du défunt en acquittant les legs ou en effectuant le partage, comme l'exécuteur testamentaire, ou à liquider la succession, comme le liquidateur officiel (Arrêt de la Chambre de surveillance DAS/291/2016 du 14 décembre 2016, consid. 3.3.1; CR CC II, meier/reymond-eniaeva, art. 554 CC n. 3 et 5).

2.2 L'administrateur d'office d'une succession est, à l'instar de l'exécuteur testamentaire, soumis à la surveillance de l'autorité de surveillance (ATF
54 II 197; BSK ZGB II - karrer/vogt/leu (2019), n. 61 ad art. 554). L'autorité de surveillance peut destituer un administrateur d'office pour justes motifs, notamment à la suite d'une faute grave commise dans l'exécution de sa fonction, pour cause d'absence ou de perte de confiance (CR CC II – meier/reymond-eniaeva, 2016, n. 39 ad art. 554; BSK ZGB II – karrer/vogt/leu, 2019, n. 31 ss ad art. 595).

La surveillance de l'administrateur officiel s'examine selon les principes applicables à la surveillance du liquidateur officiel au sens de l'art. 595 al. 3 CC, applicable par analogie à l'administrateur officiel (ATF 54 II 197; BSK ZGB II - karrer/vogt/leu (2019), n. 61 ad art. 554). Pour exercer la surveillance, l'autorité dispose de mesures préventives et disciplinaires; elle peut notamment donner des injonctions, prononcer des avertissements et prononcer la destitution (BSK ZGB II - karrer/vogt/leu (2019), n. 28 et ss ad art. 595 par renvoi du n. 62 ad art. 554).

L'administrateur officiel encourt par ailleurs une responsabilité de type contractuel, en vertu des art. 398 ss CO, appliqués par analogie, et peut notamment être tenu responsable du dommage causé aux héritiers par des actes non justifiés par un but conservatoire (Arrêt de la Chambre de surveillance DAS/291/29016 du 14 décembre 2016, consid. 3.3.1; meier/reymond-eniaeva, op. cit., art. 554 CC n. 61, 68 et 70).

2.3 L'administrateur officiel a le devoir d’exécuter son mandat fidèlement et avec diligence. Il doit en particulier agir dans l’intérêt de la communauté héréditaire, effectuer son travail avec soin et mettre à profit ses connaissances professionnelles si elles sont utiles pour l’exécution de son mandat. Il a le devoir de renseigner les héritiers et de leur remettre des rapports réguliers. Les héritiers ont le droit d'être renseignés, même si leur qualité d'héritier est contestée ou insuffisamment établie. Le devoir de renseignement existe également à l'égard des légataires et de l'autorité de surveillance, mais pas à l'égard des autres tiers. L'administrateur officiel est également tenu par un devoir de discrétion : il ne doit pas divulguer d'informations qui ne font pas l'objet de son devoir de renseigner. Il doit traiter de manière égale les héritiers et prendre en compte leurs intérêts et souhaits
(CR CC II - meier/reymond-eniaeva, n. 58 et 59 ad art. 554). Il doit respecter l'égalité de traitement entre tous les héritiers, et faire preuve de neutralité en cas de conflits d'intérêts (ATF 85 II 597; arrêt de la Cour de justice du 29 janvier 2001 in SJ 2001 I 519 consid. 3a; CR CC II - meier/reymond-eniaeva n. 4 et 58 ad art. 554; BSK ZGB II – karrer/vogt/leu, 2019, n. 40 ad art. 554).

Les honoraires sont en principe dus à la fin du mandat, mais lorsque celui-ci dure plusieurs années, l'administrateur peut prétendre à une rémunération périodique (CR CC II - meier/reymond-eniaeva, n. 44 ad art. 554; karrer/vogt/leu, op. cit, n. 32 ad art. 517 et n. 22 ad 554). Il est tenu d'établir un décompte détaillé de l'activité menée et des provisions prélevées de manière périodique, en règle annuellement (karrer/vogt/leu, op. cit, n. 32 ad art. 517 et n. 22 ad 554).

3. En l'espèce, C______ a été désigné comme exécuteur testamentaire par la défunte. L'administration d'office a été ordonnée lorsque l'appelant s'est opposé à la délivrance d'un certificat d'héritier en annonçant agir en contestation des dispositions testamentaires de sa mère. C______ a été désigné en qualité d'administrateur officiel de la succession, dans la mesure où les liens que ce dernier avait entretenus avec la défunte, le fait qu'il ait conseillé et représenté cette dernière dans des procédures l'ayant opposée à son fils ne permettaient alors pas de retenir une prévention de l'exécuteur testamentaire mettant en péril la gestion conservatoire des biens de la succession et ne justifiaient dès lors pas de déroger au principe de la désignation de l'exécuteur testamentaire comme administrateur de la succession selon l'art. 554 al. 2 CC (DAS/185/2015 consid. 7.2).

