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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18663/2012

DAS/172/2021 du 08.09.2021 sur DTAE/3140/2021 ( PAE ) , RENVOYE

Normes : LaCC.81.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18663/2012-CS DAS/172/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 8 SEPTEMBRE 2021

 

Recours (C/18663/2012-CS) formé en date du 22 juin 2021 par Madame A______, domiciliée ______, comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 13 septembre 2021 à :

- Madame A______
______, ______.

- Monsieur B______
c/o Me Moïra ARRIGONI, avocate
Rue du Rhône 118, 1204 Genève.

- Maître C______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, à :

- Madame D______
Madame E
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.


EN FAIT

A.           Par ordonnance DTAE/3140/2021 du 28 avril 2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection), statuant sur mesures provisionnelles, a retiré à A______ et à B______ la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de leur fils F______, né le ______ 2008 (chiffre 1 du dispositif), a placé le mineur provisoirement en alternance chez ses deux parents (ch. 2), maintenu la curatelle d'assistance éducative (ch. 3), ordonné le suivi psychothérapeutique du mineur (ch. 4), instauré une curatelle ad hoc aux fins d'organiser et de surveiller ledit suivi psychothérapeutique et limité en conséquence l'autorité parentale (ch. 5), exhorté A______ et B______ à entreprendre un travail sur le rôle des parents auprès de G______ (ch. 6), exhorté B______ à entreprendre un suivi thérapeutique individuel (ch. 7), étendu le mandat des curatrices à la nouvelle curatelle (ch. 8), invité les curatrices à établir un point de situation au 30 juillet 2021, notamment pour déterminer si une amélioration de la situation pouvait permettre de renoncer à un placement en foyer et les a invitées, dans l'intervalle, à poursuivre leurs démarches en vue d'un placement hors canton (ch. 9), arrêté les frais judiciaires à 14'086 fr. 08, les a mis à la charges des parents à concurrence de 3'500 fr. chacun et a provisoirement laissé le solde, en 7'086 fr. 08, à la charge de l'Etat (ch. 10), les parties étant déboutées de toutes autres conclusions (ch. 11).

Les frais judiciaires, seul point litigieux devant la Chambre de surveillance, sont exclusivement constitués par les frais d'expertise, le Tribunal de protection ayant précisé que la décision n'était pas sujette à émolument.

B.            a. Le 22 juin 2021, A______ a formé recours contre le chiffre 10 de l'ordonnance du 28 avril 2021. Elle a contesté la mise à la charge des parents de la somme de 3'500 fr. chacun, exposant que cette somme était "énorme" pour une maman seule assumant les frais de ses deux enfants. Elle a précisé que ses charges mensuelles fixes étaient "exorbitantes" et qu'elle n'était pas en mesure de s'acquitter de la somme mise à sa charge, "concernant cette procédure, qui traîne en longueur depuis plusieurs années". Pour le surplus, elle a précisé n'avoir aucun retard d'impôts et ne percevoir aucune aide de la part de l'Etat.

A l'appui de son recours, elle a produit son bordereau pour les impôts cantonaux et communaux 2020, faisant état d'un revenu annuel imposable de 55'167 fr. et d'une absence de fortune. Elle a également produit les certificats d'assurance 2021 LaMal et LCA, mentionnant une prime mensuelle de 523 fr. pour elle-même, de 323 fr. pour son fils H______, de 155 fr. pour sa fille I______ et de 177 fr. pour l'enfant F______; elle a enfin produit un avis de modification de loyer mentionnant, dès le 1er décembre 2020, un loyer mensuel de 2'070 fr., une facture du Groupement intercommunal pour l'animation parascolaire en 264 fr. concernant F______ pour la période du 1er janvier au 31 mars 2021 et un rappel de factures des cuisines scolaires en 138 fr. pour décembre 2020 établi le 16 janvier 2021.

b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l'ordonnance attaquée.

c. La curatrice du mineur s'en est rapportée à justice.

d. Les parties et intervenants à la procédure ont été informés par avis du greffe de la Chambre de surveillance du 3 août 2021 de ce que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de dix jours.

C. Les faits pertinents, tels qu'ils résultent du dossier soumis à la Chambre de surveillance, sont les suivants:

a. L'enfant F______ est né le ______ 2008 de la relation hors mariage nouée par A______ et B______, lequel a reconnu l'enfant auprès du service de l'état civil.

A______ est par ailleurs la mère de H______, né le ______ 1999 et de I______, née le ______ 2003 d'une précédente union, tous deux majeurs désormais.

B______ est pour sa part le père d'une fille désormais majeure.

b. Par courrier du 18 août 2012 adressé au Tribunal de protection, A______ et B______ ont indiqué souhaiter l'instauration de l'autorité parentale conjointe sur leur fils F______; ils ont également fait part de leur intention de se séparer.

c. Le 18 février 2014, le Service de protection des mineurs a informé le Tribunal de protection de ses inquiétudes concernant les mineurs H______ et F______. L'aîné des enfants avait contacté la police, au motif que sa mère avait voulu se suicider en ingérant des cachets, B______ étant toutefois parvenu à l'en dissuader. A______ et B______ étaient séparés; le second n'avait, à l'époque, ni domicile fixe, ni emploi. Il voyait son fils de manière irrégulière. La mère avait de la difficulté à concilier l'éducation de ses enfants avec son travail à 60%. Elle était fragile psychiquement et se trouvait en arrêt de travail pour la troisième fois dans l'année. Elle peinait à poser un cadre contenant et structurant à ses enfants. H______ avait rencontré de nombreux problèmes, notamment d'addiction et avait été placé dans un foyer. F______ avait des problèmes de sommeil et des difficultés avec les limites, faisant régulièrement des crises. Le Service de protection des mineurs préconisait que plusieurs mesures de protection soient prises en faveur des mineurs H______ et F______.

d. Le Tribunal de protection a poursuivi l'instruction de la situation des deux mineurs. En ce qui concerne F______, seul concerné par la présente procédure, il a prononcé, par ordonnance du 3 mars 2014, une curatelle d'assistance éducative.

e. Par courrier adressé au Tribunal de protection le 11 février 2016, A______ a notamment sollicité la levée de cette mesure de curatelle, considérant que son fils F______ allait mieux grâce à une thérapie familiale ainsi qu'à "diverses thérapies holistiques".

f. Dans un rapport du 29 mars 2016 portant sur la période du 3 mars 2014 au 3 mars 2016, le Service de protection des mineurs préconisait toutefois le maintien de la curatelle d'assistance éducative. Selon ce service, la situation scolaire et familiale du mineur F______ était très préoccupante.

g. Par ordonnance du 9 mai 2016, A______ a été déboutée de ses conclusions en levée de la curatelle d'assistance éducative.

h. Le 25 novembre 2017, A______ a sollicité du Tribunal administratif de première instance (sic) la fixation d'un droit de visite clair en faveur de B______ sur l'enfant F______.

i. Le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale a rendu un rapport le 19 avril 2018, sans avoir pu entendre B______, qui ne s'était pas manifesté. Il en ressort que la relation entre A______ et son fils F______ était difficile, l'enfant, qui ne supportait pas la frustration, faisant d'importantes crises. Il avait intégré un foyer, le placement ayant finalement duré du 15 avril au 17 octobre 2018. Au terme de ce placement, B______ avait sollicité l'octroi de la garde de son fils, lequel était favorable au projet de vivre avec son père.

j. Selon un nouveau rapport du Service de protection des mineurs du 8 juillet 2019, l'enfant F______ vivait chez son père et était pris en charge par sa mère le mercredi ainsi qu'un week-end sur deux. L'organisation des plannings était très compliquée et le conflit parental très vif. Des mesures éducatives en milieu ouvert (AEMO) avaient été mises en œuvre.

k. Le 27 septembre 2019, A______ a sollicité la mise en œuvre d'une garde partagée sur F______, modalités préavisées favorablement, à l'essai, par le Service de protection des mineurs le 10 janvier 2020, lequel soulignait toutefois les importantes difficultés que le mineur continuait de rencontrer et la gravité du conflit parental.

l. Dans un nouveau rapport du 23 avril 2020, le Service de protection des mineurs préconisait qu'une expertise familiale soit ordonnée afin de déterminer le lieu de vie et la prise en chargé adéquate du mineur F______. Les difficultés éducatives et relationnelles entre ce dernier et sa mère étaient réapparues. Le père réclamait la garde de son fils, mais n'avait entrepris aucune démarche concrète dans ce sens auprès du Tribunal de protection; ses compétences parentales étaient difficiles à évaluer. Le conflit parental était toujours exacerbé.

m. Par ordonnance du 25 mai 2020, le Tribunal de protection a ordonné une expertise psychiatrique familiale, les deux parents se voyant accorder un délai pour déposer la liste des questions qu'ils souhaitaient voir poser à l'expert. Aucun des deux n'y a donné suite.

Par ordonnance du 22 juin 2020, le Tribunal de protection a confié la mission d'expertise à la Professeure J______, [médecin] du Centre universitaire romand de médecine légale, unité de psychiatrie légale.

n. Le rapport d'expertise a été rendu le 21 janvier 2021; il préconisait le placement du mineur F______ en institution. Ce rapport était accompagné d'un relevé des prestations au tarif Tarmed des experts, pour un total de 14'086 fr. 08.

o. Par décision du 28 janvier 2021 du Tribunal de protection, une curatrice a été désignée au mineur F______ pour le représenter dans le cadre de la procédure.

p. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 24 février 2021, au cours de laquelle les experts ont été entendus.

q. Après avoir imparti aux parents un délai pour lui faire part de leurs conclusions, le Tribunal de protection a gardé la cause à juger et a rendu l'ordonnance attaquée.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC), dans le délai utile de 10 jours (art. 450 al. 1 et 445 al. 3 CC), par une partie à la procédure, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. La seule question litigieuse est la mise à la charge de la recourante d'une partie des frais d'expertise.

2.1 Lorsqu'il s'agit de mesures de protection de l'enfant, la procédure est gratuite. Toutefois, les frais avancés par le greffe peuvent être mis à la charge des parties dans la mesure où elles disposent de ressources suffisantes (art. 81 al. 1 LaCC).

2.2 La présente procédure vise le prononcé de mesures de protection en faveur d'un mineur, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal de protection n'a perçu aucun émolument de décision, conformément à l'art. 81 al. 1 LaCC. Il avait par contre la possibilité, sur la base de la même disposition légale, de mettre tout ou partie des frais d'expertise à la charge des parties. Sur ce point, il convient de rappeler que le recours à une expertise judiciaire a été rendu nécessaire par les difficultés rencontrées par les deux parents dans la prise en charge et l'éducation de leur fils F______ et par l'échec des diverses mesures mises en œuvre (curatelle d'assistance éducative et mesures d'accompagnement en milieu ouvert notamment). La situation est par ailleurs d'autant plus compliquée que les parties sont incapables de communiquer et de collaborer dans l'intérêt de leur fils, intérêt qu'elles semblent avoir relégué au second plan. Le Tribunal de protection n'a dès lors pas eu d'autre choix que de recourir à l'avis d'experts afin de déterminer quelles mesures étaient les plus adéquates et susceptibles de venir en aide au mineur F______. Ainsi et sur le principe, le Tribunal de protection était fondé à mettre les frais d'expertise à la charge des parents. L'art. 81 al. 1 LaCC prévoit toutefois que de tels frais ne peuvent être mis à la charge des parties que lorsqu'elles disposent des ressources suffisantes.

Or, la situation personnelle et financière de la recourante n'a pas été instruite par le Tribunal de protection, l'ordonnance attaquée étant muette sur ce point. Les quelques pièces produites par la recourante devant la Chambre de surveillance ne suffisent pas à établir de manière suffisamment complète sa situation, de manière à déterminer si elle est en mesure d'assumer ou pas les frais mis à sa charge par le Tribunal de protection.

Au vu de ce qui précède, il se justifie d'annuler le chiffre 10 de l'ordonnance attaquée en tant qu'il a mis à la charge de la recourante des frais judiciaires à hauteur de 3'500 fr. et de renvoyer la cause au Tribunal de protection afin qu'il instruise la situation personnelle et financière de la recourante, puis rende une nouvelle décision.

3. Au vu de l'issue de la procédure, les frais judiciaires du recours, en 400 fr., seront laissés à la charge de l'Etat et l'avance de frais versée par la recourante lui sera restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/3140/2021 rendue le 28 avril 2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/18663/2012.

Au fond :

Annule le chiffre 10 du dispositif de l'ordonnance attaquée en tant qu'il a mis à la charge de A______ les frais judiciaires à concurrence de 3'500 fr. et cela fait:

Retourne la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour qu'il instruise la situation personnelle et financière de A______ et rende une nouvelle décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais en 400 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.