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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1325/2023

ACST/19/2023 du 08.05.2023 ( ABST ) , REFUSE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1325/2023-ABST ACST/19/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 8 mai 2023

sur effet suspensif

dans la cause

 

A______
et
B______ recourants

contre

CONSEIL D’ÉTAT intimé


Attendu, en fait, que :

A. a. A______ est domicilié à Genève.

b. B______ (ci-après : l’association) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui a son siège à Genève et dont le but statutaire est de récolter et partager les informations sur la 5G ainsi que de proposer un moratoire d’au moins dix ans.

B. a. Le 28 mars 2013, l’office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) a publié un complément à la recommandation d’exécution de 2002 de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI -RS 814.710) pour les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil, qui précisait notamment la notion de « modification » au sens du ch. 62 al. 5 annexe 1 ORNI. Il s’agissait d’adaptations pouvant augmenter l’intensité du rayonnement reçue dans des lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) ou modifier sa distribution spatiale. Si un projet était considéré comme une modification au sens de l’ORNI, la fiche de données spécifique au site devait être mise à jour. Pour les adaptations d’installations qui étaient considérées d’un point de vue formel comme des modifications selon l’ORNI, mais qui n’entraînaient qu’une augmentation faible ou insignifiante de l’intensité de champ électrique dans les LUS, il convenait de se référer aux informations relatives à la procédure d’autorisation figurant dans les recommandations de la Conférence des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement (ci-après : DTAP).

b. En début d’année 2019, la Confédération a libéré de nouvelles fréquences pour la téléphonie mobile, dont les bandes de 3,5 à 3,8 GHz pour l’utilisation d’antennes dites adaptatives. Contrairement aux antennes conventionnelles qui émettent essentiellement avec une répartition spatiale constante du rayonnement, les antennes adaptatives, utilisées notamment avec la cinquième génération de téléphonie mobile (ci-après : 5G), sont capables de focaliser le signal dans la direction de l’utilisateur ou de l’appareil de téléphonie mobile et de le réduire dans les autres directions, sans modification de montage.

c. Le 17 avril 2019, le Conseil fédéral a adopté une modification de l’ORNI concernant notamment l’évaluation des antennes adaptatives mais sans procéder à la modification des valeurs limites existantes. Pour lesdites antennes, la variabilité de leurs directions d’émission et de leurs diagrammes d’antenne devait être prise en compte lors de la détermination du mode d’exploitation déterminant dans lequel les valeurs limites de l’installation devaient être respectées.

d. Le 23 février 2021, l’OFEV a publié un complément à l’aide à l’exécution de 2002 de l’ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil.

L’ORNI définissait le mode d’exploitation déterminant pour une installation de téléphonie mobile dans laquelle la valeur limite de l’installation devait être respectée sur les LUS. En principe, il s’agissait du mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données était transféré, l’émetteur se trouvant au maximum de sa puissance. Alors que pour les antennes conventionnelles l’orientation du rayonnement était toujours la même, celle-ci pouvait prendre des caractéristiques spatiales différentes dans le cas des antennes adaptatives. Pour ces dernières, le diagramme d’antenne dans le mode d’exploitation déterminant n’était pas toujours le même, de sorte que les prévisions étaient basées sur un diagramme d’antenne enveloppant, comprenant tous les diagrammes d’antenne pouvant exister dans le mode d’exploitation déterminant. Cependant, comme les différents diagrammes d’antenne sur lesquels était basé le diagramme enveloppant ne pouvaient pas exister simultanément, les calculs surestimaient considérablement le rayonnement produit dans la réalité. Un tel scénario dit « du pire » appliqué jusqu’à présent avait pour effet d’évaluer les antennes adaptatives plus sévèrement que les antennes conventionnelles. Pour ce motif, un facteur de correction à la puissance d’émission maximale était appliqué aux antennes adaptatives. Tel ne pouvait toutefois être le cas que pour autant que ces antennes soient dotées d’une limitation de puissance automatique garantissant que la puissance d’émission moyenne sur une période de six minutes ne dépasse pas la puissance d’émission autorisée.

