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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/3973/2022

CAPH/58/2023 du 06.06.2023 ( SS )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3973/2022 CAPH/58/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 6 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre une ordonnance rendue par le Tribunal des prud'hommes le 4 mai 2023, comparant par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, Rue Général-Dufour 15, Case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me D______ et C______, avocates, F______ Sàrl, ______, en l'Étude desquelles elle fait élection de domicile.


Attendu, EN FAIT, que, le 21 juillet 2021, A______ a assigné B______ SA en paiement de 72'568 fr. environ par devant le Tribunal des prud'hommes, faisant notamment valoir qu'il aurait été licencié de manière abusive;

Que, dans sa demande, il a indiqué que sa partie adverse était représentée par Me D______ et Me E______ de l'étude F______ SARL, sans indiquer que cet état de fait lui causait un dommage;

Que, par ordonnance d'instruction du 4 mai 2023, notifiée aux parties sur le siège, le Tribunal a notamment admis la représentation de B______ SA par l'étude F______ SARL, représentée par les avocates précitées (ch. 1);

Que, le 15 mai 2023, A______ a formé recours contre le ch. 1 de l'ordonnance précitée, concluant à ce que la Cour l'annule, dénie la capacité de postuler à Me G______ et tous autres membres de son étude F______ SARL en faveur de B______ SA dans la présente procédure, et ordonne à cette dernière de constituer un nouvel avocat;

Qu'il fait valoir que Me G______ est administrateur de sa partie adverse de sorte que ses collaboratrices ne peuvent pas représenter celle-ci en raison d'un conflit d'intérêts;

Qu'il risquait de subir un préjudice difficilement réparable en cas de refus de l'octroi de l'effet suspensif, car l'audition des autres administrateurs de la société pourrait avoir lieu avant que la Cour ne se prononce sur son recours "alors que Me G______ a déjà siégé avec les parties au conseil d'administration de la société, possiblement eu connaissance de faits relatifs aux rapports de travail de M. A______ dans la société";

Que, si le recours était admis, il pourrait s'avérer nécessaire de refaire certains actes de la procédure, avec la conséquence de retarder outre mesure l'avancement de celle-ci;

Que l'intimée s'en est rapportée à justice sur la question de l'effet suspensif;

Considérant, EN DROIT, que selon l'art. 325 CPC le recours ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise (al. 1), l'instance de recours pouvant cependant suspendre le caractère exécutoire en ordonnant au besoin des mesures conservatoires ou le dépôt de sûretés (al. 2);

Qu'il appartient à la partie recourante d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision querellée lui cause un préjudice difficilement réparable (ATF 134 III 426 consid. 1.2), à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 136 IV 92 consid. 4; 133 III 629 consid. 2.3.1 in fine);

Que, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité cantonale d'appel doit procéder à une nouvelle pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);

Que l'autorité de recours jouit d'un large pouvoir d'appréciation (Brunner, in Kurzkommentar zur ZPO, Oberhammer et al. [éd.], 2ème éd., 2014, n. 4 ad art. 325 CPC, Freiburghaus/Afheldt, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Sutter-Somme et al. [éd.], 2ème éd., 2013, n. 6 ad art. 325 CPC, Jeandin, CPC, Code de procédure civile commenté, Bohnet et al. [éd.], 2011, n. 6 ad art. 325 CPC);

Que, selon la jurisprudence, lorsque le juge nie l'existence d'un conflit d'intérêts et autorise l'avocat d'une partie à poursuivre sa représentation, une telle décision n'est en principe pas susceptible de causer un préjudice irréparable à la partie adverse; l'art. 12 LLCA vise au premier chef à protéger les intérêts du client de l'avocat. Tel est aussi le cas de l'art. 68 al. 2 CPC relatif à la représentation professionnelle: cette disposition vise à garantir la qualité de la représentation, et protège donc au premier chef la partie assistée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_436/2015 du 17 mai 2016 consid. 1.2.2); 

Qu'en application de l'art. 52 CPC, toutes les personnes qui prennent part à un procès civil doivent se comporter conformément aux règles de la bonne foi; elles sont dès lors tenues de présenter leurs objections du droit de procédure aussi tôt que possible, c'est-à-dire à la première occasion dès qu’elles ont connaissance du vice, sous peine de ne plus pouvoir l’invoquer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_75/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.3); 

Qu'en l'espèce, le recourant n'a pas établi qu'il risquait de subir un préjudice difficilement réparable en cas de refus de l'octroi de l'effet suspensif à son recours;

Qu'en effet, un refus de prononcer une interdiction de postuler à l'égard de l'avocat de sa partie adverse n'est en principe pas une décision susceptible de causer un préjudice irréparable;

Qu'en outre l'interdiction de postuler de l'avocat en lien avec un conflit d'intérêts tend en premier lieu à protéger les clients dudit avocat; or le recourant n'a pas été client de Me G______;

Qu'il est par ailleurs du devoir de l'avocat d'une partie, qu'il soit administrateur ou non de celle-ci, de prendre connaissance de manière complète de tous les faits de la cause qu'il traite pour son client, de sorte que l'on ne voit pas en quoi le fait Me G______ ait connaissance de faits relatifs aux rapports de travail causerait au recourant un préjudice difficilement réparable;

Que le recourant n'explique d'ailleurs pas concrètement en quoi consiste le préjudice dont il se prévaut;

Qu'à cela s'ajoute que, sans préjudice de la décision qui sera rendue à l'issue de la procédure devant la Cour, le grief soulevé par le recourant paraît prima facie tardif puisque celui-ci a attendu plusieurs mois avant de contester la capacité de postuler des avocates de l'intimée;

Qu'au vu de ce qui précède, la demande d'effet suspensif doit être rejetée:

Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale.

 

* * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

Rejette la requête de A______ tendant à suspendre l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance rendue le 4 mai 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/3973/2022.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.