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Décisions | Chambre de surveillance

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C/13658/2017

DAS/106/2021 du 27.05.2021 sur DTAE/2438/2021 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13658/2017-CS DAS/106/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 27 MAI 2021

 

Recours (C/13658/2017-CS) formé en date du 18 mai 2021 par Madame A______, actuellement hospitalisée au sein de la Clinique B______, Unité C______, ______, ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 28 mai 2021 à :

- Madame A______
p.a. Clinique B______
______, ______ [GE].

- Maître D______
______, ______ Genève.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

- Direction de la Clinique B______
______, _______ [GE].

 


EN FAIT

A.           a) A______, née le ______ 1966, est sous curatelle de représentation et de gestion, étendue au domaine de la santé, depuis le 17 décembre 2018, date à laquelle D______, avocat, a été nommé curateur de l'intéressée.

b) A______ a fait l'objet d'un placement à des fins d'assistance prononcé par un médecin le 26 novembre 2018 pour trouble délirant persistant, qui a été prolongé pour une durée indéterminée par ordonnance du 8 janvier 2019 (DTAE/124/2019) du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection).

c) Par décision du 12 décembre 2019 (DTAE/7588/2019), le Tribunal de protection a sursis à l'exécution du placement de la personne concernée, sursis qui a été révoqué par ordonnance du 30 septembre 2020 (DTAE/5498/2020), les conditons mises à son maintien n'étant plus respectées par A______, dont l'état de santé s'était péjoré depuis le printemps 2020, dans un contexte d'anosognosie persistante et d'opposition aux soins qui lui étaient prodigués.

d) Constatant que l'état de santé de la personne concernée s'était amélioré et qu'elle était plus collaborante aux soins, le Tribunal de protection a sursis à l'exécution de son placement par ordonnance du 2 octobre 2020 (DTAE/5554/2020), à condition qu'elle accepte un passage infirmier à son domicile, un suivi ambulatoire par l'Equipe mobile et qu'elle s'alimente de manière régulière et corrrecte.

e) A______ a, de nouveau, été placée à des fins d'assistance à la Clinique B______ par décision médicale du 23 mars 2021.

f) Par ordonnance du 1er avril 2021 (DTAE/1799/2021), le Tribunal de protection a révoqué le susis à l'exécution du placement à des fins d'assistance de A______, l'intéressée présentant une nouvelle décompensation de son trouble, dans un contexte de refus de soins et de sous-alimentation importante avec un état cachectique, rendant nécessaire qu'elle puisse bénéficier de soins, notamment d'un traitement médicamenteux antipsychotique et thymorégulateur, lequel ne pouvait lui être administré de manière ambulatoire en raison de son anosognosie et de son inconscience de la nécessité d'un traitement.

g) Un plan de traitement a été établi le 23 avril 2021 par l'institution de placement et, au vu du refus de l'intéressée de prendre les médicaments prescrits, une décision de traitement sans consentement a été prononcée le jour même par le médecin-chef de la Clinique B______.

h) Par acte du 26 avril 2021, A______ a formé recours contre la décision médicale du 23 avril 2021.

i) Il ressort du rapport d'expertise rendu le 4 mai 2021 par le Dr. E______, médecin psychiatre commis par le Tribunal de protection, que A______ souffre d'une schizophrénie indifférenciée, dont les troubles ne sont connus que depuis 2018, mais sont probablement antérieurs et contenus jusqu'à cette époque par la relation fusionnelle qu'elle entretenait avec sa mère. Elle présentait une symptomatologie délirante chronique depuis environ deux ans, acompagnée d'une symptomatologie pseudo-obsessionnelle. Mère et fille avaient été séparées, suite au placement en établissement médico- spécialisé (ci-après : EMS) de la première, de sorte que les troubles de la seconde s'étaient accentués, aboutissant à un tableau d'anorexie majeure avec amaigrissement notoire, accompagnée de dégradations de la relation au corps sous forme de manque d'hygiène, de restriction hydrique, de clinophilie et finalement d'un tableau sub-catatonique. Grâce à la mise en place d'un traitement neuroleptique et anxiolytique sous contrainte, l'état de l'intéressée s'était légèrement amélioré et elle avait pu prendre cinq kilos, passant de 35 à 40 kgs. Elle souffrait cependant toujours d'une extrême maigreur et conservait une relation à l'alimentation, et plus généralement à son corps, pathologique. Le traitement sous contrainte décidé le 23 avril 2021 était donc justifié et s'imposait toujours. En cas d'arrêt du traitement, A______ présenterait à nouveau des comportements oppositionnels de nature à entrainer un nouvel épisode d'amaigrissement susceptible de mettre sa vie en danger.

j) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 6 mai 2021, à laquelle A______ est arrivée en cours de séance.

