Aller au contenu principal

Décisions | Chambre Constitutionnelle

1 resultats
A/243/2022

ACST/4/2022 du 15.03.2022 ( ABST ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/243/2022-ABST ACST/4/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 15 mars 2022

sur effet suspensif

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Dina Bazarbachi, avocate

contre

GRAND CONSEIL

 


Attendu, en fait, que :

1) Madame A______, de nationalité B______ et appartenant à la communauté C______, se rend périodiquement à Genève, où elle vient mendier.

2) Le 30 novembre 2007, le Grand Conseil a adopté la loi 10'106 modifiant la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05 ; mendicité), entrée en vigueur le 29 janvier 2008, dont l’art. 11A punissait de l’amende celui qui s’adonnait à la mendicité.

3) Par arrêt du 9 mai 2008 (ATF 134 I 214), le Tribunal fédéral a rejeté un recours interjeté à l’encontre de l’art. 11A aLPG.

4) À compter de 2011, plusieurs amendes ont été infligées à des personnes s’adonnant à la mendicité en application de l’art. 11A aLPG, auxquelles des oppositions ont été formées. Ces amendes ont été confirmées par les juridictions pénales genevoises compétentes, puis par le Tribunal fédéral, lequel a considéré que l’interdiction de mendier n’emportait pas de violation des droits fondamentaux des intéressés, en particulier au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

5) Saisie d’une requête n° 1______ déposée en mars 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH) a, par arrêt du 19 janvier 2021 dans la cause A______ contre Suisse, constaté une violation de l’art. 8 CEDH et condamné la Suisse à verser à la requérante un montant de EUR 922.- à titre de dommage moral.

En interdisant la mendicité de manière générale et en infligeant à la requérante une amende, assortie d’une peine d’emprisonnement pour non-exécution de la peine prononcée, les autorités suisses l’avaient empêchée de prendre contact avec d’autres personnes afin d’obtenir une aide, ce qui relevait de l’essence même des droits protégés par l’art. 8 CEDH.

Il n’était pas exclu que certaines formes de mendicité, en particulier ses formes agressives, puissent déranger les passants, les résidents et les propriétaires des commerces. L’argument tiré de la lutte contre le phénomène de l’exploitation des personnes, en particulier des enfants, était également valable, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de déterminer si la mesure poursuivait d’autres buts légitimes.

L’interdiction générale de la mendicité était une mesure radicale exigeant une justification solide et un contrôle particulièrement sérieux pour les tribunaux autorisés à opérer une pesée des intérêts pertinents en jeu. S’agissant de l’intérêt privé, il n’y avait pas lieu de douter que la mendicité constituait pour la requérante un moyen de survie et, se trouvant dans une situation de vulnérabilité manifeste, elle avait le droit, inhérent à la dignité humaine, de pouvoir exprimer sa détresse de cette manière. La requérante, condamnée à une amende CHF 500.- dont elle n’avait pu s’acquitter, avait purgé une peine privative de liberté de cinq jours, à savoir une sanction grave eu égard à sa situation précaire et vulnérable, prononcée de manière presque automatique. Une telle mesure ne pouvait se justifier par de solides motifs d’intérêts publics, puisqu’il était douteux que la pénalisation des victimes des réseaux de mendicité soit efficace contre ce phénomène, eu égard à leur grande vulnérabilité. S’agissant de l’intérêt public des autorités à imposer la mesure litigieuse pour la protection des droits des passants, résidents ou propriétaires des commerces, il n’apparaissait pas que la requérante ne se soit livrée à des formes de mendicité agressives ou intrusives. En tout état de cause, la motivation selon laquelle la pauvreté devait être rendue moins visible dans une ville pour attirer des investissements n’était pas légitime au regard de la CEDH. La loi genevoise applicable ne permettait pas une véritable mise en balance des intérêts en jeu et sanctionnait la mendicité de manière générale, indépendamment de l’auteur, de l’activité poursuivie et de sa vulnérabilité éventuelle, de la nature de la mendicité ou de sa forme agressive ou inoffensive, du lieu où elle était pratiquée ou de l’appartenance ou non de l’accusé à un réseau criminel.

