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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/18969/2022

CAPH/63/2023 du 12.06.2023 ( CCT ) , ARRET/CONTRA

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18969/2022-CT CAPH/63/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 12 JUIN 2023

 

Entre

A______, B______, sise ______, appelante d'une sentence arbitrale rendue le 29 août 2022 par la Chambre des relations collectives de travail, comparant en personne,

et

COMMISSION PARITAIRE DES METIERS DU BATIMENT DU SECOND OEUVRE (CPSO), sise rue de Saint-Jean 98, case postale 5278, 1211 Genève 11, intimée, comparant en personne.


EN FAIT

A.           L’entreprise A______, B______ (ci-après également : A______/B_____ ou B______) est une entreprise individuelle sise no. ______, rue 1______ à Genève, fondée en 2015 par B______, ayant pour but les « services dans les domaines du nettoyage de bâtiment et de l’entretien, y compris la conciergerie, la peinture et la rénovation ; manutention et transports de marchandises ».

B. a. Par contrat du 23 août 2021, A______ a engagé à plein temps, du 24 août 2021 au 24 septembre 2021, le dénommé C______ en qualité de manœuvre, pour un salaire horaire brut de 26 fr. 50, plus un « 13ème salaire contractuel : 8,33% » et « paniers : 18 fr. par jour travaillé ».

b. Le 24 août 2021, A______ a fait l’objet d’un contrôle sur un chantier sis no. ______, rue 2______ à Genève par un inspecteur du Bureau de contrôle des chantiers. L’activité de C______ a été stoppée à l’issue de ce contrôle, en raison des infractions suivantes constatées par l’inspecteur : non-annonce préalable d’engagement d’un travailleur, non-respect de la durée contractuelle de travail, non-respect du salaire minimal et non-paiement ou paiement partiel des indemnités forfaitaires.

c. Par courrier du 14 octobre 2021 et après avoir obtenu un certain nombre de documents de A______ (notamment les fiches de salaire des mois d’août et de septembre 2021, ainsi que les décomptes d’heures du travailleur concerné), la Commission paritaire des métiers du bâtiment, second œuvre, Genève (ci-après : la Commission paritaire), a indiqué à B______ que conformément à la CCT-SOR, le salaire de C______ devait être réajusté pour un total de 454 fr. 99, correspondant à 220 fr. 99 à titre de jour férié (Jeûne genevois) et 234 fr. à titre d’indemnités journalières. Il avait en outre été constaté que A______ n’avait pas respecté le taux contractuel prévu dans le contrat de travail, soit 100% sur une période déterminée du 24 août 2021 au 24 septembre 2021. En effet, selon les décomptes d’heures, le travailleur n’avait travaillé que dix jours au lieu de vingt-trois, ce qui était « constitutif d’une peine conventionnelle ». Un délai au 28 octobre 2021 était imparti à A______ pour faire parvenir à la Commission paritaire la preuve écrite des réajustements précités, ainsi que ses explications, objections et justifications.

d. Par courriel du 14 octobre 2021, A______ a expliqué que C______ n’avait en réalité travaillé que cinq jours et non six durant le mois d’août 2021. Il n’était en effet pas venu travailler le 25 août, « pour raisons familiales ». En ce qui concernait le mois de septembre, il n’avait travaillé que durant les jours mentionnés sur la feuille d’heures qui avait été transmise et avait pris congé les autres jours « pour raisons familiales », ayant des démarches à effectuer dans le canton de Zurich dans la perspective de son futur mariage. Dès lors, son salaire avait été calculé exclusivement sur les jours effectivement travaillés.

e. Le 11 janvier 2022, la Commission paritaire a prononcé une peine conventionnelle à l’encontre de A______/B______, B______, d’un montant total de 1'243 fr. 30. Cette peine conventionnelle était motivée par le fait que des infractions à la convention collective de travail en matière de jours fériés avaient été constatées s’agissant du travailleur C______ (différentiel de 220 fr. 99). Une demande de détermination et de réajustement avait été adressée à A______ le 14 octobre 2021, avec un délai au 28 octobre 2021 pour s’exécuter, lequel n’avait pas été suivi d’effet. Dès lors, il avait été décidé d’infliger à A______ une peine conventionnelle de 743 fr. 30, à laquelle s’ajoutait une seconde peine conventionnelle de 500 fr., A______ n’ayant pas établi avoir versé à C______ le salaire du mois d’août 2021 sur un compte bancaire ou postal.

