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Décisions | Chambre de surveillance

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C/26096/2013

DAS/62/2022 du 02.03.2022 sur DTAE/5723/2021 ( PAE ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26096/2013-CS DAS/62/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 2 MARS 2022

 

Recours (C/26096/2013-CS) formé en date du 16 octobre 2021 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant d'abord en personne, puis par
Me Béatrice WÄLTI, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 4 mars 2022 à :

- Monsieur A______
c/o Me Béatrice WÄLTI, avocate
Place de l'Octroi 15, 1227 Carouge.

- Madame B______
Monsieur C
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. A______, né le ______ 1953, a fait l'objet d'une curatelle de représentation avec gestion du patrimoine instaurée en sa faveur en février 2014 levée en février 2015.

B. a) Le 11 mai 2021, la Direction des immeubles avec encadrement pour personnes âgées (ci-après: IEPA) de l'Institution genevoise de maintien à domicile (ci-après: IMAD) a signalé la situation de A______ au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection).

A______, précédemment sans domicile fixe, avait emménagé en octobre 2019 dans l’IEPA G______. La collaboration avec lui s’était péjorée; il annulait systématiquement ses rendez-vous de suivi administratif, alors qu’il présentait des arriérés de paiement pour ses frais de téléphone, ses frais médicaux, son loyer et ses frais de repas à domicile. Son bail avait été résilié. Le Service des prestations complémentaires (ci-après: SPC) lui avait indiqué qu'il allait perdre son droit aux prestations s’il ne fournissait pas les documents nécessaires à la révision de son dossier. Il se plaignait régulièrement à la gérante sociale de l’IEPA de ce que ses difficultés financières le privaient de ressources durant plusieurs jours. Il présentait parfois des accès de violence qui inquiétaient les collaborateurs de l’IEPA. Son médecin, le Dr D______, soutenait le signalement.

b) A teneur d’un extrait du registre des poursuites établi le 19 mai 2021, le concerné fait l’objet de 104 actes de défaut de biens pour un total de 435'564 fr. 42 et de deux poursuites en cours.

c) Il ressort du courrier du SPC du 28 mai 2021 que A______ bénéficie de prestations complémentaires.

d) Par courrier daté du 25 janvier 2021 parvenu au Tribunal de protection le 27 mai 2021, A______ s’est opposé au prononcé d'une mesure de protection.

Il a joint copie d'un courrier que son médecin, Dr D______, médecin spécialiste en neurologie, a adressé à l'IEPA/IMAD le 19 mai 2021, indiquant que la situation avait évolué, qu'une mesure de protection ne lui semblait plus indiquée et qu'il convenait de suivre la situation au mieux.

e) Selon le rapport adressé par le Dr D______ au Tribunal de protection le 1er juin 2021, il suivait A______ depuis 2005 à un rythme bimestriel. Ce dernier était également suivi par d’autres spécialistes pour un diabète ainsi qu’une hypertension, traités, ainsi que par une psychiatre pour un important état anxiodépressif, lequel expliquait sa difficulté durable à assurer la gestion de ses affaires administratives et financières, ainsi qu’à répondre à ses besoins personnels, soit notamment le ménage et les repas, malgré un résultat de 30/30 au test MMS. Sur le plan médical, il était très compliant à ses suivis et à ses traitements. Par ailleurs, il risquait de s’engager de manière excessive et de céder à l’influence négative de personnes malintentionnées.

f) Dans un rapport daté du 21 juin 2021, la Dre E______, médecin psychiatre, a exposé avoir suivi A______ de novembre 2013 à juin 2017. Elle ne l'avait plus revu depuis lors. Elle pouvait répondre aux questions posées dès lors que son patient avait antérieurement donné son accord.

Elle avait retenu qu’il souffrait d’une schizophrénie paranoïde, en plus d’un diabète insulino-traité, d’une thrombocytopénie auto-immune et d’un syndrome d’apnées du sommeil appareillé. A l’évidence, selon la psychiatre, les périodes de décompensation de son ancien patient étaient marquées par une modification de sa capacité d’autodétermination et de son potentiel cognitif, entraînant pour lui une rupture de contact avec la réalité. Ces conditions impliquaient qu’il n’arrivait plus à assurer la gestion de ses affaires administratives ainsi que financières, qu’il avait erré et qu’il avait présenté un rythme journalier perturbé ainsi qu’une instabilité. Il avait affirmé se sentir dépassé par la multitude de ses soucis et en difficulté pour assumer ses actions ainsi que ses engagements. L’instabilité de son psychisme ainsi que les fluctuations de son humeur nécessitaient une évaluation plus approfondie. Le manque de cohérence dans son suivi et ses absences avaient rendu des tests neuropsychologiques impraticables et sa médication psychotrope aléatoire.

g) Le 8 septembre 2021, le Tribunal de protection a cité A______ et la gérante sociale de l'IMAD à comparaître à l'audience fixée au 28 septembre 2021.