Par conséquent, la sanction infligée à la requérante ne constituait une mesure proportionnée ni au but de la lutte contre la criminalité organisée, ni à celui visant la protection des droits des passants, résidents et propriétaires de commerces. La mesure par laquelle la requérante, qui était une personne extrêmement vulnérable, avait été punie pour ses actes dans une situation où elle n’avait très vraisemblablement pas d’autres moyens de subsistance et, dès lors, pas d’autres choix que la mendicité pour survivre, avait atteint sa dignité humaine et l’essence même des droits protégés par l’art. 8 CEDH.

Il n’y avait toutefois pas lieu d’examiner les autres griefs soulevés par l’intéressée en lien avec les art. 10 et 14 CEDH, au regard de la violation de l’art. 8 CEDH constatée et de l’absence de question distincte soulevée par ces autres dispositions.

6) À la suite de cet arrêt, l’application de l’art. 11A aLPG a été suspendue par le Procureur général.

7) Le 19 janvier 2021, plusieurs députés ont déposé au Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL) 12'862 modifiant la LPG intitulé « pour mettre un terme à la criminalisation de la mendicité et amnistier les victimes de cette disposition », qui visait à l’abrogation de l’art. 11A aLPG, à l’amnistie de toutes les sanctions ordonnées en application de cet article, à la rétrocession des amendes et frais perçus et à l’octroi d’une indemnité en faveur des personnes mises en détention de ce chef d’infraction.

8) Le 1er mars 2021, plusieurs autres députés ont déposé au Grand Conseil un PL 12'881 modifiant la LPG intitulé « adaptation de l’interdit pénal de la mendicité en suite de l’arrêt de la CourEDH du 19 janvier 2021 », visant à punir de l’amende la mendicité sous différentes formes et en plusieurs lieux.

Selon l’exposé des motifs y relatif, il convenait d’adapter la législation cantonale en matière de mendicité, tout en tenant compte de l’arrêt de la CourEDH, dont il ressortait d’une part qu’une interdiction généralisée de la mendicité était excessive et d’autre part que l’acte de mendicité ne pouvait être réprimé par une peine privative de liberté de substitution au motif que l’auteur n’avait pas payé l’amende à laquelle il avait été condamné de ce chef. Il était ainsi admissible de restreindre la pratique de la mendicité dans l’espace et d’interdire en tant que telle la mendicité organisée, en particulier lorsqu’elle était exercée en manipulant des personnes mineures ou dépendantes, ce qui constituait une forme reconnue de traite des êtres humains.

9) Lors de ses séances des 4 et 5 mars 2021, le Grand Conseil a renvoyé sans débat les PL 12'862 et 12'881 à la commission judiciaire et de la police (ci-après : la commission).

10) Les 16 et 23 novembre 2021, la commission a rendu son rapport concernant respectivement les PL 12'862 et 12'881.

a. Au cours de ses travaux, la commission a procédé à l’audition de plusieurs personnes, associations et autorités au sujet de la problématique de la mendicité et de ses effets à Genève.

Selon les professeurs de droit public et de droit pénal de l’Université de Genève entendus, la répression des formes agressives de la mendicité était conforme à la jurisprudence de la CourEDH, tout comme l’énumération d’un certain nombre de lieux dans lesquels la mendicité ne pouvait pas être pratiquée, pour autant que ladite énumération ne soit pas interprétée comme interdisant de facto la mendicité de manière générale. Il était toutefois délicat de délimiter de manière chiffrée le périmètre dans lequel la mendicité était interdite et une indication comme « aux abords immédiats » était préférable. Bien que la Suisse se soit dotée de règles pour combattre la traite des êtres humains, il n’était pas certain que le chef de clan qui ordonnait à des personnes d’aller mendier puisse être qualifié d’auteur d’une infraction de traite. La LPG visait à appréhender, au niveau local et par le biais de l’amende, des phénomènes qui, d’une manière générale, remettaient en cause l’ordre public dans son sens le plus large, comme la tranquillité et la sécurité publiques. L’idée était d’éviter que des personnes majeures exploitent un mineur ou une personne dépendante afin d’augmenter leur chiffre d’affaires. La situation d’une famille qui se trouvait dans la détresse et qui n’avait pas la possibilité de confier ses enfants à autrui pendant la mendicité était toutefois différente et ne permettait pas de fonder la punissabilité.

Selon les représentants de la Ville D______ (ci-après : la ville), la police municipale avait constaté une recrudescence de la mendicité sur le territoire genevois depuis la suspension de l’application de l’art. 11A aLPG et recevait un grand nombre de doléances à ce sujet. Le fait de chiffrer une distance où la mendicité ne pouvait s’exercer était difficile à évaluer dans la pratique par les agents. Par ailleurs, lorsque ceux-ci constataient la présence de mendiants mineurs, une procédure de protection de l’enfant était initiée.

