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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/305/2023

ACST/7/2023 du 27.02.2023 ( ABST ) , REFUSE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/305/2023-ABST ACST/7/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 27 février 2023

sur effet suspensif

dans la cause

 

A______
et
B______ SA
et
C______ SA
représentées par Me Robert Angelozzi, avocat

contre

GRAND CONSEIL


Attendu, en fait, que A______ (ci-après : l’association) est une association au sens des art. 60 ss Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui regroupe les principales entreprises genevoises de paysagisme ainsi que des pépiniéristes et des floriculteurs ;

que B______ SA et C______ SA (ci-après : les sociétés) ont leur siège à Genève, où elles sont inscrites au registre du commerce, et ont pour but statutaire tous travaux de paysagisme et de jardinage pour la première et la production et la commercialisation de végétaux de pépinières pour la deuxième ;

que, lors de la séance du 2 septembre 2022, le Grand Conseil a adopté la loi 12'993 sur les déchets (LDéchets - L 1 21), qui comporte notamment les dispositions suivantes :

« Titre II Tri et élimination des déchets

Chapitre I Obligations des particuliers et des entreprises

Art. 21 Autres déchets

1 La collecte et le transport des autres déchets sont de la responsabilité de leur détentrice ou détenteur.

2 La détentrice ou le détenteur doit remettre ses déchets à des installations autorisées, en privilégiant les filières d’élimination les plus respectueuses de l’environnement.

[ ]

Chapitre II Installations d’élimination de déchets

Section 1 Généralités

Art. 23 Autorisation d’exploiter

1 Aucune installation d’élimination de déchets ou aucun projet pilote ne peut être construit puis mis en service ou être modifié sans avoir obtenu au préalable une autorisation d’exploiter délivrée par le département.

2 L’exploitation d’une installation d’élimination de déchets doit faire l’objet d’une requête en autorisation adressée au département.

[ ]

Titre VI Dispositions finales et transitoires

Art. 62 Entrée en vigueur

1 Le Conseil d’Etat fixe la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

2 L’article 16, alinéa 2, lettre a, entre en vigueur le 1er janvier 2025. »

que ladite loi a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 9 septembre 2022, le délai référendaire expirant le 19 octobre 2022 ;

qu’à l’expiration dudit délai, le référendum n’a pas été demandé ;

que, par arrêté du 21 décembre 2022, publié dans la FAO du 23 décembre 2022, le Conseil d’État a promulgué la loi 12'993 pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de ladite publication, l’entrée en vigueur de la loi devant être fixée ultérieurement par le Conseil d’État, à l’exception de l’art. 16 al. 2 let. a, dont l’entrée en vigueur a été arrêtée au 1er janvier 2025 ;

que, par acte du 31 janvier 2023, l’association et les sociétés ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la LDéchets, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et principalement à l’annulation des art. 21 al. 2 et 23 al. 1 et 2 de ladite loi ;

que les recourantes allèguent qu’en l’absence d’effet suspensif, les entreprises concernées par les dispositions litigieuses devraient solliciter une autorisation auprès de l’autorité compétente pour exploiter les types de compostage visés, le cas échéant éliminer leurs déchets auprès d’installations autorisées, ce qui engendrerait des frais et coûts importants à leur charge ;

que, sur le fond, les recourantes font grief aux dispositions litigieuses de contrevenir au droit fédéral, qui ne déléguerait pas aux cantons la possibilité de subordonner les installations de compostage de moins de 100 t par an à une autorisation d’exploiter, et d’être contraires à la liberté économique, en l’absence d’intérêt public admissible poursuivi par la réglementation litigieuse ;

que, le 15 février 2023, le Grand Conseil a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif au motif que les recourantes faisaient uniquement valoir un intérêt financier, qui pouvait être facilement réparé, et que l’entrée en vigueur de la loi contestée n’avait, en l’état, pas été fixée, dans l’attente de son approbation par l’autorité fédérale ;

que la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d’urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ;

que, selon l’art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, le recours n’a pas d’effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l’effet suspensif (al. 3) ; d’après l’exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en œuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l’absence d’effet suspensif automatique se justifie afin d’éviter que le dépôt d’un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l’effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11'311, p. 15) ;

que, lorsque l’effet suspensif a été retiré ou n’est pas prévu par la loi, l’autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, qui varie selon la nature de l’affaire ; la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_246/2020 du 18 mai 2020 consid. 5.1) ; pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 145 I 73 consid. 7.2.3.2 ; 117 V 185 consid. 2b) ;

que l’octroi de mesures provisionnelles – au nombre desquelles figure l’effet suspensif – présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ; elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3) ;

qu’en matière de contrôle abstrait des normes, l’octroi de l’effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (ACST/2/2023 du 26 janvier 2023 consid. 3b et les références citée) ;

qu’en l’espèce, le recours est dirigé contre les art. 21 al. 2 et 23 al. 1 et 2 LDéchets, à savoir des dispositions d’une loi du Grand Conseil, acte visé à l’art. 57 let. d LPA à l’encontre duquel le recours n’a pas d’effet suspensif ;

que, bien que promulguée, la LDéchets n’est pas encore entrée en vigueur, la Confédération devant préalablement procéder à son approbation, en application de l’art. 37 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) ;

qu’ainsi, en l’état, hormis pour l’art. 16 al. 2 let a LDéchets, la date d’entrée en vigueur de la loi n’a pas même encore été fixée ;

que la question de l’objet de la demande d’effet suspensif peut donc se poser ;

qu’en tout état de cause et en l’état, la LDéchets ne crée, pour les recourantes, aucune menace de dommage difficilement réparable ;

qu’au surplus, d’après un premier examen, les chances de succès du recours n’apparaissent à ce stade pas prima facie à ce point manifestes qu’il se justifierait de déroger au principe voulu par le législateur d’absence d’effet suspensif dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes ;

qu’il en résulte que la demande d’octroi de l’effet suspensif au recours doit être rejetée ;

que les parties seront néanmoins invitée à transmettre à la chambre de céans toute information quant à l’adoption d’un arrêté par le Conseil d'État fixant l’entrée en vigueur de la LDéchets ;

que, tout comme la recevabilité du recours, le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé sur fond.

 

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente procédure dans l’arrêt au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Robert Angelozzi, avocat des recourantes, au Grand Conseil, ainsi que pour information, au Conseil d’État.


Le président :

 

Jean-Marc Verniory

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :