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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4047/2022

ACST/2/2023 du 26.01.2023 ( ABST ) , REFUSE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4047/2022-ABST ACST/2/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 26 janvier 2023

sur effet suspensif

dans la cause

 

Monsieur A______
et
ASSOCIATION B______
et
C______
et
D______
et
E______
et
F______
représentés par Me Garance Stackelberg, avocate

contre

CONSEIL D’ÉTAT


Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, ressortissant suisse, est domicilié à Genève où il exerce la profession de chauffeur de taxi. Il est en outre associé-gérant de G______ (ci-après : G______), une société exploitant une entreprise de taxis.

L’Association B______, C______, D______ et le E______ (ci-après : les associations) sont des associations au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ayant leur siège à Genève et notamment pour but de défendre les intérêts professionnels de leurs membres.

La F______ (ci-après : la société), dont le siège est à Genève, a pour but statutaire l’amélioration des conditions de travail de ses membres ainsi que la défense de leurs intérêts, notamment économiques, ainsi que l’amélioration des services à la clientèle dans le transport professionnel de personnes.

2) Le 26 février 2020, le Conseil d’État a déposé auprès du Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL) n° 12'649 sur les taxis et la voitures de transport avec chauffeur (LTVTC - H 1 31).

Selon l’exposé des motifs y relatif, la mise à disposition de taxis à titre onéreux ou gratuit était une pratique dont les conditions avaient été réglementées sous l’égide de l’ancien droit. Certains titulaires d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP), limitées en nombre et en durée, considérant être propriétaires de celle-ci et de la plaque d’immatriculation, se contentaient ainsi de louer leur taxi, ce qui leur conférait une rente liée à la simple détention de l’autorisation. Il n’était pas non plus rare que les titulaires d’une AUADP louent les plaques d’immatriculation de leur véhicule, devenant formellement détenteurs de la voiture des fermiers, en contradiction avec les règles de la circulation routière. Les loyers abusifs ainsi pratiqués étaient non seulement inacceptables mais généraient également des situations de précarité sociale au sein de la profession, de sorte que l’interdiction de la location des plaques s’imposait et permettait en outre de susciter la restitution d’AUADP en vue de leur réattribution, afin de réduire le temps d’attente pour les personnes souhaitant exercer la profession.

3) Ce projet a été renvoyé à la commission parlementaire des transports (ci-après : la commission parlementaire), qui a rendu deux rapports, respectivement les 16 août 2021 (PL 12'649-A) et 11 janvier 2022 (PL 12'649-B).

Selon la présentation par le département du PL, la problématique de la location des plaques de taxi ainsi que l’AUADP associée était récurrente et faisant l’objet de discussions avec les milieux des taxis. En raison du numerus clausus desdites AUADP, le délai d’attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l’argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle. De nombreux chauffeurs voulant exercer la profession de taxi étaient ainsi contraints de louer une AUADP, ce qui les rendait dépendants et économiquement vulnérables. Il était apparu que cinquante-trois personnes détenaient cent cinquante AUADP, dont une personne qui en avait dix. En l’absence d’outils permettant de contrôler les prix, le PL prévoyait de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme, y compris en recourant à un « doubleur », lequel ne pouvait exercer sa profession que lorsque le titulaire principal de l’AUADP ne souhaitait pas lui-même l’utiliser. Ainsi, selon le PL, le détenteur d’une AUADP pouvait soit l’utiliser lui-même, soit engager un chauffeur pour l’utiliser, qui devenait contractuellement son employé, soit céder définitivement l’AUADP. Une telle réglementation permettrait d’assainir des situations difficilement contrôlables.

Durant les débats, un amendement a été adopté, consistant à limiter progressivement les émissions de CO2 des voitures utilisées pour le transport individuel de personnes, au vu des objectifs de réduire de 60 % les émissions de CO2 d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 selon le plan climat cantonal. Selon les discussions des commissaires, les taxis et VTC parcouraient actuellement environ 60'000 km par année, circulant toute la journée vu les prestations offertes. À court terme, de nombreux nouveaux moyens seraient mis en place pour les recharges en électricité ou en hydrogène, ce qui permettait aux chauffeurs de s’organiser et d'amortir leurs véhicules. Un système d’exclusion de certains véhicules par étapes, en fonction de leurs valeurs d’émission, était proposé, afin d’améliorer progressivement le niveau qualitatif des véhicules en matière d’émission de CO2. Actuellement, plus de 50 % des taxis à Genève étaient des véhicules hybrides, fonctionnant à l’électricité et à l’essence, et 41,6 % du parc automobile était constitué de véhicules de catégorie « A » selon l’étiquette-énergie. Il n’était donc pas impensable que dans six ans, les véhicules automobiles de classe « A » représenteraient la totalité dudit parc. Par ailleurs, un véhicule d’une certaine classe énergétique, lors de sa mise en service, conservait cette classe durant son existence, malgré les évolutions technologiques. Les véhicules de taxi étaient en outre en majorité changés tous les trois ans.

4) Le 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la LTVTC (loi n° 12'649), qui a été promulguée par arrêté du 23 mars 2022, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 25 mars 2022, et est entrée en vigueur le 1er novembre 2022. Cette loi contient notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre I Dispositions générales

Art. 1 But

1 La présente loi a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité.

2 Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique.