Les représentants de la police ont indiqué que les enquêtes effectuées pour comprendre la manière par laquelle s’opérait la mendicité avaient mis en évidence une organisation clanique et pyramidale, regroupant des personnes d’une même famille ou d’un même village, qui dirigeait des réseaux de mendiants. Un chef était à leur tête, lequel envoyait les membres du clan mendier, souvent des femmes et parfois des mineurs, et récoltait ensuite le fruit de leur activité. Dans certains cas, des situations de quasi-esclavage avaient été identifiées, notamment celle d’un jeune homme loué par son père resté en B______ à des gens de son village qui l’avaient exploité pendant deux mois à Genève. La mendicité ne servait ainsi pas aux personnes dans la nécessité mais remontait vers le chef du clan. La plupart des mendiants vivaient de l’assistance sociale à Genève : ils mangeaient dans des infrastructures d’accueil et dormaient sur l’espace public, sous des ponts. Il n’avait pas été constaté une population nouvelle depuis le début de la pandémie de COVID-19, ni d’augmentation de la mendicité liée à une précarité due à la situation sanitaire, mais plutôt une augmentation du nombre de personnes demandant l’aide sociale.

Les représentants des associations de marchands et de brocanteurs ont expliqué avoir constaté une dégradation de la situation à la suite de l’arrêt de la CourEDH, les mendiants venant depuis lors en nombre sur les marchés. Ils se montraient alors plus agressifs et présents que par le passé, ce qui avait pour effet de susciter de nombreuses plaintes de clients, en particulier à E______.

Les représentants des associations des commerçants de Genève ont expliqué que les clients de leurs membres n’appréciaient que peu les sollicitations des mendiants, dont la présence avait un impact sur la consommation, sous la forme d’une perte de clientèle, alors même que la pandémie avait déjà eu des conséquences néfastes sur la branche.

b. Lors des discussions, il a été proposé de supprimer une distance métrique au profit des termes « aux abords de », qui permettaient d’évoluer selon le type d’installation visé. Selon certains commissaires, cette notion semblait trop floue car elle comportait un élément subjectif rendant difficile l’application de la loi. Bien que non retenue, la mention d’une distance de 5 m était dans ce cadre plus adaptée, à l’instar de ce que prévoyait la législation du canton de Bâle-Ville.

11) Les PL 12'862 et 12'881 ont été portés à l’ordre du jour de la séance du Grand Conseil du 10 décembre 2021, à l’issue de laquelle le premier a été rejeté et le deuxième adopté en troisième débat. La loi 12'881 ainsi adoptée a la teneur suivante :

« Art. 1 Modification

La loi pénale genevoise, du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), est modifiée comme suit :

 

Art. 11A Mendicité (nouvelle teneur)

Sera puni de l’amende :

a) quiconque aura mendié en faisant partie d’un réseau organisé dans ce but ;

b) quiconque aura mendié en adoptant un comportement de nature à importuner le public, notamment en utilisant des méthodes envahissantes, trompeuses ou agressives ;

c) quiconque aura mendié :

1° dans une rue, un quartier ou une zone ayant une vocation commerciale ou touristique prioritaire ; le Conseil d’État établit et publie la liste des lieux concernés,

2° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques,

3° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation médicale, notamment les hôpitaux, établissements médico-sociaux et cliniques,

4° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation culturelle, notamment les musées, théâtres, salles de spectacle et cinémas,

5° aux abords immédiats des banques, bureaux de poste, distributeurs automatiques d’argent et caisses de parking,

6° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation éducative, notamment les crèches, écoles, cycles d’orientation et collèges,

7° à l’intérieur et aux abords immédiats des entrées et sorties des marchés, parcs, jardins publics et cimetières,

8° à l’intérieur et aux abords immédiats des entrées et sorties des gares, ports et aéroports,

9° à l’intérieur des transports publics,

10° aux abords immédiats des arrêts de transport public et des amarrages de bateaux, de même que sur les quais ferroviaires,

11° aux abords immédiats des lieux cultuels.