La Dre F______, médecin-chef de clinique, a expliqué son absence en début d'audience, par le fait que l'intéressée était dans une ambivalence continuelle. Le plan de traitement mis en place prévoyait de l'Haldol, du Temesta et du Remeron. Les deux premières molécules avaient été administrées à l'intéressée par voie injectable, puis per os dès qu'elle les avait acceptées. Elle les prenait dorénavant pour éviter de les recevoir par injection. Elle refusait par contre le troisième médicament (antidépresseur), lequel n'existait que sous forme per os. Il était possible que l'intéressée souffre également de mélancolie, soit d'une forme de dépression gravissime, de sorte qu'elle avait besoin d'un antidépresseur, qu'elle refusait absolument de prendre. Lorsque sa mère avait été placée en EMS, l'état de l'intéressée s'était péjoré, étant précisé que mère et fille avaient le même mode de fonctionnement et avaient été hospitalisées parallèlement dans deux unités différentes. Les quatre ou cinq tentatives de retour à domicile s'étaient toutes soldées par un échec et, à chaque nouvelle hospitalisation, l'état de l'intéressée était pire que lors de la précédente. L'intervention de la G______ lors de la prise des repas n'avait pas suffi à améliorer son état. Le discours de l'intéressée s'améliorait grâce à la prise de son traitement. Il était plus cohérent et comportait moins de latence et d'ambivalence.

A______ avait pris connaissance de l'expertise du Dr. H______ et contestait être angoissée. Elle n'avait ainsi pas besoin de prendre du Temesta. Elle ne voulait d'ailleurs recevoir aucun traitement, mais uniquement prendre du poids pour quitter l'hôpital. Elle refusait d'intégrer l'EMS I______, comme cela était projeté, ou un autre établissement du même type. Sa mère s'y trouvait; elle l'avait vue la veille et avait constaté qu'elle n'allait pas bien et était amaigrie. En ce qui la concernait, elle se nourrissait dorénavant et souhaitait qu'on la laisse retourner chez elle pour prouver qu'elle était capable de se nourrir seule de manière correcte.

Le curateur de l'intéressée a exposé que la situation de sa protégée était extrêmement complexe. La mère de cette dernière allait beaucoup mieux depuis qu'elle avait intégré l'EMS I______.

B.            Par ordonnance DTAE/2438/2021 du 6 mai 2021, le Tribunal de protection a rejeté le recours fomé par A______ contre la décision médicale du 23 avril 2021 prescrivant un traitement sans son consentement.

Le Tribunal de protection a considéré, en substance, que l'intéressée présentait au moment de son placement à la fin du mois de mars 2021, une nouvelle décompensation de son trouble de schizophrénie indifférenciée, correspondant à un trouble psychique au sens de la loi, susceptible de représenter un risque pour sa vie ou son intégrité corporelle, notamment en raison de son refus de s'alimenter l'ayant conduite à une anorexie majeure. A teneur du rapport d'expertise, la mise en place d'un traitement neuroleptique et anxiolytique sous contrainte avait permis une légère amélioration de l'état de l'intéressée, mais en cas d'arrêt du traitement, celle-ci risquait de présenter à nouveau des comportements oppositionnels propres à provoquer un nouvel amaigrissement, susceptible de mettre sa vie en danger. L'urgence était toujours actuelle, tant au niveau somatique qu'au niveau psychologique. Compte tenu de l'anosognosie de l'intéressée qui persistait à s'opposer, à tout le moins partiellement, aux traitements requis par son état, et à l'introduction prochaine d'un antidépresseur nécessaire à la stabilisation de celui-ci, le traitement sans consentement de l'intéressée s'imposait toujours.

C.           Par acte du 17 mai 2021, A______ a recouru contre cette décision.

Le juge délégué de la Chambre de surveillance de la Cour de justice a tenu une audience le 25 mai 2021, à laquelle A______ ne s'est pas présentée.

La Dre J______, médecin-chef de clinique à l'Unité C______ à la Clinique B______, a précisé que A______ avait refusé de se présenter à l'audience. Le traitement sans consentement de l'intéressée était toujours nécessaire. Les doses d'Haldol avaient dû être augmentées à 10 mg par prise au lieu de 5 mg depuis le 10 mai 2021; le Temesta était dosé à 1 mg 2x/jour depuis le début du traitement; l'intéressée refusait toujours de prendre l'antidépresseur prescrit. Elle pesait 38,5 kg et sa vie n'était actuellement pas en danger. Elle mangeait et parlait à l'équipe médicale mais un retour à domicile n'était pas envisageable, dès lors qu'elle risquait à nouveau de ne plus manger et de mettre sa vie en danger, de sorte que sa prise en charge, à terme, par l'EMS I______ était en cours d'examen. Le traitement sans consentement, nécessaire depuis la prise de la décision médicale le 23 avril 2021, était toujours indispensable pour l'instant.