[ ]

Art. 5 Définitions

Au sens de la présente loi et de ses dispositions d’application, on entend par :

a) « taxi » : une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, contre rémunération dans les limites maximales de la loi, offrant une complémentarité en matière de transport public et bénéficiant de l’usage accru du domaine public ainsi que du droit exclusif de faire usage de la dénomination « Taxi », notamment dans le cadre de sa publicité ;

b) « voiture de transport avec chauffeur » (ci-après : VTC) : une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, par commande ou réservation préalable uniquement, contre rémunération convenue d’entente avec le client, ne bénéficiant ni de l’usage accru du domaine public ni du droit de faire usage de la dénomination « Taxi » ;

[ ]

Chapitre II Accès aux professions

Section 4 Immatriculations

Art. 13 Autorisation d’usage accru du domaine public

Principes

1 Les autorisations d’usage accru du domaine public sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique.

2 Elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires.

3 Les autorisations et les plaques d’immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles ; elles ne peuvent être mises à la disposition d’entreprises ni de chauffeurs tiers. Le titulaire de l’autorisation doit en faire un usage personnel et effectif en tant que chauffeur indépendant ou entreprise au sens de l’article 5, lettre c, chiffre 1, de la présente loi.

4 Le Conseil d’État fixe le nombre maximal d’autorisations d’usage accru du domaine public en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

Conditions de délivrance

5 L’autorisation d’usage accru du domaine public est délivrée sur requête pour 6 ans à une personne physique ou morale, lorsque la requérante :

a) est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou d’une autorisation d’exploiter une entreprise de transport de taxi et en réalise toujours les conditions de délivrance ;

b) n’a pas, en qualité de chauffeur ou d’entreprise de transport, contrevenu, dans les 3 ans précédant la requête, de manière grave ou répétée aux dispositions de la présente loi ou à ses dispositions d’exécution ;

c) s’est acquittée, pour l’année en cours de la taxe annuelle visée à l’article 36 de la présente loi.

6 Le Conseil d’État détermine les pièces à produire à l’appui de la requête en délivrance de l’autorisation.

[ ]

Révocation

8 Le département révoque les autorisations lorsque l’une des conditions visées à l’alinéa 5, lettre a ou c, n’est plus remplie.

Caducité

9 Le département constate la caducité de l’autorisation lorsque :

a) son titulaire y renonce par écrit ;

b) son titulaire ne dépose pas une requête en renouvellement 3 mois avant son échéance ;

c) son titulaire a atteint l’âge de 75 ans révolus ;

d) son titulaire n’en fait pas un usage effectif, en tant que chauffeur, respectivement en tant qu’entreprise pendant 6 mois consécutifs. Est réservé le cas d’incapacité totale de travail provisoire du chauffeur titulaire de l’autorisation, dûment attestée par un certificat médical ;

e) son titulaire met à la disposition d’un tiers l’autorisation, respectivement la plaque d’immatriculation correspondante en violation de l’alinéa 3;

f) l’office compétent a prononcé la décision prévue à l’article 45, alinéa 1, lettre a ou c, de la loi sur l’inspection et les relations du travail, du 12 mars 2004, s’agissant du non-respect des usages, et que cette décision est entrée en force.

[ ]

Chapitre III Exercice des professions

Section 1 Dispositions communes

Art. 18 Obligations relatives aux voitures

[ ]

2 Afin de limiter progressivement les émissions de CO2, les voitures utilisées doivent :

a) dès le 1er juillet 2024, avoir une efficacité énergétique correspondant aux catégories étiquette-énergie A, B, C ou D ;

b) dès le 1er juillet 2027, avoir une efficacité énergétique correspondant à la catégorie étiquette-énergie A ;

c) dès le 1er juillet 2030, ne plus émettre de CO2.

[ ]

5 Le Conseil d’État peut exiger que les voitures en service soient équipées d’un système de géolocalisation et d’un appareil permettant d’émettre des quittances physiques ou électroniques. Il peut également prévoir la création d’un registre électronique central des quittances.

 

Art. 19 Obligations vis-à-vis des clients

1 Tout chauffeur est tenu par un devoir général de courtoisie. Il doit avoir un comportement, une tenue et une conduite corrects. Sa voiture doit en outre répondre à toutes les garanties de commodité et de propreté.

2 Il a l’obligation de prêter l’assistance raisonnable et nécessaire à tout client, en particulier aux familles avec enfants, aux personnes âgées ou en situation de handicap.

3 Tout chauffeur doit, sur demande des clients, présenter sa carte professionnelle à des fins d’identification.

4 Les chauffeurs et les entreprises doivent accepter tout moyen de paiement usuel, notamment les cartes de crédit et de débit et les espèces, selon le choix du client. Sont réservés les impératifs liés à la garantie de réservation par prépaiement.

5 Pour tout montant reçu, une quittance doit être émise et remise spontanément au client; elle peut être émise sous forme électronique. Les entreprises de transport et les chauffeurs indépendants doivent en conserver une copie et tenir un journal des montants encaissés.

6 Le chauffeur ou l’entreprise de transport ou de diffusion de courses qui offre ses services dans la catégorie des taxis et dans celle des VTC doit respecter les obligations de chacune de ces catégories. L’exercice de ces activités distinctes doit être aménagé de telle sorte qu’il ne crée aucune confusion pour les clients entre les différents services proposés.

7 Les entreprises de transport ou de diffusion de courses veillent à offrir aux clients en situation de handicap un égal accès aux services qu’elles proposent, à moins que cela soit manifestement disproportionné.

