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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/17143/2021

CAPH/51/2023 du 16.05.2023 sur JTPH/271/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17143/2021 - 3 CAPH/51/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud’hommes

DU MARDI 16 MAI 2023

 

Entre

 

A______ SNC, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 26 août 2022 (JTPH/271/2022), comparant par Me Aleksandra PETROVSKA, avocate, rue Sautter 29, case postale 244, 1211 Genève 12, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

Et

 

Monsieur B______, domicilié c/o C______, ______, intimé, comparant par le syndicat D______, ______, auprès duquel il fait élection de domicile,


 

EN FAIT

 

A. Par jugement JTPH/271/2022 du 26 août 2022, reçu par A______ SNC le 29 août 2022, le Tribunal des prud’hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande en paiement formé le 10 novembre 2021 par B______ (ch. 1), a condamné A______ SNC à verser à B______ la somme brute de 72'793 fr. 35, sous déduction de la somme nette de 13'400 fr., avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 31 juillet 2021 (ch. 2), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5).

 

B. a. Par acte déposé devant la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 28 septembre 2022, A______ SNC, ci-après citée comme l’appelante, a formé appel de ce jugement, dont elle a sollicité l’annulation des chiffres 1 à 5 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour dise et constate que A______ SNC ne doit rien à B______, condamne B______ en tous les dépens de première instance et d’appel qui comprendront une équitable indemnité à titre de participation aux honoraires d’avocat de l’appelante ainsi qu’au déboutement de l’intimé de toutes autres ou contraires conclusions.

 

b. Par réponse du 24 novembre 2022, B______ (ci-après cité comme l’intimé) a conclu principalement au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement déféré ainsi qu’au déboutement de toutes les conclusions de A______ SNC ou de toutes autres, contraires ou plus amples conclusions.

 

c. Par réplique du 13 janvier 2023, l’appelante s’est déterminée sur les déterminations de l’intimée et a conclu au rejet des conclusions prises par B______. Elle a persisté dans ses conclusions pour le surplus

 

d. B______ ayant renoncé à dupliquer, la cause a été gardée à juger le 22 février 2023.

 

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

 

a. A______ SNC (ci-après : A______ ou l’appelante ou l’Employeur) est une société de droit suisse inscrite au Registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 2012, dont le but consiste notamment à exploiter le magasin d’alimentation asiatique « K______ » (cf. extrait du Registre du commerce).

 

E______ est associé avec signature individuelle de la société précitée.

 

b. Par courrier du 8 juin 2021 adressé à A______, le syndicat D______ a notamment expliqué que son membre B______ avait travaillé pour A______ du 17 août 2020 jusqu'au 27 mai 2021, à raison de douze à treize heures par jour, dimanches inclus, pour un salaire de 1'500 fr. par mois. Celui-ci avait été licencié le 27 mai 2021 avec effet immédiat sans justes motifs. L’appelante n’a pas répondu à ce courrier.

 

c. Par requête de conciliation déposée au greffe universel le 31 août 2021, B______ a assigné A______ en paiement de la somme totale de CHF 73'067.50, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 juillet 2021.

 

Une audience de conciliation s'est tenue le 28 septembre 2021, sans succès, de sorte qu'à l'issue de celle-ci, une autorisation de procéder a été délivrée à B______.

 

d. Par demande ordinaire déposée au greffe universel le 10 novembre 2021, B______ a assigné A______ en paiement de la somme totale de 73'067 fr. 50, avec intérêts moratoires à 5% l'an à partir du 31 juillet 2021.

 

Ladite somme se décomposait comme suit :

 

(i)                 15'449 fr. 80 bruts, à titre de différence de salaire pour la période du 17 août au 31 octobre 2020 ;

 

(ii)               13'220 fr. bruts, à titre de différence de salaire pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2020 ;

 

(iii)             29'311 fr. 60 bruts, à titre de différence de salaire pour la période du 1er janvier au 31 mai 2021 ;

 

(iv)             8'552 fr. 55 bruts, à titre de salaire pendant le délai de congé soit pour les mois de juin et juillet 2021 ;

 

(v)               6'533 fr. 55 bruts, à titre d'indemnité de vacances.

 

A l'appui de ses conclusions, B______ a en substance allégué avoir travaillé pour A______ à partir du 17 août 2020 à raison de douze à treize heures de travail par jour y compris les dimanches. Son salaire s'élevait à l '500 fr. par mois, alors que le salaire minimum prévu par la Convention collective de travail respectivement la loi était plus élevé. Le 27 mai 2021, l’employeur l'avait licencié avec effet immédiat sans justes motifs. D______ avait procédé au calcul de son salaire dû par A______ sur la base des décomptes d'heures de travail qu'il avait établis.

 

e. Par mémoire de réponse déposé à l’office postal le 3 février 2022, l’appelante a conclu au déboutement de l’intimé.

 

Elle a notamment allégué que l’intimé n’avait jamais travaillé pour elle.

 

f. A l'audience de débats d'instruction du 20 avril 2022, l’intimé a confirmé l'intégralité de sa demande et a requis la citation de deux témoins supplémentaires. Il a rectifié les allégués sur lesquels devaient être entendus les témoins, à savoir ses allégués 11 et 12.

 

L’appelante a confirmé ses conclusions.

 

g. A l'audience du 11 mai 2022, préalablement à l'ouverture des débats principaux, l’appelante a déposé trois pièces complémentaires à savoir une lettre de résiliation des rapports de travail adressée par son ancien collaborateur F______ à A______ datée du 29 novembre 2021, sa propre réponse à ce courrier datée du 17 janvier 2022 et le certificat médical de F______ du 26 avril 2021 attestant d'une incapacité de travail du 26 avril au 3 mai 2021. L’appelante a allégué que l’intimé avait travaillé pour elle pendant 5 jours du 27 avril au 1er mai 2021. Suite à cette période d'essai, E______, directeur de la société, avait mis un terme aux rapports de travail car le demandeur ne maitrisait pas le français.

 

Les parties ont convenu de convoquer F______ en tant que témoin.

 

Après l'ouverture des débats principaux, l’intimé, interrogé, a indiqué qu'il s'était présenté à E______, dans son magasin, à la recherche d'un emploi. F______ qui parlait espagnol, avait fait l'intermédiaire entre lui et E______. Celui-ci avait proposé un salaire mensuel de l '500 fr. avec une augmentation dès le mois de décembre 2020. Il avait été engagé dès le 17 août 2020 en tant qu'homme à tout faire, sans contrat écrit, n'ayant pas de permis d'établissement ou de titre de séjour en Suisse. Ses tâches consistaient à remplir les étalages, nettoyer, réceptionner la marchandise, s'occuper de la vente à la poissonnerie et à la boucherie ainsi que diverses autres tâches. Il avait été payé en liquide le 17 de chaque mois et n'avait jamais signé de quittance.

 

S'agissant de ses horaires de travail, il travaillait du mardi au dimanche inclus, son seul jour de congé étant le lundi. Cela étant, il avait dû travailler quelques lundis. En décembre 2020, les autorités avaient fermé les commerces pendant deux jours. Ces deux jours avaient été déduits de son salaire. Il travaillait de 9h à 22h30, avec une heure de pause à midi. En cas de contrôle, sur indication de la défenderesse, il devait dire aux autorités qu'il nettoyait en échange de quelques provisions.

Quant à ses conditions de travail, il avait transmis des messages à F______ pour qu'il les relaye à l’appelante. Celle-ci lui avait répondu qu'il fallait être patient et qu'il serait augmenté plus tard. Le demandeur a également précisé avoir été maltraité verbalement par E______.

 

Le 27 mai 2021, un client avait laissé tomber son panier à la caisse, de sorte que ses provisions s'étaient répandues sur le sol. Même s'il était occupé à d'autres tâches, il lui avait été fortement reproché de ne pas avoir aidé le client. E______ l'avait licencié. Il n'avait pas été payé du 18 au 27 mai 2021.

 

h. A l'audience de débats principaux du 23 juin 2022, E______, représentant de la société, interrogé, a indiqué qu'il était le directeur de l’appelante. Celle-ci employait quatre personnes au total et avait été créée en 2006. L’intimé n'avait travaillé que cinq jours pour la société. Celui-ci était ami avec un des employés, soit F______, et il venait au magasin pour acheter de la marchandise ou pour discuter avec ce dernier, lequel lui donnait parfois de la nourriture.

 

E______, s’exprimant dans le cadre d’une déposition au sens de l'art. 192 CPC, a confirmé que B______ n'avait travaillé que cinq jours pour l'entreprise. Celui-ci était probablement frustré de ne pas avoir été engagé à la suite de son essai de cinq jours. En raison du fait qu'il ne parlait pas français, les rapports du demandeur avec la clientèle avaient été compliqués. L’intimé pensait que F______ était le patron. Tous les employés de l’appelante étaient déclarés et payés conformément au salaire minimum en vigueur dans le canton de Genève. Les salaires étaient payés par virement bancaire.

 

E______ a encore indiqué que la société aurait été satisfaite que l’intimé se contente d'un salaire de 1'500 fr. ; elle n'aurait eu aucune raison de se séparer de lui. La société avait été contrôlée plusieurs fois par les autorités et elle n'avait essuyé aucun reproche. Au moment du dernier contrôle, elle avait trois employés. F______ avait travaillé pour le magasin en tant que responsable pendant environ neuf ou dix ans.

 

i. Aux audiences de débats principaux des 11 et 23 juin 2022, le Tribunal a entendu G______, H______, I______ et F______ en qualité de témoins.

 

A l'audience de débats principaux du 23 juin 2022, l’intimé a renoncé à l'audition de J______.

 

G______, H______ et I______ ont indiqué qu'ils avaient vu l’intimé travailler au magasin K______ et y effectuer différentes tâches : ranger les produits, servir les clients, ramener les produits du dépôt, nettoyer, rentrer les articles après la fermeture et préparer le poisson pour la vente.

 

Les témoins précités ont indiqué se rendre au magasin à différentes heures de la journée et avoir toujours rencontré le demandeur lors de leurs achats, ce pendant plusieurs mois dans le courant de l'année 2020 et 2021. G______ a indiqué s'y rendre trois à quatre fois par semaine et y avoir vu le demandeur pendant une période de neuf à onze mois. H______ a expliqué s'y rendre une à deux fois par mois et y avoir vu le demandeur pendant sept ou huit mois voire plus. I______ a indiqué passer au magasin environ deux fois par semaine et y avoir rencontré le demandeur en 2020 et 2021.

 

I______ a précisé que le magasin fermait vers 2lh50-22h.

 

Le témoin F______ a expliqué avoir travaillé au noir pour E______ de 2006 à 2013. Il n'était pas déclaré aux assurances sociales et était payé en espèces. Au départ, il recevait un salaire mensuel de 700 fr. qui avait été augmenté jusqu'à 1'800 fr. Il travaillait de 9h du matin à 22h-22h30, six jours par semaine.

 

Dès 2013, il avait obtenu un permis d'établissement. Son travail avait alors été déclaré et ses charges sociales payées. Depuis 2013, son salaire mensuel s'était élevé à 3'100 fr. ou 3'200 fr. et avait ensuite augmenté jusqu'à atteindre 4'100 fr., payé par virement bancaire. Il travaillait 45 heures par semaine, soit à 100%. Il avait travaillé pour E______ jusqu'en janvier 2022.

 

Il avait fait l'intermédiaire entre E______ et le demandeur pour l'engagement de ce dernier, étant précisé qu'il ne le connaissait pas avant cela. Les termes de l'accord étaient de travailler de 9h à 22h avec une heure de pause, six jours par semaine, pour un salaire mensuel de l’500 fr. payé au noir. Le demandeur recevait une enveloppe de E______ avec son salaire mensuel. Ses tâches étaient diverses et consistaient notamment à ranger les marchandises, nettoyer, vendre le poisson et la viande.

 

Le témoin a encore expliqué avoir travaillé avec l’intimé du mois d'août 2020 au mois d'avril 2021 jusqu'à ce qu'il tombe malade. Il situait la fin des rapports de travail de l’intimé à la fin du mois de mai 2021, car celui-ci l'avait appelé en pleurs pour l'informer de son licenciement. B______ avait peut-être été licencié car il ne parlait pas français et ne pouvait pas communiquer avec E______. Auparavant, il avait été l'intermédiaire entre les deux. A sa connaissance, l’intimé était le seul employé non déclaré. Il connaissait bien les horaires de travail et le salaire de l’intimé ainsi que les détails relatifs aux autres employés car il était le responsable du magasin.

A l'issue de l'administration des preuves, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

 

1. 1.1 Compte tenu de la valeur litigieuse au dernier état des conclusions et du caractère final de la décision entreprise, la voie de l’appel est ouverte (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

 

1.2 L’appel a été interjeté auprès de l’autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1 let. a et 311 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC). Il est dès lors recevable.

 

1.3 Sont également recevables la réponse de l’intimé de même que la réplique, déposées dans les délais légaux (art. 312 al. 2 CPC), respectivement impartis à cet effet (art. 316 al. 1 CPC).

 

2. 2.1 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3). Toutefois, lorsque des questions de droit sont ainsi discutées, elle revoit librement l'application du droit, n'étant liée ni par l'argumentation juridique développée par les parties ni par la motivation du tribunal de première instance (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_45/2021 du 14 mai 2021 consid. 3.1).

 

2.2 L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Elle peut dès lors apprécier à nouveau les preuves apportées, notamment les témoignages et les déclarations des parties tels qu'ils ont été dûment consignés au procès-verbal, et parvenir à des constatations de fait différentes de celles de l'autorité de première instance (art. 157 CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2 s. ; 4A_748/2012 du 3 juin 2013 consid. 2.1).

 

2. 3 La présente procédure est régie par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC). Il en résulte notamment que le juge ne peut fonder sa décision que sur les faits allégués par les parties et, si ces faits sont contestés, sur les faits allégués dont il considère que la preuve a été apportée par les moyens de preuves qu'elles ont offerts (Bastons Bulletti, note sur les arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2014 et 4A_197/2014 du 27 novembre 2014, in CPC Online, newsletter du 7 janvier 2015).

 

2.4 Les éléments relevés par les parties, qui découlaient du dossier de première instance, ont été intégrés dans l’état de fait dans la mesure de leur pertinence.

 

3. 3.1 L’appelante fait griefs au Tribunal d’avoir retenu que l’intimé a travaillé pour elle du 17 août 2020 au 27 mai 2021 alors que les éléments figurant au dossier et actes d’instruction ne rendent vraisemblables l’existence de rapports de travail au-delà de 5 jours.

 

3.2 Elle relève que l’intimé n’a amené aucun élément de preuve à la procédure démontrant qu’il aurait bien travaillé pour le compte de l’appelante pour une durée supérieure à celle mentionnée par E______. Pour étayer ses allégations, l’appelante revient sur plusieurs points prouvant que les rapports de travail ont duré cinq jours. Les divers points soulevés par l’appelante seront examinés ci-dessous sous l’angle de la constatation inexacte des faits.

 

3.3.1 En premier lieu, contrairement à ce que soutient l’appelante, il est manifestement incorrect de déclarer que E______ a expliqué tout au long de la procédure que B______ n’a travaillé en tout et pour tout que 5 jours pour la société A______ SNC.

 

En effet, dans le mémoire de réponse du 4 février 2022, l’appelante a déclaré à de nombreuses reprises que B______ n’a jamais travaillé pour elle. Par la suite, l’appelante a maintenu ses conclusions lors des débats d’instructions. Ce n’est que lors de l’audience de débats principaux du 11 mai 2022 que l’appelante a déclaré que B______ a travaillé pour elle pendant cinq jours soit du mardi 27 avril 2021 au samedi 1er mai 2021.

 

3.3.2 L’appelante invoque ensuite le fait que E______ a été entendu sous la forme de la déposition au sens de l’article 192 CPC et qu’il a notamment été rendu attentif aux conséquences pénales d’une fausse déclaration.

 

Cette argumentation n’est pas recevable car l’intimé ainsi que les témoins ont également été exhortés à dire la vérité et rendus attentifs aux conséquences pénales d’une fausse déclaration, respectivement d’un faux témoignage.

 

3.3.3 Par la suite, l’appelante se prévaut du fait que la police du commerce serait venue contrôler son magasin à plusieurs reprises, notamment pendant la période de travail alléguée. Aucun de ces contrôles n’aurait révélé la présence de B______ dans les locaux de l’appelante.

 

Néanmoins aucune preuve de l’existence de ces contrôles n’a été apportée, alors que le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir délivre une fiche de contrôle à l’employeur après chaque contrôle. Il est même possible de contacter le service pour obtenir une copie dudit document s’il a été égaré. L’appelante ne fournit cependant aucun élément tangible appuyant et prouvant ses allégations.

 

3.3.4 L’appelante reproche en outre au Tribunal d’avoir pris en compte les témoignages des personnes entendues dans la procédure dans la mesure où elles seraient toutes des amis de l’intimé parlant la même langue que lui. Elle reproche également le manque de précision des témoignages.

 

A la lecture des procès-verbaux d’audition, rien ne permet de remettre en cause la validité des témoignages. Tout comme l’a rappelé l’appelante, les témoins ont également été exhortés à dire la vérité et rendus attentifs aux conséquences d’un faux témoignage. Il ressort des enquêtes que tous les témoins ont vu l’intimé travailler au magasin K______ entre 2020 et 2021 pendant plusieurs mois et à différentes périodes de la journée. De plus, l’audition de F______ a également été requise par l’appelante. Le fait que les témoins parlent espagnol n’est pas déterminant. En effet, il est plus probable qu’un client se rappelle de B______ s’ils parlent la même langue et peuvent communiquer. Dès lors, il est compréhensible que B______ ait requis l’audition de témoins parlant la même langue que lui.

 

3.3.5 L’appelante remet au surplus en question la cohérence du témoignage de G______ concernant la période de bénévolat de B______. G______ a déclaré qu’il ne pouvait pas situer exactement la période pendant laquelle l’intimé a fait du bénévolat mais que « c’était pendant l’été, peut être en juillet 2020 ». Du point de vue de l’appelante, cette déclaration permet de démontrer que le témoignage est mensonger car, en été 2020, l’intimé travaillait, selon ses dires, déjà pour le compte de l’appelante. L’appelante, de son propre aveu, « peine à comprendre de quelle manière l’intimé aurait pu être à deux endroits au même moment, à moins de ne posséder le talent de se dupliquer ! ».

 

Il est cependant difficile de comprendre pour quelle raison la déclaration de G______ serait incohérente dans la mesure où l’intimé aurait très bien pu exercer une activité bénévole avant de commencer à travailler chez l’appelante le 17 août 2020. Cela fait même du sens étant donné la situation précaire de l’intimé et son impossibilité de travailler légalement.

3.3.6 Au surplus, l’appelante considère qu’il est impossible pour elle d’apporter la preuve d’un fait négatif.

 

Cet argument ne peut être retenu. Il était possible pour l’appelante de demander l’audition d’un de ses employés, d’un client ou de produire les fiches de contrôle du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir. De plus, l’appelante allègue que l’intimé a effectué une période d’essai infructueuse dans son magasin. Quand bien même ce fait n’est pas négatif, l’appelante n’a fourni aucun moyen de preuve. Malgré sa condamnation en première instance, l’appelante n’a fait aucune offre de preuve en procédure d’appel.

 

3.3.7 L’appelante reproche au Tribunal d’avoir pris en compte les pièces fournies par l’intimé, c’est-à-dire le décompte d’heures de travail établis par ses propres soins. L’appelante remet en cause la force probante de ladite pièce au prétexte qu’il s’agit de documents préparés pour les besoins de la procédure.

 

Il est exacte qu’un décompte d’heures, lorsqu’il n’est pas contresigné par l’employeur, équivaut à une allégation d’une partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_338/2011 du 14 décembre 2011, consid. 2.3). Cependant, cette allégation a été corroborée par les différents témoignages. Dès lors, le Tribunal n’avait pas de raison de s’en écarter.

 

3.3.8 Au surplus, l’appelante dénonce le fait que l’intimé n’a produit aucun contrat de travail, aucune quittance ou même un échange de message avec E______.

 

Il est difficile de comprendre comment un employé travaillant au noir aurait pu produire un contrat de travail ou une fiche de salaire. L’audition de F______ a confirmé que B______ et lui-même étaient payés de la main à la main. Il a également confirmé que les conditions de travail, telles que décrites par l’intimé, correspondaient à la réalité et qu’il s’était trouvé dans la même situation quelques années auparavant. De plus, il ressort de l’ensemble de l’instruction que B______ a travaillé pour le compte de l’appelante du 17 août 2020 au 27 mai 2021.

 

4. Au vu de ce qui précède, l’appelante n’a pas réussi à démonter en quoi l’établissement des faits tel que constaté par le Tribunal serait inexacte. Dès lors, l’appel est infondé. Le jugement déféré sera confirmé.

 

5. Les frais judiciaires d’appel, arrêtés à 300 fr., seront mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC ; art. 5 et 71 RTFMC). Ils seront compensés par l’avance du même montant effectuée par celle-ci, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

 

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :

 

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé par A______ SNC contre le jugement JTPH/271/2022 du 26 août 2022 rendu par le Tribunal des prud’hommes dans la cause C/17143/2021-3.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 300fr., les met à la charge de A______ SNC et les compenses avec l’avance effectuée par celle-ci, qui reste acquise à l’Etat de Genève

Siégeant :

Monsieur Serge FASEL, président ; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur ; Madame Agnès MINDER-JAEGER, juge salarié ; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

Le président :

Serge FASEL

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.