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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/2355/2022

CAPH/121/2023 du 13.11.2023 sur JTPH/175/2023 ( OS ) , CONFIRME

Normes : CO.319
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2355/2022-3 CAPH/121/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 25 mai 2023 (JTPH/175/2023), représentée par Me Antoine BOESCH, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4,

 

Et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Michel BARBEY, avocat, rue Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/175/2023 du 25 mai 2023, reçu par A______ SA le 30 mai 2023, le Tribunal des prud'hommes a condamné cette dernière à verser à B______ la somme brute de 23’856 fr. 30 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 30 septembre 2021 (ch. 3 du dispositif), invité la partie en ayant la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit qu'il n'était pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a. Le 29 juin 2023, A______ SA a formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, déboute B______ de toutes ses conclusions et dise que la juridiction des prud'hommes n'est pas compétente pour connaître des dites conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 17 octobre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a.a A______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève, a pour but l’achat, la vente, la représentation, l’importation et l’exportation de tous produits bruts ou manufacturés, brevets, procédés de fabrication et marques.

Ses administrateurs sont C______ et D______.

B______ a été directeur de la société de 1995 à 2021.

a.b Le capital-actions de A______ SA est réparti de la manière suivante : 132 actions appartiennent à D______, 132 à C______, 128 à B______ et 8 à une tierce personne.

b.a E______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève, a comme but social diverses activités en lien avec le commerce de produits et les services dans le domaine de la santé.

C______ et D______ en sont administrateurs. B______ a également été administrateur de cette société de 1995 jusqu'en février 2021.

b.b A______ SA est propriétaire de 586 de 800 actions de E______ SA, le solde étant détenu par des tiers.

c. Le 10 avril 1980, B______ a été engagé par A______ SA en qualité d’employé de commerce. Son salaire annuel était de 30’000 fr. brut par an et son droit aux vacances de trois semaines par an.

Aucun autre contrat n'a été signé par la suite entre les parties au cours des plus de 40 années d'activité de B______ pour le compte de A______ SA.

En dernier lieu, la rémunération annuelle brute de B______ était de 228'000 fr. par an, en tant que directeur des ventes à l'exportation. Il recevait des bulletins de salaire mensuels et des certificats de salaire annuels. Les cotisations sociales étaient déduites des montants versés.

d. Le 24 mars 2016, un montant de 12'500 fr. a été versé sur le compte-courant de B______ auprès de la société avec la mention « 1______ 2015 ». Des montants similaires ont été versés à C______ et D______. Le bonus alloué à B______ a été soumis aux cotisations sociales et a été imposé au titre de revenu d’activité lucrative dépendante.

D______ et C______ ont expliqué lors de leur interrogatoire par le Tribunal que ledit bonus constituait au départ un élément du salaire. Il avait été convenu entre eux et B______ que ce montant serait gelé tant que l’entreprise aurait des problèmes de liquidités. Celle-ci était en manque de liquidités depuis quelques années et l’était toujours. Dès qu'elle aurait trouvé une solution à ces problèmes, le montant serait versé. Un prêt-COVID de 300'000 fr., remboursable par tranches de 25'000 fr. lui avait été octroyé. La société devait rembourser ce prêt avant de pouvoir verser le bonus aux deux administrateurs et à B______.

Ce dernier a contesté l'existence d'un accord portant sur la conversion du bonus en prêt actionnaire. Il n'avait jamais accepté de renoncer à réclamer ce montant, lequel était devenu exigible à la fin des rapports de travail.