2 Quiconque aura mendié en étant accompagné d’une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes, ou qui aura organisé la mendicité d’autrui, notamment en lui assignant un emplacement, en lui imposant un horaire ou en mettant à sa disposition un moyen de transport, sera puni d’une amende de 2'000 francs au moins.

 

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle ».

12) La loi 12'881 a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 17 décembre 2021, le délai référendaire expirant le 7 février 2022.

13) a. Par acte du 24 janvier 2022, Mme A______ a interjeté un recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l’arrêté de publication de la loi 12'881, concluant, préalablement, à l’octroi de l’effet suspensif au recours et, principalement, à l’annulation de l’art. 11A LPG, tel que modifié par ladite loi.

Puisqu’elle s’adonnait à la mendicité à Genève avec sa famille, elle risquait de se voir infliger une amende qu’elle ne pourrait pas payer en raison de son extrême dénuement, si bien que cette sanction serait convertie en peine privative de liberté. Le risque concret de subir une condamnation pénale l’emportait ainsi sur l’intérêt public au maintien de la disposition contestée, qui poursuivait le même but que l’art. 11A aLPG et dont l’application avait été suspendue pendant de nombreux mois.

Sur le fond, l’art. 11A LPG était contraire à l’arrêt de la CourEDH, dont il découlait qu’aucun intérêt public ne justifiait de pénaliser par une sanction aussi grave qu’une amende, en tant qu’elle était automatiquement convertie en peine privative de liberté en cas de non-paiement, une personne vulnérable, dépourvue de moyens de subsistance, et qui s’adonnait à la mendicité pour y remédier.

Il n’était pas non plus conforme aux engagements de la Suisse pris dans le cadre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (CTEH - RS 0.311.543), ainsi qu’au principe de la primauté du droit fédéral, puisque l’art. 11A al. 1 let. a LPG entravait l’application de l’art. 182 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) en punissant les victimes. De plus, en adoptant l’art. 11A al. 2 in fine LPG, le législateur cantonal avait légiféré en matière de traite des êtres humains, alors qu’un tel comportement était appréhendé de manière exhaustive par le CP. C’était également sans droit que le tarif de l’amende avait été arrêté à CHF 2'000.-, de manière à empiéter sur les prérogatives du juge, qui devait examiner la situation personnelle de l’auteur avant le prononcé d’une amende, indépendamment du degré de gravité de l’infraction commise, en application de l’art. 106 al. 3 CP.

Prise dans sa globalité, la disposition litigieuse violait la liberté personnelle en tant qu’elle interdisait la mendicité. En raison de son manque de précision, elle ne pouvait constituer une base légale formelle, en particulier lorsqu’elle traitait de « comportement de nature à importuner le public », termes subjectifs insuffisamment précis et sujets à interprétation. Il en allait de même de la mise à « disposition d’un moyen de transport » mentionné à l’art. 11A al. 2 LPG, ce qui générait une insécurité juridique. Le fait de mendier ne créait pas non plus de trouble à l’ordre public, le législateur n’ayant pas même examiné si la lutte contre les réseaux criminels organisés pouvait être effectuée d’une autre manière, par exemple en application de l’art. 182 CP, pas plus qu’il n’avait cherché à examiner si les réseaux évoqués en commission existaient et s’ils avaient le cas échéant été démantelés. L’art. 11A LPG emportait également une violation du principe de proportionnalité, la criminalisation des mendiants n’étant pas un moyen de lutte efficace contre les réseaux organisés. Le Grand Conseil n’avait pas davantage examiné si l’ordre public, à savoir la protection des commerçants et des passants, pouvait être sauvegardé par d’autres moyens qu’une interdiction conduisant à une condamnation pénale, par exemple par la mise en place de mesures d’encadrement, de discussions avec les acteurs étatiques et sociaux ou d’accès à des prestations sociales. En outre, il ressortait de la lecture de l’art. 11A al. 1 let. c LPG que la mendicité ne serait autorisée que dans les zones agricoles ou industrielles, à savoir des endroits sans passants, ce qui revenait à une interdiction généralisée de la mendicité. À cela s’ajoutait qu’une telle interdiction consacrait un traitement discriminatoire, en visant à sanctionner des personnes uniquement en raison de leur pauvreté.