Dans la présente procédure, l'appelant requiert la destitution de l'intimé de ses fonctions d'administrateur d'office au motif que ce dernier n'aurait pas respecté son devoir de traiter les héritiers de manière égalitaire, aurait administré les avoirs de la succession de manière déficiente et aurait prélevé des montants importants à titre de provision sans rendre des comptes.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'on ne saurait reprocher à l'intimé d'avoir des contacts ou de donner des renseignements aux héritiers : l'administrateur a certes un devoir de discrétion à l'égard des tiers, mais n'en demeure pas moins tenu par une obligation de renseigner les héritiers. Le fait que l'intimé, qui connaissait la défunte et a été désigné comme exécuteur testamentaire par cette dernière, ait donné des renseignements la concernant susceptibles d'être utiles pour la procédure successorale opposant les fondations héritières au fils exhérédé ne saurait, en soi, être retenu comme un manquement de l'administrateur d'office à son devoir de discrétion.

L'appelant reproche à l'intimé de manquer d'impartialité, lui faisant en particulier grief d'avoir communiqué aux fondations héritières des renseignements dont elles ne pouvaient avoir connaissance par un autre biais. Le fait que l'intimé ait informé les fondations des contacts qu'il avait eus avec les frères et sœurs de la défunte ou qu'il leur ait transmis des renseignements sur cette dernière ou les coordonnées de témoins susceptibles de s'avérer utiles pour l'issue de la procédure successorale devant le Tribunal de première instance peut certes donner l'impression que l'intimé agit au détriment de l'appelant, en particulier s'il s'agit d'informations que ce dernier souhaite ne pas voir portées à la connaissance des fondations héritières. La communication de tels renseignements ne permet toutefois pas encore de retenir que l'intimé ait violé son obligation de traiter de manière égalitaire les héritiers et potentiels héritiers, de sorte que sa destitution de ses fonctions d'administrateur ne se justifie pas pour ce motif. Cela étant, si l'intimé peut être appelé à donner des renseignements sur la défunte qu'il connaissait personnellement, il doit néanmoins veiller à ne pas conseiller, défendre les intérêts ou œuvrer en faveur des fondations instituées héritières. Au regard du conflit opposant l'appelant aux fondations héritières et de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, il se justifie de rappeler à l'intimé son devoir de veiller au strict respect de l'égalité de traitement entre héritiers.

L'appelant estime par ailleurs que l'intimé a manqué de diligence dans l'administration de la succession en acceptant de mettre en location des logements à des loyers inférieurs au prix du marché et en requérant à diverses reprises l'autorisation du Juge de paix pour procéder à la vente de biens immobiliers alors que les actifs liquides suffisent à la gestion conservatoire des biens. Dans la mesure où l'intimé a obtenu l'autorisation du Juge de paix de mettre ces logements en location à la condition que les baux contractés soient de durée limitée et que le Juge de paix a accepté les propositions de bail soumises, l'on ne saurait reprocher à l'intimé d'avoir manqué à son obligation de diligence.

L'appelant reproche par ailleurs à l'intimé de n'avoir communiqué aucun relevé détaillé de son activité justifiant les provisions qu'il a prélevées sur les biens de la succession, et d'avoir ainsi manqué à son obligation de rendre des comptes. Il est vrai que le montant des provisions prélevées, de 150'000 fr. pour la période d'octobre 2015 à décembre 2018, apparaît élevé pour une activité de gestion conservatoire des biens de la succession dont il n'apparaît pas que l'intimé ait rendu compte. Ces prélèvements ont été autorisés par le Juge de paix et ne constituent que des avances sur la rémunération de l'administrateur officiel qui sera fixée au terme de ses fonctions. Cela étant, il appartiendra à l'intimé de rendre compte au Juge de paix, une fois l'an (cf. consid. 2.3 ci-dessus) de l'activité menée comme administrateur officiel afin de permettre l'examen de l'adéquation des provisions prélevées au regard de l'activité menée. Un premier délai à fin septembre 2021 lui sera fixé pour rendre compte de son activité menée jusqu'à fin juin 2021.

Au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il n'y a pas lieu de destituer l'administrateur officiel de ses fonctions, dès lors qu'aucune menace n'apparaît en résulter pour la gestion conservatoire des biens de la succession. Il se justifie en revanche de faire injonction à l'intimé de respecter son obligation de traiter les héritiers et potentiels héritiers de manière égalitaire et de rendre compte régulièrement, une fois l'an, de son activité d'administrateur d'office de la succession auprès du Juge de paix, un délai lui étant fixé à fin septembre 2021 pour l'activité exercée jusqu'à fin juin 2021.

Il se justifie en conséquence de confirmer la décision entreprise rejetant la requête en destitution de l'administrateur officiel et de prononcer les injonctions au sens des considérants qui précèdent.

4. Les frais de la procédure d'appel seront fixés à 500 fr. (art. 26 et 36 RTFMC), et compensés avec l'avance de frais versée par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève. Ils seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe pour l'essentiel (art. 106 al. 1 CPC).

L'intimé comparant en personne, il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens (art. 95 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 27 août 2020 par A______ contre la décision de la Justice de paix DJP/292/2020 rendue le 10 août 2020 dans la cause C/6412/2015.

Au fond :

Confirme cette décision.

Enjoint C______ de respecter son obligation de traiter de manière égalitaire les héritiers et potentiels héritiers de feue D______.

Enjoint C______ de rendre compte de l'activité menée comme administrateur d'office de la succession de feue D______ au Juge de paix, une fois l'an, la première fois au 30 septembre 2021 pour l'activité menée jusqu'au 30 juin 2021.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.