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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/1562/2021

CAPH/40/2023 du 13.04.2023 sur JTPH/323/2022 ( OS ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 25.05.2023, rendu le 21.08.2023, IRRECEVABLE, 4A_313/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1562/2021-5 CAPH/40/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 13 AVRIL 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 18 octobre 2022 (JTPH/323/2022), comparant en personne.

et

B______, SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE, sise ______ [VD], intimée, comparant par Me Fabrice COLUCCIA, avocat, quai Gustave-Ador 4, case postale 3082,
1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/323/2022 du 18 octobre 2022, reçu par A______ le 21 octobre 2022, le Tribunal des prud'hommes a débouté A______ des fins de sa demande formée contre B______, SOCIETE COOPERATIVE (ch. 1 du dispositif), dit que la procédure était gratuite (ch. 2) et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3).

B.            a. Le 1er novembre 2022, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule et condamne B______, SOCIETE COOPERATIVE à lui verser 5'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 janvier 2021, avec suite de frais et dépens.

Elle a produit à l'appui de sa demande un exemplaire de la Convention collective de travail pour les concierges, édition 2009.

b. Le 15 décembre 2021, B______, SOCIETE COOPERATIVE a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Le 5 janvier 2023, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions, et a produit une pièce nouvelle.

d. B______, SOCIETE COOPERATIVE a dupliqué le 15 février 2023, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées le 13 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, SOCIETE COOPERATIVE (ci-après : B______) a notamment pour but social d'optimiser les compétences professionnelles des participants afin de favoriser leur insertion dans le monde du travail.

b. Pour la période du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2012, B______ a conclu une première convention de collaboration avec le Département de la solidarité et de l’emploi (ci-après : DES) ou, pour lui, l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), laquelle prévoyait que la coopérative s’engageait à employer des personnes du DES conformément au salaire définit par l’art. 43 du règlement d’exécution de la loi en matière de chômage (RMC) applicable à cette époque, en contrepartie d’une contribution financière de l’Etat de Genève.

Une deuxième convention a été conclue pour la période du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2016 et une troisième pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2016.

c. A______ a été engagée par B______ en qualité de surveillante pour le Musée C______, à partir du 4 janvier 2011, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 3 janvier 2011. La durée hebdomadaire de travail était de 40 heures.

Selon les constations du Tribunal, non contestées devant la Cour, A______ avait pour mission, à teneur de son cahier des charges, de surveiller les galeries d’exposition, d’entretenir les bâtiments, d’appliquer les directives liées à la sécurité des visiteurs, d’assurer l’accueil et la technique lors des projections publiques du week-end et de participer au transport et au déplacement d’éléments d’expositions ou de mobilier.

L’art. 3 du contrat précisait que ce dernier s’inscrivait dans le cadre du programme de création d’emplois, appelé les emplois de solidarité, destinés aux personnes ayant épuisé leurs droits à l’assurance-chômage (art. 1).

Le salaire était fixé conformément à l’art. 43 de l’ancien RMC, soit : 3'225 fr. pour une fonction ne requérant aucune formation spécifique; 3'725 fr. pour une fonction conforme à la let. a, mais occupée par un titulaire du certificat fédéral de capacité ou d’un diplôme professionnel équivalent; 4'225 fr. pour une fonction spécialisée ou à responsabilités, dont l’exercice requiert impérativement un certificat fédéral de capacité ou un diplôme professionnel équivalent.

Le salaire mensuel convenu était de 3'225 fr. brut, pour une activité à 100% (art. 3).

Par avenant du 5 février 2015, le salaire de A______ a été augmenté à 3'725 fr. brut par mois avec effet au 1er février 2015, celle-ci s’étant réservée le droit de demander une réévaluation de son salaire à 4'225 fr. rétroactivement au mois de janvier 2011.

d. En date du 11 février 2015, A______ a demandé à l’OCE une réévaluation de son salaire mensuel brut à 4'225 fr. par mois, faisant valoir qu'elle était en possession d'un diplôme universitaire et qu'elle exerçait des responsabilités dans le cadre de son travail.

Cette demande a été refusée par décision de l'OCE du 19 février 2015.

Le 23 mars 2015, A______ a formé opposition contre cette décision.

Par décision du 10 juin 2015, l’OCE a partiellement admis cette opposition et a annulé la décision du 19 février 2015 en ce sens que son salaire était augmenté à 3'725 fr., avec effet rétroactif dès le 4 janvier 2011. La décision précisait qu'elle était susceptible de recours dans les trente jours par-devant la Chambre des assurances sociale de la Cour de justice. Cette voie de recours n'a pas été utilisée par l'intéressée.

e. Le 2 septembre 2015 A______ a sollicité de l'OCE une nouvelle réévaluation de son salaire, en soutenant remplir les conditions prévues par l’art. 43 let. c ancien RMC.

Par décision du 29 septembre 2015, l’OCE a refusé ladite demande et, le 8 mars 2016, il a rejeté l'opposition formée contre celle-ci.

Une nouvelle demande de réévaluation du 24 octobre 2016 a été rejetée par décision de l’OCE du 24 novembre 2016 au motif que la décision du 8 mars 2016, confirmant la décision du 29 septembre 2015, était entrée en force, à défaut d'avoir fait l'objet d'un recours. Aucun motif de révision n'était réalisé.

f. Le contrat de travail liant A______ à B______ a été résilié pour le 31 décembre 2016.

g. Par courrier du 1er juillet 2020 adressé au Conseil d’Etat, A______ a requis une nouvelle réévaluation de son salaire fixé par contrat du 3 janvier 2011, indiquant que la procédure "de révision ou de reconsidération" devait s’appliquer.

Le 28 juillet 2020, il lui a été répondu que le litige avait été tranché par décision du 29 septembre 2015, confirmée par décision sur opposition du 8 mars 2016, laquelle n’avait pas été contestée et était en conséquence définitive. Il relevait qu’aucun motif de révision n’était réalisé, ni en 2016 ni aujourd’hui.

h. Par requête déposée à l’office postal le 14 janvier 2021, non conciliée lors de l'audience du 16 février 2021, A______ a assigné B______ en paiement de 5'500 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 13 janvier 2021 à titre de salaire pour la période du 1er février au 31 décembre 2016.

Elle a fait valoir qu'elle était titulaire d'un titre universitaire, à savoir un baccalauréat es arts de la faculté de philologie de Belgrade, obtenu en 1984. Cela justifiait le versement d'un salaire de 4'725 fr. par mois selon l'art. 3c de son contrat.

i. Le 10 avril 2021, B______ a conclu à ce que la demande de A______ soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée, sous suite de frais et dépens.

Elle a notamment fait valoir que la juridiction des prud’hommes était incompétente pour connaître de la demande puisque la fixation du salaire dans le cadre d’une mesure d’insertion socio-professionnelle de droit public appartenait exclusivement aux autorités administratives. Sur le fond, la fonction de surveillant de musée n'impliquait pas de responsabilité ni de spécialisation et ne requérait aucun diplôme, de sorte que la demande devait être rejetée.

j. Par jugement JTPH/368/2021 du 30 septembre 2021 le Tribunal a déclaré la demande irrecevable au motif qu'il n'était pas compétent pour connaître du litige.

Ce jugement a été annulé par arrêt de la Cour de justice du 24 janvier 2022. La Cour a retenu que le Tribunal était compétent pour connaître du litige et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision.

k. Lors de l'audience du Tribunal du 7 septembre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Le recours, déposé dans les forme et délais légaux contre une décision finale dans une affaire d'une valeur litigieuse inférieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308, 311 et 319 CPC).

1.2 Le cahier des charges produit par la recourante avec sa réplique est irrecevable en application de l'art. 326 al. 1 CPC, qui prohibe le dépôt de pièces nouvelles dans le cadre d'un recours.

La Convention collective de travail pour les concierges est quant à elle recevable, car il s'agit d'un texte légal.

2.             Le Tribunal des prud'hommes a retenu que le salaire de 3'725 fr. bruts par mois fixé entre les parties était conforme à l'art. 43 aRMC, qui, même abrogé, reflétait les pratiques du marché. Le salaire de 4'225 fr. bruts par mois réclamé par la recourante concernait une fonction spécialisée ou à responsabilités, dont l'exercice requérait un certificat fédéral de capacité ou un diplôme professionnel équivalent. Au vu du cahier des charges produit, le poste de surveillant de musée exercé par la recourante n'était pas spécialisé ni à responsabilités, de sorte que la recourante ne pouvait pas prétendre au salaire y afférent. En tout état de cause, la recourante n'avait ni allégué ni prouvé que le salaire qu'elle avait touché ne reflétait pas les pratiques du marché.

La recourante fait valoir que son activité était similaire à celle d'une concierge, de sorte qu'elle avait droit à un salaire mensuel brut de 4'225 fr. par mois, en application de la Convention collective de travail pour les concierges.

2.1. 2.1.1 A Genève, afin de répondre à certains besoins spécifiques de la population, des emplois de solidarité sur le marché complémentaire de l'emploi ont été institués depuis 2008 (art. 45D al. 1 LMC). Ces emplois de solidarité constituent des prestations complémentaires à celle prévues par la loi fédérale sur l'assurance-chômage (art. 7 let. d LMC).

Ils sont destinés aux personnes ayant épuisé leurs droits à l'assurance-chômage (art. 45D al. 2 LMC). Dans le choix des activités retenues, le département compétent veille à éviter toute concurrence avec les entreprises commerciales genevoises, en particulier celles régies par des conventions collectives de travail (art. 45F al. 3 LMC).

