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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/20484/2021

CAPH/47/2023 du 11.05.2023 sur JTPH/281/2022 ( OS ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 15.06.2023, rendu le 21.08.2023, REJETE, 4A_318/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20484/2021-5 CAPH/47/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 11 MAI 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, France, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 2 septembre 2022 (JTPH/281/2022), comparant par Me Andrea VON FLÜE, avocat, Könemann & von Flüe, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______ et Madame C______ domiciliés ______ [GE], intimés, comparant par Me Philippe EIGENHEER, avocat, DGE Avocats, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement du 2 septembre 2022, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes, après avoir déclaré irrecevables les conclusions de la demande tendant à la constatation de la nullité du licenciement du 13 août 2021 (ch. 2), à celle du caractère abusif du licenciement du 27 octobre 2021 (ch. 3) ainsi qu'à celle tendant au versement de cotisations LPP (ch. 4) et refusé les requêtes d'audition de divers témoins (ch. 5) et de production de pièces (ch. 6), a débouté A______ de ses conclusions (ch. 7), rappelé que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions.

En substance, il a notamment retenu que les conclusions en constatation de la nullité du congé du 13 août 2021 étaient subsidiaires à des conclusions en paiement, lesquelles avaient été retirées, et donc irrecevables, de même que celles relatives à la conclusion en constatation de congé abusif, puisque des conclusions en paiement d'une indemnité de ce chef (bien qu'imprécisément libellée) avaient été articulées, que le droit à obtenir une telle indemnité était périmé faute d'opposition valablement formulée dans le délai légal s'agissant du congé signifié le 27 octobre 2021 (les employeurs n'ayant pas démontré avoir donné congé le 13 août 2021), et que les conclusions relatives à la LPP excédaient la compétence ratione materiae du Tribunal de sorte qu'elles n'étaient pas recevables.

B.            Par acte du 5 octobre 2022, A______ a conclu à l'annulation de la décision attaquée, cela fait à ce qu'il soit dit que le licenciement du 18 [sic] août 2021 était nul car signifié en temps inopportun et que le licenciement du 27 octobre 2021 était abusif, à ce que B______ et C______ soient condamnés solidairement à lui verser 22'560 fr. bruts à titre d'indemnité pour licenciement "injustifié", subsidiairement à ce qu'il soit dit que le licenciement du 13 août [sic] 2021 était abusif et à ce que B______ et C______ soient condamnés solidairement à lui verser 22'560 fr. bruts à titre d'indemnité pour licenciement "injustifié", avec suite de frais judiciaires.

C______ et B______ ont conclu à la forme à l'irrecevabilité de l'appel, alternativement à l'irrecevabilité des conclusions constatatoires, au fond à la confirmation de la décision déférée, subsidiairement à l'audition de témoins, plus subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour complément d'instruction et nouvelle décision.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

Par avis du 24 février 2023, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a.      A compter du 10 août 2020, A______ s'est engagée au service des époux B______ et C______ en qualité d'employée de maison, moyennant un salaire mensuel de 4'000 fr.

Aux termes du contrat de travail signé par les parties, l'horaire de travail hebdomadaire était de 45 heures, l'employée étant engagée à 100%. Le droit aux vacances était de six semaines par an.

b.      Les époux B______/C______ allèguent avoir été insatisfaits des prestations de A______, de sorte qu'en mai 2021 ils auraient décidé de s'en séparer, et d'engager une tierce personne en qualité d'employée de maison, avec laquelle ils étaient convenus de se lier par un contrat de travail dès le 10 janvier 2022.

c.       En juin 2021, dans des circonstances disputées entre les parties, A______ a soumis aux époux B______/C______ la question de la conformité du salaire contractuel avec la réglementation cantonale en matière de salaire minimum.

d.      Les époux B______/C______ allèguent que le 12 août 2021 A______ se serait montrée agressive envers leurs enfants et la grand-mère de ceux-ci, présente à leur domicile. Ils auraient alors décidé de faire part de leur mécontentement à l'employée le lendemain.

e.       Le vendredi 13 août 2021, les parties ont eu un entretien. A______ allègue qu'il a eu lieu à sa demande en lien avec l'adaptation de salaire requise, tant que les époux B______/C______ affirment qu'il a eu lieu à leur initiative en raison des événements de la veille.

Selon A______, B______ lui aurait dit de ne pas revenir sur le sujet de l'adaptation du salaire contractuel aux règles cantonales, et qu'elle avait tort, ce que C______ aurait confirmé.

Les époux B______/C______ allèguent avoir dit à A______ que son comportement de la veille n'était pas tolérable; au vu de la réaction de celle-ci, ils lui avaient signifié son licenciement, le lien de confiance étant rompu, sans libération de l'obligation de travailler durant le délai de congé. Sur quoi, A______ aurait commencé à crier, faisant valoir que son salaire n'était pas conforme au minimum légal.

Au Tribunal, A______ a déclaré qu'il n'avait pas été évoqué de licenciement. B______ a déclaré qu'il avait été dit sans équivoque que la précitée était congédiée.

La mère de C______ a déclaré au Tribunal qu'elle avait appris le licenciement de A______ "le vendredi soir" par sa fille, laquelle se demandait si ce congé était valable car notifié oralement.

f.       Le lundi 16 août 2021, à 9h01, C______ a rédigé à l'adresse d'un correspondant qu'elle allègue être son mari, un message whatsapp ainsi rédigé: "Le fait de savoir ne plus la revoir me rend heureuse […]"; le même jour, elle a reçu à 14h 56, 14h57 et 14h58, de son correspondant, les messages: "J'ai fait la lettre", "Je te l'envoie", "C'est fait par mail".

Le même jour à 14h58, B______ a envoyé à C______ un courriel comportant un document word intitulé "lettre de licenciement".

g.      Selon un certificat médical du 16 août 2021, A______ a été incapable de travailler à 100% pour cause de maladie du 16 au 29 août 2021.

Par message whatsapp expédié à 18h28 à C______, A______ a fait part de son arrêt de travail pour deux semaines et annoncé l'envoi d'un certificat médical par courrier.

h.      Par pli recommandé du 17 août 2021, reçu par les époux B______/C______ le lendemain à 9h56, A______ a requis le paiement de la différence entre le salaire convenu contractuellement touché depuis novembre 2020 et le salaire minimum genevois (soit un total de 4'556 fr. 10).

i.        Par lettre recommandée postée le 18 août 2021 à 17h13, les époux B______/C______ se sont adressés à A______ en ces termes: "Comme annoncé oralement lors de notre entretien du 13 août 2021, nous mettons un terme à votre contrat de travail […] pour le 31 octobre 2021", avec libération de l'obligation de travailler.

Le même 18 août 2021, C______ s'est adressée à sa mère par message whatsapp ainsi libellé: "En fait on lui a dit oralement vendredi le licenciement et il est valable par oral […]".

j.        Par courrier de leur assurance protection juridique du 20 août 2021, les époux B______/C______ ont fait allusion à "la résiliation [des] rapports de travail du 13 août 2021 […] confirmée par courrier le 18 août 2021", et ont annoncé qu'ils entraient en matière par gain de paix sur la demande d'adaptation de salaire jusqu'à fin octobre 2021, avec un rattrapage d'arriéré correspondant à 4'556 fr. 10.

k.      Par lettre de son conseil du 10 septembre 2021, A______ a fait valoir qu'elle était en arrêt-maladie au moment du courrier recommandé de licenciement du 18 août 2021, que celui-ci était partant nul, et a contesté une résiliation orale du contrat le 13 août 2021.

l.        Par courrier de son conseil du 6 octobre 2021, A______ a offert ses services aux époux B______/C______, motif pris de ce qu'elle était apte à travailler depuis le 1er octobre 2021.

Par réponse du 27 octobre 2021, les époux B______/C______ ont déclaré maintenir leur position "quant à la résiliation intervenue oralement en date du 13 août dernier, confirmée par courrier postal du 18 août 2021". Ils ont "à toutes fins utiles", si "la résiliation du 18 août 2021 devait être nulle", résilié le contrat de travail pour le 31 décembre 2021.

m.    Le 15 octobre 2021, A______ a saisi l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes d'une requête en conciliation dirigée contre B______ et C______ en constatation de la nullité de son licenciement intervenu en temps inopportun, en paiement d'un montant non chiffré correspondant à son salaire jusqu'à la fin du contrat ainsi qu'aux cotisations LPP depuis sa prise d'emploi, subsidiairement en paiement du montant brut de 27'072 fr. à titre d'indemnité pour licenciement injustifié, avec suite de frais judiciaires.

n.      Le 14 décembre 2021, le conseil de A______ s'est adressé à l'avocat des époux B______/C______ en ces termes: "Pour la bonne forme, je vous informe que, par la présente, ma mandante conteste le deuxième licenciement qui lui a été adressé en date du 27 octobre 2021".

B______ et C______ ont contesté l'allégué de la demande relatif à ce fait, soutenant dans la partie en droit de leur réponse que la formulation de contestation utilisée ne valait pas opposition valable au congé au sens de l'art. 336b al. 1 CO.

o. Le 12 janvier 2022, au bénéfice d'une autorisation de procéder (délivrée le 24 novembre 2021), A______ a déposé au Tribunal une demande par laquelle elle a conclu à la constatation que le licenciement du 13 [sic] août 2021 était nul car intervenu en temps inopportun, subsidiairement abusif, à la constatation du caractère abusif du licenciement du 27 octobre 2021, à la condamnation des époux B______/C______ solidairement à lui verser un montant non chiffré correspondant à son salaire jusqu'à la fin du contrat de travail, et à ses cotisations LPP depuis la prise de son emploi, ainsi que le montant brut de 22'560 fr. à titre d'indemnité pour licenciement injustifié, avec suite de frais judiciaires.

Par acte du 20 janvier 2022, A______ a retiré sa conclusion portant sur un montant non chiffré correspondant à son salaire jusqu'à la fin du contrat de travail.