Pour les mêmes raisons, la liberté d’expression était également violée par l’art. 11A LPG, puisque lorsqu’une personne s’adonnait à la mendicité, elle exprimait sa détresse en la communiquant de manière verbale ou non verbale.

b. Elle a produit un chargé de pièces comportant notamment :

- une procuration signée le 17 janvier 2022 donnant pouvoirs à son conseil de la représenter et l’assister dans le cadre d’un recours dirigé contre l’art. 11A LPG ;

- plusieurs jugements du Tribunal de police rendus en 2012, 2016, 2018 et 2019 la reconnaissant coupable de mendicité ;

- et un article paru dans le journal Le Temps le 13 décembre 2021 intitulé « En persistant à interdire la mendicité à Genève, la droite crée une usine à gaz ».

14) Le 25 janvier 2022, la chambre constitutionnelle a accordé au Grand Conseil un délai au 8 février 2022, prolongé au 22 février 2022, pour répondre sur la demande d’effet suspensif au recours.

15) La loi 12'881 n’ayant fait l’objet d’aucune demande de référendum, le Conseil d’État l’a promulguée par arrêté du 9 février 2022, publié dans la FAO du 11 février 2022, pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de ladite publication, à savoir le 12 février 2022.

16) Également par arrêté du 9 février 2022, publié dans la FAO du 11 février 2022, le Conseil d’État a fixé la liste des lieux à vocation commerciale ou touristique prioritaire visés à l’art. 11A al. 1 let. c ch. 1 LPG. Il s’agissait de ceux se situant à l’intérieur du périmètre terrestre défini entre et comprenant le Quai Wilson au niveau du Parc Mon Repos, le Quai du Mont-Blanc, le Pont du Mont-Blanc, le Quai du Général-Guisan du Pont du Mont-Blanc au Quai Gustave-Ador, le Quai Gustave-Ador jusqu’à et y compris Baby-Plage. Un plan comportant ladite zone du « U-lacustre » était annexé à l’arrêté.

17) Par courrier du 10 février 2022, Mme A______ a saisi la chambre constitutionnelle d’une demande de mesures superprovisionnelles urgentes, afin que l’effet suspensif au recours soit immédiatement accordé. La privation de liberté des personnes s’adonnant à la mendicité en flagrant délit de contravention, en application des art. 217 al. 3 et 219 al. 5 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), pouvait être ordonnée du fait de l’entrée en vigueur de la novelle, ce qui constituerait un dommage difficilement réparable pour celles s’adonnant à la mendicité.

18) Par décision du 11 février 2022, la présidence de la chambre constitutionnelle a partiellement fait droit à la requête de mesures superprovisionnelles de Mme A______ et interdit, à titre superprovisionnel, uniquement l’arrestation provisoire et la conduite au poste de personnes soupçonnées ou prévenues de mendicité selon l’art. 11A LPG, et ce jusqu’à droit jugé sur l’effet suspensif au recours. Elle a en outre réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

19) Le 18 février 2022, Mme A______ a saisi la chambre constitutionnelle d’un nouveau recours contre l’arrêté de promulgation de la loi 12'881, aux conclusions identiques à son recours du 24 janvier 2022.

Elle reprenait également les mêmes griefs, ajoutant que la loi litigieuse n’était pas suffisamment précise, exigence découlant du principe de la légalité, ce qui la rendait inapplicable. En effet, la formulation de l’art. 11A LPG était vague au point de ne pas permettre aux citoyens de la comprendre et, par conséquent, de s’y conformer. Il n’était ainsi pas possible de savoir ce qu’il fallait comprendre par « réseau organisé », « comportement de nature à importuner le public », « abords immédiats », « mettre à disposition un moyen de transport », « personnes dépendantes » ou encore « avoir organisé la mendicité d’autrui ». De plus, on laissait au Conseil d’État le soin d’établir par simple publication une liste des lieux concernant « une rue, un quartier ou une zone ayant une vocation commerciale ou touristique prioritaire », l’art. 11A al. 1 let. c ch. 1 LPG lui permettait d’interdire de manière générale la mendicité sur l’ensemble du territoire genevois. Par conséquent, l’art. 11A LPG ne permettait pas de discerner où la mendicité serait autorisée et surtout comment la pratiquer.

20) a. Le 21 février 2022, le Grand Conseil a conclu principalement à l’irrecevabilité de la demande d’effet suspensif, subsidiairement à son rejet, ainsi qu’au retrait, avec effet immédiat, des mesures superprovisionnelles ordonnées le 11 février 2022.