Le curateur a souscrit à la position exprimée par la médecin entendue. Une reconvocation de sa protégée était inutile dès lors qu'elle utilisait toujours le même procédé, disant qu'elle allait se présenter puis refusant de le faire. Toutes les tentatives de retour à domicile s'étaient avérées des échecs; sa protégée ne mangeait plus dès qu'elle était de retour chez elle et devait ensuite être hospitalisée dans des états d'urgence vitale. L'intégration de l'EMS I______ serait une bonne solution. Le traitement sans consentement était toujours absolument indispensable compte tenu de la situation.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Il n'a pas besoin d'être motivé (art. 450e al.1 CC).

En l'espèce, le recours a été déposé par la personne concernée par la mesure, dans le délai légal et par-devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable.

2.             La recourante s'oppose au traitement sans consentement qui a été ordonné par un médecin le 23 avril 2021.

2.1 Selon l'art. 434 al. 1 CC, si le consentement de la personne concernée fait défaut, le médecin chef du service concerné peut prescrire par écrit les soins médicaux prévus par le plan de traitement lorsque le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui, lorsque la personne n'a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement et lorsqu'il n'existe pas de mesure appropriée moins rigoureuse. Ces conditions sont cumulatives (Guillod, CommFam 2013, no 10 ad art. 434).

2.2 Dans le cas d'espèce, il ressort de la procédure que la recourante, diagnostiquée comme souffrant d'un trouble de schizophrénie indifférenciée, n'est absolument pas consciente de la nécessité du traitement qui a été prescrit par le médecin-chef de l'unité dans laquelle elle séjourne, alors qu'elle se trouvait dans un état de dénutrition et de déshydratation mettant sa vie en danger au moment de son hospitalisation. L'expertise requise par le Tribunal de protection atteste que, grâce à la mise en place d'un traitement neuroleptique et anxiolytique sous contrainte, l'état de l'intéressée s'est légèrement amélioré et qu'elle a pu prendre un peu de poids, mais qu'elle souffre cependant toujours d'une extrême maigreur et conserve une relation à l'alimentation, et plus généralement à son corps, pathologique. Lors de l'audience devant le Tribunal de protection, la médecin entendue a précisé que la recourante prenait dorénavant l'Haldol et le Temesta prescrits par crainte de l'injection. Elle refusait cependant toujours de prendre un antidépresseur, pourtant nécessaire à l'amélioration et à la stabilisation de son état, sachant qu'il ne pouvait lui être administré que per os. Ainsi, sans mesure de contrainte concernant les deux premiers médicaments, il est à craindre que la recourante refuse également de les prendre, dès lors qu'elle n'a pas adhéré au traitement mais craint uniquement de les recevoir sous forme d'injection et refuse le médicament qu'elle sait ne pouvoir lui être administré de cette manière. La Cour constate qu'aucune amélioration dans l'acceptation de la médication n'est intervenue, puisque la médecin entendue par le juge délégué décrit la même situation que celle qui prévalait au moment de l'audience tenue par le Tribunal de protection. La recourante est toujours anosognosique de son état et ne souscrit pas au traitement prescrit de manière volontaire. Il ressort du dossier que le traitement prodigué est nécessaire à prévenir de nouvelles décompensations de la recourante et empêcher qu'elle cesse de s'alimenter et perde à nouveau du poids, dès lors qu'elle se trouve toujours dans un état d'extrême maigreur et conserve une relation à l'alimentation, et plus généralement à son corps, pathologique. Il n'existe ainsi pas de mesure moins incisive que l'administration à la recourante d'un traitement de neuroleptique et d'anxiolytique sans son consentement, compte tenu de son état physique et psychique, marqué par une anosognosie persistante et un refus de traitement, et les risques inhérents à l'absence de soins appropriés sur son état fragilisé. Le principe de la proportionnalité de la mesure est ainsi respecté.

Reste la question de savoir si la condition du danger grave pour la santé de la personne ou la vie ou l'intégrité de tiers est réalisée. Il ressort du dossier qu'en l'absence de traitement, la recourante risquerait à nouveau de ne pas s'alimenter et de ne pas s'hydrater, ce qui serait de nature à mettre sa vie en danger. L'historique de la procédure démontre qu'en l'absence de traitement, la recourante reproduit toujours le même schéma, à savoir qu'elle cesse de s'alimenter et de s'hydrater, perd ses forces, ne peut plus quitter son lit et doit être hospitalisée en urgence, dans un état à chaque hospitalisation plus catastrophique. La prise du traitement est au contraire bénéfique à sa santé, l'expert et la médecin entendue par le Tribunal de protection et le juge délégué attestant d'une amélioration de celui-ci avec la prise de la médication.

Les conditions cumulatives au prononcé de l'administration d'un traitement sans consentement sont dès lors encore actuellement réalisées, comme elles l'étaient au moment de la prise de la décision médicale du 23 avril 2021 et de la décision du Tribunal de protection du 6 mai 2021. Le recours doit ainsi être rejeté.

3.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 18 mai 2021 par A______ contre l'ordonnance DTAE/2438/2021 rendue le 6 mai 2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/13658/2017.

Au fond :

Rejette le recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.