Jusqu'au 19 décembre 2015, la loi confiait au Conseil d'Etat la compétence de déterminer des salaires minimaux sur préavis du Conseil de surveillance du marché de l'emploi (art. 45H al. 2 aLMC). Le Conseil d'Etat avait ainsi fixé, à l'art. 43 al. 1 RMC dans ses teneurs successives, le salaire mensuel brut de l'emploi de solidarité à plein temps à 3'000 fr., puis 3'225 fr. dès 2011, pour une fonction ne requérant aucune formation spécifique (let. a); 3'500 fr., puis 3'725 fr. dès 2011 pour une fonction conforme à la let. a, mais occupée par un titulaire du certificat fédéral de capacité ou d'un diplôme professionnel équivalent (let. b); 4'000 fr., puis 4'225 fr. pour une fonction spécialisée ou à responsabilités, dont l'exercice requiert impérativement un certificat fédéral de capacité ou un diplôme professionnel équivalent (let. c).

Dès le 19 décembre 2015, l'art. 45H al. 2 aLMC a été supprimé (loi 11541 du 18 septembre 2015). Désormais, il est prévu que l'Etat contribue au paiement du salaire versé aux bénéficiaires par leur employeur dans la mesure où ce salaire est conforme aux pratiques du marché complémentaire de l'emploi (art. 45H al. 1 LMC). A teneur de l'art. 43 RMC dans sa teneur actuelle, le marché complémentaire de l'emploi, au sens de de la loi cantonale, rassemble les activités de production de biens ou de services ayant une utilité pour la collectivité ou répondant à un besoin social, mais qui sont délaissées par les entreprises privées à but lucratif en raison d'un manque de rentabilité lié notamment au besoin d'encadrement accru des employés concernés ou de la nature de l'activité déployée, et que l'Etat souhaite soutenir (al. 1). Les salaires conformes aux pratiques du marché complémentaire de l'emploi, au sens de l'art. 45H al. 1 LMC, ne peuvent pas être inférieurs aux salaires minimaux prévus par les conventions collectives de travail étendues ou les contrats-types de travail au sens de l'art. 360a CO ou, à défaut, les usages établis par l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (al. 2).

Les relations contractuelles entre les bénéficiaires et les institutions partenaires sont régies pour le surplus par le contrat de travail signé par ces derniers et, à titre supplétif, par les dispositions du titre dixième du CO (art. 45H al. 3 LMC).

2.1.2 Selon son art. 1, la Convention collective de travail pour les concierges a pour but de régler les conditions de travail des concierges au service des propriétaires d'immeubles membres de la Chambre genevoise immobilière ou représentés par la Société des régisseurs de Genève ou de tout propriétaire d'immeuble sis à Genève ayant adhéré individuellement à cette CCT.

Le cahier des charges d'un concierge au sens de la CCT comprend notamment l'entretien de l'intérieur de l'immeuble (nettoyage, contrôle des installations techniques, etc.) et de l'extérieur (entretien du jardin, vidage des poubelles, maintenance des machines de jardinage, voirie, etc.), la surveillance de l'immeuble, le contrôle des places de stationnement, les services aux locataires, les relations avec la régie, la maintenance des installations de gaz, eau, cheminées, buanderies et parking.

2.2 En l'espèce, il n'apparaît pas que l'intimée serait soumises aux dispositions de la Convention collective de travail pour les concierges puisqu'il ne s'agit pas d'une entité visée par l'art. 1 de ladite Convention.

A cela s'ajoute que le cahier des charges d'un concierge au sens de la CCT n'est pas comparable à celui de la recourante.

Celle-ci avait en effet pour mission de surveiller les galeries d’exposition, d’entretenir les bâtiments, d’appliquer les directives liées à la sécurité des visiteurs, d’assurer l’accueil et la technique lors des projections publiques du week-end et de participer au transport et au déplacement d’éléments d’expositions ou de mobilier. Ces tâches sont très différentes de celles énoncées par la CCT et décrites ci-dessus, de sorte que celle-ci ne saurait être appliquée par analogie.

Les éventuelles tâches de nettoyage effectuées par la recourante dans le cadre de son activité de surveillante de musée ne peuvent être comparées à aux tâches effectuées par les concierges d'immeubles, entièrement responsables de l'entretien d'un ou plusieurs bâtiments, selon un cahier des charges contraignant.

De plus, comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, la recourante n'a pas allégué en temps utile que les salaires prévus par l'art. 43 aRMC ne reflétaient pas les pratiques du marché ou les usages établis par l'Office cantonal de l'inspection du travail.

Le recours sera dès lors rejeté.

3. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes groupe 5 :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre le jugement JTPH/323/2022 rendu le 18 octobre 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/1562/2021-5.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit qu'il n'est pas prélevé de frais judiciaires ni alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame
Anne-Christine GERMANIER, juge employeur, Madame Shirin HATAM, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.