Sous l’angle de l’effet suspensif, Mme A______ n’avait pas démontré qu’elle séjournait légalement en Suisse, de sorte qu’elle n’était pas légitimée à solliciter l’octroi d’une mesure provisionnelle qui déployait ses effets uniquement sur le territoire du canton de Genève.

En tout état de cause, une telle demande était infondée, en présence d’un intérêt public à réglementer la mendicité en vue de contenir les risques pouvant en résulter pour l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics, que l’État avait le devoir d’assurer, ainsi que le but de protection notamment des enfants et de lutte contre l’exploitation humaine, comme le retenait tant le Tribunal fédéral que la CourEDH. L’adoption de l’art. 11A LPG répondait d’ailleurs à de telles préoccupations, mises en évidence par les auditions menées par la commission. La majorité des députés avait considéré qu’il était urgent de combler une lacune juridique à la suite de l’arrêt de la CourEDH, étant précisé que la précédente loi en vigueur, plus restrictive, avait été acceptée par les citoyens genevois, si bien qu’une réglementation de la mendicité répondait aussi à une volonté populaire.

L’intérêt privé de Mme A______ était fondé d’une part sur la prémisse qu’elle n’avait pas d’autre choix que de s’adonner à la mendicité pour subvenir à ses besoins vitaux, alors qu’elle pouvait prétendre à une aide financière exceptionnelle selon la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et entamer des démarches à cette fin avec l’aide de son conseil. D’autre part, il pouvait être attendu de Mme A______ qu’elle se conforme à l’art. 11A LPG en vigueur, qui n’interdisait pas la mendicité mais la proscrivait seulement en certains lieux, soit dans la zone commerciale ou à vocation touristique prioritaire, et sous certaines formes qualifiées.

Les chances du recours n’apparaissaient pas non plus manifestes, les professeurs de droit entendus devant la commission ayant confirmé que les règles envisagées étaient en principe acceptables et légitimes. En particulier, la possibilité de convertir une amende en peine privative de liberté n’était, en tant que telle, pas contraire à la CEDH, sauf dans un cas concret visant une personne vulnérable. En application de l’art. 106 al. 2 CP, la conversion d’une amende en peine privative de liberté supposait une absence fautive de paiement, si bien que le juge pouvait, dans un cas concret, y renoncer. De plus, puisque la commission d’un acte punissable dans un état de nécessité n’était pas illicite, aucune sanction n’était infligée lorsque la personne qui recourait à la mendicité se trouvait sous l’emprise d’un réseau criminel.

b. Il a produit un chargé de pièces comportant notamment un article de l’édition du 9 février 2022 du GHI intitulé « Vols et mendicité sur le marché de Plainpalais ».

21) Le 21 février 2022 également, la chambre constitutionnelle a transmis la réponse sur effet suspensif du Grand Conseil à Mme A______, lui accordant un délai au 8 mars 2022 pour lui faire part de ses éventuelles observations.

22) a. Dans ses observations sur effet suspensif du 8 mars 2022, Mme A______ a persisté dans ses précédentes écritures.

Le recours ayant été déposé une nouvelle fois, à la suite de la promulgation de l’art. 11A LPG, il n’était pas irrecevable. Elle disposait aussi de la qualité pour recourir, n’ayant pas failli à son devoir de collaboration puisque rien ne lui avait été demandé à ce jour. En particulier, l’art. 11A LPG ne s’appliquait pas uniquement aux personnes qui séjournaient légalement en Suisse, étant précisé qu’en tant que ressortissante d’un État membre de l’Union européenne, sa présence à Genève était fondée. En tout état de cause, elle avait signé une procuration en faveur de son conseil, de manière à démontrer sa présence à Genève lors du dépôt du recours, et produit de nombreuses condamnations en application de l’art. 11A aLPG, ce qui montrait qu’elle s’adonnait à la mendicité dans le canton.