La décision mentionnait le fait qu’elle pouvait être contestée devant la Chambre des relations collectives de travail agissant comme tribunal arbitral public.

f. Le 11 février 2022, A______, B______ a saisi la Chambre des relations collectives de travail d’un recours formé contre la peine conventionnelle infligée par décision du 11 janvier 2022, concluant à l’annulation de ladite peine, sous suite de frais et dépens.

Il était précisé, dans le recours, que le travailleur C______ avait pris congé, pour raisons familiales et afin d’accomplir diverses démarches en vue de son mariage, aux dates suivantes : 25 août, 5, 7, 8, 9, 10, 13, 14, 15, 16, 17, 20, 22, 23, 24, 27, 28 et 29 septembre 2021. Le recourant indiquait en outre produire les preuves des paiements effectués sur le compte bancaire de C______. Lesdits versements avaient été effectués aussitôt que le travailleur avait communiqué les coordonnées de son compte bancaire.

g. La Commission paritaire s’est déterminée le 18 mars 2022 sur le recours formé le 11 février 2022 par A______. Elle a indiqué qu’à la suite des explications fournies par cette dernière, elle avait modifié, par courriel du 21 octobre 2021, sa demande de réajustement, en ne demandant que celui du jour férié de septembre 2021 (Jeûne genevois), à hauteur de 220 fr. 99. Ledit réajustement n’ayant pas été opéré, une peine conventionnelle avait été infligée, selon le calculateur de peine en vigueur, à hauteur de 743 fr. 30.

En ce qui concernait la peine conventionnelle de 500 fr. pour paiement du salaire par un moyen non conforme, elle acceptait de l’annuler, au motif que A______ avait finalement fourni les preuves du paiement du salaire de C______ sur un compte bancaire et qu’il s’agissait de la première peine conventionnelle infligée pour cette raison.

C.                a. Par contrat du 4 octobre 2021, A______ a engagé à plein temps, du 4 octobre 2021 au 29 octobre 2021, le dénommé D______ en qualité de manœuvre, pour un salaire horaire brut de 26 fr. 95, plus un « 13ème salaire contractuel : 8,33% » et « paniers : 18 fr. par jour travaillé ». Le contrat mentionnait une période d’essai de sept jours de part et d’autre et un délai de résiliation, durant la période d’essai, de trois jours.

b. Le 6 octobre 2021, A______ a fait l’objet d’un contrôle sur le chantier sis no. ______, rue 2______ à Genève par un inspecteur du Bureau de contrôle des chantiers. Les infractions suivantes ont été constatées par l’inspecteur s’agissant de l’ouvrier D______ : non-respect de la durée contractuelle de travail, non-remise du/des décomptes d’heures et paiement du salaire par un moyen non conforme.

c. Par courrier du 26 octobre 2021 et après avoir obtenu un certain nombre de documents de A______, la Commission paritaire lui a indiqué que conformément à la CCT-SOR, le salaire de D______ devait être réajusté pour un total de 4'392 fr. 96, correspondant à 3'665 fr. 20 à titre de salaire brut pour la période du 4 octobre au 29 octobre 2021, au motif que selon l’horaire contractuel, le travailleur devait percevoir le salaire pour toute la période mentionnée sur son contrat déterminé, même s’il ne travaillait pas, à 389 fr. 97 à titre de vacances pour la même période et à 337 fr. 79 à titre de 13ème salaire. De surcroît, chaque employé devait être muni d’un compte bancaire ou postal sur lequel le salaire devait être versé. Un délai au 15 novembre 2021 était imparti à A______ pour faire parvenir à la Commission paritaire la preuve écrite des réajustements précités, ainsi que ses explications, objections et justifications.

d. Par courriel du 19 novembre 2021, A______ a expliqué qu’il s’agissait « d’un arrêt de travail au bout du troisième jour », D______ ayant trouvé un « meilleur travail » ailleurs.

e. Le 24 novembre 2021, la Commission paritaire a annulé son courrier du 26 octobre 2021 adressé à A______.

Le salaire du travailleur D______ ne devait en réalité être réajusté qu’à hauteur de 2'584 fr. 09, correspondant à :

-          2'156 fr. à titre de salaire brut pour la période allant du 4 au 29 octobre 2021. Il avait été tenu compte du fait que le travailleur n’avait travaillé que trois jours au sein de A______. Toutefois, conformément à l’art. 7 de la CCR-SOR, les trente premiers jours de travail étaient considérés comme temps d’essai. Durant cette période, chaque partie pouvait résilier le contrat de travail en observant un délai de congé de sept jours de travail pour la fin d’une journée de travail, ce qui impliquait que D______ avait « contractuellement travaillé 10 jours (3 jours sur le chantier et 7 jours de délai de congé)» ;

-          229 fr. 39 à titre de vacances pour les 10 jours ;

-          198 fr. 70 à titre de 13ème salaire pour les 10 jours.

A______ était par ailleurs à nouveau rendue attentive au fait que chaque employé devait être muni d’un compte bancaire ou postal sur lequel le salaire devait être versé. Un délai au 13 décembre 2021 était fixé à A______ pour faire parvenir la preuve des réajustements précités et pour fournir ses explications, objections et justifications.

f. Le 28 janvier 2022, la Commission paritaire a prononcé une peine conventionnelle à l’encontre de A______/B______, B______ d’un montant de 6'354 fr. 25. Cette peine conventionnelle était motivée par le fait que des infractions à la convention collective de travail avaient été constatées s’agissant du travailleur D______, à savoir : différentiel de 2'156 fr. au titre du salaire minimum pour la période du 4 au 29 octobre 2021, différentiel de 229 fr. 39 relatif au salaire afférent aux vacances pour la même période et 198 fr. 70 au titre du 13ème salaire.

La décision mentionnait le fait qu’elle pouvait être contestée devant la Chambre des relations collectives de travail agissant comme tribunal arbitral public.

g. Le 28 janvier 2022, la Commission paritaire a infligé à A______/B______, B______ une peine conventionnelle supplémentaire de 500 fr., au motif que A______ n’avait pas fourni la preuve du versement du salaire de D______ pour le mois d’octobre 2021 sur un compte bancaire ou postal.

La décision mentionnait le fait qu’elle pouvait être contestée devant la Chambre des relations collectives de travail agissant comme tribunal arbitral public.

h.a Le 11 février 2022, A______/B______, B______ a formé recours auprès de la Chambre des relations collectives de travail contre la peine conventionnelle infligée le 28 janvier 2022 en 6'354 fr. 25, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens. Il a allégué que D______, au bénéfice d’un contrat de travail du 4 au 29 octobre 2021, avait unilatéralement décidé de quitter son emploi le 6 octobre 2021 et sollicité le versement du salaire dû en espèces.

h.b Le 11 février 2022, A______/B______, B______ a saisi la Chambre des relations collectives de travail d’un recours formé contre la peine conventionnelle infligée le 28 janvier 2022 en 500 fr., concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens. Le recourant a répété que le 6 octobre 2021, le travailleur D______ avait unilatéralement décidé de quitter son emploi et sollicité le versement en espèces du salaire qui lui était dû, afin d’être payé plus rapidement. Au lieu de demander le versement d’une indemnité fondée sur l’art. 337d CO, A______ avait rémunéré le travailleur en espèces pour les trois jours effectivement travaillés.

i. Dans ses observations du 18 mars 2022 adressées à la Chambre des relations collectives de travail, la Commission paritaire a persisté à soutenir que conformément à l’art. 7 al. 1 CCT-SOR, le délai de congé de 7 jours devait être respecté par les deux parties et le salaire payé pendant le délai de congé ; elle maintenait dès lors sa peine conventionnelle en 6'354 fr. 25. En ce qui concernait le paiement du salaire de D______ par un moyen non conforme, elle a également maintenu sa position.

D. a. Le 12 mai 2022, la Chambre des relations collectives de travail a tenu une audience.

Il ressort du procès-verbal de celle-ci que A______ « n’avait pas apprécié le départ soudain de son collaborateur » et lui avait néanmoins versé le salaire correspondant à trois jours. Elle considérait en outre faire l’objet d’un nombre abusif de contrôles et maintenait son opposition aux trois peines conventionnelles portant sur un montant total de 7’597 fr. 55 (6’354 fr. 25 + 500 fr. + 743 fr. 30).

La Commission paritaire a pour sa part maintenu sa position, telle que contenue dans son écriture du 18 mars 2022.

Il a été constaté que les parties n’étaient pas parvenues à un accord et qu’elles sollicitaient l’arbitrage de la Chambre des relations collectives de travail.

E.            Par sentence arbitrale du 29 août 2022, notifiée aux parties par plis du 30 août 2022, la Chambre des relations collectives de travail a condamné A______, B______ à payer à la Commission paritaire des métiers du bâtiment du second œuvre, Genève, la somme totale de 7'597 fr. 55 correspondant aux peines conventionnelles des 11 et 28 janvier 2022, débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions, et dit que ladite sentence pouvait faire l’objet d’un recours auprès de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice dans les 30 jours dès sa notification.

En substance, la Chambre des relations collectives de travail a retenu que même si le travailleur avait sollicité le versement du salaire en espèces en vue de garantir un versement rapide, l’art. 31 al. 1 CCT-SOR disposait que le salaire devait être versé sur un compte bancaire ou postal. La Chambre des relations collectives de travail a, pour le surplus, motivé comme suit la suite de sa sentence arbitrale : « On relèvera toutefois que la requérante a, depuis, effectué lesdits versements sur le compte de M. C______ dès que celui-ci lui a communiqué son compte. Quant à l’argumentation relative au non-respect des conditions salariales, et tenant compte du fait que le travailleur avait été absent pour maladie, la CPSO a rectifié sa demande de réajustement, demande à laquelle la requérante n’a toutefois pas donné suite. C’est pour ce motif que la CPSO lui a infligé, le 28 janvier 2022, une peine conventionnelle pour non-respect de la CCT-SOR en matière de salaire minimal de 6'354 fr. 25. La requérante, dans sa contestation du 11 février 2022, demande à la Chambre de faire preuve de clémence à son endroit. Même si la requérante a relevé, lors de l’audience du 12 mai 2022, faire l’objet d’un nombre abusif de contrôles, la Chambre considère que la CPSO a fait preuve de clémence, notamment en demandant uniquement le réajustement du jour férié du mois de septembre 2021 à hauteur de 220 fr. 99. En conclusion, la Chambre estime, au vu de ce qui précède, que c’est à bon droit que la CPSO a infligé, pour non-respect de la CCT-SOR, 3 peines conventionnelles, du 11 janvier 2022 de 743 fr. 30, du 28 janvier 2022 de 6'354 fr. 25 et du 28 janvier 2022 de 500 fr., soit d’un montant total de 7'597 fr. 55.»

F.             a. Le 29 septembre 2022, A______/B______, B______ a recouru contre la sentence arbitrale du 29 août 2022, reçue au plus tôt le 31 août 2022, concluant à l’annulation des peines conventionnelles, sous suite de frais et dépens, subsidiairement à la réduction de toutes les peines conventionnelles à une peine de 1'000 fr. au total.

Il a soutenu, à l’appui de son recours, que lesdites peines étaient disproportionnées, alors que l’employé pour lequel la peine la plus élevée avait été prononcée avait décidé de quitter le chantier auprès 3 jours de travail, violant ainsi son contrat de durée déterminée d’un mois. Par ailleurs, la sentence arbitrale n’était pas motivée, puisqu’elle n’expliquait pas pourquoi elle confirmait les peines conventionnelles.

b. La Commission paritaire a répondu au recours le 1er novembre 2022, concluant à la confirmation de la décision du 29 août 2022 et au déboutement du recourant de toutes autres ou contraires conclusions.

EN DROIT

1.         La Cour est saisie d’un recours dirigé contre une sentence arbitrale rendue par la Chambre des relations collectives de travail. Elle examine d’office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

1.1 La Convention Collective de Travail du Second Œuvre Romand 2019 (CCT-SOR) prévoit à son art. 51 al. 2 que les décisions de la Commission professionnelle paritaire cantonale (CPSO) peuvent faire l’objet d’un recours dans les trente jours auprès de la Chambre des relations collectives de travail (CRCT). Selon la même disposition, la CRCT est saisie soit en tant qu’instance de conciliation, soit en tant qu’instance d’arbitrage. La CRCT est définie dans le cadre de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (LCRCT). Cette loi institue une Chambre des relations collectives de travail à Genève, avec les compétences, notamment, de prévenir et concilier les différends d’ordre collectif concernant les conditions de travail et de trancher les différends collectifs comme tribunal arbitral public (art. 1 al. 1 let. a et e LCRCT). L’art. 10 LCRCT prévoit quant à lui que la Chambre peut statuer comme tribunal arbitral public sur tout litige qui lui est soumis d’entente entre les parties. L’art. 7 du Règlement d’application de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (RCRCT) dispose quant à lui que les parties aux conventions collectives et les organisations professionnelles ayant qualité pour agir selon le droit fédéral sont notamment considérées comme parties ayant la qualité pour requérir la réunion de la Chambre des relations collectives de travail. L’art. 15 RCRCT prévoit que la sentence arbitrale rendue par la CRCT est minutée comme un jugement et est assimilée, pour son exécution, à un jugement définitif. Ni la LCRCT ni le RCRCT ne prévoient d’instance de recours cantonale contre une décision prise par la Chambre des relations collectives de travail en tant que tribunal arbitral instaurée par la CCT-SOR. Cette dernière ne prévoit pas non plus un tel recours.


Dans un arrêt
4A_53/2016 du 13 juillet 2016, la première Cour de droit civil du Tribunal fédéral a considéré que la CRCT est une instance publique cantonale lorsqu’elle agit en qualité de tribunal arbitral public et que sa composition et la détermination de son siège étant soustraites au choix des parties, elle ne peut pas être considérée comme un tribunal arbitral au sens des art. 353 et ss CPC, avec la conséquence qu’un recours direct au Tribunal fédéral sur la base de l’art. 77 al. 1 LTF est dès lors exclu et que la CRCT statue ainsi dans ces situations en tant qu’autorité judiciaire cantonale de première instance et que sa décision, comme jugement étatique, n’est pas susceptible d’être attaquée directement devant le Tribunal fédéral. En effet, le recours en matière civile est ouvert contre une décision cantonale, pour autant que cette décision ait été rendue par un tribunal supérieur du Canton, lequel, sauf exception n’entrant pas en ligne de compte en l’espèce, aura statué lui-même sur recours, au sens de l’art. 75 al. 1 et 2 LTF. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’en vertu du droit fédéral, une voie de recours cantonale doit être ouverte contre une décision judiciaire de première instance de la CRCT, de sorte qu’à Genève, la Cour de justice est compétente pour connaître d’un tel recours, en sa qualité d’autorité judiciaire supérieure du Canton (ATF 139 III 252 consid. 1.6 p. 255 et ss.).

A Genève, la Chambre des prud’hommes de la Cour civile est compétente pour les appels et les recours dirigés contre les jugements du Tribunal des prud’hommes (art. 124 LOJ). La Chambre de céans, second degré de juridiction civile à Genève pour un litige ayant trait au droit du travail, est dès lors compétente pour connaître de la présente cause (CAPH/204/2017 du 12 décembre 2017), ce qui n’est au demeurant pas contesté par les parties.

1.2 Le Code de procédure civile est applicable devant les juridictions cantonales aux affaires civiles contentieuses (art. 1 CPC). L’appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins dans les affaires patrimoniales (art. 308 CPC). Le recours est quant à lui recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel. Le recours doit être formé par écrit, être motivé et introduit auprès de l’instance de recours dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée.

En l’espèce, compte tenu de la valeur litigieuse inférieure à 10'000 fr., seule la voie du recours est ouverte. Celui-ci a été interjeté en temps utile et dans les formes requises par la loi. Il est donc recevable à la forme.

 

2.             Le recourant ne conteste pas être assujetti à la CCT-SOR, de sorte qu’il ne sera pas revenu sur cette question.

 

3.             3.1.1 En vertu de l'art. 52 al. 2 et 3 CCT-SOR, toute infraction aux dispositions de ladite convention peut être sanctionnée par une amende d'un montant de 30'000 fr. au plus par cas d'infraction, sans préjudice de la réparation des dommages éventuels. La CPSO peut déroger et aller au-delà de ce montant si le préjudice subi est supérieur à cette somme; ce montant peut être porté à 120'000 fr. en cas de récidive ou de violation grave des dispositions de la CCT-SOR, la CPSO pouvant aller au-delà de cette somme si le préjudice subi est supérieur à ce montant.

Les sanctions infligées par une commission paritaire chargée de l’application d’une convention collective de travail sont des clauses pénales au sens de l’art. 160 CO. Le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives (art. 163 al. 3 CO). Pour déterminer l’éventuel caractère excessif d’une peine, il faut, selon le Tribunal fédéral, tenir compte de la gravité de la violation contractuelle et de la faute, ainsi que du but tendant à empêcher, par une peine efficace, de futures violations du contrat (Dunand, L’exécution des peines conventionnelles notifiées par les commissions paritaires, Arbeit und Arbeitsrecht, 2017, p. 63 ; ATF
116 II 302 consid. 3 et 4).

 

Dans l’application de l’art. 163 al. 3 CO et donc dans l’usage de son pouvoir d’appréciation (art. 4 CC), le juge doit observer une certaine réserve. Une intervention du juge dans le contrat ne se justifie que si le montant de la peine fixée est si élevé qu’il dépasse toute mesure raisonnable, au point de ne plus être compatible avec le droit et l’équité. Pour juger du caractère excessif de la peine conventionnelle, il ne faut pas raisonner abstraitement, mais, au contraire, prendre en considération toutes les circonstances concrètes de l’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 4A 468/2016 du 6 février 2017 consid. 6.1).

 

3.1.2 Tous les travailleurs ont droit à l’indemnisation de 9 jours fériés conventionnels ou légaux au maximum par année, à raison du salaire effectivement perdu (art. 21 ch. 1 CCT-SOR).

 

Dans le canton de Genève, le jeudi du Jeûne genevois est un jour férié (cf. Annexe III à la CCT-SOR).

 

3.1.3.1 Les 30 premiers jours de travail sont considérés comme temps d’essai. Durant cette période, chaque partie peut résilier le contrat individuel de travail en observant un délai de congé de sept jours de travail pour la fin d’une journée de travail (art. 7 ch. 1 CCT-SOR).

 

3.1.3.2 Le contrat de durée déterminée prend fin sans qu’il soit nécessaire de donner congé (art. 334 al. 1 CO).

 

Avant l’échéance convenue, aucune des parties ne peut mettre fin unilatéralement au contrat par une résiliation ordinaire. Seules demeurent les causes extraordinaires de résiliation, soit pour justes motifs (art. 337 CO), soit en raison de l’insolvabilité de l’employeur (art. 337a CO). Les parties restent toutefois libres de mettre fin au contrat d’un commun accord (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 612).

 

Lorsque le travailleur n’entre pas en service ou abandonne son emploi abruptement sans justes motifs, l’employeur a droit à une indemnité égale au quart du salaire mensuel ; il a en outre droit à la réparation du dommage supplémentaire (art. 337d al. 1 CO).

 

3.1.4 Le salaire est payé une fois par mois mais au plus tard avant le 7 du mois suivant. Il est versé au travailleur sur un compte bancaire ou postal (art. 31 ch. 1 CCT-SOR).

 

3.1.5 Le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui apparaissent pertinents (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 142 III 433 consid. 4.3.2 et les arrêts cités).

 

3.2 En l’espèce, les peines conventionnelles infligées au recourant sont les suivantes :

- 743 fr. 30 pour non-paiement au travailleur C______ d’un jour férié ;

- 6'354 fr. 25 pour non-paiement au travailleur D______ de son salaire, y compris vacances et part de 13ème salaire, pendant sept jours correspondant au délai de congé ;

- 500 fr. pour ne pas avoir fourni la preuve du versement du salaire de D______ sur un compte bancaire ou postal.

 

Il sera tout d’abord relevé que la sentence arbitrale contestée est incomplète dans sa partie EN FAIT et confuse dans sa partie EN DROIT, un amalgame semblant avoir été fait entre l’infraction reprochée au recourant relative au travailleur C______ et celles relatives au travailleur D______.

 

3.2.1 En ce qui concerne la peine conventionnelle de 743 fr. 30, elle est due au non-paiement, par le recourant, au travailleur C______ du salaire correspondant au jour du Jeûne genevois 2021. Ce point n’est pas contesté par le recourant. Celui-ci a toutefois soutenu, à raison, que la sentence arbitrale n’était pas motivée. En particulier, la Chambre des relations collectives de travail n’a fourni aucune explication utile sur les critères pris en considération pour confirmer la peine conventionnelle à hauteur de 743 fr. 30, étant précisé qu’un tel montant ne ressort pas du barème émanant de la Commission paritaire des métiers du bâtiment figurant dans la procédure.

 

En raison de ce défaut de motivation, la sentence arbitrale sera annulée en tant qu’elle porte sur la peine conventionnelle à hauteur de 743 fr. 30 et la cause retournée à la Chambre des relations collectives de travail afin qu’elle se prononce à nouveau sur ce point, en motivant sa décision, de manière à ce que le recourant puisse comprendre le calcul opéré pour parvenir au résultat de 743 fr. 30.

 

3.2.2 S’agissant de la peine conventionnelle à hauteur de 6'354 fr. 25, la Commission paritaire l’a motivée par le fait que, selon l’article 7 al. 1 CCT-SOR, durant les 30 jours de période d’essai, chaque partie pouvait résilier le contrat individuel de travail en observant un délai de congé de 7 jours pour la fin d’une journée de travail. Dès lors, le délai de congé de 7 jours devait être respecté par les deux parties et le salaire payé pendant le délai de congé.

 

La Chambre des relations collectives de travail, dans la sentence arbitrale attaquée, n’a fourni aucune indication intelligible sur les raisons pour lesquelles elle considérait cette sanction fondée. En effet, elle mentionne, sous considérant 5 de sa décision, une absence du travailleur « pour maladie » et la rectification, par la Commission paritaire, de sa demande de réajustement, à laquelle le recourant n’avait donné aucune suite, raison pour laquelle une peine conventionnelle de 6'354 fr. 25 lui avait été infligée. Or, le dossier ne fait nulle mention, que ce soit pour C______ ou pour D______, d’une absence pour cause de maladie. Par ailleurs, le réajustement dont il est question concernait le cas du travailleur C______, alors que la peine conventionnelle en 6'354 fr. 25 a été infligée au recourant en raison d’une prétendue violation de la CCT-SOR en lien avec le travailleur D______.

 

Quoiqu’il en soit, aucune violation de l’art. 7 CCT-SOR n’aurait dû être retenue en l’espèce. En effet, le recourant et le travailleur D______ étaient liés par un contrat de travail de durée déterminée, portant sur la période du 4 au 29 octobre 2021. Avant cette échéance, aucune des parties ne pouvait mettre fin unilatéralement audit contrat par une résiliation ordinaire et seules demeuraient les causes extraordinaires de résiliation, soit pour justes motifs soit en raison de l’insolvabilité de l’employeur. Or, il résulte du dossier, explication que ni la Commission paritaire ni la Chambre des relations collectives de travail n’a remise en cause, que le travailleur a résilié le contrat après trois jours de travail, sans respecter aucun préavis et sans invoquer de justes motifs. Le recourant aurait par conséquent été fondé à lui réclamer une indemnité, sur la base de l’art. 337d al. 1 CO. Employeur et travailleur ont toutefois, selon les déclarations non remises en cause du premier, mis fin au contrat de travail d’un commun accord, ce qu’ils étaient libres de faire.

 

Dès lors et au vu de ce qui précède, aucune violation de la CCT-SOR ne saurait être reprochée au recourant. La peine conventionnelle qui lui a été infligée, en 6'354 fr. 25, sera annulée.

 

3.2.3 En ce qui concerne enfin la peine conventionnelle de 500 fr., le recourant a admis avoir versé à D______ le salaire qui lui était dû de la main à la main. Le fait que le travailleur voulait être rémunéré rapidement ne dispensait toutefois pas le recourant de respecter l’art. 31 ch. 1 CCT-SOR, lequel impose à l’employeur le versement du salaire sur un compte bancaire ou postal. La violation de cette disposition est par conséquent réalisée. Bien qu’à nouveau la Chambre des relations collectives de travail n’ait pas suffisamment motivé sa décision sur ce point, la peine conventionnelle à hauteur de 500 fr., en relation avec l’infraction commise, ressort du barème émanant de la Commission paritaire des métiers du bâtiment figurant dans la procédure. Aucun élément ne permettant de retenir que ladite peine conventionnelle serait excessive, elle sera confirmée.

3.3 Au vu de ce qui précède et dans un souci de clarté, la sentence arbitrale rendue le 29 août 2022 par la Chambre des relations collectives de travail sera intégralement annulée.

Le recourant sera condamné à verser à la Commission paritaire des métiers du bâtiment, second œuvre, Genève, la somme de 500 fr.

La cause sera par ailleurs retournée à la Chambre des relations collectives de travail afin qu’elle statue à nouveau, dans le sens des considérants, sur la peine conventionnelle infligée au recourant pour non-paiement au travailleur C______ d’un jour férié.

4. Il n’est pas perçu de frais judiciaires (art. 19 al. 3 let. c LaCC), ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe CT :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______/B______, B______, contre la sentence arbitrale A-05-22/A-06-22/A-07-22 rendue le 29 août 2022 par la Chambre des relations collectives de travail dans la cause C/18969/2022.

Au fond :

Annule la sentence arbitrale attaquée et cela fait, statuant à nouveau :

Condamne A______/B______, B______ à payer à la Commission paritaire des métiers du bâtiment, second œuvre, Genève, la somme de 500 fr. à titre de peine conventionnelle.

Retourne la cause à la Chambre des relations collectives de travail afin qu’elle statue à nouveau, dans le sens des considérants, sur la peine conventionnelle infligée au recourant pour non-paiement au travailleur C______ d’un jour férié.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Fiona MAC PHAIL, juge employeur; Monsieur Michael RUDERMANN, juge employeur; Madame
Shirin HATAM, juge salarié; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Monsieur
Javier BARBEITO, greffier.

 


 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.