e. Le 1er janvier 2022 est entrée en vigueur une modification de l’annexe 1 ORNI permettant notamment l’application d’un facteur de correction aux antennes adaptatives possédant au moins 8 sous-ensembles d’antennes commandés séparément lorsqu’elles sont équipées d’une limitation de puissance automatique (ch. 63 al. 2 annexe 1 ORNI). Si un facteur de correction est appliqué aux antennes émettrices adaptatives existantes, le détenteur de l’installation remet à l’autorité compétente une fiche de données spécifique au site adaptée (ch. 63 al. 4 annexe 1 ORNI). Par ailleurs, le ch. 62 al. 5bis annexe 1 ORNI précise que l’application d’un facteur de correction aux antennes émettrices adaptatives existantes en vertu du ch. 63 al. 2 annexe 1 ORNI n’est pas considérée comme une modification d’une installation.

f. Le 1er avril 2022, la DTAP a publié les « recommandations concernant l’autorisation d’installation de téléphonie mobile : modèle de dialogue et modifications mineures (cas bagatelle) ».

Selon ce document, il s’agissait de préciser dans quel cas il était possible de renoncer à une procédure menant à une autorisation formelle. En effet, les modifications d’installations de téléphonie mobile mentionnées dans l’ORNI n’entraînaient pas systématiquement une augmentation notable de l’intensité du champ électrique dans les LUS, de sorte qu’elles devaient être considérées comme mineures. Deux options étaient envisagées. La première concernait le remplacement d’une antenne conventionnelle par une autre antenne conventionnelle, le transfert de puissance entre bandes de fréquence portant sur plusieurs antennes conventionnelles de même azimut et les transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives ayant au maximum 7 sous-ensembles d’antennes commandés séparément de même azimut. La deuxième option comportait les modifications mentionnées dans la première option et permettait aux cantons de traiter certaines autres modifications comme des modifications mineures qui pouvaient générer de brèves augmentations de l’intensité des champs électriques, tout en respectant les valeurs limites et en maintenant la mise en œuvre du principe de prévention, à savoir : le remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative, le remplacement d’une antenne adaptative par une autre antenne adaptative et les transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives de même azimut.

Il était recommandé de traiter ces cas comme des modifications mineures et de renoncer à une procédure de permis de construire, respectivement de les accepter au travers d’une procédure d’annonce, au cours de laquelle l’autorité serait amenée à vérifier que la modification envisagée répondait aux critères d’immissions et aux autres charges et que sa réalisation soit admissible. La procédure d’annonce permettait aux autorités de s’assurer qu’il s’agissait bien d’une modification mineure. Il appartenait aux cantons de détailler le déroulement de la procédure d’annonce.

C. a. Le 1er mars 2023, le Conseil d’État a adopté le règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires (RPRNI - K 1 70.07), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 7 mars 2023, qui contient notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre I Dispositions générales

Art. 1 But et champ d’application

1 Le présent règlement a pour but de protéger les personnes contre le rayonnement non ionisant nuisible ou incommodant émis par les stations de téléphonie mobile, de transformation, de radiodiffusion et de radiocommunication à usage professionnel et amateur.

2 Les installations visées à l’alinéa 1 sont assujetties au respect des valeurs limites de l’installation ainsi qu’aux valeurs limites d’immissions définies respectivement dans les annexes 1 et 2 de l’ordonnance fédérale.

3 Les installations de téléphonie mobile stationnaires et les stations de radiocommunication d’une puissance apparente rayonnée inférieure à 6 W ou émettant moins de 800 heures par an sont assujetties uniquement au respect des valeurs limites d’immissions définies dans l’annexe 2 de l’ordonnance fédérale.

4 Les dispositions de droit fédéral demeurent réservées.

[ ]

Chapitre III Modifications mineures des installations de téléphonie mobile

Art. 5 Modifications mineures

1 Sous réserve de l’alinéa 2 du présent article, peuvent notamment constituer des cas de modifications mineures les modifications listées ci-après :

a) le remplacement d’une antenne conventionnelle par une autre antenne conventionnelle ;

b) le remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative ;

c) le remplacement d’une antenne adaptative par une antenne adaptative ayant un autre mode d’exploitation déterminant ;

d) le transfert de puissance entre bandes de fréquence portant sur plusieurs antennes conventionnelles de même azimut ;

e) les transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives ayant au maximum 7 sous-ensembles d’antennes commandés séparément (sub arrays) de même azimut ;

f) le transfert de puissance d’une antenne conventionnelle vers une antenne adaptative avec un facteur de correction ;

g) l’application d’un facteur de correction aux antennes adaptatives existantes au sens du chiffre 63, alinéa 2, de l’annexe 1 de l’ordonnance fédérale.