La seule question qui se posait était ainsi celle de savoir si son intérêt privé à ne pas voir la loi être exécutée immédiatement était à protéger, ce qui était le cas. Pour subvenir à ses besoins, une aide unique, comme celle de l’Hospice général (ci-après : l’hospice), n’était pas suffisante. Il ne pouvait pas non plus être attendu de sa part qu’elle se conforme à la disposition litigieuse, dont elle ne comprenait pas le sens au regard de sa formulation. Un courrier dans ce sens avait du reste été adressé au Conseil d’État, lequel n’y avait pas répondu, au vu de la difficulté de l’exercice. Par ailleurs, l’art. 106 al. 2 CP, déjà en vigueur sous l’empire de l’art. 11A aLPG, n’avait jamais été appliqué aux cas des mendiants, lesquels ne bénéficiaient dès lors pas de l’exemption de peine qu’il prévoyait. À supposer que cette disposition soit appliquée à l’art. 11A LPG, une pénalisation de la mendicité s’avérerait du reste inutile. Elle disposait par conséquent d’un intérêt privé prépondérant à voir la loi litigieuse suspendue dans son entier, dans la mesure où celle-ci était susceptible d’entraîner une privation de liberté.

b. Elle a produit :

- un courrier de l’association F______ du 21 février 2022 demandant au Conseil d’État de lui communiquer un plan des rues, quartiers et zones non concernés par l’art. 11A LPG pour en comprendre la portée et d’éviter aux mendiants de s’exposer à des sanctions ;

- et un courriel de l’hospice du 20 mars 2013 répondant à des questions en lien avec l’aide financière accordée aux personnes de passage, dont il ressortait que ladite aide requérait une annonce auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) et une attestation autorisant le séjour durant l’examen de la demande. Cette aide était accordée au bénéficiaire, pour autant que les conditions en soient remplies. S’agissant en particulier des C______, ceux-ci ne s’annonçaient pas auprès de l’OCPM, si bien qu’aucune aide financière exceptionnelle ne leur était accordée.

23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) La recevabilité du recours sera examinée dans l’arrêt au fond, étant précisé que la recourante a déposé un nouveau recours en date du 18 février 2022, à la suite de la publication dans la FAO du 11 février 2022 de l’arrêté du 9 février 2022 de promulgation de la loi 12'881, conformément aux art. 57 let. d et 62 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), recours intégré au précédent du 24 janvier 2022. Par ailleurs, il n’est pas contesté que la recourante s’adonne à la mendicité, ayant à plusieurs reprises été condamnée de ce chef en application de l’art. 11A aLPG. Rien ne permet de retenir qu’elle aurait renoncé à une telle pratique à la suite de l’adoption et de l’entrée en vigueur de l’art. 11A LPG, qui appréhende le fait de mendier de différentes manières et en divers lieux, indépendamment du statut en Suisse de la personne concernée. La recourante paraît ainsi à tout le moins disposer d’un intérêt virtuel (ATF 147 I 478 consid. 2.2) permettant à première vue de lui reconnaître la qualité pour agir, y compris sur effet suspensif.

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d’urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 LPA).

3) a. Selon l’art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, le recours n’a pas d’effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l’effet suspensif (al. 3). D’après l’exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en œuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l’absence d’effet suspensif automatique se justifie afin d’éviter que le dépôt d’un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l’effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11311, p. 15).

b. Lorsque l’effet suspensif a été retiré ou n’est pas prévu par la loi, l’autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, qui varie selon la nature de l’affaire. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_246/2020 du 18 mai 2020 consid. 5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 145 I 73 consid. 7.2.3.2 ; 117 V 185 consid. 2b).

L’octroi de mesures provisionnelles – au nombre desquelles figure l’effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER / Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER / Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/28/2021 du 23 juin 2021 consid. 3b).

En matière de contrôle abstrait des normes, l’octroi de l’effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER / Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) En l’espèce, le recours est dirigé contre l’art. 11A LPG, à savoir une disposition d’une loi cantonale, acte visé à l’art. 57 let. d LPA, et à l’encontre duquel le recours n’a pas d’effet suspensif (art. 66 al. 2 LPA). Il convient donc d’examiner s’il y a lieu de l’octroyer, ce qui, en matière de contrôle abstrait des normes, suppose généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes.

Si le droit de s’adresser à autrui pour obtenir de l’aide doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par l’art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 134 I 214 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 4.1) et relevant du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 par. 1 CEDH, en particulier le droit à l’autodétermination, notamment au libre choix du mode de vie (arrêt de la CourEDH A______ c/ Suisse précité § 52 ss), il n’en va, a priori, pas de même s’agissant des libertés d’opinion et d’expression garanties par les art. 16 Cst. et 10 CEDH. En effet, le Tribunal fédéral a déjà jugé que le comportement consistant à demander de l’argent aux passants en leur tendant un gobelet ne comportait aucune dimension symbolique, ni aucun message, le but de la mendicité n’étant pas d’exprimer un besoin mais plutôt d’en obtenir la satisfaction par le biais d’un don, généralement sous la forme d’une prestation en argent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 précité consid. 6.2).