Par courrier du 21 septembre 2021, A______ a sollicité du Tribunal de protection un report de l'audience, au motif qu'il n'avait pas encore pu préparer son dossier. Il indiquait qu'il allait lui adresser plusieurs courriers expliquant sa situation.

h) Par courriers des 21, 24 et 27 septembre 2021, A______ s'est opposé à l'institution d'une mesure de protection.

Il a exposé son cercle de relations, sentimentales ou d’influence, notamment au Sénégal en précisant qu'il comptait s'y installer définitivement dès le mois d'octobre 2021, en produisant la copie d’un acte de naissance sénégalais indiquant sa paternité sur une enfant née en 2010. Il a joint une lettre qu’il avait adressée à l’Administration fiscale cantonale et à une Conseillère d’Etat dans un style décalé et décousu, ainsi qu’une lettre de [la régie immobilière] F______, datée du 8 février 2021, se référant à la résiliation du bail de son appartement au sein de l’IEPA G______ et l’informant de ce que, dans la mesure où ses indemnités pour occupation illicite étaient payées ponctuellement, elle consentait à remettre son bail en vigueur dès ce jour.

i) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 28 septembre 2021.

A______ ne s'est pas présenté.

La gérante sociale de l'IEPA G______ a déclaré que l'accompagnement de A______ avait toujours été difficile: par périodes, il collaborait en acceptant l’aide qui lui était proposée, puis il rompait le lien. Dès qu’elle avait pris la fonction de gérante sociale dans l’IEPA, il l’avait rejetée, parce qu’il avait eu un différend avec un précédent gérant. Il avait tendance à se comporter de manière à ce que les choses se retournent contre lui, ce qui conduisait à son isolement. Depuis le signalement au Tribunal de protection en mai 2021, il n’avait plus adopté de comportement violent. Son logement à l’IEPA n’était en l'état pas remis en cause. Il se présentait beaucoup moins au bureau de la gérance sociale et dans les autres locaux communs. Elle l’aidait dans la gestion de ses affaires, lorsqu’il collaborait. Toutefois, la gérance sociale ne lui procurait plus d’aide administrative depuis qu’il avait retiré ses affaires durant le mois d’avril 2021. Il ne bénéficiait plus non plus de la Téléalarme dès lors que sa ligne téléphonique avait été coupée, ni de l’aide au ménage de l’IMAD, bien qu’il ait semblé qu’une autre structure y pourvoyait. De même, les repas ne lui étaient plus livrés, puisqu’il n’en payait pas les factures. Aucun soin ne pouvait non plus lui être donné. En résumé, il ne disposait plus des aides que l’IMAD pouvait apporter dans l’IEPA. Elle estimait qu'il disposait de la capacité de discernement sur le plan médical.

A l’issue de cette audience, le Tribunal de protection a gardé la cause à délibérer.

C. Par ordonnance DTAE/5723/2021 rendue le 28 septembre 2021, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte (ci-après: le SPAd) aux fonctions de curateurs (ch. 2) en les chargeant de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes et de veiller au bien-être social et de la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre (ch. 3) et en les autorisant à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée dans les limites du mandat et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 4), laissé les frais judiciaires à la charge de l'Etat (ch. 5) et déclaré l'ordonnance exécutoire nonobstant recours (ch. 6).

Le Tribunal de protection a retenu que A______ présentait un trouble psychique entravant durablement sa capacité à gérer ses affaires financières et administratives et à répondre à ses besoins personnels, puisqu'il ne payait plus ses factures courantes, qu'il éprouvait depuis longtemps des difficultés à conserver un logement, qu'il avait été admis dans un IEPA et qu'il avait besoin que des repas lui soient livrés. Son état ne s'était pas durablement amélioré, malgré l'attestation établie par son neurologue le 19 mai 2021, vu la rupture des liens décrite par la gérante sociale en audience. Faute de collaboration de l'intéressé, l'IMAD n'était plus à même de fournir l'assistance requise, de sorte qu'il convenait d'instaurer une curatelle de représentation et de gestion administrative et financière, étendue à l'assistance personnelle et sur le plan médical.

D. a) Par acte expédié le 16 octobre 2021, A______ a recouru contre cette ordonnance, qu'il a reçue le 13 octobre 2021. Il a complété son recours par acte expédié le 5 novembre 2021 par l'entreprise de son conseil, concluant à l'annulation des chiffres 1 à 4 de l'ordonnance attaquée et au renvoi de la cause au Tribunal de protection, subsidiairement à son audition et à l'octroi d'un délai pour le dépôt de ses réquisitions de preuve, à l'annulation des chiffres 1 à 4 du dispositif de l'ordonnance et au classement de la procédure.

Il reproche au Tribunal de protection d'avoir renoncé à l'entendre personnellement et d'avoir omis de lui désigner un curateur pour le représenter dans la procédure de protection avant d'instituer la curatelle de représentation et de gestion. Il lui fait par ailleurs grief d'avoir prononcé cette mesure en se fondant sur le rapport de la Dre E______, qu'il n'avait plus revue depuis 2017 et qu'il n'avait pas délié de son secret médical dans la présente procédure, et de manière plus générale d'une mauvaise appréciation de l'ensemble des éléments du dossier.

b) Par décision DAS/204/2021 du 11 novembre 2021, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a accordé l'effet suspensif au recours.

c) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité faire usage de son droit de reconsidérer sa décision.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Formé dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi, devant l'autorité compétente et par la personne placée sous curatelle, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2. Le recourant reproche au Tribunal de protection de n'avoir pas procédé à son audition ni de lui avoir désigné un curateur de représentation dans la procédure.