 

Section 2 Droits et obligations spécifiques aux taxis

Art. 20 Usage du domaine public

1 Tout taxi en service dispose d’un droit d’usage accru du domaine public, lui permettant, aux endroits où la mention « Taxi » ou « Taxis exceptés » est spécifiquement indiquée :

a) de s’arrêter aux stations de taxis dans l’attente de clients ;

b) d’utiliser les voies réservées aux transports en commun ;

c) d’emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte.

3 Tout taxi en service qui circule à l’allure normale du trafic et qui se fait héler par un client peut prendre celui-ci en charge, à condition que son arrêt n’entrave pas la circulation. Il lui est toutefois interdit de circuler dans le dessein de rechercher des clients.

[ ]

Art. 21 Obligations relatives aux voitures

1 Tout taxi en service doit être muni en permanence d’un équipement composé :

a) d’un compteur horokilométrique ou d’un dispositif alternatif reconnu pour calculer le prix des courses ;

b) d’une enseigne lumineuse « Taxi » fixée sur le toit de la voiture et comportant des témoins lumineux permettant d’indiquer si le taxi est libre ou occupé, respectivement si le tarif I ou II est appliqué ;

c) d’un logo officiel distinctif sur chaque côté de la voiture, l’enseigne « Taxi » étant réservée à cette seule catégorie.

2 Le Conseil d’État fixe les conditions relatives aux voitures et à leur équipement.

 

Art. 22 Prix des courses

1 Selon le choix des clients, le prix de la course est déterminé :

a) par le compteur horokilométrique ou un dispositif alternatif reconnu, le territoire cantonal constituant une seule zone tarifaire, à l’exception de l’enclave de Céligny ;

b) par un prix forfaitaire au départ de certains lieux et à destination de zones prédéfinies à l’intérieur des frontières cantonales ;

c) par entente préalable entre le client et le chauffeur, respectivement entre le client et l’entreprise de transport.

2 Le prix de la course fixé selon l’alinéa 1, lettre b ou c, ne peut excéder le montant calculé par le compteur horokilométrique ou un dispositif alternatif reconnu. Ce dernier doit rester enclenché lors de toute course.

3 Le Conseil d’État fixe les tarifs et suppléments maximaux des courses visées à l’alinéa 1, lettre a, ainsi que les prix forfaitaires, les lieux de départ et zones de destination visés à l’alinéa 1, lettre b.

 

Art. 23 Obligations vis-à-vis des clients

1 Les chauffeurs de taxi doivent accepter toutes les courses, à l’exception des cas de refus objectivement justifiés, lesquels sont précisés par le Conseil d’État.

2 Le compteur horokilométrique, respectivement le dispositif alternatif reconnu, doit être visible des clients pendant toute la course, que le prix de celle-ci soit fixé selon les modalités prévues à l’article 22, alinéa 1, lettres a, b ou c, de la présente loi.

3 Les courses doivent être effectuées en suivant l’itinéraire économiquement le plus avantageux, sauf demande expresse du client.

[ ]

Chapitre VIII Données personnelles

Art. 39 Traitement des données personnelles

1 Le département est habilité à traiter les données personnelles dont il a besoin pour accomplir les tâches qui lui sont conférées par la présente loi et ses dispositions d’exécution.

2 Il peut enregistrer et conserver les données biométriques nécessaires à l’établissement de la carte professionnelle visée à l’article 7 de la présente loi.

3 La saisie des données biométriques et l’établissement de la carte peuvent être délégués à une entité étatique ou de droit public.

[ ]

Chapitre X Dispositions finales et transitoires

Art. 43 Dispositions d’application

Le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à l’exécution de la présente loi.

[ ]

Art. 46 Dispositions transitoires

Cartes professionnelles et diplômes de chauffeur

[ ]

2 La carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de VTC délivrée en application de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, du 13 octobre 2016, demeure valable après l’entrée en vigueur de la présente loi.

3 Sur demande, le département délivre aux personnes qui ont réussi les examens sous l’égide de la loi susmentionnée ou de la loi sur les taxis et limousines, du 21 janvier 2005, le diplôme de chauffeur visé à l’article 8 de la présente loi dans la catégorie correspondant à la carte professionnelle initialement obtenue.

[ ]

Interdiction de la mise à disposition des autorisations d’usage accru du domaine public

8 Le titulaire d’une autorisation d’usage accru du domaine public qui met à disposition d’une entreprise ou d’un chauffeur tiers son taxi, respectivement la plaque d’immatriculation correspondante à l’autorisation, doit dans un délai de 12 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi :

a) faire un usage personnel et effectif de l’autorisation en tant que chauffeur indépendant ou entreprise au sens de l’article 5, lettre c, chiffre 1, de la présente loi ; ou

b) restituer au département l’autorisation dont il ne veut ou ne peut faire un usage personnel et effectif.

9 Le titulaire qui restitue dans un délai de 3 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi tout ou partie des autorisations dont il ne peut faire un usage personnel et effectif perçoit un montant de 6 000 francs par autorisation, sous réserve de l’alinéa 10.

10 La restitution de l’une des autorisations d’usage accru du domaine public en main du titulaire ne fait pas l’objet d’un paiement.

11 Le titulaire qui perçoit un paiement au titre de l’alinéa 9 est radié de la liste d’attente.

12 En cas de non-respect de l’alinéa 8, le département prononce la contravention visée à l’article 40 de la présente loi ainsi que la caducité de toutes les autorisations d’usage accru du domaine public accordées au contrevenant et ordonne le dépôt des plaques d’immatriculation correspondantes.

Attribution des autorisations restituées ou caduques

13 Le département peut attribuer l’autorisation d’usage accru du domaine public à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la présente loi, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la loi, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’article 13, alinéa 5, de la présente loi.

[ ] »

5) a. Par acte du 9 mai 2022, enregistré sous cause n° A/1466/2022, M. A______ et l’une des associations ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la LTVTC, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et principalement à l’annulation de l’art. 13 al. 3 et al. 9 let. c et let. e, de l’art. 21 al. 1 let. c, de l’art. 46 al. 8 let. a et let. b et de l’art. 46 al. 9 à 13 LTVTC.

b. Par décision du 31 octobre 2022 (ACST/18/2022) rendue dans la cause susmentionnée, la chambre constitutionnelle a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours.

6) Le 19 octobre 2022, le Conseil d’État a adopté le règlement d’exécution de la LTVTC (RTVTC - H 1 31.01), qui contient notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre II Accès aux professions

Section 3 Immatriculations

Art. 17 Autorisation d’usage accru du domaine public (art. 13 de la loi)

[ ]

Usage effectif et personnel

5 Les titulaires d’une autorisation d’usage accru du domaine public sont tenus d’en faire un usage effectif sous peine de caducité. L’usage est effectif si l’autorisation est exploitée sur l’année pendant une durée hebdomadaire moyenne de 32 heures au moins, à l’exclusion de 2 mois de vacances.

6 L’usage est personnel au sens de l’article 13, alinéa 3, de la loi lorsque l’exploitation est faite par la personne titulaire elle-même ou par le personnel employé.

Infractions graves ou répétées

7 Sont considérées comme infractions graves ou répétées au sens de l’article 13, alinéa 5, lettre b, de la loi faisant obstacle à la délivrance de l’autorisation :

a) les infractions commises par les chauffeurs au devoir général de courtoisie, aux prix des courses ainsi que le refus de course injustifié ;

b) la collaboration d’entreprises de transport avec des personnes physiques ou morales ne bénéficiant pas des autorisations nécessaires à l’exercice des activités soumises à la loi ;

c) le prononcé de 3 mesures et/ou sanctions devenues exécutoires dans l’intervalle des 3 dernières années.

[ ]

Chapitre III Exercice des professions

Section 1 Dispositions communes

Art. 27 Obligations relatives aux voitures (art. 18 de la loi)

Transition énergétique

1 Les voitures utilisées pour le transport professionnel de personnes doivent répondre aux exigences visées à l’article 18, alinéa 2, de la loi permettant de limiter progressivement les émissions de CO2.

[ ]

Systèmes de géolocalisation et d’émission de quittances

4 Les détentrices et détenteurs de voitures destinées au transport professionnel sont tenus d’équiper les véhicules d’un système de géolocalisation et d’un système d’émission de quittances physiques ou électroniques.

5 Le système de géolocalisation doit avoir les spécificités techniques pour permettre les contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement. Le service publie sur le site Internet de l’État de Genève les spécificités techniques requises.

 

Art. 28 Obligation de saisie et de conservation des données numériques

Entreprises de transport et de diffusion de courses

1 Pour les données visées à l’article 37, alinéa 3, de la loi, les entreprises de transport et de diffusion de courses doivent saisir :

a) les périodes d’attente, d’approche et de course des chauffeurs, ainsi que la vitesse et la distance parcourue par le véhicule. Ces données doivent être au moins équivalentes à celles collectées au moyen d’un tachygraphe utilisé conformément à l’ordonnance fédérale sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes, du 6 mai 1981 ;

b) les données de géolocalisation relatives aux chauffeurs et aux voitures permettant les contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement.

2 Les entreprises de transport et de diffusion de courses doivent conserver les données visées à l’alinéa 1 du présent article pendant une durée de 10 ans.

Chauffeurs indépendants

3 Les chauffeurs indépendants doivent collecter les données de géolocalisation permettant les contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement et les conserver pendant une durée d’une année.

[ ]

Section 2 Droits et obligations spécifiques aux taxis

Art. 31 Obligations relatives aux voitures (art. 21 de la loi)

Enseigne lumineuse et logo officiel

1 Les voitures de taxis en service portent pour signes distinctifs une enseigne lumineuse et un logo officiel tel que défini à l’annexe I du présent règlement.

2 Le logo doit être imprimé en couleurs et apposé sur le véhicule conformément à la charte graphique et de positionnement dudit logo; il peut être imprimé sur un support autocollant ou magnétique.

[ ]

4 Lorsque le taxi n’est pas en service ou lorsqu’il intervient en qualité de VTC, l’enseigne lumineuse doit être masquée ou démontée et le logo officiel retiré.

[ ]

Art. 32 Prix des courses (art. 22 de la loi)

[ ]

Prix forfaitaires

5 Les prix forfaitaires au départ de l’Aéroport international de Genève à destination des zones prédéfinies et des zones prédéfinies à destination de l’Aéroport international de Genève sont les suivants :

a) zone contiguë à l’Aéroport international de Genève 25 fr.

b) zone organisations internationales 35 fr.

c) centre-ville / rive droite 50 fr.

d) centre-ville / rive gauche 60 fr.

[ ]

Chapitre VII Contrôle

Art. 49 Contrôles au moyen de données numériques

1 Les contrôles au moyen de données numériques, dont celles de géolocalisation, sont destinés à vérifier le respect des prescriptions :

a) visées à l’article 28 de la loi ainsi que les périodes d’attente, d’approche et de course des chauffeurs ;

b) en matière d’utilisation accrue du domaine public et d’accès aux zones restreintes à la circulation ;

c) visées aux articles 20, alinéa 3, 2e phrase, et 24 de la loi.

2 Sur demande du service, les entreprises de transport ou de diffusion de courses, respectivement les détentrices et détenteurs de voitures destinées au transport professionnel, sont tenus, dans les 10 jours, de livrer au service les données numériques requises ou de les rendre directement accessibles au service.

[ ]

Chapitre VIII Données personnelles

Art. 51 Traitement des données

[ ]

Données personnelles

3 La durée de conservation des données de géolocalisation collectées dans le cadre des contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement est de 6 mois, sous réserve de l’alinéa 4 du présent article.

4 En cas de contentieux, la durée de conservation des données de géolocalisation est déterminée par la durée de la procédure.

[ ]

Art. 52 Information et accès aux données de géolocalisation

1 Le service établit un rapport annuel qui renseigne notamment sur la finalité des données de géolocalisation traitées.

2 Le droit d’accès aux données collectées par le service est régi par la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001. Les chauffeurs ont un droit d’accès aux données les concernant.

[ ]

Chapitre X Dispositions finales et transitoires

Art. 56 Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le 1er novembre 2022.

 

Art. 57 Dispositions transitoires

Cartes professionnelles de chauffeur

1 Les cartes professionnelles de chauffeur en cours de validité délivrées sous l’égide de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, du 13 octobre 2016 (ci-après : ancien droit) conservent leur validité jusqu’au 1er janvier 2024.

Attribution des autorisations aux utilisatrices et utilisateurs effectifs

11 En application de l’article 13, alinéa 4 de la loi, le service peut, pendant le délai transitoire des 12 mois visé à l’article 46, alinéa 8, de la loi, délivrer jusqu’à 200 autorisations d’usage accru du domaine public supplémentaires aux utilisatrices et utilisateurs effectifs au sens de l’article 46, alinéa 13, de la loi.

[ ]

Annexe I

Logo officiel – voitures de taxis (art. 21, al. 1, lettre c, de la loi)

A. Charte graphique et de positionnement

Le logo officiel doit être imprimé en couleurs et placé sur les voitures de taxis selon la charte graphique et de positionnement publiée par le service sur le site Internet du canton de Genève.

B. Supports magnétiques

Les supports magnétiques doivent être garantis en stabilité pour une vitesse de 180 km/h à une température comprise entre -20° C et + 50° C.

[ ] »

7) Le RTVTC a été publié dans la FAO du 25 octobre 2022.

8) Par acte expédié le 24 novembre 2022, M. A______, les associations et la société ont saisi la chambre constitutionnelle d’un recours dirigé contre le RTVTC, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de l’art. 17 al. 5 à 7, de l’art. 27 al. 1, 4 et 5, de l’art. 28, de l’art. 31 al. 1, 2 et 4, de l’art. 32 al. 5, de l’art. 49, de l’art. 51 al. 3 et 4, de l’art. 52, de l’art. 56, de l’art. 57 al. 1 et 11 et de l’annexe I.

Les dispositions contestées étaient contraires à la liberté économique. En prévoyant un usage strictement personnel des AUADP, le RTVTC mettait brutalement un terme à un modèle d’affaires pratiqué depuis longtemps, ce qui risquait d’occasionner la faillite de plusieurs entreprises et ne permettrait plus aux chauffeurs, comme les « doubleurs » ou les travailleurs temporaires, d’exercer leur profession. La seule possibilité qui leur était offerte consistait à salarier les chauffeurs, alors même que la profession était indépendante par nature. L’unique intérêt public de voir les AUADP attribuées à un cercle plus large de détenteurs ne justifiait pas l’arrêt brutal d’un modèle d’affaires qui existait depuis longtemps, sous peine de provoquer des pertes financières considérables pour les entreprises et les chauffeurs de taxi.

Il en allait également ainsi de l’obligation d’usage effectif des AUADP, dont la durée moyenne imposée était trop importante car excluant les chauffeurs de taxi qui travaillaient moins de trente-deux heures par semaine, notamment pour s’occuper de leurs enfants, et ceux qui s’adonnaient à cette activité de manière temporaire ou irrégulière comme les étudiants. Ces chauffeurs seraient dès lors forcés d’augmenter leur taux d’activité, voire de cesser de travailler, ce qui empêchait le libre choix, le libre accès et le libre exercice de leur profession.

Tel était aussi le cas du fait de conditionner la délivrance et le maintien des AUADP à l’absence d’infractions graves et répétées dans les trois années précédant la demande, dès lors que ces infractions étaient définies de manière très vague et que les antécédents pris en compte l’étaient sans égard à leur gravité. Le RTVTC subordonnait ainsi la délivrance et le maintien des AUADP à un cadre mal défini, ouvrant la porte à une interprétation stricte de ses règles et rendant l’exercice de la profession très difficile, voire impossible. Les autres chauffeurs, notamment les VTC, soit les concurrents directs des taxis, n’étaient d’ailleurs pas soumis à de telles exigences.

La délivrance de deux cents AUADP supplémentaires pendant la période transitoire n’était pas non plus conforme à la liberté économique, puisqu’en portant leur nombre à mille trois cents, elle provoquerait non seulement une saturation de l’espace public et une dilution du nombre de courses, mais aussi une résiliation anticipée des baux relatifs aux AUADP.

Les exigences relatives à la limitation des émissions de CO2 ne tenaient pas compte du fait que de nombreux chauffeurs venaient d’acquérir des véhicules qu’ils ne pourraient bientôt plus utiliser et que les contrats de leasing conclus ne pouvaient être résiliés que moyennant d’importantes pénalités, et donc une perte économique importante. Certains types de véhicules utilisés, comme les « vans », n’avaient en outre pas d’équivalents sur le marché pour remplir les exigences environnementales requises.

Les véhicules de taxi étaient déjà obligatoirement équipés d’un tachygraphe et d’un compteur professionnel permettant le contrôle des heures de travail des chauffeurs, qui avaient l’obligation de fournir une quittance aux clients. L’installation, en sus, d’un outil de géolocalisation n’était ainsi pas nécessaire et engendrait des frais supplémentaires à la charge des chauffeurs. Cet outil avait également un impact sur la vie privée et professionnelle des clients, qui se voyaient ainsi géolocalisés, le RTVTC ne contenant aucune précision au sujet de l’information à leur fournir, qui serait alors à la charge des chauffeurs. Il en résultait dès lors aussi une atteinte à la sphère privée, non seulement des chauffeurs qui utilisaient leur véhicule à des fins privées mais aussi des clients.

L’obligation faite aux chauffeurs de taxis d’apposer un logo des deux côtés de leur véhicule, qui n’était pas applicable aux VTC, créait une inégalité de traitement entre concurrents et ne répondait à aucun intérêt public de visibilité, puisque la présence de la « bonbonne » et du numéro de plaque suffisait. Il en résultait également une perte financière pour les chauffeurs, au vu des dégâts engendrés sur les carrosseries par lesdits logos, qui ne pouvaient pas non plus être aisément retirés.

Enfin, l’obligation faite aux chauffeurs d’appliquer un prix forfaitaire pour des courses de l’aéroport vers des zones prédéfinies par le RTVTC portait atteinte à la liberté des taxis de fixer librement leur prix. Cette mesure ne permettait pas d’atteindre l’intérêt public de rendre les taxis accessibles car les prix forfaitaires ne tenaient pas compte du nombre de passagers ou de bagages et les clients risquaient de renoncer à prendre un taxi, au profit d’un VTC, au motif que les prix étaient excessifs. Un plafonnement des courses au départ ou à destination de l’aéroport serait plus adéquat et permettrait de mieux refléter le prix réel de la course, tout en évitant les abus. Les VTC n’étaient en outre pas soumis à la même obligation.

Le retrait de la carte professionnelle, qui constituait le seul moyen pour un chauffeur d’attester qu’il disposait des qualifications nécessaires pour exercer sa profession, portait atteinte aux droits acquis et violait les règles de la bonne foi.

Si elles devaient entrer immédiatement en vigueur, les dispositions litigieuses entraîneraient des pertes économiques majeures, menaçant leur modèle d’affaires et celui de nombreuses entreprises et chauffeurs, alors même que les chances de succès du recours étaient manifestes. L’intérêt privé des chauffeurs de taxi et des entreprises de taxi à ne pas subir de perte économique en attendant une décision dans le présent recours était ainsi plus fort qu’un prétendu intérêt public à l’application immédiate du règlement litigieux.

9) Le 20 décembre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif.

Étant donné qu’une partie des griefs émis dans la présente cause étaient les mêmes que ceux ayant conduit au refus de l’effet suspensif dans la cause n° A/1466/2022, ils devaient être rejetés pour les mêmes motifs.

Il n’existait aucun intérêt actuel et urgent à l’octroi de l’effet suspensif. Ainsi, l’obligation d’exploiter les AUADP pendant une durée hebdomadaire de trente-deux heures devait s’examiner sur une année et ne serait appliquée au plus tôt que le 1er novembre 2023. La limitation des émissions de CO2 des véhicules renvoyait à la LTVTC, qui ne pouvait être contesté dans le cadre du recours dirigé contre le RTVTC, étant précisé que les exigences en cause ne seraient applicables qu’à compter du 1er juillet 2024. La date de validité des cartes professionnelles avait été fixée au 1er janvier 2024 et était suffisamment lointaine pour dénier toute urgence. Par ailleurs, les obligations d’équiper les véhicules d’un système de géolocalisation et de saisir et conserver les données tenaient compte de l’évolution technologique et visaient à réglementer une pratique déjà mise en œuvre par les chauffeurs. L’interprétation faite par les recourants sur les prix forfaitaires ne pouvait pas non plus être suivie, puisque les prix ne pouvaient excéder le montant calculé par le compteur horokilométrique et qu’ils visaient à fixer un tarif maximal aux courses effectuées sur le territoire, si bien que la clientèle n’avait aucun intérêt à refuser l’application d’une telle limitation. La prise en compte des antécédents était en outre plus favorable que sous l’ancien droit et les deux cents AUADP avaient déjà été attribuées aux requérants qui remplissaient l’ensemble des conditions d’octroi.