Les époux B______/C______ ont conclu au déboutement de A______ des fins de ses conclusions et au constat que les rapports de travail avaient pris fin le 30 novembre 2021 (date jusqu'à laquelle ils avaient versé le salaire – ce qui est admis par A______), subsidiairement au 31 décembre 2021.

A l'issue de l'audience du Tribunal du 30 juin 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.1 L'appel a été formé contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1 et 3, art. 145 al. 1 let. c, art. 331 et 313 al. 1 CPC).

2. S'agissant de sa motivation, l'appel souffre de carences, comme le soulignent les intimés.

2.1         A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte « écrit et motivé ». Selon la jurisprudence, l'acte doit aussi comporter des conclusions, lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Ces conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité d'appel puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision. En règle générale, les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3). Si nécessaire et à l'instar de toute déclaration en procédure, les conclusions doivent être interprétées de bonne foi, en particulier sur la base de la motivation qui les accompagne (arrêt du Tribunal fédéral 4A_653/2018 du 14 novembre 2019 consid. 6.3).

La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (ATF 138 III 374 consid. 4.3.; voir aussi ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

2.2.1 En l'espèce, il est manifeste que l'appelante ne consacre aucun développement ni ne prend de conclusion quant au chiffre 4 du dispositif de la décision attaquée (cotisations LPP), ce qui rend l'acte d'emblée irrecevable sur ce point.

Elle ne développe pas non plus de critique en lien avec les chiffres 3 (constatation du caractère abusif du congé du 27 octobre 2021, 5 (requête d'audition de témoins de l'intimée), 6 (requête de production de pièces) et 8 (gratuité de la procédure) du dispositif de la décision attaquée. L'appel n'est par conséquent pas non plus recevable sur ces points.

2.2.2 L'appelante soulève un grief, sous l'intitulé du formalisme excessif, reprochant au Tribunal d'avoir déclaré, au chiffre 2 du dispositif du jugement, non recevable sa conclusion portant sur le licenciement du 13 août 2021 (qu'elle corrige dans sa conclusion d'appel en licenciement du 18 août 2021).

La critique de l'appelante ne porte toutefois pas sur le raisonnement des premiers juges lié à la subsidiarité de la constatation de la nullité du congé au vu des conclusions en paiement articulées puis retirées, mais à la circonstance que le Tribunal n'aurait pas décelé que la conclusion comportait une erreur de plume. Or, qu'il s'agisse de lire la date du 13 août 2021 ou la date du 18 août 2021, l'appelante n'expose pas en quoi elle aurait un intérêt digne de protection au sens de l'art. 59 al. 2 let. a CPC – condition qui s'examine d'office (art. 60 CPC) - à obtenir la constatation d'une supposée nullité d'un congé à l'une ou l'autre de ces dates, étant rappelé que le Tribunal a justement retenu que les prétentions pécuniaires procédant de ce point ont fait l'objet d'un retrait, respectivement n'ont pas été articulées. L'appel, en tant qu'il vise le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, n'est ainsi pas recevable.

2.2.3 L'appelante s'en prend encore, s'agissant du chiffre 7 du dispositif de la décision attaquée, au déboutement des fins de sa conclusion principale en indemnité pour licenciement injustifié [recte abusif] procédant dudit congé du 27 octobre 2021.

A cet égard, le Tribunal a retenu que les conditions de l'art. 336 b al. 1 CPC n'avaient pas été respectées, en expliquant les raisons qui le conduisaient à trancher ainsi, s'agissant de la formulation utilisée dans le courrier d'avocat du 14 décembre 2022 et de la date de l'introduction de la demande. En ce qui concerne le premier point, il a, en se référant en particulier à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2014 du 8 septembre 2014 (qui rappelle, à son considérant 3.1, que l'opposition a pour but de permettre à l'employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus), considéré que l'indication "conteste le […] licenciement" ne se comprenait pas comme la manifestation d'une opposition au congé. L'appelante ne critique pas ce raisonnement des premiers juges, se limitant à protester d'un arbitraire et à affirmer sa propre conviction selon laquelle ce licenciement "a bien été contesté" même si le mot "opposition" n'a pas été utilisé; il ne s'agit pas d'une motivation suffisante pour répondre aux exigences en la matière, de sorte que sur ce point l'appel n'est pas non plus recevable.

L'appelante ne fait, pour le surplus, pas mention de ce que les premiers juges n'ont pas traité expressément sa conclusion subsidiaire en indemnité (liée à bien la comprendre au caractère abusif du "licenciement intervenu le 13 août 2021", alors pourtant qu'elle soutient qu'aucun congé n'a été notifié à cette date), de sorte que, faute de grief à cet égard, il n'y a pas lieu de s'y arrêter plus avant.

2.2.4 En définitive, au vu de ce qui précède, l'appel se révèle entièrement irrecevable.

3. Il n'est pas perçu de frais (art. 114 let. c CPC) ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :


Déclare irrecevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTPH/281/2022 rendu le 2 septembre 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/20484/2021.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Anne-Christine GERMANIER, juge employeur; Madame Shirin HATAM, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.