2 Pour autant que les valeurs limites de l’installation ne soient pas modifiées, les cas de modifications visées à l’alinéa 1 sont considérés comme mineurs si les critères suivants sont respectés :

a) les immissions n’augmentent pas dans les lieux à utilisation sensible qui étaient déjà exposés à raison de plus de 50% de la valeur limite de l’installation, dans le mode d’exploitation déterminant ;

b) les immissions augmentent de moins de 0,5 V/m dans les lieux à utilisation sensible qui étaient exposés à raison de moins de 50% de la valeur limite de l’installation, dans le mode d’exploitation déterminant.

3 Les modifications mineures précitées ne doivent en outre pas avoir pour conséquence d’augmenter la distance jusqu’à laquelle le droit d’opposition à l’autorisation de construire de l’installation pouvait être exercé.

 

Art. 6 Procédure d’annonce

1 Les modifications mineures d’une installation au sens de l’article 5 ne sont pas soumises à autorisation de construire mais à une obligation d’annonce auprès du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : service).

2 Afin de satisfaire à son obligation d’annonce, le détenteur de l’installation fournit au service les documents suivants :

a) une déclaration de modification mineure au moyen du formulaire défini par l’autorité;

b) une fiche de données incluant la nouvelle configuration prévue de l’installation, les lieux à utilisation sensible de la dernière fiche de données dûment autorisée ainsi que les nouveaux lieux à utilisation sensible atteignant au moins 80% de la valeur limite de l’installation ;

c) une fiche de données incluant les nouveaux lieux à utilisation sensible calculés selon les paramètres de la fiche fournie lors de la dernière demande d’autorisation de construire.

3 L’annonce au service est une condition préalable à la mise en œuvre de toute modification mineure d’une installation.

4 Si la modification annoncée ne constitue pas une modification mineure au sens de l’article 5, le service en informe le détenteur de l’installation et le renvoie à agir selon la procédure décrite au chapitre II.

[ ]

Chapitre VII Dispositions finales et transitoires

Art. 14 Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le lendemain de sa publication dans la Feuille d’avis officielle. »

b. Dans un communiqué de presse du 1er mars 2023, le Conseil d’État a indiqué que le RPRNI prévoyait que toutes les modifications mineures des antennes de téléphonie mobile, même celles sans influence sur l’exposition de la population, devaient être annoncées au canton afin que l’autorité compétente s’assure de la conformité des équipements en garantissant le respect du principe de précaution. Pour s’aligner sur la législation fédérale, les limitations d’exposition ne concerneraient plus les balcons et les terrasses privatives, mais uniquement les pièces dans lesquelles séjournaient régulièrement les personnes, comme les bureaux, les chambre et le séjour.

D. a. Par acte du 20 avril 2023, A______ et l’association ont saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) d’un recours dirigé contre le RPRNI, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, principalement à l’annulation de l’acte entrepris, subsidiairement à l’annulation des art. 5 et 6 RPRNI.

Leur intérêt et celui de la population en général commandait de reporter l’entrée en vigueur du RPRNI de quelques mois, sans quoi les opérateurs de téléphonie mobile pourraient procéder à des modifications de leurs antennes, potentiellement nuisibles, sans mise à l’enquête ni information convenable de la population.

Le RPRNI violait le principe de la séparation des pouvoirs, dès lors que la loi d’application de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70) ne contenait aucune délégation législative en faveur du Conseil d’État lui donnant la compétence de réglementer le rayonnement non ionisant et les immissions en la matière.

L’art. 5 al. 1 let. f et g RPRNI était contraire à un récent arrêt du Tribunal fédéral (1C_100/2021 du 14 février 2023 consid. 6.3.2) dans lequel il avait été jugé que seule une procédure ordinaire d’autorisation de construire était envisageable en cas d’augmentation de la puissance à la suite de la prise en compte d’un facteur de correction.

Le Conseil d’État avait intégré les recommandations de la DTAP dans le RPRNI, en reprenant l’option la moins protectrice et sans procéder à aucune pesée des intérêts ni recherche scientifique complémentaire, alors même qu’un avis de droit de l’Institut pour le droit suisse et international de la construction du 7 juin 2021 intitulé « Les procédures cantonales applicables à la mise en place de la technologie 5G des antennes de téléphonie mobile » (ci-après : l’avis de droit) était arrivé à la conclusion que l’établissement d’une expertise à caractère scientifique s’imposait pour établir l’existence ou non d’un cas dit « bagatelle », non soumis à autorisation. Les art. 5 et 6 RPRNI n’étaient dès lors pas conformes aux principes de précaution et de proportionnalité.

b. Le 2 mai 2023, le Conseil d’État a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif.

