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Décisions | Chambre de surveillance

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C/9367/2021

DAS/75/2022 du 21.03.2022 sur DTAE/1220/2022 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.426
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9367/2021-CS DAS/75/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 21 MARS 2022

 

Recours (C/9367/2021-CS) formé en date du 10 mars 2022 par Monsieur A______, actuellement hospitalisé à la Clinique B______, Unité C______, ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 22 mars 2022 à :

 

- Monsieur A______
Clinique B______, Unité C______
______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, dispositif uniquement, à :

- Direction de la Clinique B______
______.

 

 


EN FAIT

A.           a. La 21 avril 2021, A______, né le ______ 1996, a fait l'objet d'une décision de placement à des fins d'assistance prise par un médecin. L'intéressé avait été conduit au service des urgences des HUG en ambulance, à la demande de son père (ou beau-père), en raison des propos incohérents qu'il tenait. La décision de placement relève que le comportement de A______ était fluctuant (calme, puis agité), avec finalement une agitation et une désorganisation psychomotrice, des rires immotivés et de l'irritabilité; il n'était pas orienté dans le temps. Il ne présentait pas d'idées suicidaires, mais un discours décousu et une interprétativité délirante. La même décision relevait en outre que l'intéressé était connu pour une hépatite auto-immune, laquelle n'était plus traitée depuis une année. Il était par ailleurs dépendant à l'alcool, consommant entre trois et cinq litres de bière par jour et au cannabis.

b. A______ a recouru contre son placement et son expertise a été requise.

Il ressort du rapport du 21 mai 2021 du Centre universitaire romand de médecine légale, que l'intéressé vit à Genève depuis l'âge de 16 – 17 ans; auparavant il vivait en Espagne. Il travaille dans le domaine du nettoyage et ne maîtrise pas le français.

L'expert a retenu le diagnostic de schizophrénie paranoïde.

c. Par ordonnance du 27 mai 2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a admis le recours formé par A______ et a ordonné sa libération immédiate.

d. Le 20 février 2022, A______ a à nouveau fait l'objet d'une décision de placement à des fins d'assistance ordonné par un médecin.

La décision relève que l'intéressé était en rupture de suivi somatique et psychiatrique depuis sa dernière hospitalisation. Selon ses parents, il présentait un retrait social important, passant ses journées dans sa chambre et ne parlant à personne; depuis quelques semaines, des rituels de vérification étaient apparus, accompagnés d'anxiété accrue. A______ s'était montré opposant à l'examen; il soliloquait et riait de manière immotivée. Il était anosognosique de la nécessité de soins somato-psychiques et de sa mise en danger.

e. A______ a recouru contre le placement à des fins d'assistance.

Le Tribunal de protection a ordonné une expertise.

f. Il ressort du rapport du 1er mars 2022 du Centre universitaire de médecine légale que les fonctions hépatiques de l'intéressé étaient gravement compromises et qu'il refusait tout traitement.

L'hospitalisation du 20 février 2022 avait été motivée par une agitation psychomotrice aiguë et des troubles du comportement. Les parents de l'intéressé s'étaient sentis menacés et avaient appelé une ambulance. Lui-même avait reconnu les avoir poussés avec ses deux mains, au motif qu'il s'était senti agressé.

Selon l'expert, l'intéressé n'avait pas sa capacité de discernement s'agissant de son état de santé, ni de la nécessité d'accepter des soins médicaux.

L'expert a retenu les diagnostics suivants: schizophrénie paranoïde, syndrome de dépendance à l'alcool et aux dérivés du cannabis, ainsi qu'hépatite auto-immune.

L'état somatique de A______ nécessitait une prise en charge spécialisée en hépatologie. Il n'était par ailleurs pas en mesure de comprendre qu'il était atteint d'un trouble psychiatrique durable, pour lequel il avait impérativement besoin d'une prise en charge hospitalière. Il n'avait pas non plus la capacité de comprendre que la consommation d'alcool et de cannabis ne faisait qu'aggraver ses troubles psychiques. Ses parents étaient également dans le déni desdits troubles. En l'absence de prise en charge psychiatrique adéquate, il existait un risque de décompensation sous forme d'accès délirants ou d'agitation aigus, de passage à l'acte suicidaire ou hétéro-agressif. L'hospitalisation non volontaire était dès lors l'unique moyen dont disposaient les psychiatres pour lui venir en aide.

g. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 3 mars 2022.

Le Dr D______, chef de clinique au sein de l'Unité C______ de la Clinique B______ a confirmé que A______ souffrait d'un trouble psychotique et était totalement anosognosique. Il était très délirant, persuadé qu'il faisait l'objet d'un complot et que des hommes pouvaient se transformer en lézards. Il pensait que l'on pouvait prendre connaissance de ses pensées, ce qui le poussait à s'alcooliser; cette consommation posait un problème majeur en raison de l'hépatite dont il souffrait, qui pouvait se décompenser à tout moment et mettre sa vie en danger. Il était toutefois compliant à son traitement médicamenteux par voie orale, considérant que cela l'aidait à gérer ses angoisses; il y avait un début d'alliance thérapeutique. Un traitement neuroleptique à faible dose lui avait été administré; les doses devaient être augmentées. Selon le Dr D______, l'état du patient s'était détérioré depuis son hospitalisation de mai 2021. Son état psychotique, non traité, était devenu plus résistant. Il continuait de refuser de suivre un traitement pour son hépatite et poursuivait sa consommation d'alcool, de sorte que son état de santé s'aggravait.

A______ a persisté à s'opposer à son hospitalisation, tout en mentionnant qu'il savait que sa consommation d'alcool mettait sa vie en danger. A sa sortie de la Clinique B______ en mai 2021, il avait débuté un suivi avec un psychologue, s'était rendu à trois séances, puis y avait mis un terme. Il a précisé qu'une fois son hospitalisation terminée, il cesserait de prendre ses médicaments.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

B.            Par ordonnance DTAE/1220/2022 du 3 mars 2022, le Tribunal de protection a déclaré recevable le recours formé par A______ contre la décision médicale du 20 février 2022 ordonnant son placement à des fins d'assistance (chiffre 1 du dispositif), l'a rejeté (ch. 2) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que l'intéressé souffrait d'un trouble psychique au sens de la loi. Son état clinique n'était pas stabilisé et une sortie immédiate provoquerait la résurgence des symptômes ayant conduit à son placement et de la mise en danger qui leur était liée, compte tenu de son anosognosie et de son inconscience de la nécessité de suivre un traitement. La médication adéquate visant la stabilisation de ses troubles devait encore être adaptée. Son adhésion aux soins et aux traitements était insuffisante, tant sur le plan psychique que somatique. L'assistance et les traitements nécessaires ne pouvaient lui être fournis que par le placement à des fins d'assistance.

C.           a. Le 10 mars 2022, A______ a recouru auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice contre l'ordonnance du 3 mars 2022, reçue le 7 mars 2022, indiquant ne pas être d'accord avec la décision de placement.

b. Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 18 mars 2022.

Lors de celle-ci, le recourant a nié souffrir de troubles psychiques et d'un problème au foie, tout en confirmant avoir eu connaissance des divers rapports médicaux le concernant. Il a allégué se sentir bien. En cas de levée de la mesure de placement, il reprendrait sa routine habituelle de travail, tout en cherchant à travailler à temps complet, afin d'être en mesure de quitter le domicile de ses parents, ceux-ci étant, selon lui, la cause de ses problèmes. A la Clinique B______, il ne consommait pas d'alcool; il avait toutefois l'intention, une fois sorti, de reprendre une consommation de l'ordre de trois bières par jour et de ne suivre aucun traitement.

Le Dr D______ a été entendu. Il a expliqué qu'au moment de son admission, le recourant était beaucoup plus délirant; il mentionnait des voix envahissantes de nature satanique et se disait victime d'un complot mondial, dont il devait se protéger et sauver les tiers. Il expliquait consommer de l'alcool afin de lutter contre ces voix. Son humeur était "basse" et il souffrait d'anxiété. Un traitement neuroleptique avait été instauré une semaine avant l'audience environ et les troubles délirants, qui étaient auparavant constants, avec une totale anosognosie, étaient devenus fluctuants. Ses explications concernant sa consommation d'alcool avaient par ailleurs commencé à varier. Le recourant expliquait désormais qu'il consommait de l'alcool afin de parvenir à dormir. Le Dr D______ a confirmé que le recourant souffrait d'un problème hépatique. Selon lui, si la mesure était levée, il se passerait vraisemblablement ce qui s'était déjà produit après la précédente hospitalisation: le suivi psychiatrique serait interrompu et les problèmes hépatiques ne seraient pas pris en charge, avec une poursuite de la consommation d'alcool, susceptible de mettre la vie du recourant en danger, même à raison de quelques bières par jour. Le recourant avait refusé tout suivi ambulatoire, de sorte que l'hospitalisation devait se poursuivre afin de tenter de créer avec lui une alliance thérapeutique.

EN DROIT

1. 1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

2. 2.1 En vertu de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière, l'article 429 al. 1 CC stipulant par ailleurs que les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal.

2.2 En l'espèce et bien que le recourant le conteste, aucun élément objectif ne permet de remettre en cause le diagnostic de schizophrénie paranoïde, à laquelle s'ajoutent de graves troubles hépatiques. Le recourant demeure pour l'instant anosognosique de son état, selon ce qui ressort de l'audience tenue le 18 mars 2022.

Si la mesure d'hospitalisation non volontaire était levée, le recourant, qui ne se considère malade ni sur le plan psychiatrique, ni somatique, a déclaré qu'il n'entendait pas se faire suivre par un médecin et qu'il recommencerait à consommer de l'alcool. La situation serait dès lors identique à celle qui a prévalu entre fin mai 2021 (date de sa sortie de la Clinique B______) et février 2022, date de sa réhospitalisation, à savoir une rupture totale de tout suivi et traitement, ayant entraîné une nouvelle décompensation se manifestant notamment par de l'agressivité et la nécessité de prononcer une seconde mesure de placement à des fins d'assistance. Par ailleurs, comme l'a expliqué le Dr D______, une consommation d'alcool même modérée serait susceptible de mettre la vie du recourant en danger. Il se justifie par conséquent de poursuivre en l'état son hospitalisation non volontaire, dans l'espoir que le traitement récemment introduit et dont le dosage doit être augmenté, puisse permettre au recourant de prendre conscience de la nécessité de suivre un traitement médical de longue durée, tant pour ses problèmes psychiques qu'hépatiques, afin d'éviter une nouvelle décompensation de son état mental et un risque vital en cas d'aggravation de sa situation hépatique.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/1220/2022 du 3 mars 2022 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/9367/2021.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.