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Décisions | Chambre de surveillance

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C/14161/2021

DAS/67/2022 du 08.03.2022 sur DTAE/7705/2021 ( PAE ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.04.2022, rendu le 27.05.2022, CONFIRME, 5A_275/2022
Normes : CC.389.al2; CC.390
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14161/2021-CS DAS/67/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 8 MARS 2022

 

Recours (C/14161/2021-CS) formé en date du 24 janvier 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 10 mars 2022 à :

 

- Madame A______
______ [GE]

- Monsieur B______
Monsieur C______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. Par courrier du 23 juillet 2021, l'Hospice général a signalé au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection), le cas de A______, née le ______ 1975, à laquelle l'institution ne parvenait plus à apporter l'aide nécessaire.

L'intéressée était divorcée et mère de deux filles, l'une née en 1997 et l'autre en 2001. Elle vivait avec la plus jeune. Elle avait travaillé par le passé dans le domaine administratif, mais était désormais sans emploi et avait déposé une demande de rente invalidité en raison de divers problèmes de santé liés à sa fibromyalgie et à d'importants problèmes de vue. La fille cadette de l'intéressée, qui partageait son logement, était également sans emploi et suivie par le service Point jeunes de l'Hospice général. A______ percevait des prestations de l'Hospice général, un subside de l'assurance maladie et une allocation logement. Au mois de juin 2019, A______ avait risqué une première fois d'être évacuée de son logement en raisons d'arriérés de loyer. Grâce à l'aide apportée par la Fondation D______, la situation avait pu être régularisée. En novembre 2020, l'Hospice général avait appris qu'une nouvelle procédure d'évacuation était en cours, en raison de nouveaux arriérés de loyer. Il était notamment apparu que l'allocation logement avait été suspendue, au motif que A______ n'avait pas répondu aux courriers qui lui avaient été adressés et que sa fille ne payait pas sa part de loyer. A______ n'avait pas immédiatement averti l'Hospice général des retards accumulés dans le paiement du loyer. Cette institution était à nouveau parvenue à régulariser la situation, en faisant une nouvelle fois appel à la Fondation D______ et en assumant, en dérogation à la Loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle, la part de loyer de la fille de l'intéressée, avec effet rétroactif. Selon les constatations de l'Hospice général, il était en outre douteux que A______ fasse le nécessaire pour obtenir le remboursement de ses factures médicales et effectuer d'autres paiements et elle avait refusé de produire un extrait de ses poursuites.

b. Il ressort de l'extrait du registre des poursuites, sollicité par le Tribunal de protection, que A______ fait l'objet de nombreuses poursuites; 173 actes de défaut de biens ont été délivrés, pour un total de 147'326 fr. 47. Les dernières notifications de commandements de payer datent de 2021.

c. Interpellé par le Tribunal de protection, le Dr E______, du Centre médical de F______, a brièvement répondu à un questionnaire, en indiquant suivre A______ depuis le 1er juin 2017, à raison d'environ une fois par mois. Elle était également suivie par le Dr G______, psychiatre. Selon le Dr E______, l'intéressée gérait seule ses affaires administratives, avec l'aide sociale et sa fille. Elle était autonome dans sa prise en charge personnelle et en mesure de comprendre une situation d'ordre médical et de prendre les décisions conformes à ses intérêts. était attentive à ne pas s'engager de manière excessive. Aucun test neuropsychologique n'avait été effectué.

Le Dr G______ a indiqué Elle pour sa part, dans un certificat médical du 18 octobre 2021, suivre A______ depuis le 5 mai 2021. Elle souffrait depuis 2017 d'importantes douleurs aux grandes et petites articulations, ainsi qu'aux muscles des membres supérieurs et inférieurs, dont l'origine n'avait pas pu être déterminée précisément. Elle était en incapacité totale de travail et avait déposé une demande de rente invalidité. La patiente était ponctuelle à ses rendez-vous. Elle ne présentait pas de symptômes florides de la lignée psychotique, ne consommait ni alcool, ni drogue et ne souffrait pas de troubles cognitifs. Sa thymie était fluctuante et elle s'était déclarée prête à tenter un traitement antidépresseur afin de soulager ses douleurs. De l'avis du Dr G______, la patiente était capable d'assurer la gestion de ses affaires administratives et financières et assumait correctement sa propre assistance personnelle.

d. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 30 novembre 2021.

A______ a expliqué que sa demande de rente invalidité était toujours en cours. Elle se "débrouillait" très bien pour gérer ses factures et si cela était nécessaire, elle pouvait demander des arrangements de paiement à ses créanciers. La plupart des médecins facturaient leurs prestations directement à son assurance. Elle était à jour avec le paiement de son loyer "à 30 fr. près" et avait effectué toutes les démarches par elle-même. Elle n'avait pas rempli sa déclaration d'impôts pour l'année 2019 et avait été taxée d'office, mais elle comptait la renvoyer "prochainement" à l'administration fiscale, afin de la faire rectifier. Elle avait par ailleurs l'intention de racheter progressivement les actes de défaut de biens délivrés à ses créanciers. Elle n'avait pas besoin d'une mesure de curatelle et avait un entourage aidant, notamment des personnes qu'elle connaissait au sein de l'administration fiscale et sa fille, qui allait passer sa maturité en autodidacte et était inscrite à Point jeunes afin de trouver des petites activités lucratives; l'Hospice général pouvait aussi l'aider.

La représentante de l'Hospice général, entendue lors de la même audience, a persisté dans le signalement adressé au Tribunal de protection. Les questions liées à sa santé prenaient beaucoup de place dans la vie de A______, de sorte que la gestion de ses affaires administratives était compliquée et que l'Hospice général était arrivé au bout de l'aide qu'il pouvait apporter.

Au terme de l'audience, la cause a été gardée à délibérer.

B.            Par ordonnance DTAE/7705/2021 du 30 novembre 2021, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné deux intervenants en protection de l'adulte aux fonctions de curateurs, l'un pouvant se substituer à l'autre (ch. 2), leur a confié les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes (ch. 3), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat (ch. 4) et laissé les frais judiciaires à la charge de l'Etat (ch. 5).

La Tribunal de protection a retenu, en substance, que A______ souffrait à tout le moins d'un état de santé somatique altérant ses capacités d'autonomie et la rendant dépendante pour les actes de la vie quotidienne, constitutif d'un état de faiblesse affectant sa condition personnelle au sens de la loi. Bien que l'intéressée ait déclaré pouvoir gérer seule ses affaires financières et négocier des arrangements de paiement avec ses créanciers, force était de constater que tel n'était pas le cas, comme l'attestaient notamment les nombreux actes de défaut de biens dont elle faisait l'objet et la procédure en évacuation de son logement, dont elle avait fait l'objet par le passé. Très mobilisée pour améliorer son état de santé, elle ne se consacrait pas suffisamment à sa situation administrative, au risque qu'elle se détériore davantage sans l'intervention d'un tiers. Ainsi, le Tribunal de protection, contrairement aux Drs H______ et G______, était d'avis que la personne concernée n'était pas en mesure d'assurer seule la gestion de ses affaires administratives et financières. En l'absence de proches pouvant la soutenir utilement et compte tenu de l'impossibilité pour l'Hospice général de lui fournir une aide plus importante, il se justifiait d'instaurer une mesure de curatelle en sa faveur.

C.           a. Le 24 janvier 2022, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 30 novembre 2021, reçue le 7 janvier 2022, concluant à son annulation.

Elle a soutenu que les Drs H______ et G______, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal de protection, la considéraient aptes à gérer ses affaires et à solliciter, si besoin, l'aide de sa fille ou de l'Hospice général. La recourante a par ailleurs allégué que le Tribunal de protection avait statué rapidement, sans procéder aux vérifications "de base", puisqu'il avait retenu qu'elle était originaire de I______ (Fribourg), alors qu'elle était originaire de J______ (Genève), où elle était née. La recourante a certes admis que ses dettes étaient très importantes, mais cela résultait du fait qu'elle était sans emploi depuis un certain temps en raison d'un problème physique relatif à sa mobilité et non pour une quelconque raison psychique. Elle gérait ses affaires dans les limites des moyens financiers dont elle disposait. Avoir des dettes ne signifiait pas pour autant être "un déséquilibré psychique incapable de gérer ses affaires".

b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de sa décision.

c. Par avis du greffe de la Chambre de surveillance du 11 février 2022, la recourante a été informée de ce que la cause serait mise en délibération à l'échéance d'un délai de dix jours.

EN DROIT

1.                  1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, par la personne concernée par la mesure, le recours est recevable.

1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit, constatation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision (art. 450a al. 1 CC).

2. 2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible son autonomie (art. 388 al. 2 CC).

L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

2.2 En l'espèce, la recourante fait grief au Tribunal de protection d'avoir prononcé une mesure de protection en sa faveur, alors que le besoin de protection était inexistant et de n'avoir pas suffisamment instruit le dossier.

En ce qui concerne ce dernier point, le Tribunal de protection a certes mentionné que la recourante est originaire de I______ (Fribourg), alors que selon ce qui ressort du Registre cantonal de la population elle est originaire de J______ (Genève). Cet élément ne saurait toutefois suffire à considérer que la décision rendue est infondée.

Il est en effet établi et non contesté que la recourante souffre depuis de nombreuses années de problèmes physiques importants dont l'origine exacte n'a pas pu être déterminée, qui l'empêchent d'exercer une activité lucrative et ont conduit au dépôt d'une demande de prestations auprès de l'assurance invalidité. Le Tribunal de protection était dès lors fondé à retenir que la recourante présente un état de faiblesse, qui affecte sa condition personnelle.

Il est également établi qu'elle est assistée, depuis de nombreuses années, par l'Hospice général. Or, selon ce qui ressort de la procédure, cette assistance ne consiste pas seulement en la remise d'argent à la recourante, mais également en une aide pour la gestion de ses affaires administratives. La recourante ne saurait par conséquent sérieusement prétendre qu'elle gère seule ou avec l'aide de sa fille lesdites affaires, alors que tel n'est manifestement pas le cas. La recourante n'est pas davantage crédible lorsqu'elle allègue qu'en cas de difficultés elle serait en mesure de négocier des arrangements de paiement avec ses créanciers. Il est en effet établi qu'à deux reprises elle s'est retrouvée confrontée à une procédure d'évacuation, ce qui atteste du fait qu'elle n'était pas parvenue à trouver un arrangement avec son bailleur, si tant est qu'elle ait tenté d'en négocier un, ce qui n'est pas démontré. Seule l'intervention de l'Hospice général et l'aide apportée par la Fondation D______ ont permis d'obtenir la remise en vigueur de son bail à loyer. Un tel incident étant toutefois déjà survenu à deux reprises, il n'est pas certain que le bailleur, en cas de nouveaux retards dans le paiement du loyer, soit prêt à transiger une troisième fois. En l'état la recourante a affirmé être à jour dans le paiement de son loyer "à trente francs près", ce qui signifie qu'elle n'est, en réalité, pas totalement à jour, même si le non-versé représente une somme peu importante. Compte tenu de ses antécédents, il est toutefois indispensable que le paiement de son loyer soit géré avec davantage de rigueur. Le nombre important de poursuites et d'actes de défaut de biens démontre également les difficultés que rencontre la recourante à gérer son budget, ces difficultés étant toujours présentes puisque les derniers commandements de payer ont été notifiés en 2021. Il ressort en outre du dossier que la recourante peine à remplir sa déclaration fiscale, ce qui a donné lieu à une taxation d'office contre laquelle elle ne semble pas avoir encore entrepris la moindre action utile, se contentant d'alléguer qu'elle allait s'adresser à l'administration fiscale. Ce qui précède suffit à retenir, contrairement aux avis exprimés par les deux médecins contactés par le Tribunal de protection, qui n'ont sans doute fait que reprendre à leur compte les affirmations de la recourante, que celle-ci n'est pas en mesure de gérer ses affaires administratives et de préserver ses intérêts.

Contrairement à ce qu'elle allègue, il est par ailleurs douteux que la recourante puisse réellement compter sur l'aide de sa fille. Celle-ci n'est en effet âgée que de 21 ans et sa situation semble précaire, puisqu'elle n'a achevé aucune formation et est elle-même suivie par l'Hospice général. La recourante a certes pu compter sur l'aide de cette institution. L'Hospice général, dont émane le signalement, a toutefois exposé que l'aide apportée n'était plus suffisante, ce qui est notamment attesté par le fait que de nouvelles poursuites ont été notifiées à l'intéressée encore en 2021 et qu'en 2020 elle a risqué pour la seconde fois d'être évacuée de son logement.

Il découle de ce qui précède que les conditions permettant l'instauration d'une mesure de protection en faveur de la recourante sont remplies. La mesure prononcée est par ailleurs adéquate et proportionnée, puisqu'elle ne porte que sur la représentation et la gestion des revenus et des affaires administratives de l'intéressée, sans porter atteinte à son autonomie en ce qui concerne son bien-être et sa santé.

Infondé, le recours sera rejeté.

3.      Les frais judiciaires de la procédure seront arrêtés à 400 fr. (art. 67 A et B RTFMC). Ils seront mis à la charge de la recourante, qui succombe, étant précisé que le bénéfice de l'assistance judiciaire ne lui a été accordé qu'à compter du 7 février 2022, soit postérieurement au dépôt de son recours. Les frais judiciaires seront compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/7705/2021 du 30 novembre 2021 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/14161/2021.

Au fond :

Le rejette.

Statuant sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.