Il n’existait aucun intérêt public et privé prépondérant à l’application des normes attaquées, celles relatives aux véhicules, aux prix forfaitaires et à la prise en compte des antécédents visant à offrir au public une garantie sur les prestations des chauffeurs, qui avait un intérêt immédiat à leur mise en œuvre. Les recourants n’indiquaient en outre pas en quoi leur intérêt à ne pas s’équiper d’un système de géolocalisation serait prépondérant. Les dispositions concernant les AUADP poursuivaient un intérêt public évident, notamment le fait d’assurer une rotation et une utilisation optimale des autorisations ainsi qu’à lutter contre leur commerce, tout comme l’attribution de deux cents AUADP supplémentaires pendant la période transitoire afin d’atténuer les effets du passage d’un régime de location d’autorisations à celui de l’interdiction d’une telle pratique. Une telle mesure ne lésait pas les intérêts des recourants, qui pouvaient continuer à louer leur AUADP au regard du nombre de personnes inscrites sur la liste d’attente.

À cela s’ajoutait que les chances de succès du recours n’étaient pas manifestes, au vu de la précédente décision sur effet suspensif rendue par la chambre administrative. De surcroît, les restrictions à la liberté économique alléguée étaient justifiées. Il en allait de même des griefs relatifs à la géolocalisation, y compris sous l’angle de la protection de la sphère privée, ce d’autant plus qu’il était impératif de réglementer la pratique actuellement mise en œuvre dans ce domaine. La prise en compte des antécédents dans le cadre des AUADP était plus favorable que sous l’ancien droit et suffisamment claire et précise, laissant au demeurant une marge d’appréciation suffisante pour une mise en œuvre conforme au droit supérieur. Comme sous l’ancien droit, le nombre d’AUADP en circulation avait été porté à mille trois cents de manière provisoire pour tenir compte du passage au nouveau régime, nombre qui serait de nouveau réduit à l’issue de la période transitoire. S’agissant enfin de l’exigence relative aux émissions de CO2, les recourants ne pouvaient formuler un grief qui avait pour but de contester une disposition prévue par la loi, ce qui était exorbitant au présent litige.

10) Par arrêt du 22 décembre 2022 (ACST/26/2022), la chambre constitutionnelle a rejeté le recours dans la cause n° A/1466/2022 interjeté par M. A______ et l’une des associations contre la LTVTC.

11) Le 12 janvier 2023, le Conseil d’État a complété ses observations dans le sens où le régime transitoire ne s’appliquait pas aux contrats de bail à loyer conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de la LTVTC. Ses précédentes observations devaient dès lors se comprendre dans le sens où, si les entreprises de transport souhaitaient mettre à disposition leurs AUADP, elles pouvaient le faire par le biais d’un contrat de travail, lequel pouvait notamment être conclu avec les chauffeurs inscrits sur la liste d’attente.

12) a. Le 18 janvier 2023, M. A______, les associations et la société ont persisté dans leur requête.

À la suite de la délivrance des deux cents AUADP supplémentaires prévues pendant le délai transitoire, de nombreux chauffeurs avaient mis un terme à leur contrat de bail à ferme, de nouveaux contrats de ce type ne pouvant désormais plus être conclus. Une telle situation les privait de tout délai transitoire pour mettre en place un système de salariat et modifier leur modèle d’affaires, ce qui les privait subitement de tout revenu. Ainsi, l’introduction des deux cents AUADP supplémentaires leur causait un préjudice économique immédiat, important et irréparable, tout en ayant pour effet de causer la saturation du domaine public et la réduction du chiffre d’affaires des chauffeurs. À défaut d’effet suspensif, ils devaient être autorisées à tout le moins à continuer à mettre à disposition leurs AUADP pendant le délai transitoire, conformément à la LTVTC. Ils persistaient dans leurs précédentes écritures pour le surplus.

 

b. Ils ont notamment produit :

- trois courriers résiliant les contrats de bail à ferme conclus avec G______ au 31 janvier 2023 ;

- un courriel du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) du 23 décembre 2022, selon lequel les dispositions transitoires de la LTVTC, en particulier l’art. 46 al. 8 LTVTC, exprimaient la volonté claire du Grand Conseil de mettre un terme à la pratique du bail à ferme, de sorte qu’aucun nouveau contrat de ce type ne pouvait être conclu à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et aucune modification, comme une augmentation du loyer, ne pouvait y être apportée.

13) Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif, ce dont les parties ont été informées.

 

Considérant, en droit, que :

1) L’examen de la recevabilité du recours est reporté à l’arrêt au fond, étant précisé qu’il n’apparaît pas prima facie que les conditions y relatives ne seraient pas réalisées.

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d’urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3) a. Selon l’art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, le recours n’a pas d’effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l’effet suspensif (al. 3). D’après l’exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en œuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l’absence d’effet suspensif automatique se justifie afin d’éviter que le dépôt d’un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l’effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11’311, p. 15).

b. Lorsque l’effet suspensif a été retiré ou n’est pas prévu par la loi, l’autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, qui varie selon la nature de l’affaire. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_246/2020 du 18 mai 2020 consid. 5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 145 I 73 consid. 7.2.3.2 ; 117 V 185 consid. 2b).

L’octroi de mesures provisionnelles – au nombre desquelles figure l’effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/20/2022 du 22 novembre 2022 consid. 3b).