Le RPRNI visait à rendre le droit cantonal conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, aux évolutions de l’ORNI et aux directives de l’OFEV, notamment en intégrant les recommandations de la DTAP concernant les modifications mineures d’installations de téléphonie mobile.

Il n’existait pas de menace grave ni de risque de dommage difficilement réparable, que les recourants ne démontraient pas. Sur la base des recommandations de la DTAP, la seconde option proposée aux autorités cantonales compétente pour traiter les dossiers relatifs à des modifications mineures des sites de téléphonie mobile avait été retenue par le RPRNI car elle garantissait l’évolution dynamique du réseau tout en respectant le principe de précaution. Pour lesdites modifications, l’office cantonal de l’environnement (ci-après : OCEV) soumettait les détenteurs d’installations concernées à une obligation d’annonce, condition préalable à la mise en œuvre de toute modification mineure d’une installation, au lieu d’une demande d’autorisation de construire, ce qui permettait une prise de décision rapide. Dans ce cadre, le détenteur de l’installation était tenu d’apporter la preuve que les valeurs limites de l’installation n’étaient pas modifiées, que la variation par rapport à la situation préexistante de l’intensité du champ électrique dans les LUS était nulle ou négligeable, tout comme la distance maximale pour pouvoir former opposition. Il devait également établir et fournir la liste de tous les LUS où les immissions atteindraient au moins 80% de la valeur limite de l’installation après sa modification et dans son mode d’exploitation déterminant. L’OCEV vérifiait et contrôlait donc systématiquement la complétude et la cohérence du dossier et garantissait la conformité de l’installation au cadre légal. Si l’une des exigences n’était pas réalisée, le détenteur concerné était renvoyé à déposer une requête en autorisation auprès de l’autorité compétente.

À cela s’ajoutait que le réseau 5G était déjà largement déployé en Suisse et que les installations concernées étaient dûment contrôlées par les autorités compétentes. La simple modification mineure desdites installations, sans augmentation significative des valeurs d’exposition et dans le respect du processus dicté par les autorités fédérales et retranscrit au niveau cantonal, n’avait pas non plus pour effet d’exposer la population au rayonnement non ionisant.

c. Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif, ce dont les parties ont été informées.

 

Considérant, en droit, que :

1) L’examen de la recevabilité du recours est reporté à l’arrêt au fond.

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d’urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3) 3.1 Selon l’art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, le recours n’a pas d’effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l’effet suspensif (al. 3). D’après l’exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en œuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l’absence d’effet suspensif automatique se justifie afin d’éviter que le dépôt d’un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l’effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11'311, p. 15).

3.2 Lorsque l’effet suspensif a été retiré ou n’est pas prévu par la loi, l’autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, qui varie selon la nature de l’affaire. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_246/2020 du 18 mai 2020 consid. 5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 145 I 73 consid. 7.2.3.2 ; 117 V 185 consid. 2b).

L’octroi de mesures provisionnelles – au nombre desquelles figure l’effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/8/2023 du 1er mars 2023 consid. 3b).

En matière de contrôle abstrait des normes, l’octroi de l’effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) En l’espèce, le recours est dirigé contre le RPRNI, plus précisément contre les art. 5, et 6 RPRNI, soit un règlement du Conseil d’État, acte visé à l’art. 57 let. d LPA, à l’encontre duquel le recours n’a pas d’effet suspensif. Il convient donc d’examiner s’il y a lieu de l’octroyer, ce qui, en matière de contrôle abstrait des normes, suppose généralement que les chances de succès du recours soient manifestes.

Tel n’apparaît, sur la base d’un examen sommaire, pas être manifestement le cas. S’agissant d’abord du grief allégué d’absence de base légale du RPRNI, plus précisément des art. 5 et 6 RPRNI qui concernent les modifications mineures des installations de téléphonie mobile et à l’égard desquels les recourants émettent des griefs, il convient de rappeler que la Confédération, en édictant l’ORNI, qui se fonde sur la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01), a réglementé le domaine du rayonnement non ionisant, en particulier la limitation préventive des émissions, de manière exhaustive (ATF 126 II 399 consid. 3c), laissant aux cantons de simples compétences d’exécution (art. 17 ORNI). En particulier, les art. 6 et 9 ORNI prévoient l’application des prescriptions relatives aux limitations d’émission concernant les nouvelles installations, et donc à autorisation de construire, lors de la modification d’installations (anciennes ou nouvelles), cette notion étant décrite au ch. 62 al. 5 et 5bis annexe 1 ORNI. Ainsi, les modifications au sens de l’ORNI doivent faire l’objet d’une procédure en autorisation de construire, à l’exception des modifications mineures au sens de l’ORNI et celles qui ne sont pas des modifications au sens de cette ordonnance. Dans ce cadre, l’OFEV a renvoyé aux informations relatives à la procédure d’autorisation figurant dans les recommandations de la DTAP. Celles-ci, dans leur version en vigueur au 1er avril 2022, précisent, a contrario, les modifications mineures que les cantons peuvent soumettre à une procédure d’annonce, et qu’ils ne doivent dès lors pas soumettre à une procédure de demande d’autorisation de construire. Le Conseil d’État ayant a priori repris le contenu desdites recommandations de la DTAP, ce que les recourants ne contestent pas mais critiquent s’agissant de l’opportunité de choisir la deuxième option, il n’apparaît pas manifeste qu’il aurait adopté des normes primaires, qui auraient requis une délégation dans la LaLPE, loi qui lui confère toutefois des compétences d’exécution (art. 27 al. 1 LaLPE).

Il n’apparaît pas non plus, toujours à première vue, que l’art. 5 al. 1 let. f et g RPRNI serait en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, lequel a examiné le cas qui lui était soumis à l’aune des dispositions de l’ORNI dans leur version antérieure au 1er janvier 2022, étant rappelé que depuis cette date le ch. 62 al. 5bis annexe 1 ORNI précise que l’application d’un facteur de correction aux antennes adaptatives existantes n’est pas considérée comme une modification d’une installation au sens de l’ORNI et qu’il n’est ainsi pas manifeste que le droit cantonal ne pourrait pas prévoir une procédure d’annonce en cas d’application d’un tel facteur de correction.

Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel l’autorité intimée ne pouvait transposer les recommandations de la DTAP en raison de l’avis de droit n’apparaît pas non plus a priori fondé, dès lors que ledit avis de droit est antérieur aux recommandations de la DTAP et à la modification de l’ORNI entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Toujours à première vue, le fait que l’autorité intimée ait fait le choix de la deuxième option plutôt que de la première selon les recommandations de la DTAP apparaît relever de la marge de manœuvre du pouvoir réglementaire. À cela s’ajoute qu’en faisant ce choix, l’autorité intimée n’apparaît a priori pas avoir contrevenu au principe de la prévention ni au principe de la proportionnalité, dès lors que, de jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de respect de la valeur limite de l’installation dans les LUS où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c). La procédure suivie semble en outre soumettre à annonce toute modification mineure permettant, comme l’a indiqué l’autorité intimée dans ses écritures, de vérifier qu’il s’agit bien d’un cas dit bagatelle et, le cas échéant, de renvoyer le détenteur à une procédure d’autorisation de construire si après vérification il apparaît que la modification envisagée relève de l’ORNI.

Il n’apparaît pas non plus manifeste que l’urgence commanderait de faire droit à la requête des recourants, qui se limitent à invoquer des intérêts généraux relatifs à des modifications d’antennes potentiellement nuisibles, ce qui revient, en d’autres termes, à empêcher toute modification de ces installations en application du principe de prévention, alors même que ce domaine relève du droit fédéral (ACST/11/2021 du 15 avril 2021 consid. 10b). De plus, comme précédemment indiqué, la procédure suivie permet à l’autorité à laquelle l’annonce de modification doit être faite de déterminer s’il s’agit d’un cas bagatelle ou si, au contraire, la modification envisagée relève de l’ORNI, auquel cas elle devra faire l’objet d’une demande d’autorisation de construire.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger au principe voulu par le législateur d’absence d’effet suspensif dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, ce qui conduit au rejet de la demande d’octroi de l’effet suspensif au recours.

5) Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt à rendre au fond.

 

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente procédure dans l’arrêt au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, aux recourants ainsi qu’au Conseil d’État.

 

 


Le président :

 

Jean-Marc VERNIORY

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :