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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/6196/2022

CAPH/55/2024 du 26.06.2024 sur JTPH/375/2023 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6196/2022 CAPH/55/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 26 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (France), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 17 novembre 2023 (JTPH/375/2023), représenté par le Syndicat B______, ______ [GE],

 

et

C______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Christian JOUBY, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 17 novembre 2023, notifié aux parties le 20 novembre 2023, le Tribunal des prud’hommes a notamment débouté A______ de sa demande en paiement à l'encontre de C______ SA (ch. 2), dit qu’il ne serait pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 13 décembre 2023, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l’annulation, concluant à la condamnation de sa partie adverse au paiement de 22'446 fr. 75 bruts, à titre d’heures supplémentaires et de 3’000 fr. nets, à titre d’indemnité pour tort moral, le tout avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er mai 2021.

b. C______ SA conclut à l’irrecevabilité de l’appel, subsidiairement, à son rejet.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Le 17 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______ SA, sise à Genève, a pour but l’exploitation de cafés, restaurants, ainsi que le commerce de produits alimentaires.

Elle exploite notamment le restaurant/pizzeria « D______ » à E______ (Genève).

F______ est l’administrateur unique de la société.

La pizzeria employait entre 17 et 22 personnes au moment des faits.

b. A______ a été engagé par C______ SA en qualité de pizzaiolo, pour une durée indéterminée, à partir du 12 septembre 2019.

Le contrat prévoyait un salaire mensuel de 5'000 fr. bruts et un horaire de travail de 42 heures par semaine.

c. Pendant la période où A______ travaillait à la pizzeria précitée, trois autre pizzaiolos y ont également travaillé, à savoir G______, H______ et I______. F______ se trouvait toujours sur place et préparait aussi des pizzas, en particulier si la commande était passée en dehors des horaires des pizzaiolos. Ceux-ci travaillaient le plus souvent à deux. Ils s'arrangeaient entre eux pour les horaires (témoins G______, I______, J______, K______, H______, L______, M______, N______).

d.a L’horaire journalier convenu était de 10h05 à 14h avec une pause de 11h00 à 11h30, puis de 18h00 à 23h30, avec une pause de 18h00 à 18h30.

d.b Selon A______, cet horaire n’était en réalité pas respecté et il effectuait en moyenne 2h30 supplémentaires par jour.

D’après ses explications, les matins, il commençait toujours sa journée entre 9h15 et 9h30, voire 9h45, jusqu’à 14h30, voire 15h00. Le soir, il prenait le service à 17h15, 17h30 ou 17h45 et terminait à 23h00, 23h30, voire à minuit. Son horaire réel dépendait des tâches qu’il avait à réaliser et il lui était même arrivé de terminer après minuit, voire, à une reprise, à 1h20.

L’employé a précisé qu’il ne prenait pas ses pauses d’une heure par jour, à tout le moins pas en totalité. Il utilisait ce moment pour préchauffer le four, le matin et le soir. Il préparait également le repas des collaborateurs, c’est-à-dire des pizzas, une à deux fois par semaine.

e.a C______ SA tenait au sein de l’établissement des fiches de planning qui devaient être signées mensuellement par les employés et qui portaient, mise en évidence, la mention suivante : "NOUS DEMANDONS A NOS COLLABORATEURS DE RESPECTER STRICTEMENT LES HORAIRES CI-DESSUS ET DE SIGNER LE PLANNING CHAQUE FIN DE MOIS. IL NE SERA PAS ACCEPTE D'HEURES SUPPLEMENTAIRES, SAUF A LA DEMANDE EXPRESSE DE L'EMPLOYEUR. LES HEURES AINSI TRAVAILLEES FERONT L'OBJET D'UN DECOMPTE HEBDOMADAIRE DÛMENT SIGNE PAR L'EMPLOYE(E) ET L'EMPLOYEUR, ET SERONT COMPENSEES PAR DES CONGES DE MÊME DUREE DANS UN DELAI CONVENABLE, MAIS EN TOUT LES CAS DANS LE COURANT DU MEME MOIS".

e.b Un système d’enregistrement du temps de travail était en outre en vigueur. Chaque employé du restaurant notait ainsi ses heures quotidiennes de travail sur une fiche annuelle, intitulée « saisie du temps de travail CCNT ».

e.c A______ a produit une fiche de ce type pour l’année 2019, laquelle contient des heures de travail variant entre 9h15 et 12h15 par jour pour la période allant du 12 au 31 septembre 2019. Le document n’est pas complété au-delà de cette date. Il ne comporte aucune signature. L’employé a également versé à la procédure une liste d’horaires, qu’il a écrits à la main pour la période du
12 septembre au 18 novembre 2019, faisant état d’heures supplémentaires, non contresignées par son employeur.

A______ allègue avoir noté ses heures effectives de travail entre le 12 septembre et le 18 novembre 2019, mais avoir cessé de compléter ce relevé, car F______ lui avait donné pour instruction de noter 8h25 par jour, ce qu’il avait accepté de faire dans la mesure où il souhaitait garder son emploi.

e.d L’employeuse a produit des fiches d’enregistrement du temps de travail pour la période du 12 septembre 2019 au 30 novembre 2020, signées par l’employé. Ces relevés indiquent que celui-ci a effectué 8h25 journalières tous les jours, sauf les 18 et 23 octobre 2020, A______ ayant alors travaillé 8h00 et 8h45.

L’employé conteste avoir noté sur ces fiches les heures de janvier à mars 2020. Il avait néanmoins noté celles à partir de mai 2020, avant de cesser de compléter ce relevé le 25 octobre 2020, parce qu’il en avait assez de devoir noter 8h25.

f. L’employé a été en incapacité de travail totale du 22 décembre 2020 au
23 février 2021.

g. Par courrier du 30 mars 2021, C______ SA a résilié le contrat de travail de A______ pour le 30 avril 2021.

D. a. Par requête de conciliation du 31 mars 2022, déclarée non conciliée lors de l'audience du 9 mai suivant, A______ a assigné C______ SA en paiement de 26'145 fr. 90.

b. Par demande introduite devant le Tribunal des prud’hommes le 27 juin 2022, A______ a conclu à ce que C______ SA soit condamnée à lui verser la somme totale de 21'519 fr. 60, comprenant 22'446 fr. 75 bruts, à titre d’heures supplémentaires et 3'000 fr. nets, à titre d’indemnité pour tort moral, le tout avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er mai 2021.

L’employé a allégué avoir réalisé en moyenne 2h30 supplémentaires par jour durant toute sa période d’emploi, soit un total de 648.75 heures supplémentaires. Au début des relations contractuelles, de septembre à décembre 2019, il avait noté ses heures réelles puis avait réclamé le paiement de celles-ci auprès de son employeuse mais sans succès. Par la suite, il n’avait plus noté ses heures puisque l’employeuse lui avait expressément demandé de noter 8h25 par jour, peu importe l’horaire réellement réalisé. Il réclamait également le paiement d’une indemnité à titre de tort moral dans la mesure où l’employeuse l’avait traitée de façon injuste en refusant d’entendre ses revendications et avait eu un comportement agressif et blessant à son égard tout au long des rapports de travail, ce qui avait causé son arrêt de travail.

Il a versé à la procédure des copies de tickets de commandes de pizzas pour étayer ses prétentions. Il ressort de ces documents que six commandes ont été passées, d’octobre 2019 à octobre 2020, entre 13h54 et 14h46. Les autres bons de commandes produits sont illisibles.

c. C______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. Elle a contesté les allégations de ce dernier. Les pizzaiolos travaillaient la plupart du temps à deux. A______ n'avait pas fait d'heures supplémentaires non récupérées et son cahier des charges lui permettait de respecter ses horaires de travail. F______ aidait les pizzaiolos, se chargeant notamment de faire les pizzas commandées en dehors des horaires de ceux-ci. La mise en place, et les opérations préparatoires, comme la confection de la pâte et l'allumage du four, qui ne prenait que quelques minutes, étaient faites par plusieurs employés tour à tour.

Les heures supplémentaires devaient être compensées par un congé de même durée le lendemain, sinon elles étaient payées à la fin des relations contractuelles.

d. Les éléments pertinents suivants résultent des témoignages recueillis par le Tribunal.

d.a Plusieurs témoins ont déclaré que A______ n'avait pas fait d'heures supplémentaires et qu'il prenait ses pauses (témoins G______, I______, K______ et N______).

d.b Deux témoins ont évoqué le fait que A______ avait fait des heures supplémentaires. Selon le témoin O______, qui se trouvait sur place de janvier à mars 2020, A______ dépassait les horaires "à peu près" tous les jours. Elle ne se souvenait plus des horaires de celui-ci. Les employés ne notaient pas les heures effectives mais les heures qu'ils étaient censés faire. Elle avait également fait des heures supplémentaires mais n'avait pas réclamé leur paiement.

Le témoin H______ a également déclaré que A______ avait fait des heures supplémentaires, sans cependant indiquer dans quelle mesure. Il avait lui-même fait des heures supplémentaires mais ne les avait jamais réclamées, car l'important c'était de travailler. Son employeur lui avait dit qu'il pouvait récupérer ses heures supplémentaires.

d.c Tous les employés notaient le même nombre d'heures de travail sur la feuille prévue à cet effet, à savoir 8h25. Si des heures supplémentaires étaient faites, elles pouvaient être récupérées en temps libre le lendemain (témoin G______, J______, H______, L______, M______).

d.d Selon le témoin G______, pizzaiolo, employé de C______ SA depuis 2007, les autres employés aidaient le pizzaiolo pour la mise en place s'il le demandait. Lorsque le pizzaiolo préparait le repas du personnel, une fois par semaine, il finissait plus tôt sa journée. Les jours où il y avait deux pizzaiolos, l'un des deux pouvait partir plus tôt.

d.e La plupart des témoins n'ont pas relevé de comportement anormal de la part de la direction, représentée par F______ et son épouse (témoins G______, K______, L______). Seuls deux témoins, à savoir les témoins O______ et J______, ont trouvé que l'ambiance au restaurant n'était pas bonne et que le patron était désagréable, mais ils n'ont pas confirmé les allégations de A______ selon lesquelles F______ se montrait particulièrement désagréable avec celui-ci et qu'il avait "bafoué" sa personnalité.

d.f Les témoins H______ et O______ avaient assisté à quelques échanges vifs entre A______ et F______, mais cela n'avait duré que quelques minutes et concernait des questions en lien avec le travail, non avec la personne de A______.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 13 juillet 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             L'appel, formé en temps utile et selon les formes légales dans une cause avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).

Contrairement à ce que fait valoir l'intimée, l'appel satisfait aux exigences de motivation prévue par la loi. La réplique déposée par l'appelant est également recevable.

2.             L'appelant a formulé un certain nombre de griefs à l'encontre de l'état de fait rédigé par le Tribunal. Celui-ci a, en tant que de besoin, été complété pour y intégrer tous les faits pertinents pour l'issue du litige.

3.             Le Tribunal a considéré que l'appelant n'avait pas apporté la preuve qu'il avait effectué des heures supplémentaires. Le relevé qu'il avait produit était lacunaire et il n'était pas corroboré par les quittances fournies, pour la plupart illisibles. Il n'était pas établi que les quelques pizzas commandées en dehors de l'horaire habituel de l'appelant avaient été préparées par ses soins, étant précisé que les pizzaiolos travaillaient le plus souvent à deux et que le patron, F______, faisait les pizzas commandées en dehors des horaires des pizzaiolos. Les enquêtes avaient établi que les employés savaient qu'ils ne devaient pas faire d'heures supplémentaires sans l'accord express de leur employeur. Si l'horaire de travail était parfois dépassé, cela n'était que de quelques minutes, récupérées en temps libre le lendemain. L'appelant n'avait en tout état de cause pas présenté en temps utile son décompte d'heures supplémentaires à l'intimée. Il n'était pas établi qu'il devait effectuer des tâches nécessitant des heures supplémentaires; l'allumage du four en particulier ne prenait que quelques minutes.

L'appelant fait valoir que les quittances produites attestent que 5 pizzas ont été commandées après 14h00, en octobre et novembre 2019 ainsi qu'en octobre 2020. Les témoins qui avaient déclaré qu'il ne faisait pas d'heures supplémentaires n'étaient pas crédibles car plusieurs d'entre eux étaient encore employés de l'intimée. Leurs témoignages n'étaient pas cohérents. Les témoins O______ et H______ avaient indiqué qu'il avait fait des heures supplémentaires, étant précisé que ceux-ci en avaient aussi faites, sans qu'elles aient été récupérées ou indemnisées. Il n'était pas tenu de présenter à son employeur un décompte des heures supplémentaires car F______ était toujours sur place de sorte qu'il était au courant de l'existence de celles-ci. Les heures supplémentaires étaient attestées par le décompte manuscrit fourni par ses soins. Le Tribunal avait retenu à tort que les pizzaiolos travaillaient le plus souvent à deux. Il avait effectué de nombreuses tâches supplémentaires, comme la mise en place, la confection de la pâte et l'allumage du four, qui nécessitaient des heures supplémentaires.

3.1 Selon l'art. 321c al. 1 CO, si les circonstances exigent des heures de travail plus nombreuses que ne le prévoit le contrat ou l’usage, un contrat-type de travail ou une convention collective, le travailleur est tenu d’exécuter ce travail supplémentaire dans la mesure où il peut s’en charger et où les règles de la bonne foi permettent de le lui demander.

L’employeur peut, avec l’accord du travailleur, compenser les heures de travail supplémentaires par un congé d’une durée au moins égale, qui doit être accordé au cours d’une période appropriée (al. 2).

L’employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant le salaire normal majoré d’un quart au moins, sauf clause contraire d’un accord écrit, d’un contrat-type de travail ou d’une convention collective (al. 3).

Les heures excédant l'horaire contractuel effectuées à l'initiative du travailleur ne constituent des heures supplémentaires que si elles sont objectivement accomplies dans l'intérêt de l'employeur, qu'elles sont justifiées et qu'elles sont portées à la connaissance de ce dernier ou qu'il ne peut ignorer leur accomplissement. Ne constituent ainsi pas des heures supplémentaires celles qui sont accomplies spontanément par le travailleur, contrairement à la volonté de l'employeur ou à son insu, sans que des circonstances exceptionnelles ne le justifient dans l'intérêt de l'employeur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_482/2017 et 4A_484/2017 du 17 juillet 2018 consid. 2.3 ; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 132 ; DUNAND, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 17 ad art. 321c CO, p. 90 ; SUBILIA/DUC, Droit du travail : éléments de droit suisse, 2e éd. 2010, n. 8 ad art. 321c CO, p. 136).

Il appartient au travailleur de prouver qu'il a effectué des heures supplémentaires et qu'elles ont été annoncées à l'employeur ou, alternativement que ce dernier en avait connaissance ou devait en avoir connaissance. Il incombe également au travailleur d'apporter la preuve de la quotité des heures supplémentaires dont il réclame l'indemnisation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_390/2018 et 4A_392/2018 du 27 mars 2019 consid. 3 ; 4A_28/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3 ;
ATF 129 III 171 consid. 2.4 ; WYLER/HEINZER, op.cit., pp. 143 s. ; WITZIG, Droit du travail, 2018, p. 374).

Le travailleur est tenu d'établir régulièrement le décompte de ses heures supplémentaires et de le remettre périodiquement à son employeur. Dès lors, lorsque l'employeur n'a ni ne doit avoir connaissance de la nécessité d'effectuer des heures supplémentaires, le travailleur qui accepte sans réserve le salaire habituel renonce à une indemnité pour les heures supplémentaires effectuées, ce qui correspond à une péremption de ses prétentions (WYLER/HEINZER, op.cit., pp. 140).

Selon l'art. 21 al. 2 de la CCNT pour les hôtels, restaurants et cafés du
6 juillet 1998, applicable en l'espèce, l'employeur doit tenir un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs.

3.2 En l'espèce, l'intimée a satisfait à son obligation prévue par la CCNT en tenant un registre des heures de travail de l'appelant, lequel a été signé par celui-ci. Il n'y a aucune raison de retenir que les indications qui figurent dans ce registre sont inexactes.

En particulier, la plupart des témoins entendus par le Tribunal ont déclaré que l'appelant n'avait pas effectué d'heures supplémentaires et que le système mis en place par l'intimée pour le contrôle des heures supplémentaires fonctionnait correctement. Ces témoins ont confirmé qu'ils respectaient eux-mêmes le temps de travail prévu et que, s'il leur arrivait de faire des heures supplémentaires, celle-ci étaient compensées dans les jours qui suivaient par un congé équivalent.

Il n'y a aucun motif concret de douter de la véracité de ces témoignages, qui sont clairs et cohérents, contrairement à ce que soutient l'appelant. Ces déclarations émanent également de personnes qui ne sont plus employées de l'intimée (J______, L______, M______ et N______), ce qui renforce leur crédibilité.

Même à supposer que l'appelant ait effectué quelques heures supplémentaires, il n'a pas établi ne pas avoir eu la possibilité de les récupérer dans les jours qui suivaient, conformément aux instructions données par l'intimée, lesquelles étaient clairement rappelées sur la feuille prévue pour le contrôle des heures de travail.

A cet égard, il n'est pas établi que l'appelant aurait d'emblée fait savoir à l'intimée qu'il n'était pas d'accord avec la compensation des heures supplémentaires par du temps libre et qu'il entendait au contraire effectuer des heures supplémentaires et en solliciter l'indemnisation pécuniaire. L'on peut au contraire déduire du fait qu'il ait signé pendant plusieurs mois les relevés d'heures qui lui étaient soumis par l'intimée qu'il était d'accord avec la compensation des heures supplémentaires par du temps libre.

L'appelant n'a pas non plus démontré avoir, conformément aux exigences légales, remis périodiquement à son employeur le décompte de ses heures supplémentaires. Contrairement à ce qu'il fait valoir, il n'est pas établi que l'intimée était au courant du fait qu'il effectuait des heures supplémentaires, à supposer que tel ait été le cas. En effet, la pizzeria comptait entre 15 et 22 employés, de sorte que F______, même s'il était sur place tous les jours, ne pouvait pas être au courant des horaires exacts de chacun d'eux.

Seuls deux témoins ont indiqué que l'appelant avait fait des heures supplémentaires, sans cependant pouvoir quantifier leur nombre. Les déclarations du témoin O______ ne sont pas concluantes, puisque cette personne n'a effectivement travaillé que de janvier à mars 2020 dans la pizzeria. Quant au témoin H______, il n'a pas pu décrire le nombre d'heures supplémentaires effectuées par son ex-collègue. Il a de plus confirmé que les employés pouvaient récupérer les heures supplémentaires dans les jours qui suivaient. Ce témoignage est ainsi insuffisant pour établir le bien fondé des prétentions de l'appelant.

Le relevé d'heures manuscrit produit par ce dernier pour les mois de septembre et novembre 2019 n'a quant à lui pas de force probante particulière. Il s'agit d'un simple allégué de l'une des parties, lequel n'est pas corroboré par les autres éléments de preuve figurant au dossier.

Les quittances auxquelles se réfère l'appelant ne prouvent pas non plus qu'il a droit à la rémunération qu'il réclame au titre d'heures supplémentaires. Le simple fait que cinq commandes de pizzas aient été passées entre 14h00 et 14h46 d'octobre 2019 à octobre 2020 ne suffit pas à démontrer la réalité de ses prétentions. Il n'est en particulier pas établi que c'est l'appelant qui a confectionné ces cinq pizzas, étant rappelé qu'il ressort de la procédure que les pizzaiolos étaient le plus souvent deux et que le patron confectionnait également des pizzas. Le seul fait qu'un témoin ait déclaré que les tickets était remis au pizzaiolo concerné et que certains témoins aient indiqué qu'ils n'avaient pas vu F______ confectionner des pizzas n'est pas déterminant, compte tenu de la teneur des autres éléments de preuve recueillis.

En tout état de cause, même à supposer que l'appelant ait lui-même confectionné cinq pizzas en dehors de ses heures de travail sur toute la durée de son contrat, cela ne suffit pas à démontrer qu'il aurait une créance de plusieurs milliers de francs à ce titre à l'encontre de l'intimée. En effet, l'on ignore le temps consacré à cette tâche. De plus, comme relevé ci-dessus, les heures supplémentaires éventuellement nécessitées par celle-ci n'ont pas été annoncées en temps utile à l'intimée, de sorte qu'elles ne fondent pas de droit à une rémunération supplémentaire pour l'appelant.

Par ailleurs, le témoin G______ a expressément déclaré que si le pizzaiolo devait parfois venir plus tôt pour la mise en place ou une autre tâche, le temps consacré à celle-ci pouvait être récupéré peu après, étant précisé que, lorsqu'il y avait deux pizzaiolos, ceux-ci s'arrangeaient pour se remplacer mutuellement.

L'appelant consacre pour le surplus de longs développements de son écriture d'appel à discuter différentes déclarations de témoins portant sur des questions qui ne sont pas utiles pour la solution du litige, comme les différences entre la situation des serveurs et celle des pizzaiolos, les dates de congé des uns et des autres, la durée de préchauffage du four ou le nombre de pizzas qu'il fabriquait. Tous ces éléments sont dénués de pertinence et n'étayent en rien sa thèse. Il répète en outre à l'envi ses propres affirmations, en oubliant que, puisque celles-ci ont été contestées en temps utile, il lui incombait de les prouver, ce qu'il n'a pas fait. Ces griefs, dont la recevabilité est douteuse, ne remettent pas en cause la validité des considérants circonstanciés et convaincants du Tribunal sur les questions litigieuses.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a considéré à juste titre que l'appelant n'avait pas démontré qu'il avait une créance envers l'intimée au titre d'heures supplémentaires pour la période de septembre 2019 à décembre 2020.

4. Le Tribunal a retenu qu'il n'était pas établi que F______ se serait comporté de manière blessante à l'égard de l'appelant. Aucun témoin n'avait confirmé les allégations de celui-ci. Seul le témoin O______ avait critiqué d'une manière générale l'attitude de F______, mais cela n'était pas déterminant car elle n'était restée que trois mois au service de l'intimée.

L'appelant fait valoir qu'il a vu "sa personnalité bafouée dès le début de son contrat de travail par l'intimée, qui n'avait cure du nombre d'heures de travail effectuées par son employé". F______ avait pour habitude de "réduire à néant [ses] revendications et ses droits en l'engueulant et en lui disant qu'il n'en faisait jamais assez" alors qu'il accomplissait de nombreuses heures supplémentaires. Il avait dit une fois que c'était "Monsieur 5000 francs". Cette attitude avait provoqué la dépression qui l'avait contraint à se mettre en arrêt maladie. La situation avait été aggravée du fait que, après la fin des rapports de travail, l'intimée ne lui avait pas remis immédiatement les documents nécessaires et ne s'était acquittée de toutes ses obligations à son égard qu'après une mise en demeure.

4.1 En cas d’atteinte illicite grave à sa personnalité, le travailleur peut réclamer une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement (art. 49 al. 1 par renvoi des art. 97, 99 al. 3 CO ; ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 102 II 224 consid. 9 ; 87 II 143 ; DUNAND, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 83 ad art. 328 CO, p. 299 ; AUBERT, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2e éd. 2012, n. 11 ad art. 328 CO, p. 2027 ; SAILLEN, La protection de la personnalité du travailleur, thèse 1981, p. 104).

Les conditions de la réparation du tort moral en matière de contrat de travail sont les suivantes : la violation du contrat constitutive d’une atteinte illicite à la personnalité (art. 328 CO), un tort moral, une faute et un lien de causalité naturelle et adéquate entre la violation du contrat et le tort moral, l’absence d’autres formes de réparation (DUNAND, op.cit., n. 79 ss ad art. 328 CO,
pp. 298 s.).

Pour justifier l'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'article 49
al. 1 CO, il ne suffit pas que le tribunal constate une violation de l'article 328 CO ; il faut encore que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (ATF 130 III 699
consid. 5.1 ; 102 II 211 consid. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_159/2016 du
1er décembre 2016 consid. 4.1 ; C.526/1983 du 4 avril 1984 consid. 2b, publié in SJ 1984 p. 554).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu à juste titre que l'appelant n'avait pas démontré que l'intimée avait porté gravement atteinte à sa personnalité d'une manière justifiant l'allocation d'une indemnité pour tort moral.

Aucun élément du dossier ne confirme ses allégations selon lesquelles F______ l'aurait harcelé ou aurait "bafoué sa personnalité". Les témoins O______ et J______ ont relevé que ce dernier pouvait se montrer désagréable d'une manière générale, mais ils n'ont pas ajouté que son mécontentement était dirigé en particulier contre l'appelant.

Le fait que des propos vifs aient pu être échangés ponctuellement, en lien avec le service, est une chose courante dans le cadre de relations de travail dans le domaine de la restauration et les épisodes isolés rapportés par les témoins H______ et O______ n'atteignent pas le seuil de gravité nécessaire pour fonder une indemnisation pour tort moral. Il en va de même du fait que l'appelant ait dû, après la fin des rapports de travail, relancer l'intimée pour obtenir les documents dont il avait besoin et le paiement de son dernier salaire.

A supposer qu'il soit exact, ce qui n'est pas établi, le fait que F______ ait désigné l'appelant à une reprise comme "Monsieur 5'000 fr." n'est pas non plus suffisant pour justifier l'allocation d'une indemnité pour tort-moral.

Il n'est pas non plus établi que la dépression subie par l'appelant serait due à l'attitude de l'intimée.

Le jugement querellé sera par conséquent entièrement confirmé.

5. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTPH/375/2023 rendu le 17 novembre 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/6196/2022.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs ; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.