Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/8603/2021

CAPH/51/2024 du 07.06.2024 sur JTPH/220/2023 ( OO ) , ARRET/CONTRA

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8603/2021 CAPH/51/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 7 JUIN 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 4 juillet 2023 (JTPH/220/2023), représentée par
Me Franck-Olivier KARLEN, avocat, rue Louis de Savoie 53, case postale 368,
1110 Morges 1,

et

Madame B______, domiciliée ______ [SZ], intimée, représentée par Me D______, avocat,


EN FAIT

A.           Par jugement du 4 juillet 2023, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable la demande formée par A______ SA contre B______, et statué sur les frais.

Il a retenu, que la transaction intervenue entre les parties devant le juge conciliateur prud'homme en 2017 équivalait à un jugement au fond, doté de l'autorité de chose jugée matérielle, de sorte que revenir sur celle-ci contrevenait à l'autorité de chose jugée, ce qui rendait irrecevables les deux premières conclusions de la demande, la troisième étant irrecevable (à l'instar également d'une partie de la deuxième) en ce qu'elle toucherait à des prétentions excédant sa compétence à raison de la matière.

B.            Par acte du 4 août 2023, A______ SA a formé appel contre cette décision. Sans requérir l'annulation de celle-ci, elle a conclu à ce que sa demande soit déclarée recevable, et à ce que la cause soit retournée au Tribunal pour instruction et nouvelle décision "ayant pour objet l'interprétation et le complètement, conformément à l'art. 18 CO, des dispositions problématiques de la transaction judiciaire souscrite par [elle] et B______ le 11 octobre 2017, selon les indications mentionnées dans l'arrêt de la Cour de justice", sous suite de frais et dépens.

B______ a conclu à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

Par avis du 16 janvier 2024, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. Le 28 juillet 2017, B______ a saisi l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes d'une requête dirigée contre A______ SA en paiement de 669'218 fr. 70 avec suite d'intérêts moratoires et en remise d'un certificat de travail et autres documents (cause C/1______/2017).

Une audience de conciliation s'est tenue le 11 octobre 2017. Aucun allégué n'a été formulé en lien avec les circonstances dans lesquelles les parties sont parvenues à un accord.

Aux termes du procès-verbal de cette audience, une suspension, d'une durée d'une heure, a été accordée aux parties afin que celles-ci puissent "finaliser les conclusions d'accord".

A la reprise de l'audience, elles ont apparemment soumis un texte signé par elles au juge conciliateur. Ce dernier a porté au procès-verbal ce qui suit:

"[B______, assistée d'un avocat, et A______ SA] sont parvenues à la transaction judiciaire figurant en annexe […] qui a été ratifiée par [les parties] et homologuée par l'autorité de conciliation au terme de l'audience. Cette transaction judiciaire fait partie intégrante du présent procès-verbal et met un terme au litige". Les parties et le conciliateur ont signé le procès-verbal.

Le texte annexé est libellé comme suit:



"TRANSACTION JUDICIAIRE

 

Entre

 

Madame B______, domiciliée ______ [SZ]

 

et

 

A______ SA, société anonyme ayant son siège ______ [GE]

 

 

Préambule

 

Les parties à la présente transaction sont divisées dans un procès ouvert par Requête en conciliation B______ déposée au Greffe du Tribunal des Prud’hommes du Canton de Genève du 28 juillet 2017, et référencé audit Tribunal sous n° C/1______/2017.

 

Désireuses de régler amiablement l’intégralité des prétentions litigieuses entre elles, et de se donner en définitive mutuellement quittance pour solde de tous comptes et de toutes prétentions, parties conviennent ce qui suit :

 

1)      Présentation générale des prétentions, notamment quant au montant global des prétentions de Madame B______

 

Il est précisé que le montant total des prétentions de B______ à l’égard de A______ SA, se monte à Fr. 378'539.88, que ce montant est réduit d’un commun accord à Fr. 375'000.- pour simplifier les calculs. Ce montant global de Fr. 375'000.- a été partiellement acquitté puisqu’il a déjà fait l’objet de deux paiements partiels de la part de A______ SA. Le premier, de Fr. 50'000.-, est relatif à un paiement, par A______ SA, à la Caisse LPP C______, d’une cotisation LPP due par B______. Le second, de Fr. 50'000.-, concerne le paiement, par l’employeur, d’une partie du salaire variable dû à B______ pour l’année 2016.