À première vue, il ne paraît pas non plus évident que la disposition litigieuse, qui sanctionne d’une amende certaines manières de se livrer à la mendicité et en certains lieux, revenant ainsi à l’interdire en conséquence, emporterait une restriction injustifiée aux droits garantis par l’art. 10 al. 2 Cst. et à ceux de l’art. 8 par. 1 CEDH, tel qu’interprété par la CourEDH. L’activité prohibée repose sur une loi au sens formel (art. 36 al. 1 Cst.), à savoir l’art. 11A LPG, qui contient une énumération des comportements appréhendés et des lieux dans lesquels elle est interdite, si bien que ledit article ne paraît pas manifestement insuffisamment défini et circonscrit au regard des exigences relevant du principe de la légalité, en particulier en droit pénal (art. 1 CP ; art. 7 par. 1 CEDH). Sur la base d’un examen sommaire, l’art. 11A LPG paraît en outre poursuivre un intérêt public (art. 36 al. 2 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 précité consid. 4.3.2 ; arrêt de la CourEDH A______ c/ Suisse précité § 95 ss) et il ne paraît en l’état pas établi qu’il serait contraire au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). En effet, contrairement aux affirmations de la recourante, il ne paraît pas manifeste que l’art. 11A al. 1 let. c LPG interdirait la mendicité de manière générale en ville, notamment au vu de la délimitation du périmètre du « U-lacustre » par le Conseil d’État dans l’arrêté du 9 février 2022. Prima facie, il ne paraît pas non plus exclu que les personnes s’adonnant à la mendicité puissent se prévaloir de l’art. 106 al. 2 CP, en faisant valoir le caractère non fautif du non-paiement de l’amende. Il ne paraît pas non plus manifeste qu’elles ne pourraient pas obtenir une aide financière exceptionnelle de l’hospice, pour autant qu’elles en fassent la demande. Il en résulte que, prima facie, l’art. 11A LPG ne semble pas constituer une restriction manifestement inadmissible à la garantie de la liberté personnelle, que ce soit sous l’angle du droit constitutionnel ou conventionnel.

Les autres griefs formulés à l’encontre de l’art. 11A LPG par la recourante n’apparaissent pas non plus manifestement fondés. Sur la base d’un examen sommaire, il ne paraît pas démontré que, sur la base de l’art. 11A al. 1 let. a LPG, les victimes de réseaux de mendicité seraient sanctionnées. Il ne paraît pas non plus évident que le seuil du montant de l’amende, fixé à CHF 2'000.- à l’art. 11A al. 2 LPG en cas d’infraction qualifiée, empêcherait le juge de tenir compte de la situation de l’auteur, au sens de l’art. 106 al. 3 CP. En définitive, les chances de succès du recours n’apparaissent pas manifestes.

Cela étant, indépendamment desdites chances de succès et conformément aux mesures superprovisionnelles accordées le 11 février 2022, il se justifie exceptionnellement de déroger, sur un point, à la pratique consistant à refuser l’effet suspensif dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes. En effet, l’arrestation provisoire et la garde au poste de police des personnes s’adonnant à la mendicité sur la base de l’art. 11A LPG, au sens des art. 217 al. 3 et 219 al. 5 CPP, pourraient, le cas échéant, constituer un dommage difficilement réparable. Il en va de même si une peine privative de liberté résultant de la conversion d’une amende impayée devait être exécutée, en application des art. 106 al. 2 et 5 et 36 al 2 CP, à la suite d’une infraction à l’art. 11A LPG. Il se justifie dès lors de faire partiellement droit à la demande d’octroi de l’effet suspensif au recours et d’interdire uniquement l’arrestation provisoire et la conduite au poste de personnes soupçonnées ou prévenues de mendicité selon l’art. 11A LPG, ainsi que l’exécution de toute peine privative de liberté résultant de la conversion d’une amende impayée infligée en application de l’art. 11A LPG.

Le sort des frais de la procédure est, quant à lui, réservé jusqu’à droit jugé au fond.


 

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

octroie partiellement l’effet suspensif au recours, au sens des considérants ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Dina Bazarbachi, avocate de la recourante, au Grand Conseil et, pour information, au Conseil d’État.


Le président :

 

Jean-Marc Verniory

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :