Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/6370/2021

CAPH/56/2023 du 23.05.2023 sur JTPH/235/2022 ( OO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6370/2021-1 CAPH/56/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 23 MAI 2023

 

Entre

A______ SA, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 19 juillet 2022 (JTPH/235/2022) et intimée sur appel joint, comparant par Me Marco ROSSI, avocat, SLRG Avocats, Quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

 

Et

Monsieur B______, domicilié ______, FRANCE, intimé et appelant sur appel joint, comparant par Me Pierluca DEGNI, avocat, Degni & Vecchio, Rue du Général-Dufour 12, Case postale 220, 1211 Genève 8, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,


EN FAIT

A.           a. Par jugement du 19 juillet 2022, notifié le lendemain 20 juillet 2022 à A______ SA, le Tribunal des prud'hommes, statuant par voie de procédure ordinaire, a, notamment, condamné cette dernière à verser à B______ les sommes brutes de 11'000 fr., sous déduction de la somme nette de 7'030 fr. 35, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er octobre 2020 (chiffre 6 du dispositif), de 11'000 fr., sous déduction de la somme nette de 7'030 fr. 30, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2020 (chiffre 7) et de 13'979 fr. 45 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020 (chiffre 8), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (chiffre 10) et, sous chiffre 12, débouté les parties des conclusions sur lesquelles il n'avait pas expressément statué dans les chiffres précédents.

b. Par acte adressé le 14 septembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel à l'encontre du jugement précité, concluant à l'annulation du chiffre 8 de son dispositif, à ce qu'il soit dit que les rapports de travail la liant à B______ avaient pris fin le 31 octobre 2020 et à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'engageait à verser à ce dernier le montant de 2'979 fr. 45 au titre de treizième salaire.

c. Par acte adressé le 20 octobre 2022 à la Cour, B______ a conclu à l'irrecevabilité de l'allégué n° 15 de l'appel et, pour le surplus, au rejet de celui-ci.

Formant lui-même un appel joint, il a conclu à l'annulation des chiffres n° 6,7,8 et 12 du dispositif du jugement du 19 juillet 2022 puis, ceci fait, à ce que A______ SA soit condamnée à lui verser les sommes brutes de 11'000 fr. sous déduction de la somme nette de 7'030 fr. 30 avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er octobre 2020, de 11'000 fr. avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2022, de 11'000 fr. avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020, de 5'728 fr. 35 avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020 et de 18'080 fr. 70 avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020.

Il a produit une pièce nouvelle.

d. Par courrier du 24 novembre 2022, A______ SA a répondu à l'appel joint, concluant à son rejet.

e. Par courrier du 1er décembre 2022, B______ a renoncé à répliquer sur appel joint.

f. La cause a été gardée à juger le 5 décembre 2022.

B.            Les faits suivants résultent de la procédure.

a. A______ SA, société de droit suisse ayant son siège à Genève, a pour but social la location, le montage et le démontage d'échafaudages. Son administrateur unique est C______.

Le Registre du commerce ne mentionne aucune autre personne disposant du pouvoir de représenter la société.

b. A compter du 1er mai 2016, B______ a été employé par A______ SA en qualité de directeur, dans le cadre d'un contrat de travail de durée indéterminée.

Son salaire mensuel, stipulé payable treize fois l'an, a été initialement fixé à 7'000 fr. brut puis porté à 8'000 fr. brut dès le 1er juin 2016, à 8'300 fr. brut dès le 1er janvier 2017 et à 11'000 fr. brut à compter du 1er janvier 2019.

c. Pendant toute la durée du contrat, B______ a bénéficié d'un droit aux vacances de trente jours par an.

Il ressort à cet égard d'un décompte annuel des jours de congé pour l'année 2016, établi en octobre 2020 (apparemment par B______ lui-même), produit par celui-ci et non spécifiquement contesté par A______ SA (pièce 5 intimé), que, lors de la première année de service, cette dernière a crédité à l'employé 17,5 jours de vacances correspondant à des activités déployées avant le début du contrat de travail (soit 12,5 jours pour le mois de février 2016, 2,5 jours pour le mois de mars 2016 et 2,5 jours pour le mois d'avril 2016) et 5 jours de vacances en remplacement d'une part proportionnelle du treizième salaire pour les mois de mars et d'avril 2016.

Il n'est pour le surplus pas contesté en appel que B______ a pris 23 jours de vacances entre les 1er mai et 31 décembre 2016, 31 jours en 2017, 26 jours en 2018, 22 jours en 2019 et aucun en 2020.

d. Le 30 août 2019, B______ a été victime d'un accident de travail qui a entraîné une incapacité de travail totale du 1er septembre 2019 au 31 août 2020. Il a recouvré une capacité de travail complète à compter du 1er septembre 2020.

e. Du 1er septembre 2019 au 10 mai 2020, B______ a bénéficié d'indemnités journalières SUVA.

Pour la période postérieure au 10 mai 2020, il a reçu de A______ SA les montants de 7'818 fr. 10 en juin 2020 (allégué 48 demande; jugement let. O; appel joint p. 11 let. C.1.a.i), 7'818 fr. 05 en juillet 2020 (allégué 48 demande; jugement let. O; appel joint p. 11 let. C.1.a.i), 4'839 fr. 85 le 5 août 2020 (allégué 52 demande; pièce 46 intimé; jugement let. N; appel joint let. C.1.a.i), 7'030 fr. 35 le 27 octobre 2020 (pièce 63 intimé) et 7'030 fr. 30 le 23 novembre 2020 (pièce 66 intimé).

Le Tribunal a retenu l'existence d'un paiement supplémentaire de 7'030 fr. 35 exécuté en août 2020 (jugement let. P), dont l'intimé conteste l'existence (appel joint let. C.1.a).

f. Par pli recommandé du 24 août 2020, A______ SA, sous la signature de son administrateur unique C______, a adressé à B______, à son domicile privé français, une lettre dont la teneur est la suivante.

"Monsieur,

Comme l'autorise le code des obligations lors d'absences de longue durée, nous vous informons que nous vous signifions votre congé pour le 31 octobre 2020".

Ce pli recommandé a été reçu le 7 septembre 2020 par B______.

g. Le 31 août 2020 à 18h10, B______ a adressé à D______, employée à mi-temps de A______ SA en qualité de secrétaire comptable, sur son adresse électronique personnelle, un courriel, auquel était annexé un certificat médical du même jour, l'informant de son intention de reprendre son travail le lendemain "comme l'exige mon contrat de travail [ ] ainsi que le code des obligations".

h. Le 31 août 2020 toujours, à 20h27, un courriel ne mentionnant pas l'identité de son auteur a été adressé à B______ de l'adresse électronique personnelle de D______, comportant notamment le paragraphe suivant.

"Notre direction vous informe, suite au congé qui vous a été signifié le 24.8.2020 pour le 31.10.2020 en recommandé/accusé de réception et en courrier normal, qu'elle ne souhaite pas que vous vous représentiez en ses bureaux le 1.9.2020".

Entendue en qualité de témoin, D______ a confirmé être l'auteur de ce courriel, qu'elle avait envoyé sur instruction de C______, précisant à cet égard ne rien faire sans l'accord de sa direction.

i. Par courriel du même jour à 22h52, B______ a répondu de la manière suivante :

"A ce jour, n'ayant reçu aucune lettre recommandée avec accusé de réception de la part de l'entreprise, me signifiant mon congé à partir du 01/09/2020, je me présenterai demain mardi 1er septembre 2020 à 7:00 à mon poste de travail afin de ne pas être en défaut.

Ayant compris par votre mail que vous souhaitez me licencier, je vous serai gré de bien vouloir me le signifier par écrit, avec signature des deux partis et remise en mains propres du document, demain mardi 1er septembre 2020, en précisant que vous me libérez de l'obligation de travailler pendant la période du 1er septembre 2020 (mois entamé) au 30 novembre 2020, soient [sic] 2 mois de préavis".

j. Lors d'un entretien s'étant déroulé le lendemain 1er septembre 2020 dans les locaux de A______ SA, C______ a confirmé à B______ la volonté de la société de le licencier ainsi que sa libération de l'obligation de travailler.

C. a. Par demande déclarée non conciliée le 18 mai 2021 puis introduite le 29 juillet 2021 devant le Tribunal des prud'hommes, B______ a, s'agissant des points encore disputés en appel, conclu à la condamnation de A______ SA à lui verser les montants de :

·         11'000 fr. brut avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er octobre 2020 au titre de salaire pour le mois de septembre 2020;

·         11'000 fr. brut avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2020 au titre de salaire pour le mois d'octobre 2020;

·         11'000 fr. brut avec intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020 au titre de salaire pour le mois de novembre 2020;

·         10'084 fr. brut plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020 au titre de 13ème salaire;

·         16'710 fr. 95 plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er décembre 2020 au titre d'indemnité pour 30,5 jours de congé non pris.

b. Dans ses écritures en réponse du 1er octobre 2021, A______ SA a conclu, sur les points encore disputés en appel, à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions.

c. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties et à celle de plusieurs témoins. Il a gardé la cause à juger le 27 avril 2022, au terme des plaidoiries finales des parties.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Il en va de même de l'appel joint, formé dans la réponse à l'appel, laquelle a été déposée dans le délai de trente jours fixé à cette fin (art. 312 al. 2, 313 al. 1 CPC), et dans le respect des formes énoncées ci-dessus.

1.3 Déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 145 al. 1 let. c, 312 al. 2 et 316 al. 1 CPC), les réponses à l'appel et à l'appel joint sont également recevables.

1.4 Afin de respecter le rôle initial des parties, A______ SA sera désignée, ci-après, en tant qu'appelante et B______ en tant qu'intimé.

2.             2.1 La valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant le premier juge étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 243 al. 1 a contrario), de même que la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2.2 La Cour revoit le fond du litige en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

3. L'intimé a produit une pièce nouvelle à l'appui de son appel joint.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu'aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a); ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1 et 4A_643/2011 du 24 février 2012 consid. 3.2.2).

3.2 La pièce nouvelle produite en appel par l'intimé, soit un extrait de son compte bancaire pour la période pour l'année 2020, doit être qualifiée de faux novum puisqu'elle existait déjà au moment où l'action a été déposée en conciliation, et donc a fortiori au moment de la clôture des débats principaux de première instance. Dans la mesure où l'intimé n'explique pas pour quelle raison il ne lui aurait pas été possible, en faisant preuve de la diligence requise, de produire cette pièce en première instance déjà, sa production en procédure d'appel est irrecevable. Il n'en sera donc pas tenu compte, de même que des faits qui en résultent à moins qu'ils n'aient valablement été allégués et établis par ailleurs.

4. Dans le cadre de l'appel principal, l'appelante fait valoir en résumé que le contrat de travail aurait pris fin le 31 octobre 2020 déjà, de telle sorte que le salaire du mois de novembre 2020 ne serait pas dû.

4.1 Dans le jugement attaqué, le Tribunal a constaté que la lettre de licenciement du 24 août 2020 n'avait été reçue par l'intimé que le 7 septembre 2020. Examinant ensuite si le courriel adressé le 31 août 2020 dans la soirée par D______ à l'intimé devait être considéré comme une déclaration de licenciement, il a considéré que tel n'était pas le cas, relevant notamment que ledit courriel ne comportait aucune signature, qu'il émanait de l'adresse électronique privée d'une personne ne disposant pas des pouvoirs pour représenter l'appelante, qu'il avait été envoyé en réponse à un courriel de l'intimé annonçant son intention de reprendre son travail le lendemain et que, du fait que son contenu pouvait légitimement paraître incompréhensible pour son destinataire, il ne comportait pas de déclaration de volonté claire et précise de résilier le contrat de travail.

Le délai de résiliation de deux mois pour la fin d'un mois devait donc être calculé à compter du 7 septembre 2020, avec pour conséquence que le contrat avait pris fin le 30 novembre 2020.

4.2 L'appelante reproche au Tribunal une constatation inexacte des faits, les pièces du dossier et les témoignages recueillis établissant selon lui que l'intimé avait compris, à réception du courriel de D______ du 31 août 2020, que celui-ci constituait une résiliation des rapports de travail. Côtoyant régulièrement D______, il ne pouvait en effet ignorer que cette dernière exécutait les instructions de sa direction, même si ses courriels provenaient de son adresse électronique privée. Il ressortait par ailleurs de la réponse de l'intimé au courriel du 31 août 2020 que celui-ci avait compris que l'intention de l'appelante était de résilier le contrat mais avait cru, à tort, qu'une telle résiliation était soumise à la forme écrite.

Cette constatation inexacte des faits avait conduit le Tribunal à commettre une violation du droit en calculant le délai de résiliation – dont il n'était pas contesté qu'il était de deux mois pour la fin d'un mois – à compter du 7 septembre 2020 et non du 31 août 2020.

4.3 Dans sa réponse à l'appel principal, l'intimé s'est rallié au raisonnement du Tribunal, ajoutant que le courriel litigieux ne provenait en réalité selon lui pas de D______, laquelle ne disposait au demeurant d'aucune procuration lui permettant de représenter l'appelante, et qu'il avait immédiatement contesté que ledit courriel puisse constituer un congé valable, persistant au contraire à annoncer son retour le lendemain.

4.4.1 La résiliation du contrat de travail constitue un droit formateur qui s'exerce par une déclaration de volonté soumise à réception. Une telle déclaration est en principe inconditionnelle et irrévocable, la doctrine et la jurisprudence admettant toutefois qu'elle puisse être assortie de conditions, pour autant que sa réalisation dépende uniquement de la volonté du destinataire, de manière à ce que ce dernier ne se trouve pas dans l'incertitude quant à la continuation des rapports de travail. Pour cette même raison, la déclaration de résiliation doit être claire et précise, de manière à ce que son destinataire ne puisse éprouver de doute sur la volonté de son auteur de mettre, par cette déclaration, un terme au contrat de travail (ATF 128 III 129 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2014 du 6 octobre 2014 consid. 3.2; Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème édition, 2019, p. 616; Ordoli/Witzig, in CR CO I, 3ème édition, 2021, N 2 ad art. 335 CO; Bonard, in Commentaire du contrat de travail, 2ème édition, 2022, N 3 ad art. 335).

Savoir si l'on est en présence d'une déclaration de résiliation est une question d'interprétation. Il s'agira donc, dans un premier temps, de rechercher, en prenant en considération l'ensemble des circonstances, quelle était la volonté réelle de l'auteur de la déclaration. Si cette volonté ne peut être établie, ou s'il ne peut être établi que le destinataire de la déclaration l'a comprise – soit s'il existe une divergence entre le sens voulu par le déclarant et celui compris par le destinataire – il conviendra d'interpréter cette déclaration selon le principe de la confiance, autrement dit de rechercher quel sens pouvait et devait raisonnablement lui donner, au vu de l'ensemble des circonstances existant lors de sa réception, le destinataire, selon les règles de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2014 précité, consid. 3.2; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 616; Bonard, op. cit., N 3 ad art. 335; Carron/Wessner, Droit des obligations partie générale, volume I, 2022, § 632 et 633 p. 236).

Pour être valable, la résiliation doit émaner de la partie ou d'un représentant de celle-ci; le congé donné au nom d'une personne morale doit donc être signifié par un organe habilité à la représenter ou par une personne autorisée à cet effet. Une ratification a posteriori, par un organe ou une personne disposant des pouvoirs nécessaires, d'une résiliation initialement signifiée par une personne sans pouvoirs est possible mais, à moins qu'elle n'intervienne avant que le destinataire ait eu des doutes sur l'existence des pouvoirs nécessaires, ne pourra tout au plus déployer ses effets qu'à compter du moment où elle est émise (ATF 128 III 129 consid. 2b; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 624; Bonard, op. cit., N 9 ad art. 335; Ordoli/Witzig, op. cit., N 2 et 3 ad art. 335 CO).

4.4.2 Il n'est pas contesté en l'espèce que la résiliation est intervenue au plus tard le 7 septembre 2020, date à laquelle l'intimé a reçu le pli recommandé contenant la lettre de licenciement du 24 août 2020. Le litige porte donc sur la question de savoir si l'intimé a reçu de l'appelante une autre déclaration de volonté par laquelle elle lui aurait signifié la résiliation du contrat de travail, et ce avant le 1er septembre 2020.

L'appelante insinue à cet égard dans ses écritures d'appel (ch. 15 et 34) que, "selon toute vraisemblance", l'intimé aurait reçu l'exemplaire de la lettre de licenciement du 24 août 2020 expédié par pli simple avant le 1er septembre 2020. Ce fait n'a toutefois jamais été allégué et encore moins prouvé, de telle sorte qu'il ne saurait être tenu pour établi.

Seul reste donc à examiner si le courriel expédié le 31 août 2020 à l'intimé par D______ – dont il n'est pas contesté qu'il en a pris connaissance le jour même – doit être interprété comme une déclaration de résiliation du contrat de travail.

Sous l'angle de son interprétation subjective, on peut douter en premier lieu que, par ce courriel, l'appelante ait véritablement voulu mettre un terme au relations de travail entre les parties. Il résulte au contraire des termes mêmes de ce courrier que, pour l'appelante, le contrat avait déjà été résilié par l'expédition, le 24 août 2020, d'une lettre de résiliation : une seconde résiliation paraissait donc superflue. D'autre part, et comme l'a relevé le Tribunal, le courriel du 31 août 2020 n'a pas été adressé à l'intimé de manière spontanée, mais en réaction à la déclaration d'intention de ce dernier de reprendre son poste de travail dès le lendemain; c'est cette question de la reprise ou non de son activité par l'intimé qui constitue l'objet principal du courriel, la résiliation prétendument déjà intervenue n'en constituant que le motif. Une volonté de l'appelante de mettre un terme au contrat par le courriel du 31 août 2020 n'est ainsi pas établie.

Toujours sous l'angle d'une interprétation subjective dudit courriel, il ne ressort nullement du dossier, contrairement à ce que soutient l'appelante, que l'intimé l'aurait clairement identifié comme une déclaration de volonté emportant résiliation des rapports de travail. C'est même le contraire qui résulte de sa réponse du même jour, dans laquelle il distingue entre le souhait – identifié et reconnu – de l'appelante de le licencier et la mise en œuvre de cette intention sous forme de la signification du congé, en l'état et selon lui non encore intervenue. L'intimé motive son point de vue en mentionnant les formes qui devraient selon lui être respectées pour une telle signification, se méprenant certes sur la nécessité de la forme écrite mais relevant à juste titre que la résiliation devait provenir de "l'entreprise", soit de la personne morale, mettant ainsi implicitement en doute la capacité de l'expéditrice du courriel à représenter cette dernière.

Ni une volonté réelle de l'appelante de résilier le contrat par le courriel du 31 août 2020 ni une compréhension claire de cette volonté par l'intimé n'étant établies en fait, il se justifiait, comme l'a fait le Tribunal, de procéder à l'interprétation objective dudit courriel, autrement dit de dégager le sens que pouvait et devait lui donner de bonne foi une personne raisonnable au vu des circonstances existant au moment de sa réception.

En l'absence de critique de la part de l'appelant sur ce volet de la motivation, on peut se référer sur ce point aux considérations topiques du Tribunal, lequel a relevé que le courriel du 31 août 2020, expédié de l'adresse électronique privée d'une secrétaire comptable ne disposant pas du pouvoir de représenter la société mais mentionnant néanmoins la "direction", se référant à une lettre de résiliation non encore reçue et se prononçant principalement sur la question de la reprise de son activité par l'employé, pouvait légitimement paraître incompréhensible pour ce dernier. Il faut y ajouter qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'auteur de ce courriel, D______, aurait bénéficié d'une procuration l'autorisant à accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte de l'appelante, de telle sorte que, même claire, précise et non équivoque, une résiliation donnée par elle aurait dû être ratifiée par C______.

C'est donc à juste titre que le Tribunal a retenu que la résiliation du contrat de travail était intervenue en septembre 2020, avec pour conséquence que, compte tenu des délai et terme de résiliation, les rapports de travail ont pris fin le 30 novembre 2020. L'appel principal doit ainsi être rejeté.

5. Dans le cadre de son appel joint, l'intimé reproche en premier lieu au Tribunal une constatation inexacte des faits en ce qu'il aurait retenu à tort que l'appelante lui avait versé deux fois un montant de 7'030 fr. 35 (au lieu d'une fois), ce qui l'avait conduit à imputer à tort ce montant sur le salaire dû pour le mois d'octobre 2020.

5.1 Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu sous lettre P (page 4) que l'intimé avait reçu de l'appelante, en août 2020, un montant net de 7'030 fr. 35. Il s'est référé à cet égard à la pièce 52 de l'intimé – soit un décompte de salaire pour le mois d'août 2020 mentionnant un salaire net à payer de 7'030 fr. 35 – et a mentionné que le fait était "admis par les parties".

Sous lettre Z (page 6) du jugement, le Tribunal a retenu que l'intimé avait reçu de l'appelante un second montant de 7'030 fr. 35 le 27 octobre 2020, se référant à la pièce 63 de l'intimé – soit un extrait du compte bancaire de ce dernier faisant état d'un crédit de 7'030 fr. 35 enregistré le 27 octobre 2020 d'ordre de l'appelante – et mentionnant que le fait était "admis par les parties".

5.2 L'intimé explique dans son appel joint que l'allégué 50 de la demande – effectivement admis par l'appelante dans ses écritures en réponse – porte sur la réception d'un montant de 7'030 fr. 35 "pour" le mois d'août 2020 et non "au" mois d'août 2020. La pièce 52, offerte en preuve pour cet allégué, établissait certes le montant que l'appelante estimait devoir payer au titre de salaire pour le mois d'août 2020 mais pas la date de son paiement effectif. En réalité, ce paiement, visé par la pièce 63 de l'intimé, n'était intervenu que le 27 octobre 2020. Le montant visé par les pièces 52 et 63 de l'intimé était donc le même et n'avait été versé qu'une fois, de telle sorte que c'était à tort que le Tribunal en avait tenu compte à double.

5.3 L'appelante ne s'est pas exprimée sur la question dans ses écritures en réponse à l'appel joint, se référant au jugement contesté.

5.4 Une lecture attentive des écritures et des pièces permet en l'espèce de constater que le Tribunal a effectivement été abusé par la teneur quelque peu sibylline de l'allégué 50 de la demande, compris comme portant sur la réception par l'intimé d'un montant de 7'030 fr. 35 au mois d'août 2020. En réalité cependant, l'allégué porte sur la réception – à une date non mentionnée – de ce montant au titre de salaire pour le mois d'août 2020. Les allégués et pièces subséquents, en particulier la pièce 61 de l'intimé, permettent de retenir que ce montant, certes reconnu dans son principe par l'appelante, n'a en réalité été versé que tardivement à l'intimé en raison d'une créance compensatoire invoquée par l'appelante. C'est donc bien à tort que le Tribunal a retenu, sous lettre P du jugement, que l'intimé avait bénéficié en août 2020 d'un versement de 7'030 fr. 35.

L'appel joint est ainsi bien fondé sur ce point et les chiffres 6 et 7 du jugement seront modifiés en ce sens.

6. En deuxième lieu, l'intimé reproche au Tribunal de ne pas avoir condamné l'appelante à lui verser, pro rata temporis, son 13ème salaire pour les mois de septembre à novembre 2020.

6.1 Le Tribunal a admis, d'une manière qui n'est plus contestée en appel, que le salaire de l'intimé comprenait un treizième salaire, lequel était donc dû pro rata temporis. Retenant (lettre BB p. 6 et consid. 5 p. 19 du jugement attaqué) que l'intimé avait limité ses conclusions y relatives à la période pendant laquelle il avait été incapable de travailler, il lui a alloué à ce titre un montant de 2'979 fr. 45 couvrant la période du 11 mai 2020 (la SUVA ayant mis un terme à ses prestations le 10 mai 2020) au 31 août 2020, date à laquelle l'incapacité de travail de l'intimé a pris fin.

6.2 L'intimé dénonce une violation du droit, faisant valoir qu'il avait conclu à la condamnation de l'appelante à lui verser un montant de 10'084 fr. plus intérêts au titre de treizième salaire, sans limiter ses conclusions à sa période d'incapacité de travail. Le treizième salaire lui était par ailleurs dû pro rata temporis jusqu'à la fin du contrat, le fait que l'appelante l'ait libéré de son obligation de travailler n'y changeant rien.

6.3 Dans sa réponse à l'appel joint, l'appelante ne s'est pas exprimée sur ce point.

6.4.1 La conclusion n° 10 de l'intimé, telle que formulée dans sa demande et non modifiée dans la suite de la procédure de première instance, porte sur la condamnation de l'appelante à lui verser une somme brute de 10'084 fr. plus intérêts à compter du 1er décembre 2020. En page 22 de la demande (let. 2b), l'intimé expose que ce montant est réclamé au titre de treizième salaire, dû pro rata temporis. Si la motivation est essentiellement consacrée à l'obligation de l'employeur de payer le treizième salaire également pendant une période d'incapacité de travailler de l'employé, il n'en résulte pas que l'intimé entendrait renoncer à ses prétentions pour la période postérieure, pendant laquelle il était capable d'exercer son activité. Au contraire, le mode de calcul du montant réclamé (11'000 fr./12 mois x 11), figurant à la note de bas de page n° 21, permet de comprendre qu'il entendait réclamer une part de son treizième salaire correspondant à 11 mois, soit de janvier à novembre 2020.

C'est donc à tort que le Tribunal a débouté l'intimé de ses conclusions en paiement d'une part du treizième salaire pour les mois de septembre à novembre 2021 au motif que cette période n'était pas visée par ses conclusions.

6.4.2 Il n'est plus contesté à ce stade du litige que le salaire de l'intimé comprenait un treizième salaire, lequel était dû pro rata temporis dans l'hypothèse où les rapports de travail prendraient fin avant la fin de l'année. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence que l'employeur libérant l'employé de son obligation de travailler lui doit le salaire complet, y compris un éventuel treizième salaire (Wyler/Heinzer, op. cit., pp. 268/269).

Il en résulte en l'espèce que l'intimé avait droit à la totalité de son salaire, y compris à son treizième salaire pro rata temporis, jusqu'à la fin des relations de travail, soit jusqu'au 30 novembre 2020. Le montant de 2'748 fr. 90 (11'000 fr. x 3 mois x 8,33%) réclamé en appel au titre de part de treizième salaire pour les mois de septembre à novembre 2020 est donc dû.

L'appel joint est ainsi bien fondé sur ce point également. Le chiffre 8 du dispositif sera donc réformé afin de tenir compte du treizième salaire dû pour la période du 11 mai au 30 novembre 2020, soit 5'728 fr. 35 (2'979 fr. 45 + 2748 fr. 90).

7. En troisième et dernier lieu, l'intimé reproche au Tribunal d'avoir fait une mauvaise appréciation de sa pièce 5, ce qui l'avait conduit à retenir à tort que l'intimé bénéficiait jusqu'au 30 novembre 2020 d'un solde de 22,5 jours de vacances au lieu de 33 jours en réalité. Sur la base de cette constatation, le Tribunal avait ensuite admis qu'il pouvait être attendu de l'intimé, libéré de son obligation de travailler à compter du 1er septembre 2020, qu'il prenne ses vacances en nature pendant le délai de résiliation.

7.1 Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté en appel, que l'intimé avait droit à trente jours de vacances par an.

En l'absence d'allégations de la part de l'appelante sur le nombre de jours de vacances effectivement pris par l'intimé, le Tribunal s'est fondé pour l'établir sur les allégations de ce dernier et les pièces produites. Il a ainsi retenu, sans que cela ne soit contesté en appel, que l'intimé avait pris 31 jours de congé en 2017, 26 jours en 2018, 22 jours en 2019 et 0 jours en 2020. Pour l'année 2016, le Tribunal s'est fondé sur la pièce 5 (première page) de l'intimé, soit un décompte établi en 2020, apparemment par l'intimé lui-même, des jours de congé crédités et pris pendant ladite année, dont il résulte qu'au début des relations de travail, en mai 2016, 22,5 jours de congé (12,5 pour des activités déployées sans contrat en février 2016, deux fois 2,5 jours pour des activités déployées pour une société E______ SARL [raison sociale similaire à celle de A______ SA] en mars et avril 2016 et 5 jours en compensation du treizième salaire non perçu pour ces dernières activités) ont été crédités à l'intimé, lesquels se sont ajoutés aux 20 jours de congé auxquels l'intimé avait droit pour la période du 1er mai au 31 décembre 2016. Pour une raison non explicitée dans la motivation du jugement contesté, le Tribunal n'a toutefois tenu compte que de 12 jours crédités pour le mois de février 2016, écartant ainsi implicitement les 10 jours crédités pour les mois de mars et d'avril 2016 (2,5 + 2,5 + 5). Au vu du nombre de jours de vacances effectivement pris en 2016 par l'intimé, soit 23, le solde à reporter n'était que de 9 jours (32 – 23) et non de 19,5 (42,5 – 23) comme indiqué dans la pièce 5 intimé. Après prise en compte du droit aux vacances et des jours de vacances effectivement pris de 2017 à 2020, selon un calcul qui n'est pas contesté en appel, le solde de jours de vacances dont bénéficiait l'intimé jusqu'au terme du contrat le 30 novembre 2020 était de 22,5.

Après avoir rappelé la jurisprudence relative à l'obligation pour le travailleur de prendre ses vacances en nature durant le délai de congé dans la mesure où cela est compatible avec le but des vacances compte tenu du fait qu'il doit rechercher un autre emploi, le Tribunal a calculé que l'intimé, libéré de l'obligation de travailler dès le 1er septembre 2020, avait bénéficié de 64 jours ouvrables de congé. Il pouvait donc être attendu de lui qu'il prenne ses 22,5 jours de vacances en nature, ce qui représentait à peu près le mois de septembre 2020.

L'intimé a donc été débouté de ses conclusions visant à l'octroi d'une indemnité de 16'710 fr. 95 pour vacances non prises.

7.2 Dans son appel joint, l'intimé conteste aussi bien le calcul du solde de jours de vacances auquel il avait droit que l'appréciation du Tribunal selon laquelle ce solde devait encore être pris en nature avant la fin des relations de travail.

Sur le premier point, il se fonde à l'instar du Tribunal sur sa propre pièce 5 mais lui en reproche une mauvaise lecture, en ce sens que le Tribunal aurait écarté à tort 0,5 jours de congé sur les 12 crédités pour le mois de février 2016 (travail sans contrat) et surtout 10 jours de congé crédités pour les mois de mars et d'avril 2016 (activités déployées pour la société E______ SARL et compensation du treizième salaire pour ces activités). Selon lui, son solde de jours de vacances au 30 novembre 2020 n'était donc pas de 22,5 jours mais de 33 jours.

Ce solde représentant plus de la moitié des jours ouvrés pendant lesquels il avait été libéré de son obligation de travailler (le chiffre de 64 retenu par le Tribunal n'étant à cet égard pas contesté), il ne pouvait être exigé de sa part qu'il prenne ses vacances en nature. Une indemnité, chiffrée à 18'080 fr. 70, devait donc lui être octroyée.

A titre subsidiaire, l'intimé a relevé que, même si son solde de jours de vacances ne s'était élevé qu'à 22,5, comme l'avait retenu le Tribunal, une indemnité aurait dû lui être allouée.

7.3 L'appelante, dans ses écritures en réponse à l'appel joint, n'a pas pris position sur ce grief, se bornant à se rallier aux faits retenus par le Tribunal.

7.4.1 Le Tribunal n'a pas expliqué dans son jugement pour quels motifs il a écarté les 10 jours de vacances crédités à l'intimé selon sa pièce 5 en relation avec des activités exercées en mars et avril 2016, avant le début des relations contractuelles entre les parties. Il paraît cela étant résulter de cette pièce que ces activités ont été déployées dans le cadre d'un contrat conclu par l'intimé avec une société tierce, E______ SARL : c'est donc a priori celle-ci qui devait octroyer à l'intimé les vacances auxquelles celui-ci avait droit pour février et mars 2016 ou lui verser une indemnité s'il ne les avait pas prises en nature, et qui devait lui verser son treizième salaire pour la même période. Or l'intimé n'a allégué ni devant le Tribunal ni en appel que l'appelante aurait repris cette dette, et l'extrait du Registre du commerce relatif à cette dernière ne mentionne pas qu'elle aurait repris les actifs et passifs de E______ SARL. Une telle reprise de dette, ou un accord sur l'octroi à l'intimé de jours de vacances à titre gracieux, ne sont par ailleurs pas établis par sa pièce 5, apparemment rédigée par lui-même en octobre 2020 – soit après la naissance du litige – et ayant donc la valeur d'un simple allégué.

Au vu de ces considérations, c'est à juste titre que le Tribunal n'a pas tenu compte des 10 jours de vacances crédités à l'intimé pour les mois de mars et de février 2016 selon sa pièce 5.

Il est en revanche exact que, lorsqu'il a tenu compte des jours de vacances crédités à l'intimé pour des activités déployées en février 2016, le Tribunal a retenu par inadvertance le chiffre de 12 au lieu de 12,5.

Au vu de cette correction, le solde de jours de vacances de l'intimé au 30 novembre 2020 était de 23 (22,5 + 0,5).

7.4.2.1 L'art. 329d al. 2 CO prévoit que, tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent être remplacées par des prestations en argent ou d'autres avantages. Si toutefois, au terme des rapports de travail, l'employé n'a pas pu prendre en nature l'entier de son droit aux vacances, il dispose d'une prétention pécuniaire en remplacement des vacances non prises (Dietschy-Martenet, in CR CO I, 3ème édition, 2021, N 5 ad art. 329d CO).

Conformément à son devoir de fidélité, le travailleur libéré de son obligation de travailler lors de la résiliation du contrat de travail doit prendre spontanément, même sans directive de l'employeur, les jours de vacances qui lui restent selon ses possibilités, en tenant compte du fait qu'il doit pouvoir disposer d'un temps suffisant pour rechercher un nouvel emploi. Est à cet égard déterminant le rapport entre la durée de la libération de l'obligation de travailler et le nombre de jours de vacances restants, en tenant compte des circonstances spécifiques du cas d'espèce, telles la durée du délai de congé, la facilité ou la difficulté à retrouver un emploi et le nombre de jours de vacances restants (ATF 128 III 271 consid. 4a/cc; Dietschy-Martenet, op. cit., N 7 ad art. 329c CO; Wyler/Heinzer, op. cit., pp. 499 à 501; Cerottini, in Commentaire du contrat de travail, 2ème éditon, 2022, N 25 et 26 ad art. 329d). Il a à cet égard été jugé qu'une prise des vacances en nature demeurait possible lorsque le rapport entre le solde de jours de vacances et la durée totale de la libération demeurait inférieur, selon les circonstances de l'espèce, à 47%, 45%, 37%, 30% ou 25% (Cerottini, op. cit., N 26 ad art. 329d et jurisprudences citées). Au-delà de ces limites, une compensation partielle, portant sur l'excédent de jours de vacances dont on ne pouvait attendre du travailleur qu'il les prenne en nature, doit être octroyée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_526/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.2.1).

7.4.2.2 Dans le cas d'espèce, l'intimé a été libéré de l'obligation de travailler pendant trois mois – soit un mois de plus que la durée du préavis de résiliation applicable – ce qui représente 64 jours ouvrés. Le nombre de jours de vacances restants (23) représente donc un peu plus du tiers de ce chiffre. La question de l'intensité des efforts déployés par l'intimé pour retrouver un emploi n'a pour sa part pas été instruite mais le Tribunal a constaté, sans que cela ne soit remis en cause en appel, qu'il avait signé le 29 décembre 2020 un nouveau contrat avec un autre employeur pour une prise d'emploi le 1er avril 2021. Il sera également relevé qu'au moment de la résiliation du contrat de travail l'intimé était déjà absent de son poste depuis une année en raison d'une incapacité de travail d'origine accidentelle.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, il faut retenir à l'instar du Tribunal qu'il pouvait être exigé de l'intimé qu'il prenne les 23 jours de vacances auxquels il avait encore droit au moment de la résiliation du contrat pendant la période de trois mois pour laquelle il avait été dispensé de l'obligation de travailler.

Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.

8. En définitive, l'appel principal sera rejeté et l'appel joint partiellement admis. Les chiffres 6 à 8 du dispositif du jugement du 19 juillet 2022 seront annulés et l'appelante sera condamnée à verser à l'intimé la somme brute de 11'000 fr., sous déduction de la somme nette de 7'030 fr. 30, plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er octobre 2020, au titre de salaire pour le mois de septembre 2020, la somme brute de 11'000 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2020 au titre de salaire pour le mois d'octobre 2020, et la somme brute de 16'728 fr, 35 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er décembre 2020 au titre de salaire pour le mois de novembre 2020 (11'000 fr.) et de part au treizième salaire pour la période du 11 mai au 30 novembre 2020 (5'728 fr. 35).

9. Il n'y a pas lieu à la perception de frais judiciaires (art. 19 al. 3 let. c LaCC) ni à l’octroi de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :

À la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté par A______ SA et l'appel joint interjeté par B______ contre le jugement JTPH/235/2022 rendu le 19 juillet 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/6370/2021-1.

Au fond :

Rejette l'appel.

Admet partiellement l'appel joint.

Annule les chiffres 6, 7 et 8 du jugement entrepris.

Confirme ledit jugement pour le surplus.

Cela fait et statuant à nouveau :

Condamne A______ SA à payer à B______ la somme brute de 11'000 fr., sous déduction de la somme nette de 7'030 fr. 30, plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er octobre 2020.

Condamne A______ SA à payer à B______ la somme brute de 11'000 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2020.

Condamne A______ SA à payer à B______ la somme brute de 16'728 fr. 35 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er décembre 2020.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Roger EMMENEGGER, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.