 

En conséquence, c’est un montant de Fr. 275'000.- (deux cent septante-cinq mille francs) qui est encore redû par A______ SA à B______. Ce montant intègre des dettes de salaire ou des paiements de vacances (donc des montants bruts) et d’autres dettes, comme des indemnités et des paiements de frais (donc des montants nets).

En outre, A______ SA est astreint par la présente transaction à des obligations de faire, notamment de confection et de remise de documents

 

Les dispositions qui suivent détailleront les différentes prétentions, pour un montant de Fr. 375'000.-- et leur acquittement.

 

2)      Paiement de salaire et paiement de vacances

 

A______ SA doit à B______ :

 

1)      un montant net de Fr. 67'915,53 à titre de paiement du salaire variable 2016 (plus précisément à titre de reliquat d’indemnités journalières APG) encore redû à ce jour,

 

2)      un montant brut de Fr. 27'874,58 à titre de paiement du salaire variable 2015 encore redû à ce jour, et enfin

 

3)      un montant brut de Fr. 87'179.45 à titre de paiement de vacances non prises par l’employée entre 2011 et 2017.

 

Les deux derniers montants sont soumis aux déductions de cotisations sociales paritaires usuelles.

 

3)      Remboursement de charges prélevées par erreur

 

A______ SA doit à B______ un montant net de Fr. 42'281,05 à titre de remboursement de charges prélevées par erreur par l’employeur sur le salaire variable dû à l’employée.

 

4)      Paiement de frais et d’indemnités

 

A______ SA se reconnaît débiteur de frais d’avocat pour Fr. 45'000.--, d’une indemnité pour tort moral (la reconnaissance de la dette civile résultant de la présente transaction ne valant pas reconnaissance par l’employeur d’un comportement dommageable de sa part à l’égard de son employée), de Fr. 60'000.-, de frais de représentation et de voyage de Fr. 23'572,75, et enfin d’intérêts moratoires de Fr. 21'716,64.

 

L’addition de tous ces montants donne la somme totale nette de Fr. 150'289,39, due par A______ SA à B______.

 

5)      Paiement des montants mentionnés sous ch. 1 à 4 ci-dessous

 

Compte tenu que A______ SA a déjà payé un montant de Fr. 100'000.-concernant l’une ou l’autre des dettes mentionnées dans la présente transaction, il est convenu qu’elle pourra déduire la somme de Fr. 100'000.- sur la somme de Fr. 150'289,39 mentionnée au ch. 4 ci-dessus, avec le résultat qu’en payant la somme de Fr. 50'289,39, elle aura acquitté toutes les dettes mentionnées au ch. 4 ci-dessus.

 

Tous les montants encore redus [sic] doivent être payés dans un délai au 31 octobre 2017.

 

6)      Autres obligations

 

D’ici au 15 novembre 2017, A______ SA remettra un décompte rectifié des salaires dus pour 2015, 2016 et 2017 aux institutions sociales (AVS et LPP) concernées. Il communiquera également à l’assureur APG Generali le montant rectifié du salaire fixe et variable 2015, de Fr. 348'164,25.

7)      Quittance et ratification

 

Moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, parties se donnent quittance pour solde de tous comptes et de toutes prétentions du chef de leurs rapports de travail et à tout autre titre juridique, et requièrent du Tribunal de prud’hommes du Canton de Genève la ratification de la présente transaction pour valoir jugement dans la cause actuellement pendante entre les deux parties.

 

 

Fait à Genève, le 11 octobre 2017 en quatre exemplaires originaux.

 

 

B______ / A______ SA".

 

b. A______ SA n'a pas exécuté les obligations résultant de la transaction au 31 octobre 2017.

Par courriel du 30 octobre 2017, tout en précisant souhaiter acquitter les montants dus selon la transaction dans les délais prévus, elle a fait valoir des "difficultés de comptabiliser certains montants transactionnels d'une manière conforme aux exigences fiscales".

Le 1er novembre 2017, elle a viré 240'000 fr. en faveur de B______, avec l'indication de motif du paiement suivante: "Ref: convention 11 oct 2017".

Par courrier du 10 novembre 2017, elle a développé des explications relatives aux calculs, notant qu'il y avait des modifications rétroactives des salaires versés à B______, et relevant les annonces à faire auprès des institutions AVS et LPP.

Sur quoi, les parties se sont opposées dans le cadre d'une procédure de séquestre, et d'une poursuite.

Le 4 mars 2019, B______ a porté à la connaissance de l'OCAS le montant des salaires rectifiés, ce qui a conduit à une reprise de cotisations AVS. S'en est suivie une procédure d'opposition formée par B______.

Le 25 mai 2020, A______ SA a déposé une demande en exécution au Tribunal de première instance, qu'elle a ensuite retirée.

D. Le 14 octobre 2021, A______ SA a saisi l'Autorité de conciliation d'une demande dirigée contre B______ en paiement de 93'546 fr. 19 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er novembre 2017.

Au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée le 14 juin 2021, A______ SA a déposé sa demande au Tribunal. Elle a conclu à ce que la transaction du 11 octobre 2017 soit "complétée et précisée" par "une nouvelle rédaction" s'agissant de l'art. 6 dont elle a proposé un texte, subsidiairement requis que celui-ci soit "ce que justice dira", par "l'ajout d'un article 5bis A nouveau" et par "l'ajout d'un article 5bis B nouveau" dont elle a proposé des textes, subsidiairement requis que ceux-ci soient "ce que justice dira", à ce que cette transaction ainsi complétée et précisée soit ratifiée par le Tribunal pour valoir jugement, et à ce que B______ soit déclarée envers elle "sa débitrice" à laquelle elle devait "immédiat paiement" de 93'546 fr. 19 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er novembre 2017.

Elle a fait valoir qu'elle disposerait d'une créance en remboursement de 93'546 fr.19, dont le fondement serait, à bien la comprendre, le complètement de l'accord souscrit par les parties le 11 octobre 2017. Ce complètement consisterait à reprendre tous les calculs des prestations "dues selon la transaction du 11 octobre 2017" dont à déduire les "prestations effectivement payées" par elle pour chacune des années 2012 à 2017, avec détermination du montant des salaires à annoncer aux institutions d'assurances sociales.

Elle a soutenu que l'accord précité comportait des imprécisions et des lacunes telles qu'elles rendraient impossibles "son interprétation exacte" et son "exécution correcte". Elle devrait donc être complétée par le juge établissant la volonté hypothétique des parties.

B______ a requis la limitation de la procédure à la question de la recevabilité de la demande, a conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à l'irrecevabilité de la troisième conclusion de la demande, sous suite de frais judiciaires.

Elle s'est prévalue de l'autorité de la chose jugée, du caractère imprécis des conclusions soumises dans la demande, et de ce que la dernière conclusion de A______ SA était de nature constatatoire et non condamnatoire.

Aux termes de leur réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Le Tribunal a limité la procédure à la question de la recevabilité de la demande.

Les parties se sont encore exprimées sur cette question, A______ SA concluant à la recevabilité de son action, B______ à l'irrecevabilité de celle-ci.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le jugement attaqué constitue une décision finale rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 311 CPC), l'appel est recevable.

2.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'elle n'était pas recevable à faire compléter l'acte contractuel qu'elle a conclu avec l'intimée en 2017 par devant l'Autorité de conciliation prud'homale.

Pour le surplus, elle ne critique pas les développements que le Tribunal a consacrés à l'irrecevabilité de certaines conclusions de la demande pour cause d'irrecevabilité ratione materiae de la juridiction prud'homale.

Les premiers juges, à bien les comprendre, semblent avoir fondé l'irrecevabilité de la dernière conclusion de l'appelante uniquement sur ce dernier pan d'argumentation. Dans la mesure où il s'agit d'une condition de recevabilité, la Cour l'examinera d'office (art. 60 CPC).

2.1.1 La transaction judiciaire est un acte consensuel par lequel les parties mettent fin à leur litige ou à une incertitude au sujet de leur relation juridique moyennant des concessions réciproques. Elle est conclue pour éviter un examen complet des faits et de leur portée juridique, de sorte les art. 23 ss CO sur les vices de la volonté ne s'appliquent qu'avec des restrictions (ATF 132 III 737 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_456/2019 du 8 avril 2020 consid. 4.1).

Comme tout contrat, elle est parfaite lorsque les parties ont réciproquement et de manière concordante manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO) et qu'elles se sont mises d'accord sur tous les points objectivement et subjectivement essentiels, dès lors même que des points secondaires ont été réservés (art. 2 al. 1 CO; ATF
110 II 287, JT 1985 II 146). Peuvent être considérés comme objectivement essentiels tous les points sur lesquels un accord des parties est indispensable, parce qu’ils ne peuvent être précisés ni par une règle du droit dispositif, ni par l’intervention du juge (MORIN, Commentaire romand, CO-I, 2021, n° 3 ad art. 2 CO).

Seules les prétentions dont les parties peuvent librement disposer sont susceptibles de faire l’objet d’une transaction judiciaire (ATF 138 III 407 consid. 2.3, JdT 2013 II 374; BOHNET, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 7 ad art. 208 CPC).

2.1.2 Le CPC ne précise pas les contrôles que le juge doit exercer sur la validité de la transaction avant de faire rayer une cause du rôle et les travaux préparatoires sont muets à cet égard. En principe, l’autorité a seulement à prendre connaissance de la conclusion de la transaction et à constater la liquidation du procès, mais sans examiner le caractère raisonnable de ce qui a été convenu. Il ne saurait en tous les cas être question de vérifications similaires à celles qui doivent être opérées avant la ratification d’une convention sur les effets du divorce, soumise à des cautèles particulières (art. 279 CPC). Un contrôle formel est cependant indispensable, la cause ne pouvant être rayée du rôle que si le tribunal se trouve véritablement en présence d’une transaction judiciaire signée par toutes les personnes concernées ou par des représentants ayant les pouvoirs nécessaires, respectant les exigences notamment de langue requises, portant bien sur des droits librement disponibles, etc. Par ailleurs, le tribunal doit pouvoir refuser de consigner un accord au procès-verbal en lui reconnaissant force de chose jugée, et donc de rayer la cause du rôle, si un tel acte lui paraît contrevenir à une règle légale impérative ou tendre manifestement à une fraude à la loi (p. ex. en présence d’une revendication fictive suivie d’un acquiescement frauduleux destiné à contourner la LFAIE, d’une transaction qualifiant autrement une prétention évidemment salariale pour éluder des cotisations d’assurance sociale, de lésion d'une partie, etc.). Enfin, l’autorité doit examiner si la transaction est claire et complète. A défaut, elle doit faire en sorte de l’améliorer (ATF 124 II 8, JdT 1999 IV 43; TAPPY, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 36 ad art. 241 CPC; BOHNET, op. cit., n° 8 ad art. 208 CPC; HEINZMANN, BRAIDI, Petit Commentaire, CPC, 2020, n° 11 ad art. 241 CPC).

2.1.3 L'art. 201 al. 1 CPC prévoit que l'autorité de conciliation tente de trouver un accord entre les parties de manière informelle. Une transaction peut porter sur des questions litigieuses qui ne sont pas comprises dans l'objet du litige dans la mesure où cela contribue à sa résolution.

L'accord peut aller au-delà de l'objet du procès et régler des questions litigieuses qui ne sont pas comprises dans celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_288/2014 du 6 août 2014, consid. 4.2.1).

2.1.4 Selon l'art. 208 al. 1 CPC, lorsque la tentative de conciliation aboutit, l'autorité de conciliation consigne une transaction, un acquiescement ou un désistement d'action inconditionnel au procès-verbal, qui est ensuite soumis à la signature des parties. Chaque partie reçoit une copie du procès-verbal.

La transaction, l'acquiescement ou le désistement d'action ont les effets d'une décision entrée en force (art. 208 al. 2 CPC).

2.1.5 A teneur de l'art. 336 al. 1 let. a CPC, une décision - respectivement une transaction judiciaire - est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu l'exécution. La jurisprudence a précisé que pour être exécutoire au sens de l'art. 336 CPC, la décision doit décrire l'obligation à exécuter avec une précision suffisante sous l'angle matériel, local et temporel, de façon à ce que le juge chargé de l'exécution n'ait pas à élucider lui-même ces questions. Une décision peu claire doit faire l'objet d'une interprétation ou d'une rectification (art. 334 al. 1 CPC). Si le vice ne peut pas être levé par cette voie et que la décision n'est donc toujours pas exécutoire, une nouvelle action doit être intentée. Le principe de l'autorité de chose jugée ne s'y oppose pas, puisqu'une décision non exécutable ne déploie pas d'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 2.2).

2.1.6 Une transaction judiciaire doit être interprétée selon les règles applicables au contrat, soit selon les art. 1 et 18 CO.

Aux termes de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Pour déterminer le contenu d'une clause contractuelle, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2; 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (principe de la confiance) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_456/2019 du 8 avril 2020 consid. 4.1 et 4.2).

2.2 En l'occurrence, l'appelante soutient que la transaction conclue avec l'intimée à l'issue de l'audience de conciliation du 11 octobre 2017 ne serait pas exécutable pour diverses raisons qu'elle développe.

Les parties sont admises à soutenir le caractère non exécutoire d'une décision judiciaire au sens de l'art. 336 CPC, en faisant valoir que la décision ne décrirait pas l'obligation à exécuter avec une précision suffisante sous l'angle matériel, local et temporel. C'est la voie de l'action ordinaire qui doit être empruntée pour ce faire. Comme le rappelle la jurisprudence, le principe de l'autorité de chose jugée ne s'y oppose pas, puisqu'une décision non exécutable ne déploie précisément pas cette autorité.

Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, la demande de l'appelante en complètement de la transaction (assortie de conclusions en paiement) n'est pas irrecevable pour le motif précité.

Par ailleurs, comme les parties sont admises, en transigeant au sens de l'art. 201 al. 2 CPC, à aller au-delà de l'objet du procès pour régler des questions litigieuses entre elles, les développements du Tribunal relatifs à la compétence à raison de la matière ne convainquent pas.

Enfin, les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les autres éléments avancés par l'intimée pour soutenir l'irrecevabilité de la demande, à savoir l'imprécision des conclusions, et le caractère constatatoire de la dernière conclusion de l'appelante. S'agissant de ce dernier moyen, il sera simplement observé à ce stade que la rédaction de la dernière conclusion de l'appelante, typique d'une pratique observée de la part des avocats qui ne plaident pas principalement à Genève, si elle apparaît déroutante et peu appropriée, est communément comprise comme relevant du condamnatoire.

Au vu de ce qui précède, et tenant compte du principe du double degré de juridiction, le jugement attaqué sera annulé.

Il reviendra aux premiers juges, auxquels la cause sera renvoyée, d'examiner les objections de recevabilité soulevées par l'intimée autres que celle liée à l'autorité de la chose jugée, cas échéant et dans le respect du droit d'être entendues des parties, les arguments présentés par l'appelante à l'appui de sa thèse de non exécutabilité de la transaction de 2017, puis s'il y a lieu de procéder à une interprétation de la volonté des parties, voire de statuer sur la dernière conclusion de l'appelante dans la mesure de sa recevabilité.

3.             Les frais d'appel seront arrêtés à 500 fr. (art. 71 RTFMC), compensés à due concurrence avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève, et dont le solde sera restitué à l'appelante.

Ils seront supportés par l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé par A______ SA contre le jugement JTPH/220/2023, rendu par le Tribunal des prud'hommes le 4 juillet 2023 dans la cause C/8603/2021.

Au fond :

Annule ce jugement. Cela fait:

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Déboute les parties de toute autre conclusion d'appel.

Sur les frais:

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 500 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de B______.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA le solde de l'avance de frais en 750 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Monsieur Claudio PANNO, Madame
Karine RODRIGUEZ, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.