2.1.1 La personne concernée doit être entendue personnellement, à moins que l'audition ne paraisse disproportionnée (art. 447 al. 1 CC).

Dans le domaine de la protection de l'enfant et de l'adulte, le droit de la personne concernée d'être entendue personnellement (c'est-à-dire oralement) va plus loin que le droit d'être entendu garanti par la Constitution fédérale, puisque l'art. 447 CC prévoit une obligation générale de l'autorité de procéder à une audition personnelle. En conférant une garantie de nature procédurale, le législateur entend contribuer à assurer le bien-être et la protection de la personne qui a besoin d'aide, et à maintenir, respectivement favoriser, le plus longtemps possible son autonomie. Cette garantie n'est satisfaite ni par une prise de position écrite de la partie concernée, ni par sa représentation en procédure par un avocat ou par un curateur (steck, in Protection de l'adulte, CommFam, 2013, n. 7 ad art. 447).

L'audition personnelle poursuit un double objectif: d'une part, elle vise à préserver les droits de la personnalité de l'intéressé; d'autre part, elle est souvent aussi indispensable à l'établissement des faits – en tant que conséquence de la maxime inquisitoire illimitée (steck, op. cit., n. 9 ad art. 447; maranta/auer/marti, in Zivilgesetzbuch I (Commentaire bâlois), 2018, n. 17 ad art. 447). Ceci vaut en particulier en cas de restriction de la capacité civile, lorsque la mesure envisagée porte atteinte d'une autre manière aux droits de la personnalité ou lorsque la personne concernée demande expressément à être entendue (steck, op. cit., n. 9 ad art. 447).

2.1.2 Si nécessaire, l'autorité de protection de l'adulte ordonne la représentation de la personne concernée dans la procédure et désigne curateur une personne expérimentée en matière d'assistance et dans le domaine juridique (art. 449a CC).

La représentation n'est ordonnée que si cela est nécessaire, soit lorsqu'il résulte des circonstances du cas d'espèce que la personne concernée n'est pas en mesure de défendre correctement ses intérêts dans la procédure et qu'elle est, au surplus, hors d'état de requérir elle-même la désignation d'un représentant (steck, op. cit., n° 9 ad art. 449a).

2.2 C'est en l'espèce à juste titre que le recourant se plaint d'une violation des articles 447 et 449a CC en reprochant aux premiers juges d'avoir instauré la curatelle de représentation et de gestion sans l'avoir au préalable entendu personnellement ni lui avoir désigné un représentant pour la procédure de protection. Les éléments au dossier sur lesquels le Tribunal de protection s'est fondé pour prononcer cette mesure de protection, soit le signalement effectué par l'IMAD, des déclarations de la représentante de cette institution en audience et des rapports établis par deux médecins, en partie contradictoires, dont l'un n'a pas revu le recourant depuis juin 2017, n'apparaissent en effet pas suffisants pour se convaincre de la nécessité de la mesure instaurée sans avoir au préalable procédé à l'audition personnelle de la personne à protéger. L'opposition exprimée à plusieurs reprises par le recourant quant à toute mesure de protection, ainsi que sa demande de report d'audience adressée au Tribunal de protection le 21 septembre 2021 au motif qu'il n'était pas suffisamment préparé devaient au contraire conduire les premiers juges à fixer une nouvelle audience pour l'entendre personnellement.

Il se justifie en conséquence d'annuler l'ordonnance querellée et de renvoyer la cause au Tribunal de protection pour qu'il complète l'instruction et rende une nouvelle décision. Dès lors que le recourant a, durant la procédure de recours, été en mesure de mandater un avocat pour la défense de ses intérêts, la désignation d'un curateur au sens de l'art. 449a CC ne se justifie plus. Il appartiendra en revanche au Tribunal de protection de compléter l'instruction en procédant notamment à l'audition du recourant assisté de son conseil, en se déterminant sur les moyens de preuve requis par le concerné ainsi que sur l'admissibilité du rapport de la Dre E______ comme moyen de preuve avant de rendre une nouvelle décision.

3. Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires seront laissés à la charge de l'Etat de Genève. L'avance fournie par le recourant à hauteur de 600 fr. lui sera en conséquence restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 16 octobre 2021 par A______ contre l'ordonnance DTAE/5723/2021 rendue le 28 septembre 2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/26096/2013.

Au fond :

Annule cette ordonnance et renvoie la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour compléter l'instruction et rendre une nouvelle décision.

Laisse les frais judiciaires de recours à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne en conséquence aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ la somme de 600 fr., qu'il a versée à titre d'avance de frais.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14