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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/8655/2022

CAPH/22/2024 du 11.03.2024 sur JTPH/197/2023 ( OS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8655/2022 CAPH/22/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 11 MARS 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 15 juin 2023 (JTPH/197/2023), représentée par
Me Alexandre CURCHOD, avocat, CENTRALEX Avocats, rue Centrale 5, case postale 7188, 1002 Lausanne,

et


B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Alain TRIPOD, avocat, Canonica & Associés, rue François-Bellot 2, 1206 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/197/2023 rendu le 15 juin 2023, notifié aux parties le lendemain et reçu le 19 juin 2023, le Tribunal des prud'hommes a, statuant par voie de procédure simplifiée, déclaré recevable la demande en paiement formée le 19 octobre 2022 par A______ contre B______ SA (ci-après B______ SA) et l'a déboutée de ses conclusions.

B.            a. Par acte expédié le lundi 21 août 2023, A______ a formé appel de ce jugement dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, cela fait, à ce qu’il soit constaté que le licenciement du 21 septembre 2021 était injustifié et à la condamnation de B______ SA à lui verser un montant non inférieur à 15'246 fr. 65 bruts et un montant net de 5'717 fr. 40, portant tous deux intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2021. Subsidiairement, elle conclut à l’admission de son appel et au renvoi de la cause à l’instance précédente afin qu’elle rende un jugement dans le sens des considérants.

b. B______ SA a conclu à la confirmation de la décision entreprise.

c. L’appelante a répliqué le 27 octobre 2023 et l’intimée a dupliqué le 30 novembre suivant.

d. Par avis du 5 janvier 2024, les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1964, est titulaire d’un Master Degree in Computer Science and Business Administration de l’université de C______, de 1986, d’un Licenciate Degree in Finance de HEC D______, en Belgique, de 1992 et d’un Doctorate in Business Administration de l’école de Management de E______, de 2018. Elle a été successivement Project Manager pour [la société] F______ (1986 – 1994), Principle Consultant - Project Manager pour G______ CORP (1994 – 1995), Associate Partner – Senior Project Manager pour H______ (1996 – 2002) et Associate Parner – Business Advisor ______ pour I______ Consulting à J______ (2002 – 2005). Elle a également enseigné à [l'université] K______ et à la Business School of L______.

b. B______ SA est une société de droit suisse dont le but est toutes activités de management, l’exploitation et la promotion d’institutions en Suisse et à l’international ainsi que tout type d’enseignement supérieur et toutes formes de conseils en matière d’éducation ; son siège est à Genève. M______ en est l’un des administrateurs, au bénéfice d’une signature individuelle.

c. Le 22 septembre 2020, A______ et B______ SA ont signé un contrat d’enseignement pour une durée fixe de 3 sessions de 2 fois 3 heures pour un module de 1______ Management (eMBA/EN), dispensé en octobre, novembre et décembre 2020, incluant quatre heures de tutorat/monitoring d’études des cas ou d’examens se déroulant hors les sessions de cours. La rémunération horaire brute s’élevait à 160 fr. pour l’enseignement et à 100 fr. pour le tutorat.

Le lendemain, les parties ont signé un second contrat d’enseignement aux termes duquel A______ était engagée en qualité de professeur à temps partiel, pour enseigner le module de cours 2______ Business (BBA 3/EN) durant le semestre d’automne/hiver 2020-2021, s’étendant sur douze semaines. La rémunération horaire brute était fixée à 145 fr. pour une activité se déroulant les mercredis en deux tranches horaires de cinquante minutes, entrecoupées de dix minutes de pause.

Le 6 avril 2021, les parties ont conclu un troisième contrat d’enseignement pour une durée fixe de 3 sessions de 2 fois 3 heures. A______ était engagée en qualité de professeur à temps partiel, d’un module de 3______ Business & Finance (eMBA/EN), incluant quatre heures de tutorat/monitoring d’études des cas ou d’examens se déroulant hors les sessions de cours. La rémunération horaire brute s’inscrivait à 160 fr. pour l’enseignement et à 100 fr. pour le tutorat.

d. Par courriel du 7 juin 2021, B______ SA a invité tous ses professeurs à remplir un formulaire en ligne afin qu’ils indiquent leurs disponibilités d’enseignement pour le semestre d’automne/hiver 2021-2022, leurs choix devant être faits uniquement à l’aide de ce document et retournés au plus tard le 14 juin 2021. Sous chiffre 19 de ce formulaire, B______ SA indiquait qu’il représentait « une offre de service de la part du professeur et n’engage pas B______ SA. La direction organisera par la suite le semestre et établira les emplois du temps ». Ce semestre, de douze semaines, débutait le 11 octobre 2021 et se terminait le 4 février 2022.

e. Par courriel du 22 juin 2021, l’administration de B______ SA a relancé A______ pour qu’elle remplisse ledit formulaire, ce qu’elle fit le même jour. Ses quatre choix se portaient sur les cours eMBA et MBA - 1______ Management et 3______ Business and Finance -, BBA 3 - 3______ Business and Finance et, éventuellement, BBA 1 - 4______ Business et elle précisait être prête à n’en dispenser que trois. Elle n’a formulé aucune remarque à la rubrique qui lui en laissait l’opportunité.

f. Le 24 août 2021, B______ SA a adressé à A______ un contrat d’enseignement à temps partiel pour la durée du semestre d’hiver 2021, en qualité de professeur pour trois modules de cours distincts, soit 5______ Business (BBA 3/EN – MBA), 4______ Business (BBA 1/FR) et 4______ Business (BBA 1/EN). A______ a retourné signé ce contrat, le jour même, sans commentaire ni remarque.

g. Par courriel du 15 septembre 2021 adressé à N______, conseiller académique auprès de B______ SA, A______ a demandé quels cours elle enseignerait (« Will there be a new eMBA cohohrt this year ? Will I be teaching 1______ Management and 3______ Business and Finance as done last year ? » – soit en traduction libre « Y aura-t-il un nouveau programme eMBA cette année ? Est-ce que j'enseignerai le 1______ Management et le 3______ Business and Finance comme l'année dernière ? »). N______ lui a répondu le lendemain que le cours de 1______ Management avait été attribué à un autre professeur et qu’elle était inscrite pour le module de cours de 3______ Business and Finance (BBA et MBA) du prochain semestre.

h. A______ a aussitôt exprimé par courriel son extrême déception d’apprendre que le module de cours 1______ Management ne lui revenait pas. Elle souhaitait en connaître les raisons et recevoir une copie du nouveau syllabus de cours. N______ lui a expliqué, toujours par courriel, que le choix de B______ SA correspondait au nombre de modules de cours qu’elle avait indiqué vouloir enseigner, soit trois, et par le fait que ses compétences se rapprochaient plus du module de cours CSR et des sujets connexes. A______ a rétorqué qu’elle avait eu, par le passé, l’expérience désagréable de voir son cours ainsi que son matériel de cours transmis à un autre professeur, espérant que B______ SA aurait la décence de ne pas agir ainsi. Elle a réitéré sa demande d’obtenir une copie du syllabus 2021-2022 du cours 1______ Management, ce que N______ a refusé, par courriel du 17 septembre 2021, B______ SA n’ayant pas pour habitude de transmettre ce document.

i. Encore le 17 septembre 2021, A______ a adressé à N______ le courriel suivant : « Well, disseminating the syllabus I spent a subsequent amount of time and effort preparing did not seem to be an issue on the B______ SA side. Money-driven, unethical and disrespectful private schools like the B______ SA, represent a real shame to higher education. Have an excellent week-end. Dr. A______ » (en traduction libre : « Eh bien, disséminer le support de cours sur lequel j’ai passé beaucoup de temps et d’effort pour le préparer ne semble pas être un problème du côté de B______ SA. Les écoles privées guidées par l’argent, non-éthiques et irrespectueuses comme B______ SA sont une vraie honte pour l’éducation supérieure. Excellent week-end »).

j. Ayant reçu copie de ce courriel dès sa réception, M______ a, par le même canal et quasiment immédiatement, indiqué à A______ qu’il ne pouvait pas accepter ses propos et que les modules de cours étaient attribués selon de nombreux critères. Il l’a invitée à le contacter. Par un second courriel du même jour, il lui a aussi indiqué que les propos tenus à l’encontre de B______ SA étaient diffamants et inacceptables et qu’il lui semblait difficile de continuer leur collaboration dans de telles conditions. Il attendait « au minimum des excuses écrites avant de prendre une décision ».

k. Le dimanche 19 septembre 2021, A______ a écrit à M______ qu’une discussion en tête à tête serait peut-être opportune et qu’elle se tenait à sa disposition. Tous deux se sont rencontrés le 21 septembre 2021. Aucun procès-verbal de cette réunion n’a été pris.

l. À la suite de cet entretien, B______ SA a fait notifier par courrier de son conseil, toujours le 21 septembre 2021, la résiliation avec effet immédiat de la relation de travail la liant à A______. Les propos figurant dans son courriel du 17 septembre 2021 étaient inacceptables en tant qu’ils portaient atteinte à l’honneur de B______ SA et à sa réputation. En outre, elle avait refusé de présenter ses excuses, bien que M______ lui eût donné l’opportunité de le faire, et maintenu ses propos. B______ SA avait parfaitement respecté la procédure d’attribution des cours pour l’année académique 2021-2022 et aucun reproche ne pouvait lui être fait. Le lien de confiance nécessaire était définitivement rompu et justifiait son licenciement.

m. Par courrier de son conseil du 10 novembre 2021, A______ a contesté les propos de B______ SA et réclamé 15'246 fr. 65 bruts à titre de rémunération pour les cours prévus au semestre d’hiver 2021 ainsi qu’une indemnité équivalente à quatre mois de salaire à titre d’indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié, tout en réservant ses droits liés à une utilisation indue et illicite des supports de cours dont elle était l’auteure.

n. L’échange ultérieur de correspondances entre les conseils des parties n’a permis aucun rapprochement.

o. Par requête du 4 mai 2022, A______ a assigné B______ SA en paiement de 32'869 fr. 65. Du fait de l’insuccès de l’audience de conciliation du 20 juin suivant, une autorisation de procéder lui a été délivrée.

p. Par demande simplifiée motivée, du 19 octobre 2022, A______ a assigné B______ SA en paiement de 20'964 fr. 05, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er avril 2021, se décomposant ainsi :

- 15'246 fr. 65 bruts, à titre de salaire pour les cours prévus ;

- 5'717 fr. 40 nets, à titre d’indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié.

À l'appui de ses conclusions, elle alléguait que son licenciement était disproportionné et illicite, en l’absence de justes motifs. Les propos de son courriel du 17 septembre 2021, bien que peu courtois, devaient être appréciés en fonction du contexte et de l’ensemble des circonstances, soit en réaction à la non attribution du cours de 1______ Management pour le semestre 2021-2022, alors qu’elle l’avait enseigné l’année précédente à satisfaction des étudiants, après avoir fourni un important travail de préparation dont elle craignait qu’il ne soit utilisé par son successeur alors qu’il lui appartenait. Ses propos, fruits de l’énervement et d’une perte de maîtrise, sans impliquer une volonté de nuire à son employeur, n’avaient pas été tenus en présence de tiers, seuls le directeur et le conseiller académique de B______ SA en ayant eu connaissance. Elle n’avait jamais connu avant cela d’épisode problématique, ni été avertie ni reçu de commentaires négatifs de ses étudiants. En conséquence, l’absence de justes motifs de licenciement avec effet immédiat légitimait son droit à une rémunération pour les cours prévus identique à ce qu’elle avait perçu auparavant, soit pendant huit mois, de novembre 2020 à juin 2021, et à une indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié équivalente à trois mois de salaire, compte tenu de l’ensemble des circonstances.

q. B______ SA a conclu au déboutement de A______, dont le licenciement immédiat était justifié par ses propos injurieux, inacceptables et injustifiables. Ceux-ci étaient diffamatoires et portaient atteinte à l’honneur de la société. Malgré cela, B______ SA lui avait donné l’opportunité de présenter des excuses écrites, ce qu’elle avait décliné. M______ avait ensuite organisé un entretien lors duquel elle avait non seulement refusé à nouveau de présenter des excuses mais avait confirmé ses propos. Cet entretien avait définitivement rompu le lien de confiance nécessaire et B______ SA ne pouvait tolérer de la part d’un professeur, ayant des contacts hebdomadaires avec ses élèves, des propos aussi violents et un tel comportement car il était exigé des enseignants qu’ils se maîtrisent en toutes circonstances.

r. Le 20 janvier 2023, A______ s’est déterminée sur les allégués de son adverse partie.

s. Lors de l’audience de débats du 16 mars 2023, le Tribunal a entendu les parties.

sa. A______ a déclaré que le cours sur la transformation digitale avait nécessité des semaines entières de préparation. En juin 2021, lorsqu’elle avait rempli le formulaire pour l’attribution des cours, elle n’avait pas eu de discussion spécifique avec le personnel de l’école. Elle avait retourné les propositions de contrat pour le semestre 2021 dès qu’elle les avait reçues, à fin août 2021. Elle avait attendu jusqu’au 16 septembre 2021 pour s’enquérir de l’attribution du module de cours de 1______ Management car l’année précédente ce cours n’avait débuté qu’au mois d’octobre et elle s’attendait ainsi à recevoir un contrat pour ledit cours indépendamment des autres contrats. Elle avait exprimé sa joie et sa satisfaction d’avoir donné ce cours en 2020 et les fiches des élèves faisaient état d’un taux de satisfaction très bon. B______ SA ne lui avait pas dit qu’elle donnerait ce cours au semestre suivant. Lorsqu’elle avait appris son attribution à un autre professeur, elle avait ressenti beaucoup de frustration et avait voulu en connaître les raisons. L’accès au syllabus qu’elle avait créé lui ayant été refusé, elle avait l’impression d’avoir perdu son travail et son investissement et voulait s’assurer que le fruit de ses efforts n’avait pas été offert gratuitement à un autre professeur. Elle avait écrit le courriel du 17 septembre 2021 car elle estimait qu’il n’y avait eu aucune considération pour le travail gratuit effectué, en précisant avoir été payée pour son enseignement en présentiel. Elle estimait être d’une « bonne pratique » de l’enseignement supérieur de continuer à donner un cours que l’on avait préparé et c’est dans ce contexte qu’elle avait utilisé les termes de « manque d’éthique » et « irrespectueux ». Ses propos, bien que forts, étaient alignés aux sentiments d’injustice et d’incompréhension ressentis puisqu’on ne lui réallouait pas un cours pour lequel elle avait énormément travaillé, sans la consulter ni l’informer.

Selon elle, l’objectif de la rencontre du 21 septembre 2021 avec M______ consistait à trouver un terrain d’entente car elle ne souhaitait ni être perdante ni victime de cette situation. Elle avait montré ses évaluations à M______, lequel lui avait dit qu’il ne comprenait pas pourquoi le cours de 1______ Management ne lui avait pas été attribués. Bien qu’elle eût compris que ses propos avaient été forts et qu’ils avaient pu blesser son employeur, elle cherchait à comprendre pourquoi le cours de 1______ Management ne lui avait pas été attribué, sans aucune discussion préalable à ce sujet. Elle ne s’était pas excusée pour ses propos et, le 21 septembre 2021, on ne le lui avait pas demandé. Lors de cet entretien, il n’avait pas été question des propos figurant dans le courriel du 17 septembre 2021. En définitive, elle ne pensait pas avoir été licenciée en raison des propos tenus dans son courriel du 17 septembre 2021 et ne comprenait toujours pas les raisons de son licenciement.

sb. M______ a expliqué que B______ SA adressait durant l’été des formulaires aux professeurs pour savoir quels cours et en quelle quantité ils souhaitaient enseigner et afin de connaître leurs disponibilités. Les cours étaient ensuite attribués en fonction des souhaits des professeurs, de leurs disponibilités et de leur profil, mais aussi en fonction des paramètres liés à la logistique et aux contraintes générées alors par la pandémie. Les formulaires de B______ SA indiquaient qu’il n’existait aucun engagement de sa part d’attribuer les cours demandés. A______ avait mentionné son souhait d’enseigner trois cours sur les quatre qu’elle avait sélectionnés, sans remarque de sa part, et B______ SA avait tenté de la satisfaire au mieux de ses choix.

B______ SA estimait ne pas avoir retiré un cours à A______ qu’elle n’avait enseigné qu’à une seule reprise, dans le cadre d’un contrat de durée déterminée, précisant que le temps de préparation des cours était compris dans le taux horaire prévu contractuellement.

M______ avait été choqué par le courriel de A______ du 17 septembre 2021, son contenu étant une insulte à son institution. Il était tellement abasourdi qu’il n’en comprenait pas le contexte, raison pour laquelle il lui avait proposé une rencontre. Lors de celle-ci, le 21 septembre 2021, il lui avait expliqué que l’attribution des cours résultait d’un certain nombre de critères et que B______ SA prenait en considération sa volonté à enseigner le cours de 1______ Management spécifiquement. Ils avaient discuté du contenu du courriel du 17 septembre 2021 et il avait dit à A______ qu’avant toute collaboration future, il devait recevoir des excuses. Elle avait maintenu ses propos et refusé de donner d’autres cours tant que celui de 1______ Management ne lui était pas attribué.

B______ SA s’était retrouvée face à une personne qui la dénigrait et l’injuriait, qui perdait la maîtrise de son calme et qui, en outre, maintenait ses propos, de sorte qu’elle s’était questionnée sur l’opportunité de confier une classe d’étudiants à une telle personne, en qui elle avait perdu confiance. Si A______ avait présenté des excuses, tel que demandé, B______ SA aurait maintenu les cours qui lui avaient été attribués par le contrat d’août 2021. Elle ne pouvait plus lui attribuer le cours de 1______ Management pour le semestre 2021, mais elle se serait engagée à le lui attribuer pour le semestre suivant.

D.           a. Dans son appel, A______ prétend que le Tribunal n’aurait retenu que la version de l’employeur s’agissant de la réunion du 21 septembre 2021, alors qu’elle s’y était rendue pour comprendre pourquoi le cours de 1______ Management ne lui avait pas été attribué, sans aucune discussion préalable à ce sujet. Lors de cet entretien, il ne lui avait pas été demandé d’excuses, raison pour laquelle elle n’en avait pas formulées. Elle souhaitait trouver un terrain d’entente afin de poursuivre son enseignement malgré cet incident. Elle était calme et le directeur aurait concédé ne pas avoir compris les raisons de cette non-attribution. Elle avait quitté cette réunion en précisant qu’elle allait prendre contact avec un avocat sans émettre de menace de ne pas enseigner les autres cours dans le cas où celui de 1______ Management ne lui serait pas attribué. Elle était animée par un sentiment d’injustice et d’incompréhension face à la décision prise. Compte tenu de l’excellence de son enseignement passé, de ses préférences pour le cours de 1______ Management, en adéquation avec sa formation et son expérience professionnelle, et de l’absence de risque de réitération, le licenciement immédiat était injustifié et le jugement entrepris devait être réformé.

b. Selon l’intimée, le Tribunal avait correctement apprécié les faits, sans arbitraire, et l’appelante ne disposait d’aucun argument pour étayer ses griefs. Le 21 septembre 2021, elle aurait pu présenter spontanément des excuses et il fallait constater, au vu des propos qu’elle avait tenus lors de l’audience du 16 mars 2023, qu’elle ne s’était pas remise en question. Les contrats de travail de l’intimée étant de durée déterminée, ils n’étaient pas automatiquement reconduits mais les enseignants pouvaient proposer leurs options et faire des remarques, ce qu’avait fait l’appelante, choisissant de dispenser trois cours sur les quatre qui l’intéressaient, sans mentionner de priorité ni formuler de remarque. S’étant vue attribuer trois cours parmi ceux qu’elle avait désignés, le sentiment d’injustice était infondé, de même que son incompréhension. Par son attitude, elle s’était comportée de manière pénalement répréhensible et avait violé son devoir de fidélité, de sorte que le lien de confiance était rompu et le licenciement immédiat justifié.

c. L’appelante a répliqué, persistant dans ses arguments et insistant sur le fait qu’il ne lui avait pas été demandé d’excuses le 21 septembre 2021, lors de l’entretien qu’elle avait sollicité, et que son sentiment d’injustice et d’incompréhension était légitime. Elle avait appris de manière abrupte et sans explication que ses demandes n’avaient pas été considérées. Le risque de réitération n’était nullement avéré et les craintes de l’intimée imaginaires. Sa réaction émotive ne justifiait pas un licenciement immédiat, ce d’autant qu’il n’y avait pas eu d’avertissement préalable.

d. Dans sa duplique, l’intimée a maintenu que des excuses s’imposaient aussi le 21 septembre 2021, ajoutant que l’appelante était de mauvaise foi en prétendant que ses choix avaient été ignorés et que ses demandes n’avaient pas été prises en considération.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC), selon la forme prescrite par la loi et dans le respect du délai utile de trente jours, compte tenu de la suspension du 15 juillet au 15 août inclus (art. 130 al. 1, 142 al. 3, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit le fond du litige en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 En l'espèce, l'appelante invoque tant une constatation inexacte des faits qu'une violation du droit.

1.4 En tant que de besoin, l'état de fait retenu par le Tribunal a été rectifié et complété ci-dessus, de sorte que les griefs de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne seront pas traités plus avant.

2.             L’appelante reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 337 CO, en retenant le caractère justifié du licenciement avec effet immédiat.

2.1 L'employeur peut résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour "justes motifs" est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive (ATF
137 III 303 consid. 2.1.1). Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par manquement du travailleur, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, portant sur le devoir de travailler ou le devoir de fidélité, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2.2; 117 II 72 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_393/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.1.1; 4A_35/2017 du 31 mai 2017 consid. 4.3).

Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée ; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat. Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1).

Des injures proférées par un employé peuvent, selon les circonstances, justifier ou non un licenciement immédiat. Le Tribunal fédéral a notamment considéré qu'une injure grave adressée à l'employeur devant des collègues ou des clients pouvait constituer un juste motif de licenciement immédiat. Cela étant, il faut distinguer l'infraction due à un état d'énervement et de perte de maîtrise de celle commise avec une intention de nuire à l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 4.3.2 et les références citées).

De manière générale, les éventuelles comparaisons avec des décisions judiciaires rendues dans des causes que les parties tiennent pour similaires à la leur doivent être appréciées avec circonspection. En effet, pour déterminer le caractère justifié (ou injustifié) d'une résiliation immédiate, il convient d'examiner l'ensemble des circonstances et une large place est laissée à l'appréciation du juge, de sorte qu'établir une casuistique en se focalisant sur un seul élément du dossier, sorti de son contexte, n'est pas significatif (arrêts du Tribunal fédéral 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 3.3; 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3).

2.2 Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO) ; il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans son appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position et de la responsabilité du travailleur (qui peuvent entraîner un accroissement des exigences quant à sa rigueur et à sa loyauté) ; le comportement des cadres doit ainsi être apprécié avec une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise, du type et de la durée des rapports contractuels, de la nature et de l'importance des manquements (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_225/2018 du 6 juin 2019 consid. 4.1), ou encore du temps restant jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (ATF 142 III 579 consid. 4.2).

2.3 Selon la jurisprudence, la partie qui veut résilier le contrat avec effet immédiat doit agir sans tarder à compter du moment où elle a connaissance d'un juste motif de licenciement, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir. Si elle tarde à agir, elle donne à penser qu'elle a renoncé au licenciement immédiat, respectivement qu'elle peut s'accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (ATF 138 I 113 consid. 6.3.1;
127 III 310 consid. 4b p. 315; 75 II 329 p. 332; arrêt 4A_251/2015 du 6 janvier 2016 consid. 3.2.2).

2.4 C'est à l'employeur qui entend se prévaloir de justes motifs de licenciement immédiat de démontrer leur existence (arrêt du Tribunal fédéral 4C_400/2006 du 9 mars 2007 consid. 31).

3.             3.1 Le licenciement avec effet immédiat de l’appelante le 21 septembre 2021, quatre jours, dont un week-end, après l’envoi par elle du courriel fondant ce licenciement, notifié aussitôt après un entretien entre les parties à ce sujet, respecte la condition liée à l’immédiateté nécessaire de la réaction en cause.

3.2 L’objet du litige réside dans la question de savoir si le motif avancé pour justifier le licenciement immédiat constitue un juste motif.

Il est établi que l’appelante a retourné à l’intimée, dûment signé, un contrat de travail de durée déterminée le 24 août 2021 portant sur trois modules d’enseignement. Elle n’est en conséquence pas crédible lorsqu’elle prétend qu’il n’était question que de deux modules et qu’elle attendait un autre contrat pour le cours de 1______ Management. Cette affirmation est d’ailleurs contredite par ses propres termes puisqu’elle a demandé, trois semaines après avoir signé son contrat de travail, si elle enseignerait ce cours, et ce n’est qu’après cela qu’elle s’est plainte de ne pas avoir été choisie pour ce module. Elle a, pour ce motif et sans contester l’attribution de trois modules conformément à son souhait, ni sa volonté de suivre à leur enseignement, contesté la non-attribution d’un quatrième module. C’est dans ces circonstances qu’elle a rédigé le courriel irrespectueux et insultant du 17 septembre 2021. Qu’elle ait considéré, à tort au vu des dispositions contractuelles, que le travail fourni pour le cours donné au semestre précédent lui appartenait ne justifiait pas l’emploi des termes utilisés dans ce courriel. L’énervement censé justifier ces écarts scripturaux, loin de constituer une excuse, révèle une réelle perte de maîtrise de soi, ce que l’appelante a admis sans, paradoxalement, s’en excuser mais au contraire, et à plusieurs reprises, en maintenant ses propos, notamment lors de l’entretien avec l’administrateur de l’intimée le 21 septembre 2021, justifiant selon celle-ci le licenciement objet présent litige. Démontrant la persistance de l’appelante dans son attitude de déni par rapport aux effets liés à ses propos, elle les a maintenus devant les juges de première instance, déclarant qu’ils étaient à la hauteur du sentiment d’injustice et d’incompréhension qu’elle ressentait au regard de l’allocation du cours de 1______ Management à un autre professeur.

Ce ressentiment, expression très subjective issue d’une analyse insuffisante de sa situation et des conditions contractuelles, ne trouve aucun appui dans les preuves recueillies. En effet, d’une part l’appelante ne bénéficiait d’aucune garantie d’attribution du cours de 1______ Management, ce qu’elle a admis, et, d’autre part, ses souhaits de n’enseigner que trois modules avaient été exaucés par l’intimée. Peu importe à ce sujet qu’elle se soit vu attribuer un module de même nature, l’un en français et l’autre en anglais, dès lors qu’il s’agissait à teneur du contrat de deux modules distincts. Au surplus, l’appelante n’avait expressément soumis aucune remarque quant à ses préférences, alors que le formulaire de l’intimée lui en offrait la possibilité, et ne pouvait donc ignorer que l’un de ses choix ne lui serait pas attribué. L’intimée ayant donné une suite favorable aux prétentions annoncées de l’appelante, celle-ci n’était pas fondée à s’en plaindre. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu le caractère injustifié de l’énervement de l’appelante. Enseignant le management, qui englobe nécessairement la maîtrise de soi, au bénéfice d’un cursus qu’elle juge elle-même remarquable, insistant sur ses fonctions de dirigeante, l’appelante assumait par son enseignement une fonction supérieure qui justifie des prestations et des attitudes en adéquation, ce que n’étaient pas les termes utilisés dans le courriel en cause. Engagée à collaborer prochainement avec l’intimée, elle aurait dû en être consciente et donner suite à l’invitation de celle-ci de présenter des excuses écrites, ce qu’elle n’a pas fait. Surprise et choquée par les propos de l’appelante, l’intimée a réagi immédiatement en sollicitant des excuses écrites afin d’envisager de poursuivre leur collaboration et en proposant un entretien. Lors de celui-ci, l’appelante n’a pas saisi l’opportunité de revenir sur ses propos et les a au contraire maintenus, sans présenter d’excuses. Peu importe en définitive qu’il lui en ait été demandées tant à l’évidence elle devait le faire spontanément, sans y être invitée, lors de l’entretien du 21 septembre 2021.

En définitive, ayant sciemment tenu des propos injustifiés, insultants voire diffamatoires, sur lesquels elle n’est jamais revenue, l’appelante s’est tant fourvoyée qu’elle ne saurait contester à l’intimée le droit de considérer que le lien de confiance était définitivement rompu. En refusant de se remettre en question et en niant tant la gravité de ses propos que l’atteinte portée à l’honneur de l’intimée, elle a démontré la pertinence du licenciement en cause, l’intimée ne pouvant supporter le risque qu’une enseignante irrespectueuse et susceptible d’emportement ne se retourne contre elle et lui cause ainsi du tort, notamment en réitérant ses propos ou son agacement en présence des tiers, notamment ceux auxquels son enseignement était destiné, justifiant aussi de se prévaloir d’une rupture du lien de confiance, rendant impossible une poursuite de leur collaboration.

Dès lors que les conditions légales pour un licenciement immédiat étaient réunies, les prétentions que l’appelante fait valoir sont infondées. 

L’appel sera par conséquent rejeté.

4.             Au regard de la valeur litigieuse inférieure à 50'000 fr., il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires d'appel (art. 116 CPC, art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Par ailleurs, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction prud'homale, il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l’appel formé par A______ contre le jugement JTPH/197/2023 5 rendu le 15 avril 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/8655/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toute autre conclusion de recours.

Rappelle que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Louis PEILA, président; Monsieur Roger EMMENEGGER, Madame
Fiona MAC PHAIL, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.