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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/11219/2021

CAPH/67/2023 du 21.06.2023 sur JTPH/329/2022 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11219/2021-1 CAPH/67/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 21 JUIN 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 28 octobre 2022 (JTPH/329/2022), comparant par Me David AUBERT, avocat, Aubert Spinedi Street & Associés, rue Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o C______, ______, intimé, comparant par l'Association D______, ______.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/329/2022 du 28 octobre 2022, reçu par les parties le 30 octobre 2022, le Tribunal des prud'hommes a notamment condamné A______ SA à verser à B______ la somme brute de 26'192 fr. 20 (ch. 2 du dispositif), invité la partie en ayant la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), condamné A______ SA à délivrer à B______ l’attestation de l’employeur remplie (ch. 4), les fiches de salaires afférentes aux mois d’octobre 2020 à mars 2021 (ch. 5) et un certificat de salaire rempli, le tout conformément au sens des considérants 3 et suivants du jugement (ch. 6), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7) et dit qu’il n'était pas alloué de dépens et que la procédure était gratuite (ch. 8).

B.            a. Le 30 novembre 2022, A______ SA a formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule, constate que la résiliation des rapports de travail a été notifiée oralement à B______ le 12 octobre 2020 et déboute ce dernier de toutes ses conclusions.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 5 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SA a notamment pour but de ______.

b.a Le 15 juin 2020, B______ a signé avec A______ SA un contrat-cadre de travail temporaire régissant un nombre indéterminé de missions que le travailleur devait accomplir pendant une certaine période dans des entreprises. Il prenait effet à la conclusion par les mêmes parties d'un contrat de mission que le travailleur acceptait d'accomplir dans une entreprise. Le contrat-cadre n'obligeait ni l'employeur à offrir une mission ni le travailleur à accepter une mission proposée. Chaque nouvelle mission faisait l'objet d'un nouveau contrat de mission (art. 1.1).

Pour les missions de durée indéterminée, le délai de congé était de deux jours ouvrables durant les trois premiers mois d’emploi ininterrompu, de sept jours entre le quatrième et le sixième mois d’un emploi ininterrompu et d'un mois pour le même jour du mois suivant dès le 7ème mois de travail (2.8.1). Les dispositions du CO, de la Loi sur le travail, de la Loi sur le service de l'emploi et la location de services (LES) et de la Convention collective de travail (CCT) y relative étaient notamment réservées (art. 3.5).

Le 16 juin 2020, B______ et A______ SA ont conclu, sur la base du contrat cadre, des dispositions du CO et de l'art. 19 LES, un contrat de mission d'une durée indéterminée à partir du 15 juin 2020. B______ était engagé en tant que manœuvre du bâtiment classe C (peintre) pour la société E______, sur le chantier "F______" à G______. L’horaire de travail était de 7h00 à 12h00 et de 13h00 à 17h00. Le salaire horaire brut convenu était de 25 fr. 15, auquel s’ajoutait les sommes brutes de 2 fr. 76 à titre de vacances, de 0 fr. 80 à titre de jours fériés et de 2 fr. 39 à titre de 13ème salaire. Le versement quotidien d’une somme nette de 18 fr., à titre d’indemnité forfaitaire journalière, était en outre prévu. La CCT-SOR (second œuvre romand): peintre était applicable.

Le délai de résiliation était de deux jours ouvrables durant les trois premiers mois d’emploi ininterrompu, de sept jours pour la fin d’une semaine de travail suivante entre le quatrième et le sixième mois d’un emploi ininterrompu et d’un mois dès le 7ème mois d’un emploi ininterrompu.

b.b Ces deux contrats faisaient suite à la signature de deux autres contrats cadres et de deux autres contrats de mission datés des 28 octobre 2019 et 28 janvier 2020, pour des missions d'une durée maximum de trois mois chacune auprès de la même entreprise.

c. B______ s’est trouvé totalement incapable de travailler pour cause d’accident du 14 juillet 2020 au 11 octobre 2020.

d. Le 9 septembre 2020, il a transmis à A______ SA un certificat de travail attestant de ce qu'il pourrait reprendre le travail à 50%, dès le 12 octobre 2020, étant précisé qu’une réévaluation devait être faite deux semaines plus tard pour déterminer si une reprise à plein temps était possible.

Il demandait à son employeur sur quel chantier et à quelle heure il devait se rendre le 12 octobre 2020 pour reprendre son travail à 50% dans un premier temps.

e.a A______ SA allègue avoir résilié verbalement le contrat de mission de B______ le 12 octobre 2020 avec effet au lundi 19 octobre 2012 lors d'un entretien téléphonique entre son employé, H______, et B______. Ce dernier conteste ces affirmations.

e.b Le témoin H______, employé comme "consultant RH" pour A______ SA de janvier 2019 à janvier 2021, a déclaré devant le Tribunal que, après son arrêt accident, B______ était venu à l'agence car il souhaitait reprendre une activité à 50%. Suite à cet entretien, le témoin avait approché le client qui occupait B______ avant son accident, mais celui-ci ne souhaitait pas un employé à 50%. Il avait fait d'autres recherches mais n'avait pas trouvé de poste pour l'intéressé. Ce dernier contactait périodiquement A______ SA par téléphone pour savoir s'il pouvait débuter une occupation et il lui était répondu qu'elle n'avait rien à lui proposer. Le témoin a précisé qu'il n'y "avait pas eu d'autres actions". A______ SA désirait garder B______, mais, à un moment donné, comme elle ne trouvait pas de travail pour lui, elle avait mis "fin à sa mission". Elle avait "terminé la relation". Le témoin ne pouvait pas préciser de quelle manière il avait mis fin à cette relation, car c'était "administratif". Il avait mis fin à la mission de l'intéressé oralement par téléphone et il appartenait aux RH de formaliser le licenciement. Il ne se rappelait pas exactement la teneur de cet entretien téléphonique, ni s'il était seul ou non lors de celui-ci. Il n'avait pas de relations de travail avec I______ la responsable RH de l'entreprise, il faisait son travail de manière indépendante. Ladite responsable ne passait pas le voir. Ils prenaient de temps à autre un café ensemble.

e.c Le témoin I______, responsable RH de A______ SA depuis avril 2019, a déclaré qu'une occupation à 50% avait été cherchée pour B______. Dès octobre 2020, elle retrouvait H______ pour suivre le dossier de celui-ci. Elle était avec ce dernier le 12 octobre 2020 lorsqu'il lui avait annoncé par téléphone la fin de sa mission pour le 19 octobre 2020. La raison de cette démarche était l'impossibilité de trouver une mission à 50% pour l'intéressé. Le micro et le haut-parleur n'avaient pas été utilisés à son souvenir. Après cet entretien, elle n'avait rien formalisé concernant la fin de la mission. Le motif en était que A______ SA appréciait la collaboration de B______ et espérait lui trouver une nouvelle mission. Par la suite, des procédures formalisant ce genre de fin de mission de manière plus précise avaient été introduites dans l'entreprise.

f. Par courriel du 23 octobre 2020 B______ a demandé à A______ SA de le contacter, précisant qu'il souhaitait retravailler le plus tôt possible. A______ SA l'avait informé téléphoniquement qu'elle reprendrait contact avec lui mais il n'avait toujours pas de nouvelles.

g. Pour la période du 1er au 25 octobre 2020, B______ a perçu des indemnités journalières de la part de la J______ à hauteur de 2'446 fr. net correspondant à une incapacité de travail à 100% du 1er au 11 octobre 2020 et à une incapacité à 50% du 12 au 25 octobre 2020.

h. Le 18 novembre 2020, B______ a relancé A______ SA, relevant qu'il n'avait toujours pas de réponse à ses mails et appels concernant son retour au travail. Il rappelait à celle-ci son obligation de lui verser les salaires d'octobre et novembre en fonction de la moyenne des heures de travail des mois précédents. Il restait disponible pour reprendre le travail au plus vite et restait dans l'attente d'une réponse concernant le salaire.

i. Le 23 novembre 2020, A______ SA lui a répondu qu'il n'avait pas été possible de trouver un client disposé à lui proposer une mission à 50%. Elle l'encourageait à lui transmettre dès que possible la confirmation d'une reprise à 100% afin qu'elle puisse proposer sa candidature à ses clients. Elle précisait ce qui suit : "dès réception de votre certificat de reprise, nous serons ( ) à même d'appliquer l'échéance de dédite en accord avec votre dernier contrat de mission".

j. Le jour même, B______ répondu que la reprise à 50% était limitée à une durée de deux semaines. Après ce délai, il était capable de travailler à 100%, ce dont il avait informé A______ SA par téléphone et par e-mail. Aucun certificat médical n'était nécessaire pour une reprise de travail. Même sans mission, il avait droit à un salaire sur la base des heures travaillées les précédents mois. Il restait dans l'attente du virement de son salaire dès la date de reprise, à savoir le 12 octobre 2020.

H______ a répondu, toujours le 23 novembre 2020, qu'il transférait sa demande à son département RH qui se chargerait de lui donner suite.

k. Par courriel du 29 janvier 2021, A______ SA a transmis à B______ un certificat de salaire pour l’année 2020.

Le 2 février 2021 elle lui a fourni une attestation de l’employeur destinée à l'assurance chômage, dans laquelle il était notamment indiqué qu'elle avait résilié oralement les rapports de travail le 12 octobre 2020 pour le 19 octobre 2020. Le certificat de travail mentionnait, quant à lui, que l'intéressé avait effectué trois missions, la dernière s’étant déroulée du 15 juin 2020 au 10 juillet 2020.

l. Le 3 février 2021, B______ s’est adressé à A______ SA pour se plaindre de ce que les documents reçus comportaient de nombreuses erreurs. En particulier, la date de la résiliation des rapports de travail était fausse. A______ SA lui avait dit qu'elle allait l'appeler et non pas qu'elle résiliait son contrat de travail. Il n'avait jamais reçu de lettre de résiliation et n'avait pas pu s'inscrire au chômage. Il attendait une lettre de résiliation correcte datée du 27 janvier 2021.

m. A______ SA, par l'intermédiaire de I______, lui a répondu le 8 février 2021 qu'elle ne comprenait pas ses demandes, lui demandant s'il était apte à reprendre une mission à temps plein et l’invitant à passer à son agence.

n. Le 9 février 2020, A______ SA a adressé à B______ une nouvelle attestation de salaire pour les années 2019 et 2020 ainsi qu’un certificat de travail.

o. Par courriel du 3 mars 2021, B______ a demandé à A______ SA de lui adresser une lettre de licenciement, faisant valoir que la date de résiliation qui figurait dans l’attestation de l’employeur était fausse. A aucun moment on ne l'avait "verbalisé ou informé par mail", de sorte qu'il n'avait pas eu de délai de congé pour pouvoir trouver un autre travail. Il relevait qu'il était toujours disponible pour travailler depuis la fin de son contrat mais qu'il n'avait reçu ni travail ni salaire depuis octobre selon le contrat de durée indéterminée conclu entre les parties. Il demandait le versement de cinq mois de salaire.

p. Par courrier du 21 avril 2021, B______ a fait savoir à A______ SA qu’il considérait que son licenciement était intervenu le 2 février 2021 de sorte que, se trouvant dans son septième mois d’une mission ininterrompue, il bénéficiait d’un délai de congé d’un mois. Les rapports de travail avaient donc pris fin le 2 mars 2021. Il mettait son ex-employeur en demeure de lui verser son salaire à 50% pour la période du 12 au 30 octobre 2020 et à 100% pour la période du 2 novembre 2020 au 2 mars 2021.

q. Par requête déposée en conciliation le 8 juin 2021 et introduite en temps utile devant le Tribunal, B______ a assigné A______ SA en paiement de 26'310 fr. 60 brut, à titre de salaire pour la période du 12 octobre 2020 au 1er mars 2021 et 1’000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral.

Il a en outre conclut à ce que le Tribunal ordonne à sa partie adverse de lui fournir ses fiches de salaire d’octobre 2020 à mars 2021, sa lettre de résiliation datée du 2 février 2021 indiquant la fin des rapports de travail au 2 mars 2021, une l’attestation de l’employeur et des certificats de salaire corrigés.

Il a en particulier allégué n'avoir appris la résiliation de son contrat de travail que le 2 février 2021, de sorte que les rapports de travail avaient pris fin le 3 mars 2021. Il avait donc droit au salaire convenu jusqu'à cette date.

r. Le 7 décembre 2021, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions sous réserve de la somme brute de 698 fr. 75 qu’elle reconnaissait lui devoir. Ce montant correspondait au salaire dû pour une activité à 50% pour la période du 12 au 19 octobre 2020.

Elle a notamment allégué que, le 12 octobre 2020, elle avait résilié verbalement le contrat de mission, avec effet au 19 octobre 2020, en respectant le délai de congé, non sans envisager de lui trouver une nouvelle mission puisqu’il était apprécié. Elle a produit deux attestations signées par H______ et I______. Dans la première, H______ indique avoir informé B______ oralement de la fin de sa mission le 12 octobre 2020 pour le 19 octobre de la même année. Après avoir été informé par celui-ci de sa reprise à 50% dès le 12 octobre 2020, il avait pris contact avec divers clients pour proposer ses services, mais en vain. Il avait alors indiqué à B______ qu'il n'était pas en mesure de lui proposer de nouvelles missions.

Dans la seconde attestation, I______ indique qu'elle était présente lorsque H______ avait téléphoné à B______ le 12 octobre afin de lui annoncer sa fin de mission, prenant effet le 19 octobre 2020 compte tenu de son préavis contractuel.

s. Les parties ont persisté dans leurs conclusions lors de l'audience du Tribunal du 19 mai 2022 et la cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale, dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr., dans le délai et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 308 et 311 CPC).

1.2 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2.             Le Tribunal a considéré qu'il n'était pas établi que l'appelante ait licencié l'intimé le 12 octobre 2020 comme elle l'alléguait. H______ ne se souvenait pas précisément de la teneur de son entretien téléphonique avec l'intimé et n'avait pas confirmé que celui-ci s'était déroulé en présence de I______. Le témoin H______ avait de plus indiqué que le licenciement devait être formalisé, ce qui n'avait pas été fait. La force probante du témoignage de I______ était atténuée en raison du fait que celle-ci était encore employée de l'appelante. Ces témoignages ne concordaient pas avec le contenu du courriel de l'appelante du 23 novembre 2020 dans lequel, loin de se prévaloir de la résiliation des rapports de travail, celle-ci invitait l'intimé à lui faire parvenir un certificat de reprise à 100% pour qu'elle puisse proposer sa candidature à des clients. Si l'appelante estimait que les rapports de travail avaient pris fin le 19 octobre 2020, il était étonnant qu'elle ait attendu jusqu'au 2 février 2021 pour faire parvenir à l'intimé l'attestation destinée à l'assurance-chômage. L'intimé n'avait pu comprendre qu'il était licencié sans doute possible que le 2 février 2021. Le délai de congé étant d'un mois, les rapports de travail avaient pris fin le 2 mars 2021. Jusqu'à cette date, l'appelante était en demeure de fournir du travail à l'intimé qui lui avait offert ses services.

L'appelante fait valoir que le licenciement oral du 12 octobre 2020 a été confirmé par deux témoins. Il était normal que le témoin H______ ne se souvienne pas de tous les détails, deux ans après les faits. Le fait que ni le micro ni le haut-parleur n'étaient activés n'empêchait pas le témoin I______ d'entendre ce qu'avait dit le témoin H______ lors de cet entretien. Le fait que le témoin I______ était toujours employée de l'appelante n'ôtait pas toute crédibilité à ses déclarations. Il était invraisemblable que l'appelante garde à son service un employé qu'elle ne pouvait pas placer auprès d'un client. L'appelante avait indiqué à l'intimé le 23 novembre 2020 quelle lui cherchait une nouvelle mission, ce qui impliquait que la précédente avait pris fin. La référence à "l'échéance de dédite" conformément à son dernier contrat de mission corroborait qu'il s'agissait de négocier un nouveau contrat. L'intimé avait d'ailleurs confirmé le 23 novembre 2020 qu'il était "sans mission jusqu'à présent" ce qui confirmait la fin du contrat de mission du 16 juin 2020. En tout état de cause, à supposer que le congé du 12 octobre 2020 n'ait pas été efficace, il fallait considérer le courriel de H______ du 23 novembre 2020 comme un nouveau congé, prenant effet au 30 novembre 2020.

2.1.1 Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un contrat de travail intérimaire proprement dit (travail temporaire), régi notamment par LSE et la Convention collective de travail Location de services 2019 - 2020 (CCT 2019 – 2020), étendue par arrêté du Conseil fédéral avec effet au 31 décembre 2020.

Le travail temporaire constitue l'une des trois formes de la location de services, contrat innommé sui generis comportant des aspects du mandat, par lequel une personne (le bailleur de services) s'engage, moyennant rémunération, à mettre un ou plusieurs travailleurs à la disposition d'une autre (le locataire de services). Sa caractéristique principale réside dans le fait que le contrat de travail est conclu entre le bailleur de services et le travailleur loué, et non entre le locataire de services et le travailleur loué, même si c'est entre ces derniers que se noue la véritable relation de travail (Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, p. 368 n. 2741).

En cas de travail temporaire, l'employeur (l'agence de placement) ne conclut pas, dans un premier temps, de véritable contrat de travail avec son employé, mais un contrat-cadre, soit une convention générale de services permettant d'obtenir l'adhésion du travailleur à ses conditions de travail. Elle lui propose ensuite un contrat de mission dans une entreprise tierce. Si le travailleur accepte la mission offerte, alors il conclut un contrat de travail effectif avec l'agence de placement (arrêt du Tribunal fédéral 4C.356/2002 du 7 décembre 2004 consid. 2.2).

Entre deux missions, le rapport est en général interrompu et aucun salaire n'est dû (Dunant, Commentaire du contrat de travail, n. 72 ad art. 319 CO).

2.1.2 S'il empêche par sa faute l'exécution du travail ou se trouve en demeure de l'accepter pour d'autres motifs, l'employeur reste tenu de payer le salaire sans que le travailleur doive encore fournir sa prestation (art. 324 al. 1 CO).

Le risque d'inactivité ou de sous-occupation de l'employé, notamment en raison de la résiliation du contrat de mise à disposition par le client de l'agence, appartient typiquement à l'employeur. Sa survenance n'est donc pas un motif légitime de refuser la prestation du travailleur et l'employeur se trouve en demeure d'acceptation au sens de l'art. 324 CO. L'agence ne peut ainsi pas reporter le risque d'inoccupation de l'intérimaire sur ce dernier en résiliant le contrat de travail avec effet immédiat. Elle doit le salaire pour le reste de la durée du contrat. S'il est proposé à l'intérimaire une mission de remplacement dont on peut raisonnablement exiger de lui qu'il l'accepte ou s'il a la possibilité d'effectuer un travail de remplacement convenable, il devra se laisser imputer le gain qu'il aura ou aurait pu réaliser (Thévenoz, Le travail temporaire, thèse Genève 1987, p. 261 et 262, n. 780 et 782). 

2.1.3 A teneur de l'article 335 al. 1 CO, le contrat de durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. Une résiliation est nécessaire pour mettre fin aux rapports de travail dans le cadre d'un contrat de durée indéterminée. La résiliation est l'exercice d'un droit formateur et prend la forme d'une déclaration de volonté soumise à réception. Elle doit être claire et précise quant à la volonté de l'auteur de mettre un terme aux rapports de travail. Pour déterminer si l'on est en présence d'une résiliation, il convient dans un premier temps de rechercher la volonté réelle de l'auteur de la déclaration. Si celle-ci ne peut pas être établie, on interprétera la déclaration selon le principe de la confiance, soit en établissant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, son destinataire pouvait et devait raisonnablement lui prêter. A titre subsidiaire, la déclaration sera interprétée contre son auteur (Wyler/ Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 616).

Selon l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de fait. S'il ne parvient pas à déterminer cette volonté, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté manifestée par l'autre - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective). Le juge doit rechercher, par l'interprétation selon la théorie de la confiance, quel sens les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (principe de la confiance); il s'agit d'une question de droit. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 142 III 671 consid. 3.3; 140 III 134 consid. 3.2; 136 III 186 consid. 3.2.1; 135 III 295 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2017 du 12 mars 2018 consid. 5.1).

Constituent des indices permettant de déterminer la réelle et commune intention des parties non seulement la teneur des déclarations de volonté, écrites ou orales, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2).

Pour l'interprétation selon le principe de la confiance, seules sont déterminantes les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté. En effet, seules doivent être prises en considération pour déterminer la volonté objective les circonstances que les parties connaissaient ou pouvaient connaître au moment où le contrat est venu à chef (arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.3).

2.2 En l'espèce, dès le 23 octobre 2020, l'intimé a envoyé régulièrement des courriels à l'appelante pour lui proposer ses services et demander le versement de son salaire. Il en résulte que celui-ci n'avait pas compris que, lors de l'entretien téléphonique du 12 octobre 2020, l'appelante avait la volonté de le licencier avec effet au 19 octobre 2020.

Il convient dès lors, conformément à la jurisprudence, de rechercher par l'interprétation selon la théorie de la confiance quel est le sens que l'intimé pouvait et devait raisonnablement donner aux déclarations du représentant de l'appelante émises lors de l'entretien téléphonique du 12 octobre 2020.

Les déclarations du témoin H______ concernant la teneur de cet entretien sont vagues et ne concordent pas avec les allégations de l'appelante. Le témoin n'a pas expressément confirmé lors de son audition par le Tribunal qu'il avait indiqué ce jour-là à l'intimé que son contrat de travail était résilié avec effet au 19 octobre 2020. Il s'est limité à expliquer que l'appelante ne trouvait pas de travail pour l'intimé, de sorte qu'elle avait "mis fin à [la] mission" de celui-ci, tout en précisant qu'il appartenait aux RH de formaliser le licenciement. Cette précision atteste du fait que le témoin considérait que les déclarations qu'il avait faites au téléphone le 12 octobre 2020 n'étaient pas suffisantes à elles seules pour constituer une déclaration de résiliation du contrat de travail. Le témoin ne se rappelait de plus pas les termes utilisés, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer si ceux-ci étaient suffisamment clairs pour que, selon les règles de la bonne foi, l'intimé comprenne qu'il était licencié.

A cela s'ajoute que le témoin n'a pas confirmé avoir mentionné au téléphone que la fin des rapports de travail interviendrait le 19 octobre 2020.

Le témoignage de I______ n'est quant à lui pas convaincant. Le témoin H______ n'a pas confirmé qu'elle était présente lors de l'entretien téléphonique du 12 octobre 2020 et a de plus précisé qu'il n'avait pas de relations de travail avec elle. La question de savoir si elle a pu ou non entendre la réaction de l'intimé est quant à elle dénuée de pertinence. En outre, comme l'a relevé le Tribunal, ses déclarations doivent être considérées avec réserve, puisqu'elle est encore employée de l'appelante.

Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que, lors de l'entretien téléphonique du 12 octobre 2020, l'appelante a expliqué à l'intimé de manière suffisamment claire pour qu'il puisse le comprendre en application des règles de la bonne foi qu'elle résiliait son contrat de travail pour le 19 octobre 2020.

C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a considéré que le contrat du 16 juin 2020 n'avait pas pris fin le 19 octobre 2020.

Puisque, pour l'interprétation selon le principe de la confiance, seules sont déterminantes les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des éléments postérieurs, il n'y a pas lieu de tenir compte des échanges de courriels intervenus après le 12 octobre 2020. En tout état de cause, contrairement à ce qu'allègue l'appelante, ces échanges ne confirment pas sa thèse. Le fait que l'appelante ait indiqué qu'elle cherchait une mission à 50% pour l'intimé n'est pas déterminant et n'établit pas que le contrat précédent avait valablement été résilié. La mention de "l'échéance de dédite en accord avec" le dernier contrat de mission est quant à elle incompréhensible.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante à titre subsidiaire, l'intimé ne pouvait pas déduire du courriel de H______ du 23 novembre 2020 qu'il était licencié pour le 30 novembre 2020. Ce courriel mentionne que l'appelante n'a pas trouvé de client requérant ses services mais ne précise pas que le contrat de travail de l'intimé est résilié pour le 30 novembre 2020. Comme cela ressort des principes juridiques susmentionnés, le risque de non occupation de l'intérimaire est à charge de l'agence de placement, de sorte que cet état de fait n'entraîne pas la fin du contrat. L'intimé a d'ailleurs clairement attiré l'attention de l'appelante sur ce qui précède dans sa réponse adressée le jour même.

Il résulte de ce qui précède que le contrat de travail liant les parties a été résilié le 2 février pour le 2 mars 2021, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal.

3. 3.1 Le Tribunal a considéré que le contrat de mission du 16 juin 2020 prévoyait un salaire horaire brut de 30 fr. 96 et que le temps de travail était de 9 heures par jour. Sur cette base, il a calculé de la manière suivante le salaire dû à l'intimé entre octobre 2020 et mars 2021 :

- octobre 2020 : ((5 x 9 x 30 fr. 96) / 2) x 2 + (5 x 9 x 30 fr. 96) = 2'786 fr. 40

- novembre 2020 : ((5 x 9 x 30 fr. 96) x 4) + (9 x 30 fr. 96) = 5'851 fr. 44
- décembre 2020 : ((4 x 9 x 30 fr. 96) x 2) + ((5 x 9 x 30 fr. 96) x 2) + (3 x 9 x 30 fr. 96) = 5'851 fr. 44

- janvier 2021 : (5 x 9 x 30 fr. 96) x 4 = 5'572 fr. 80.

- février 2021: (5 x 9 x 30 fr. 96) x 4 = 5'572 fr. 80

- mars 2021 : (2 x 9 x 30 fr. 96 = 557 fr. 28.

L'appelante fait valoir que l'intimé n'a droit qu'à la moitié des montants alloués par le Tribunal car il n'a pas démontré qu'il était capable de travailler à 100%. Les premiers juges avaient en outre omis de déduire du salaire dû pour octobre 2020 le montant de 2'446 fr. versé par la J______ pour la période du 1er au 25 octobre 2020.

3.2 En l'espèce, l'intimé n'a pas allégué que son incapacité de travail avait perduré après le 25 octobre 2020. Une telle incapacité ne ressort de plus pas du certificat médical produit. La J______ a d'ailleurs complètement cessé de verser des indemnités après le 25 octobre 2020. L'intimé était dès lors apte à travailler à 100% dès le 26 octobre 2020, ce dont il a informé l'appelante. C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a tenu compte d'une capacité de travail complète dès cette date.

Le Tribunal a par ailleurs pris en compte les indemnités versées par la J______ pour le mois d'octobre et a correctement calculé le salaire dû par l'intimée en tenant compte de dix jours de travail à 50% et de cinq jours à 100%.

Il résulte de ce qui précède que le jugement querellé doit être entièrement confirmé.

4. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA contre le jugement JTPH/329/2022 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 28 octobre 2022 dans la cause C/11219/2021-1.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit qu'il n'est pas prélevé de frais judiciaires ni alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, juge employeur; Monsieur Roger EMMENEGGER, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

Le greffier :
Javier BARBEITO

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.