Le réviseur aux comptes de A______ SA, entendu comme témoin par le Tribunal, a déclaré qu'en 2021 la société disposait de liquidités. Le montant du bonus alloué à B______ correspondait à une créance de celui-ci envers la société.

e. Le 30 avril 2021, B______ a fait savoir à A______ SA qu'il confirmait son intention, communiquée fin 2019, de prendre une retraite anticipée. Il avait constaté des divergences d'idées entre lui et les administrateurs sur le futur des activités du groupe et sur la gestion des différentes entités de celui-ci. C'était en particulier la raison pour laquelle il avait démissionné des conseils d'administration des sociétés du groupe. Il remerciait les administrateurs de A______ SA pour la confiance témoignée durant leur "longue route ensemble", relevant qu'il avait particulièrement apprécié s'occuper de la société E______ SA, depuis 28 ans.

f. Le 28 juin 2021, B______ a confirmé à A______ SA qu'il finalisait son "plan retraite" avant son départ annoncé. Il avait à plusieurs reprises demandé verbalement une compensation pour ce départ anticipé. Il sollicitait le versement en sa faveur, à fin 2021, de l'équivalent des cotisations restantes pour son fonds de prévoyance LPP d'octobre 2021 à décembre 2022, soit jusqu'à l'âge de la retraite, et le versement d'un pont AVS de 2'500 fr. par mois pour la même période. Il demandait également le paiement de son compte courant chez A______ SA.

g. Par courriel du 24 juillet 2021, B______ a rappelé à A______ SA qu'il attendait toujours une réponse à son courrier de juin. Il précisait que le relevé de ses vacances à fin septembre 2021 présentait un solde en sa faveur de plus de 40 jours, en tenant compte des prochaines vacances fixées du 28 juillet au 6 août.

Il proposait les modalités de départ suivantes : départ le 20 août 2021, les jours du 20 août au 30 septembre seraient pris sur ses jours de vacances et le solde réglé avec son dernier salaire de septembre.

h. A______ SA a remis à B______ un document intitulé "droit aux vacances pour 2021" duquel il ressort qu'au 30 juin 2021, le solde de vacances de B______ était de 65.5 jours. Il résulte du même document, actualisé par la société au 31 août 2021, que le solde de vacances de l'intéressé à cette date était de 41.53 jours.

i. B______ a expliqué lors de son interrogatoire par le Tribunal qu'il prenait ses vacances en concertation avec les administrateurs, afin qu’ils ne partent pas tous en même temps et en fonction de son programme. Comme tous les autres employés, il notait ses vacances et ses déplacements professionnels à la main sur des plannings imprimés sur papier et affichés au sein de l’entreprise. Ensuite, la personne en charge de la comptabilité, soit en dernier lieu F______, faisait le décompte des jours de vacances sur la base de ces plannings. Il fallait s’adresser à cette personne pour obtenir un décompte du solde de vacances. Ces décomptes étaient accessibles et n’étaient pas modifiables.

D______ et C______ n'ont pas contesté que les vacances étaient organisées de cette manière, soulignant que B______ avait une grande liberté et que la société n’exerçait pas de contrôle sur les vacances.

Les indications qui précèdent ont été confirmées par les déclarations des témoins F______ et G______, secrétaires de A______ SA. La seconde a précisé que B______ avait "tendance à prendre ses vacances". B______ était leur supérieur, au même titre que D______ et C______.

Il résulte des pièces produites que A______ SA tenait des "plannings de vacances" où les jours de vacances prises figuraient en regard du nom des employés, y compris ceux de la direction.

j. Le 26 août 2021, A______ SA a répondu à B______ que, à teneur des avis de droit obtenus, il ne pouvait être fait droit à ses demandes de compensation AVS et LPP et de remboursement du compte courant actionnaire, car des versements aux actionnaires n'étaient pas possibles tant qu'il y avait un crédit COVID ouvert. Cela était sans préjuger "de la décision qu'aurait pu prendre le conseil d'administration et la direction".

k. Le 22 septembre 2021, B______ a pris note de cette décision. Il relevait qu'il avait droit au versement du montant qui lui avait été attribué à titre de bonus en tant qu'employé au sens de l'art. 322d CO. Compte tenu du fait que son contrat de travail prenait fin au 30 septembre 2021, ce montant devait être inclus dans le décompte final au même titre que son solde de vacances et réglé à la fin des rapports de travail, conformément à l'art. 339 CO.

l. Par la suite un litige a surgi entre E______ SA et une société H______ SA, inscrite au Registre du commerce le ______ 2021. Cette société a pour administrateurs I______, fils de B______ et ancien employé de E______ SA, et J______, frère de B______.

E______ SA accusait notamment, H______ SA, B______ et son fils d'avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale, qui lui avaient causé un dommage.

Les précités se sont opposés dans le cadre de plusieurs procédures, de nature civile et pénale, qui n'ont pas abouti à une condamnation à l'encontre de B______.

m. Le 1er novembre 2021, B______ a relancé A______ SA, relevant que son contrat de travail avait pris fin au 30 septembre 2021 et invitant celle-ci à lui verser les montants dus sans délai.

n. Le 15 novembre 2021, A______ SA a répondu à B______ que sa créance était composée de salaires non payés il y a plusieurs années et que, "pour des raisons diverses" elle avait été transformée en compte courant actionnaire. La loi ne permettait pas le remboursement d'un compte actionnaire tant que le prêt COVID n'avait pas été remboursé. Le montant du compte actionnaire de B______ lui serait dès lors versé une fois que le prêt COVID aurait été soldé.

o. Par demande déposée à l’office postal le 14 juin 2022, suite à l'échec de la tentative de conciliation du 14 mars 2022, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 23'856 fr. 30 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 30 septembre 2021. Ladite somme se décompose comme suit :

- 11'356 fr. 30 bruts, à titre de remboursement de 13 jours de vacances ;

- 12'500 fr. bruts, à titre de bonus.

A l'appui de ses conclusions, il a allégué qu'au terme des rapports de travail, il lui restait un solde de vacances de 13 jours. En outre, le bonus de 12'500 fr. qui avait été crédité sur son compte-courant auprès de la société ne lui avait jamais été versé, alors qu’il avait été soumis aux charges sociales et imposé au titre de revenu d'une activité lucrative dépendante.

p. Le 24 août 2022, A______ SA a conclu à l’irrecevabilité de la demande, subsidiairement au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions.

Elle a notamment allégué que B______ était organe et actionnaire de la société à parts égales avec ses deux administrateurs. Il était autonome dans la gestion de ses vacances qu'il prenait régulièrement, de sorte qu’il fallait considérer qu’il avait épuisé son solde de vacances. Le bonus de 12'500 fr. avait été converti en prêt-actionnaire au même titre que les bonus des deux administrateurs et il avait été convenu entre ceux-ci que ces montants ne seraient remboursés que lorsque les liquidités de la société le permettraient. Par conséquent, le litige ne relevait pas de la compétence du Tribunal des Prud’hommes.

q. Lors de l'audience du Tribunal du 23 mars 2023, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             L'appel, formé en temps utile et selon les formes légales dans une cause avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).

2.             L'appelante a formulé un certain nombre de griefs à l'encontre de l'état de fait rédigé par le Tribunal. Celui-ci a, en tant que de besoin, été complété pour y intégrer tous les faits pertinents pour l'issue du litige.

3.             Le Tribunal a considéré que l'intimé avait la position de directeur et était lié à l'appelante par un contrat de travail. Il n'était pas établi qu'il avait la position d'un organe de l'appelante.

L'appelante fait valoir que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail car il n'existait pas de rapport de subordination. L'intimé, D______ et C______ étaient sur un pied d'égalité, étant tous ses actionnaires. Ils percevaient les mêmes salaire et bonus, de sorte que le fait que l'intimé était son directeur et non son administrateur n'était pas décisif.

3.1.1 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s’engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l’employeur, dans un rapport de subordination, moyennant une rémunération (art. 319 CO).

Le rapport de subordination signifie que l’activité est déployée par le travailleur de manière dépendante, sous la direction et selon les instructions de l’employeur. Il place le travailleur dans la dépendance de l’employeur sous l’angle personnel, organisationnel, économique et temporel. Le critère de subordination est décisif lorsqu’il s’agit de qualifier et de délimiter le contrat de travail par rapport à d’autres contrats envisagés. Ce critère doit être relativisé pour les employés exerçant des professions typiquement libérales ou les dirigeants. En effet, dans ces situations, l’indépendance de l’employé est beaucoup plus forte. La subordination est alors essentiellement organisationnelle et non pas fonctionnelle. Lorsque l’organe dirigeant exerce son activité à titre principal, le critère décisif en faveur du contrat de travail est le rapport de subordination, la personne concernée étant alors subordonnée à un organe exécutif, tel le conseil d’administration, habilité à lui donner des instructions. Il n’existe aucun rapport de subordination lorsqu’il y a identité économique entre la personne morale et son organe dirigeant; un contrat de travail ne saurait ainsi lier une société anonyme et son actionnaire et administrateur unique. Dans le doute, l’existence d’une rémunération fixe, la mise à disposition de l’infrastructure de travail et la prise en charge du risque économique et d’exploitation par l’employeur sont autant d’éléments en faveur de l’existence d’un contrat de travail. Constitue un indice de dépendance économique le fait que le travailleur exerce son activité exclusivement pour un employeur unique, ou qu’il soit intégré dans une tierce structure de travail organisée de laquelle il reçoit ses instructions, de sorte qu'il ne dispose pas d’indépendance dans la gestion de sa force de travail. L’une des conséquences du rapport de subordination est que le travailleur ne peut faire prévaloir son opinion en cas de divergence avec l’employeur (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 23 et 24).

La nature et la périodicité de la rémunération, l’identification de la partie qui supporte le risque économique et la perception des cotisations sociales par l’employeur, constituent, entre autres, des indices de conclusion d'un contrat de travail (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 25 et 26).

La qualification du rapport juridique des membres du conseil d’administration, des directeurs et sous-directeurs avec la société anonyme doit être faite sur la base des circonstances concrètes. La tendance est de reconnaître l’existence d’un contrat de travail pour les directeurs. S’agissant des membres des organes supérieurs d’une personne morale, tels que les administrateurs, il est en général admis que leur activité relève d’un contrat sui generis analogue au mandat, mais elle peut aussi, dans certains cas, être qualifiée de contrat de travail. Lorsque l’organe dirigeant exerce son activité à titre principal en étant subordonné à un organe exécutif, tel le conseil d’administration habilité à lui donner des instructions, il y a lieu de reconnaître l’existence d’un contrat de travail, le critère décisif du rapport de subordination, en faveur du contrat de travail étant rempli. Lorsque la personne concernée se trouve dans un rapport de dépendance avec la société et qu’elle est un organe, il se crée un double rapport de droit du travail et de droit des sociétés et non pas un rapport juridique uniforme (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 41 et 42).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré à juste titre que les parties étaient liées par un contrat de travail.

L'intimé occupait la position de directeur de l'appelante et non d'administrateur. Or, comme cela ressort des principes exposés ci-dessus, les directeurs d'une société anonyme sont en principe au bénéfice d'un contrat de travail. Un tel contrat a d'ailleurs été conclu entre les parties en 1980. Même si la position de l'intimé a évolué au fil des ans, ce contrat de travail n'a pas été résilié avant 2021 et aucun élément du dossier ne permet de retenir que les parties se seraient mises d'accord pour qu'il prenne fin et soit remplacé par une autre relation contractuelle. L'appelante, qui soutient ne pas être liée par un contrat de travail avec l'intimé, n'allègue d'ailleurs pas avoir noué avec celui-ci une autre relation contractuelle, comme par exemple un contrat de mandat.

L'intimé exerçait son activité à plein-temps exclusivement pour l'appelante, voire pour sa filiale, E______ SA, ou pour les autres sociétés du groupe, ce qui est en outre un indice en faveur de la qualification de contrat de travail.

A cela s'ajoute que lorsque des divergences de vue sont survenues entre l'intimé et A______ SA, notamment sur la gestion de la société, il n'a pas pu faire prévaloir son opinion, ce qui est caractéristique de l'existence d'un rapport de subordination. Au moment de son départ, les organes de l'intimée ont opposé une fin de non- recevoir à sa demande en lien avec l'AVS et la LPP, précisant que c'était "sans préjuger de la décision qu'aurait pu prendre le conseil d'administration et la direction". Cette formule implique clairement que l'intimé occupait une position de subordonné dans l'organisation de l’appelante.

L'intimé recevait en outre une rémunération mensuelle soumise à cotisations sociales et ne supportait pas le risque économique de l'entreprise, éléments caractéristiques d'une relation de travail.

Compte tenu de ce qui précède, l'autonomie dont disposait probablement l'intimé dans l'organisation de son travail ne suffit pas à exclure la qualification de contrat de travail. Pour les dirigeants, le lien de subordination est organisationnel, et non fonctionnel. Or, l'intimé était subordonné au conseil d'administration de l'appelante d'un point de vue organisationnel.

Le fait que la rémunération de l'intimé était la même que celle des deux administrateurs de l'appelante n'est quant à lui ni établi, ni pertinent. Il en va de même de la question de savoir s'il existe ou non un contrat de travail entre l'appelante et D______ et C______, le litige ne portant pas sur ce point.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a retenu à bon droit que les parties étaient liées par un contrat de travail.

4. Le Tribunal a considéré qu'il incombait à l'appelante de prouver que l'intimé avait pris toutes les vacances auxquelles il avait droit, ce qu'elle n'avait pas fait. Elle tenait un planning des vacances et elle aurait dû s'assurer que celles-ci étaient prises par l'intimé. Ce dernier avait d'ailleurs attiré son attention suffisamment à l'avance sur le fait qu'il lui restait un solde de vacances à prendre, mais celle-ci n'avait pas réagi, alors qu'elle aurait pu, si elle le souhaitait, lui demander de prendre son solde de vacances en nature. Il ressortait des décomptes produits que le solde de vacances de l'intimé était de 13 jours, ce qui correspondait à un montant de 11'356 fr. 30.

L'appelante fait valoir que l'intimé était son organe et qu'il était le seul à connaître son solde de vacances. Il avait le devoir de veiller à prendre ses vacances en nature, pendant les rapports contractuels, pour éviter qu'elle n'ait à "décaisser des fonds pour indemniser des vacances non prises".

4.1 Selon l'article 329a al. 1 CO, l'employeur accorde au travailleur, chaque année de service, quatre semaines de vacances au moins et cinq semaines au moins aux travailleurs jusqu'à l'âge de 20 ans révolus. Cette disposition est de nature relativement impérative (art. 362 CO).

La loi réglemente les vacances comme un droit contractuel du travailleur à une prestation de la part de l’employeur, et non comme une simple restriction des prestations dues par le travailleur. Il appartient dès lors au travailleur de prouver l’existence d’une obligation contractuelle de l’employeur de lui accorder des vacances, et la naissance de cette obligation du fait de la durée des rapports de travail. Il incombe en revanche à l’employeur, débiteur des vacances, de prouver que le travailleur a bénéficié des vacances auxquelles il avait droit (ATF 128 III 271 consid. 2a, trad. in JdT 2003 I p. 606 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C_230/1999 du 15 septembre 1999 consid. 4 ; AUBERT, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2e éd. 2012, n. 8 ad art. 329a CO, p. 2035).

Conformément à l'article 329d al. 1 CO, l’employeur verse au travailleur le salaire total afférent aux vacances et une indemnité équitable en compensation du salaire en nature. Aux termes de l’article 329d al. 2 CO, tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d'autres avantages. En règle générale, l'interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent s'applique aussi après la résiliation des rapports de travail. Il peut cependant être dérogé à ce principe selon les circonstances. D'après la jurisprudence, des prestations en argent peuvent remplacer les vacances lorsque celles-ci ne peuvent être prises avant la fin des rapports de travail ou lorsqu'on ne peut exiger qu'elles le soient (ATF 128 III 271 consid. 4a/aa et les réf. citées ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_117/2007 et 4A_127/2007 du 13 septembre 2007 consid. 6). Le point de savoir si le solde de vacances non prises doit être indemnisé en espèces doit être tranché de cas en cas, en se fondant sur le rapport entre la durée de la libération de l'obligation de travailler et le nombre de jours de vacances restant (ATF 128 III 271 consid. 4a/cc). Les vacances résiduelles doivent être prises en nature lorsque leur durée n'excède pas, approximativement, le quart ou le tiers du délai de congé ; s'il y a lieu, elles doivent être prises partiellement en nature et, pour le surplus, remplacées par une prestation en argent (arrêt du Tribunal fédéral 4A_319/2019 du 17 mars 2020 consid. 8).

4.2 En l'espèce, conformément à ce qui a été retenu ci-dessus, l'intimé n'avait pas la position d'organe, mais d'employé de l'appelante, contrairement à ce que soutient celle-ci. Les principes qui viennent d'être exposés lui sont donc applicables sans réserve.

Il résulte du dossier que le décompte des vacances des employés était tenu par l'appelante. Contrairement à ce que celle-ci fait valoir, elle savait parfaitement quel était le solde de vacances de l'intimé puisqu'elle lui avait communiqué ses décomptes de vacances. De plus, dès juillet 2021, l'intimé avait attiré son attention sur cette question.

Si elle entendait exiger de l'intimé qu'il prenne ses vacances en nature il lui incombait de le lui faire savoir, ce qu'elle a omis de faire.

C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a retenu que l'appelante n'avait pas apporté la preuve que l'intimé avait bénéficié des vacances auxquelles il avait droit.

Le calcul des montants alloués à ce titre à l'intimé n'est pas critiqué par l'appelante, de sorte que le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

5. Le Tribunal a retenu que le bonus versé sur le compte de l'intimé auprès de la société pour 2015 était un élément du salaire. Il n'était pas établi que les parties avaient convenu que ce montant serait transformé en prêt actionnaire et ne pourrait être remboursé que lorsque l'appelante disposerait de plus de liquidités. En tout état de cause, le réviseur de la société avait indiqué que celle-ci disposait de liquidités en 2021. De plus, cette créance était devenue exigible de par la loi à la fin des rapports de travail.

L'appelante fait valoir que le devoir de fidélité accru de l'intimé en sa qualité d'organe lui commandait de renoncer à exiger le versement de son bonus, au même titre que D______ et C______, tant que la société avait des problèmes de liquidité.

5.1 Selon l'art. 339 al. 1 CO, à la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.

5.2 En l'espèce, l'argumentation de l'appelante ne saurait être suivie. Comme relevé ci-dessus, l'intimé n'est pas un organe de la société mais un employé. Son bonus pour 2015 a été crédité sur son compte auprès de la société et il a payé des impôts sur ce montant, considéré comme perçu au titre de salaire. Il a ainsi acquis une créance de 12'500 fr. à l'encontre de l'appelante, créance qui est devenue exigible à la fin des rapports de travail au 30 septembre 2021, conformément à l'art. 339 al. 1 CO.

L'intimé n'avait aucune obligation de renoncer à cette créance. Il n'est par ailleurs pas établi que l'appelante avait, en 2021, des problèmes de liquidités qui faisaient obstacle au versement du bonus en question.

Le jugement querellé sera par conséquent entièrement confirmé.

6. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 29 juin 2023 par A______ SA contre le jugement JTPH/175/2023 rendu le 25 mai 2023 par le Tribunal des prud'hommes.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur
Claudio PANNO, juge employeur; Madame Monique LENOIR, juge salarié;
Madame Fabia CURTI, greffière.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Fabia CURTI

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.