En matière de contrôle abstrait des normes, l’octroi de l’effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) En l’espèce, le recours est dirigé contre plusieurs dispositions du RTVTC, à savoir un règlement du Conseil d’État, acte visé à l’art. 57 let. d LPA, et à l’encontre duquel le recours n’a pas d’effet suspensif (art. 66 al. 2 LPA). Il convient donc d’examiner s’il y a lieu de l’octroyer, ce qui, en matière de contrôle abstrait des normes, suppose généralement que les chances de succès du recours soient manifestes.

Il n’apparaît pas que tel soit le cas. Outre le fait que les recourants semblent contester indirectement la LTVTC pour plusieurs des dispositions du RTVTC, en particulier concernant les obligations relatives aux véhicules en matière de limitation d’émissions de CO2 et de géolocalisation, l’intransmissibilité des AUADP, l’exigence d’absence d’infraction grave et répétée ou encore l’application d’un prix forfaitaire, ce qu’ils ne sont pas habilités à faire dans le cadre du présent recours dirigé contre le règlement précité, leurs griefs ne paraissent, à première vue, pas non plus fondés. Ainsi, l’apposition de logos sur la carrosserie des titulaires d’AUADP, la limitation de la durée de validité de la carte professionnelle et la géolocalisation des véhicules, laquelle ne concerne au demeurant pas les clients directement, ne semblent pas restreindre la liberté économique des chauffeurs ou entreprises de taxis et les ingérences alléguées à cette liberté du fait des autres mesures paraissent à première vue reposer sur une base légale formelle, poursuivre des buts d’intérêt public admissibles, tels que rappelés à l’art. 1 LTVTC, et être conformes au principe de la proportionnalité, sous ses trois aspects. Il en va en particulier ainsi de la réglementation de la transmissibilité des AUADP, qui semble à première vue devoir permettre une meilleure rotation de celles-ci et lutter contre leur commerce (arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2020 du 20 novembre 2020 consid. 7.4.1), tout comme les dispositions transitoires y relatives, qui paraissent au demeurant se fonder sur l’art. 46 al. 8 et 13 LTVTC ; ces mesures ne semblent a priori pas non plus être inaptes à atteindre ces buts, lesquels ne pourraient, prima facie, être atteints d’une autre manière au regard de la situation sous l’empire de l’ancien droit, qui a conduit à la pratique actuelle des baux à ferme et de la location de plaques et n’a pas pu être résorbée depuis lors, malgré les mesures prises dans ce sens. Enfin, il ne paraît pas évident que les intérêts des titulaires d’une AUADP seraient gravement compromis, au vu de la possibilité qui leur est laissée de faire bénéficier des chauffeurs de leur autorisation d’une autre manière, notamment en les salariant ou en étendant leur activité en proposant des services de VTC.

Toujours à première vue, une inégalité de traitement entre concurrents, en l’occurrence d’une part les titulaires d’une AUADP et d’autre part les chauffeurs proposant des services de VTC, ne semble pas non plus réalisée. Malgré l’activité analogue de ces deux types de transporteurs professionnels de personnes, ils n’en sont pas moins, à teneur de la LTVTC, comme sous l’ancien droit, soumis à des régimes juridiques distincts, aux termes duquel seuls les chauffeurs de taxi, dont le nombre est limité, jouissent de l’usage accru du domaine public accordé par l’AUADP, étant précisé que tous les titulaires d’une telle autorisation apparaissent soumis aux mêmes règles, les recourants n’alléguant au demeurant pas le contraire.

À cela s’ajoute qu’une violation du principe de la bonne foi n’apparaît pas non plus manifestement réalisée, au vu des délais transitoires prévus par la LTVTC permettant aux intéressés de s’adapter, pas plus que l’existence de droits acquis.

Dans ce cadre, les recourants soutiennent que lesdites dispositions transitoires leur causeraient un dommage irréparable, étant donné que la délivrance de deux cents AUADP supplémentaires, prévue à 57 al. 11 RTVTC, aurait conduit de nombreux chauffeurs à résilier leurs baux à ferme et leurs contrats de location de plaques, selon les documents qu’ils ont produits. Outre le fait que lesdites AUADP supplémentaires paraissent avoir été attribuées, selon les indications de l’autorité intimée, ce qui pose la question de l’intérêt actuel des recourants à requérir l’effet suspensif de la disposition susmentionnée, leur préjudice reste relatif, étant donné la possibilité leur étant laissée, d’une part, de continuer à louer les AUADP remises en location sous l’ancien droit, en application de l’art. 46 al. 8 LTVTC, et, d’autre part, selon le nouveau droit, d’utiliser les autres en employant des chauffeurs. En demandant, sous peine de subir un dommage irréparable, à pouvoir continuer à mettre à disposition leurs AUADP pendant le délai transitoire, à savoir la possibilité de conclure de nouveaux contrats de location portant sur lesdites AUADP, les recourants critiquent en réalité l’application, par le PCTN, de l’art. 46 al. 8 LTVC, problématique exorbitante au présent litige. L’on ne saurait, a priori, pas non plus considérer que l’urgence commanderait de faire droit à la requête des recourants.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger au principe voulu par le législateur d’absence d’effet suspensif dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, ce qui conduit au rejet de la demande d’octroi de l’effet suspensif au recours.

5) Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt à rendre au fond.

 

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente procédure dans l’arrêt au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Garance Stackelberg, avocate des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.


Le président :

 

Jean-Marc Verniory

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :