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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/14258/2021

CAPH/31/2023 du 20.03.2023 sur JTPH/211/2022 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14258/2021-4 CAPH/31/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 20 MARS 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [VD], appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 4 juillet 2022 (JTPH/211/2022), comparant par Me Dimitri IAFAEV, avocat, Rappard Romanetti, Iafaev & Avocats, boulevard des Philosophes 11, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée et appelante sur appel joint, comparant par Me Wana CATTO, avocate, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/211/2022 du 4 juillet 2022, reçu par A______ le lendemain, le Tribunal des prud'hommes, groupe 4 (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré recevable la demande formée le 18 novembre 2021 par A______ contre B______ SA (chiffre 1 du dispositif), condamné B______ SA à verser à A______ la somme brute de 1'125 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er mars 2021 (ch. 2), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 2 septembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, requérant l'annulation du chiffre 5 de son dispositif.

Elle conclut principalement, et avec suite de frais, à la condamnation de B______ SA à lui verser 9'000 fr. brut à titre d'indemnité correspondant au salaire dû pendant le délai de congé ainsi que 27'000 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 26 février 2021.

Elle conclut subsidiairement à la condamnation de B______ SA à lui verser 27'000 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement abusif et discrimination en raison de sa maternité, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 26 février 2021.

Elle produit un bordereau de 14 pièces, figurant toutes au dossier du Tribunal.

b. Dans sa réponse du 3 octobre 2022, B______ SA a conclu, avec suite de frais, au déboutement de A______ de l'ensemble de ses conclusions.

Sur appel joint, elle a conclu, avec suite de frais, à l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement susmentionné et à la confirmation dudit jugement pour le surplus, en ce qu'il déboutait A______ de ses autres conclusions.

c. Dans sa réponse à l'appel joint et réplique sur appel principal, A______ a conclu au rejet de l'appel joint formé par B______ SA et au rejet de toutes ses conclusions. Elle a pour le surplus persisté dans ses conclusions.

d. B______ SA a répliqué sur appel joint et dupliqué sur appel principal, persistant dans ses conclusions.

e. A______ a dupliqué sur appel joint, persistant dans ses conclusions.

f. Les parties ont été informées par avis du 13 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. B______ SA est une société de droit suisse dont le but est l'exercice de toutes activités de gestion et d'administration de trust et de sociétés, conseils et services y relatifs ; son siège est à Genève.

Elle est administrée par C______, avec signature individuelle.

b. A______ a été engagée par B______ SA, en qualité de "stagiaire corporate", à partir du 12 avril 2019, par contrat de travail à durée déterminée signé le même jour. Le salaire mensuel convenu était de 2'000 fr. brut.

c. Le 1er octobre 2019, A______ a signé un nouveau contrat de travail avec B______ SA, de durée indéterminée, au terme duquel elle était engagée en qualité de gestionnaire. Le salaire annuel convenu était de 54'000 fr. brut, soit 4'500 fr. brut par mois.

Selon A______, son travail consistait notamment à s'entretenir avec des clients, à ouvrir des comptes bancaires et à constituer des sociétés. Ces tâches étaient compatibles avec le télétravail.

Selon B______ SA, A______ avait en réalité été engagée en tant que secrétaire et n'était pas gestionnaire malgré le libellé de son contrat de travail. Ses tâches consistaient à soutenir administrativement les gestionnaires de la société, à assurer l'accueil, à préparer les salles de réunion, à organiser le courrier, ainsi qu'à gérer une plateforme de virtual office et la logistique des bureaux. Elle ne pouvait assumer ces fonctions depuis chez elle.

d. A______ est tombée enceinte au début de l'année 2020 et a accouché le 6 novembre 2020.

e. Par décisions d'allocation de maternité fédérale et cantonale du 4 décembre 2020, adressées à A______ au siège de B______ SA, la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes (ci-après : la FER CIAM) a communiqué à la précitée le montant des allocations de maternité qu'elle percevrait du 6 novembre 2020 au 25 février 2021, correspondant à un congé maternité de 112 jours.

A l'audience du Tribunal du 24 mars 2022, A______ a déclaré que ces décisions avaient été adressés à son employeuse et qu'elle ne les avait pas reçues. Elle pensait dès lors que son congé maternité prenait fin le [lundi] 1er mars 2021.

f. Par courriel envoyé le 1er mars 2021 à 9h21 à sa manager, D______, avec copie à C______, A______ a informé B______ SA que, compte tenu du fait que sa période de congé se terminait le même jour, elle souhaitait prendre ses vacances restantes dans le prolongement de cette dernière. Elle demandait dès lors à C______ de lui communiquer le nombre de jours qui lui restait. Elle souhaitait en outre continuer à allaiter chez elle en se référant à l'art. 35a al. 1 LTr et proposait de faire du télétravail à cette fin.

g. Par courriel envoyé le même jour à 14h24, non signé, B______ SA a indiqué à A______ que son congé maternité avait pris fin le [jeudi] 25 février 2021, raison pour laquelle elle aurait dû reprendre le travail le [vendredi] 26 février 2021 à 9h00. A______ était dès lors mise en demeure de reprendre le travail le mardi 2 mars 2021 à 9h00, au risque de voir son contrat de travail résilié pour abandon de poste. B______ SA ajoutait que si A______ allaitait son enfant, elle avait droit à une pause d'allaitement journalière rémunérée de 90 minutes.

h. A______ a répondu le même jour à 14h45, en indiquant qu'elle n'avait reçu aucun courriel indiquant qu'elle devait reprendre le travail le vendredi 26 février. A sa connaissance, elle était censée reprendre le lundi 1er mars. Elle ajoutait ce qui suit: "Par ailleurs, j'ai envoyé un e-mail ce matin à D______ en rapport avec cette situation. Merci de voir avec elle.".

i. Dans un second courriel envoyé à 16h56, A______ a indiqué à son employeuse que, comme elle n'avait pas reçu de réponse de sa part, elle lui transmettait le courriel qu'elle avait envoyé le matin même à sa manager. Elle ajoutait en outre ceci : "Merci d'indiquer la solution que vous préférez. Comme vous le verrez, la solution de reprendre le travail n'est pas évoquée.".

j. En réponse au courriel susmentionné, C______ a écrit à A______, depuis son adresse [électronique] personnelle (______@gmail.com), que son congé maternité se terminait bien le jeudi 25 février 2021, ce qui ressortait notamment du décompte d'indemnités que la FER CIAM lui avait adressé. A______ savait ainsi qu'elle devrait reprendre le travail le [vendredi] 26 février 2021. Il n'était en outre pas possible de lui octroyer de vacances pour le moment, compte tenu du travail à rattraper.

C______ écrivait en outre ce qui suit: "Concernant l'allaitement, nous vous avons déjà fait part de notre position. Les tâches que vous avez à faire au sein de l'entreprise ne permettent pas non plus de le faire en télétravail. Vous voudrez donc reprendre votre poste de travail comme annoncé mardi 02.03.2021 à 9h00.".

A______ n'a pas contesté avoir reçu ce courriel.

k. La précitée ne s'est rendue à son travail ni le 2, ni le 3, ni le 4 mars suivant.

l. Par courrier recommandé du vendredi 5 mars 2021, B______ SA a constaté que A______ ne s'était présentée à son poste ni le vendredi 26 février 2021, ni les jours suivants, en dépit des sommations écrites de reprendre le travail ou de justifier son absence. B______ SA concluait dès lors à une non-entrée en service et à un abandon de poste, conduisant à une fin des rapports de travail de plein droit, sans nécessité de licenciement. Elle informait en outre son employée qu'elle allait retenir, sur le dernier salaire dû, une indemnité forfaitaire égale au quart du salaire mensuel, conformément à l'art. 337d al. 1 CO.

A teneur de la fiche de salaire du 24 mars 2021 versée à la procédure, l'indemnité retenue par B______ SA sur le dernier salaire de A______ s'est élevée à 1'125 fr.

m. Par courrier recommandé du 8 avril 2021, A______ a formé opposition au congé, considérant que ses prétentions découlant du contrat de travail étaient légitimes. Selon l'art. 35a al. 1 LTr, en tant que femme qui allaite, elle ne pouvait être occupée sans son consentement. Selon l'art. 35a al. 2 LTr, elle pouvait en outre, sur simple avis, être dispensée d'aller au travail.

n. Par demande simplifiée déposée en conciliation le 22 juillet 2021 et introduite au fond devant le Tribunal le 18 novembre 2021, A______ a conclu, s'agissant des points litigieux en appel, à la condamnation de B______ SA à lui verser 9'000 fr. brut à titre d'indemnité correspondant au salaire dû pendant le délai de congé, 27'000 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié et 1'125 fr. brut correspondant à l'indemnité forfaitaire égale au quart du salaire mensuel retenue sans droit par l'employeuse, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 26 février 2021. Elle a conclu subsidiairement au versement de la somme de 27'000 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement abusif et discrimination en raison de sa maternité.

Elle a fait valoir, en substance, qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement immédiat injustifié, dans la mesure où son employeuse avait interprété à tort son attitude comme un abandon de poste. Elle était dès lors en droit de réclamer le montant du salaire auquel elle aurait eu droit si le délai de congé avait été respecté, soit 9'000 fr., ainsi qu'une une indemnité correspondant à six mois de salaire, soit 27'000 fr. Son employeuse devait en outre lui restituer l'indemnité forfaitaire de 1'125 fr. prélevée sans droit sur son dernier salaire.

Concernant ses conclusions subsidiaires, elle a fait valoir que le congé signifié par son employeuse était abusif car donné en raison du fait qu'elle avait fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Ce congé constituait en outre une discrimination fondée sur la grossesse, réprimée par l'art. 3 de la loi sur l'égalité (RS 151.1; LEg).

o. B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a notamment allégué que, malgré la mise en demeure qu'elle avait reçue, A______ ne s'était pas présentée au travail, ce qui constituait un abandon de poste. Cette décision justifiait la retenue d'une indemnité forfaitaire équivalant à un quart du salaire.

p.a A l'audience de débats du Tribunal du 24 mars 2022, A______ a produit des allégués complémentaires. Elle a notamment fait valoir que les bureaux de B______ SA étaient constitués de deux petites salles de conférence, du bureau du propriétaire, de son propre bureau, ainsi que d'une petite salle avec l'imprimante et un frigo. Les locaux ne comprenaient pas d'évier avec un robinet, ni de toilettes ou de douches. Les WC se trouvaient dans une partie commune à quatre bureaux, à savoir dans un corridor où il y avait beaucoup de monde.

A______ a notamment déclaré au Tribunal que, dans le prolongement de son congé maternité, elle avait souhaité prendre des vacances et proposé, à l'issue de ces dernières, de faire du télétravail, car elle désirait allaiter depuis chez elle. Son courriel du 1er mars 2021 était toutefois resté sans réponse. En revanche, elle avait reçu un courriel sans signature de son employeuse lui enjoignant de se présenter au travail le lendemain, faute de quoi son contrat serait résilié avec effet immédiat pour abandon de poste. En réponse à ce courriel, elle avait indiqué à son employeuse vouloir allaiter depuis chez elle et reprendre en télétravail après ses vacances. Comme elle ne s'était pas présentée au bureau par la suite, elle avait reçu un courrier le 5 mars 2021, par lequel son employeuse l'informait de son licenciement. Selon elle, il s'agissait d'un licenciement immédiat abusif. Le local mis à sa disposition par son employeuse pour allaiter consistait par ailleurs en un très petit bureau et les conditions pour qu'elle puisse allaiter sur place n'étaient pas remplies.

p.b C______, interrogé pour le compte de B______ SA, a notamment déclaré avoir proposé à A______ d'utiliser une salle de conférence d'environ 20 m2, qui était libre, pour allaiter. Les sanitaires étaient effectivement dans le couloir. Elles étaient toutefois séparées entre les hommes et les femmes, et nettoyées tous les jours. Les conditions étaient ainsi remplies pour que A______ puisse allaiter au bureau.

C______ avait en outre indiqué à A______ qu'elle avait droit à 90 minutes par jour cumulables avec sa pause déjeuner pour allaiter. Pour lui, l'art. 35a LTr ne mentionnait en revanche pas que les mères qui allaitaient pouvaient se dispenser de travailler. A______ aurait dû l'avertir qu'elle voulait prendre un congé sans solde et revenir à la fin de son allaitement. Or, elle avait simplement mentionné qu'elle voulait télétravailler et allaiter chez elle. Il lui avait demandé de revenir travailler, avec un allègement horaire, proposition à laquelle elle n'avait pas répondu. Comme elle ne s'était plus présentée au bureau, il avait conclu à un abandon de poste.

q.a A l'audience du Tribunal du 18 mai 2022, E______, entendue en qualité de témoin, a déclaré qu'elle ne faisait pas le même travail que A______. Cette dernière effectuait des tâches administratives et de gestionnaire, alors que, pour sa part, elle se chargeait de la réception des clients, des téléphones et des envois F______ [entreprise de transport et logistique] à G______ [Émirats Arabes Unis]. Selon elle, elles auraient toutes deux pu travailler à distance. Elle a en outre estimé que A______ aurait pu disposer d'un bureau pour allaiter son enfant. Il y avait en effet un espace qui ne contenait que des dossiers.

q.b A l'issue de l'administration des preuves, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1, 145 al. 1 let. b et 311 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable (cf. toutefois infra consid. 2.2).

1.2 Formé dans la réponse à l'appel, laquelle a été déposée dans le délai de trente jours fixé à cette fin (art. 312 al. 2, 313 al. 1 CPC), et dans le respect des formes énoncées ci-dessus, l'appel joint est également recevable.

1.3 Il en va de même de la réponse à l'appel joint, ainsi que des répliques et dupliques respectives, déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 145 al. 1 let. c, 312 al. 2 et 316 al. 1 CPC).

1.4 Afin de respecter le rôle initial des parties, A______ sera désignée, ci-après, en tant qu'appelante et B______ SA en tant qu'intimée.

2. 2.1.1 Le litige relevant notamment de la LEg, la cause est soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. a CPC) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. a CPC). Cette maxime implique notamment que le tribunal n'est pas lié par les offres de preuves et les allégués de fait des parties (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2), et qu'il peut fonder sa décision sur des faits qui n’ont certes pas été allégués, mais dont il a eu connaissance en cours de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1 s. résumé in CPC Online, ad art. 247 CPC).

2.1.2 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Si la motivation ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC, l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_168/2022 du 10 juin 2022 consid. 5.2; 4A_624/2021 du 8 avril 2022 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, le chapitre C de l'appel, intitulé "En fait", de même que le chapitre II.2 de l'appel joint, intitulé "Allégués de B______ SA, s'apparentent à un mémoire de plaidoiries finales de première instance. L'appelante et l'intimée y exposent chacune leur propre version des faits, en reprenant en grande partie, voir mot pour mot, leurs écritures de première instance, sans indiquer si elles contestent les constatations de fait du premier juge, ni désigner celles qui seraient inexactes en mentionnant les moyens de preuve étayant leurs critiques. Ces parties de l'appel et de l'appel joint ne seront dès lors pas prises en considération, faute de comporter une motivation conforme aux exigences de l'art. 311 CPC.

Ceci étant, il appert que le Tribunal a restitué de manière incomplète le contenu des courriels échangés par les parties en date du 1er mars 2021, ne mentionnant notamment pas les deux courriels envoyés par l'appelante à l'intimée dans l'après-midi, ni la réponse envoyée par C______ à l'appelante le même jour. Il n'a pas non plus retranscrit toutes les déclarations pertinentes du précité en audience. La Chambre des prud'hommes n'étant pas liée par les allégués des parties compte tenu de l'application de la maxime inquisitoire sociale, elle complétera dès lors l'état de fait du jugement querellé en ce sens.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle avait abandonné son poste à compter du 1er mars 2021.

3.1 Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu qu'il n'était pas établi que l'appelante avait reçu le courrier de la FER CIAM indiquant que sa période d'indemnisation courait du 6 novembre au 25 février 2021, soit durant 112 jours. Elle savait toutefois que son congé maternité durait 16 semaines et pouvait donc déterminer aisément son jour de reprise. En cas de doute, elle pouvait questionner l'intimée. Le même reproche pouvait toutefois être formulé à l'égard de la précitée, qui n'avait pas anticipé le retour au travail de son employée. Compte tenu de cet élément, il ne pouvait être admis que l'appelante avait abandonné son poste dès le 25 février 2021. Ce point n'est, à juste titre, pas contesté en appel.

Selon les premiers juges, l'absence de réaction de l'appelante à la mise en demeure de l'intimée du 1er mars 2021 était en revanche "plus problématique". L'appelante ne s'était en effet pas présentée au travail alors que son employeuse lui avait indiqué les conséquences auxquelles elle s'exposait si elle ne revenait pas. Son souhait d'allaiter son nouveau-né ne la fondait en outre pas à travailler à domicile. L'art. 35a al. 1 LTr ne lui conférait en effet aucun droit à bénéficier du télétravail; un tel aménagement devait être validé par les deux parties. L'appelante ayant mis son employeuse devant le fait accompli et ne s'étant pas rendue au bureau pour discuter avec celle-ci des possibilités d'allaiter son enfant sur place, se posait plutôt la question de savoir si elle avait réellement l'intention de reprendre le travail. Partant, il y avait lieu d'admettre qu'elle avait abandonné son poste à compter du 1er mars 2021.

3.2 L'appelante fait valoir, devant la Cour, qu'un abandon de poste présuppose un refus conscient, intentionnel et définitif d'entrer en service. Or, le courriel qu'elle avait adressé le 1er mars 2021 à son employeuse démontrait qu'elle avait l'intention de revenir travailler, mais qu'elle souhaitait "entamer un dialogue" s'agissant de la possibilité de prendre des vacances et de télétravailler pour pouvoir allaiter à domicile. Comme en attestait la référence à l'art. 35a al. 1 LTr contenue dans son courriel, elle était en effet convaincue d'avoir droit à un tel aménagement. L'intimée avait toutefois refusé toute discussion et l'avait menacée immédiatement de mettre fin aux rapports de travail, ce qui démontrait son absence de volonté de poursuivre ceux-ci. Le délai que l'intimée lui avait imparti pour revenir au travail était en outre beaucoup trop court, étant rappelé qu'elle avait eu des doutes s'agissant de la personne qui lui avait envoyé la mise en demeure, puisque le courriel n'était pas signé.

L'appelante fait également valoir que, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, un allaitement sur le lieu de travail était impossible. La déclaration du témoin E______ se rapportait en effet aux anciens bureaux de la société. Les nouveaux locaux dans lesquels l'intimée avait récemment emménagé - et dans lesquels l'appelante devait reprendre le travail - ne contenaient aucun espace utilisable à cette fin. L'appelante habitant à 1h30 de trajet de son lieu de travail, elle devait dès lors trouver une solution avec son employeuse afin de pouvoir concilier travail et allaitement. Elle pensait dès lors être dans son bon droit et attendait que son employeuse lui propose un aménagement en ce sens. Au vu de ces circonstances, elle ne pouvait être réputée avoir abandonné son poste.

3.3.1 L'absence injustifiée d'un travailleur - moyennant avertissement selon les circonstances - peut constituer un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail par l'employeur. Elle peut également, suivant les cas, constituer un abandon d'emploi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_468/2019 du 28 février 2020 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Il y a abandon d'emploi selon l'art. 337d CO lorsque le travailleur quitte son poste abruptement sans justes motifs. L'application de cette disposition présuppose un refus du travailleur d'entrer en service ou de poursuivre l'exécution du travail confié. Dans ce cas, le contrat de travail prend fin immédiatement, sans que l'employeur doive adresser au salarié une résiliation immédiate de son contrat. L'employeur a droit, aux conditions fixées par l'art. 337d CO, à une indemnité et, le cas échéant, à la réparation du dommage supplémentaire. Lorsque l'abandon d'emploi ne résulte pas d'une déclaration expresse du salarié, il faut examiner s'il découle du comportement adopté par l'intéressé, c'est-à-dire d'actes concluants. Dans cette hypothèse, on se demandera si, compte tenu de toutes les circonstances, l'employeur pouvait, objectivement et de bonne foi, comprendre que le salarié entendait quitter son emploi (arrêts du Tribunal fédéral 4A_454/2022 du 17 novembre 2022 consid. 4.1; 4C.339/2006 du 21 décembre 2006 consid. 2.1; 4C.155/2005 du 6 juillet 2005 consid. 2.2). Le principe de la confiance, relatif à l'interprétation des déclarations et autres manifestations de volonté entre cocontractants, est ici déterminant (arrêt du Tribunal fédéral 4A_91/2021 du 19 juillet 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Lorsque l'attitude du travailleur est équivoque, il incombe à l'employeur de le mettre en demeure de reprendre son activité. Dans le procès, il lui incombe de prouver les faits propres à dénoter un abandon de poste (arrêt du Tribunal fédéral 4A_91/2021 précité, ibidem).

Le travailleur peut, quant à lui, prouver l'existence d'un fait justificatif permettant de considérer que les conditions de l'art. 337d CO ne sont pas réalisées (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 772 et les références). Au sens de l'art. 337d CO, une absence n'est en effet injustifiée que si le travailleur a une obligation de travailler. Tel n'est notamment pas le cas des femmes enceintes et des mères qui allaitent, lesquelles ne peuvent, à teneur de l'art. 35a de la loi sur le travail (RS 822.11; LTr), être occupées sans leur consentement et peuvent se dispenser d'aller au travail sur simple avis (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 772 et Streiff/Von Känel/Rudolph, Arbeitsvertrag, 7ème éd. 2012, n. 2 ad art. 337d CO, se référant tous deux à l'arrêt du Tribunal cantonal de Saint-Gall du 10 février 2004, publié in JAR 2005, p. 418; cf. également Wyler, in Commentaire de la loi sur le travail, 2005, n. 4 ad art. 35a LTr).

La seule prise de vacances par décision unilatérale du travailleur ne peut pas non plus être assimilée à un abandon d'emploi injustifié ou un refus d'entrer en service sans motif au sens de l'art. 337d CO, sauf à se trouver en présence d'une absence de plusieurs mois. Le travailleur, qui part en vacances en omettant sciemment de demander au préalable l'autorisation de son employeur, viole en revanche son devoir de fidélité et s'expose à un licenciement immédiat pour justes motifs, si son absence se prolonge au-delà de quelques jours. Certaines circonstances particulières peuvent cependant justifier la décision du travailleur de prendre ses vacances en dépit du refus de son employeur, et exclure la possibilité de retenir à l'encontre du travailleur une violation de son devoir de fidélité et de se conformer aux directives. Tel est notamment le cas si l'employeur, averti suffisamment tôt des dates envisagées, ne tient pas compte des désirs légitimes ou de la situation familiale du travailleur, alors que les intérêts de son entreprise ne prédominent pas (Cerottini, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 25 ss ad art. 337d CO et les références).

3.3.2 L'art. 35a LTr fonde une obligation d'avis à charge des femmes enceintes qui souhaitent se dispenser de travailler. Ce devoir d'avis concerne également les mères qui allaitent. En l'absence d'avis, et pour autant que l'employeur connaisse l'allaitement de la travailleuse, il y a toutefois lieu d'attendre de celui-ci une certaine mansuétude, en ce sens que, avant d'envisager une sanction, il est préférable de rappeler à la travailleuse son obligation d'avis. Eu égard à l'obligation de l'employeur de protéger la santé des travailleurs et de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur intégrité (art. 6 LTr, 35 al. 1 LTr), il est préférable que celui-ci informe les femmes concernées de leur droit de refuser de travailler ou qu'il se préoccupe d'obtenir leur consentement (Wyler, op. cit., n. 5 ad art. 35a LTr et les références).

Cette faculté d'être dispensée de travailler ne permet pas à la travailleuse de déterminer unilatéralement son horaire de travail sans égard aux intérêts de l'employeur, lequel a besoin d'une certaine prévisibilité pour s'organiser. Dans une pesée des intérêts, il apparaît ainsi que la travailleuse doit informer son employeur du taux d'emploi qu'elle souhaite accomplir, le cas échéant en précisant les contraintes auxquelles elle est soumise pour l'aménagement de son horaire. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre, l'employeur peut ensuite décider en tenant compte des indications de l'employée et de ses contraintes organisationnelles, dans une approche équilibrée du respect de sa personnalité, de la loi et de ses propres contraintes organisationnelles. La travailleuse doit en outre respecter un délai d'annonce pour une modification de son taux, lequel ne saurait être inférieur à une semaine (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 283 et les références). Selon une autre auteure, ce délai d'annonce ne saurait être inférieur à un mois (Guignard, La rémunération du temps consacré à l'allaitement (art. 60 al. 2 OLT 1), in Panorama III en droit du travail, 2017, p. 25).

3.3.3 L'art. 35 al. 2, 2ème phrase, LTr dispose que les mères qui allaitent peuvent disposer du temps nécessaire à l'allaitement. Conformément à l'art. 34 de l'ordonnance 3 relative à la loi sur le travail (RS 822.113; OLT 3), elles doivent pouvoir s'allonger et se reposer dans des conditions adéquates.

L'art. 60 de l'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (RS 822.111; OLT 1) prévoit en outre que les mères qui allaitent peuvent disposer des temps nécessaires pour allaiter ou tirer leur lait, et qu'au cours de la première année de la vie de l'enfant, le temps pris à cette fin est comptabilisé comme temps de travail rémunéré à raison de 90 minutes au minimum pour une journée de travail de plus de 7 heures (al. 2 let. c).

Si les mères allaitantes décident de travailler, leur employeur doit ainsi leur octroyer le temps nécessaire à l'allaitement (Guignard, op. cit., p. 24 in fine). Ce temps doit être rémunéré dans les limites fixées à l'art. 60 al. 2 OLT 1 (Guignard, op. cit., p. 32). Le devoir de fidélité de la travailleuse lui impose toutefois d'annoncer à l'avance à l'employeur le moment, le nombre et la durée des pauses nécessaires (à tout le moins les plages horaires), afin que l'employeur puisse planifier l'organisation du travail et le cas échéant le remplacement de la travailleuse à son poste de travail ; cette annonce devrait intervenir au moins un mois à l'avance. L'employeur est quant à lui en droit d'exiger de la travailleuse qu'elle démontre par la remise d'un certificat médical que les pauses réclamées sont "nécessaires", en ce sens qu'elles correspondent à des besoins réels (Guignard, op. cit., p. 40; Wyler, op. cit., n. 16 ad art. 35a LTr).

L'art. 60 al. 2 OLT 1 confère également aux travailleuses, de manière indirecte, le droit d'allaiter dans les locaux de l'entreprise. Eu égard à la protection de la personnalité de la travailleuse, l'employeur est tenu de mettre à la disposition de celle-ci un local approprié pour allaiter; un tel local doit être tranquille, à l'abri des regards indiscrets et suffisamment confortable pour permettre l'allaitement. L'exigence d'un tel local approprié n'est fondée que si les possibilités de l'employeur permettent la mise à disposition et l'aménagement d'un tel local. Une telle obligation est appréciée en fonction de la taille et de la nature de l'entreprise, compte tenu de ses locaux (Wyler, op. cit., n. 15 ad art. 35a LTr; voir également à ce sujet Guignard, op. cit., p. 42 s.).

Si les conditions matérielles rendent impossible la mise à disposition d'un local approprié, la travailleuse n'aura pas d'autre choix que de quitter son lieu de travail pour allaiter; dans ce cas particulier, l'intégralité du temps consacré à l'allaitement doit être considérée comme temps de travail, pour ne pas péjorer la situation de la travailleuse (Wyler, op. cit., n. 15 in fine ad art. 35a LTr).

Si l'employeur viole l'obligation découlant de l'art. 34 OLT 3, la travailleuse peut se plaindre d'une violation de l'art. 328 al. 2 CO (Guignard, op. cit., p. 43).

3.4 En l'espèce, il résulte des courriels échangés par les parties le 1er mars 2021 que celles-ci se sont chacune trompées, dans une certaine mesure, sur les droits et obligations que leur conféraient les art. 35a LTr et 60 al. 2 OLT 1. A teneur de ses déclarations en audience, l'appelante pensait ainsi être en droit de télétravailler pour pouvoir allaiter son enfant, alors qu'elle devait opter, soit pour un "congé allaitement" sans solde, soit pour une reprise du travail moyennant l'octroi de "pauses allaitement" rémunérées au sens de l'art. 60 al. 2 OLT 1. Le fait que les locaux de son employeuse ne comportent, par hypothèse, aucun espace lui permettant d'allaiter son enfant sur place ne la fondait notamment pas à imposer unilatéralement le télétravail à l'intimée. Elle a en outre perdu de vue que l'exercice de ces droits présupposait d'aviser son employeuse au préalable, la doctrine préconisant un préavis compris entre une semaine et un mois. Quant à l'intimée, celle-ci ignorait, à teneur des déclarations de son administrateur, que la faculté d'être dispensée de travailler sur simple avis offerte par l'art. 35a al. 2 LTr s'appliquait non seulement aux femmes enceintes mais aussi aux mères qui allaitent. Elle n'a ainsi pas mentionné cette possibilité dans les courriels qu'elle a adressés à l'appelante.

Ceci étant, il résulte des échanges de courriels susmentionnés qu'après avoir reçu une première mise en demeure de revenir au bureau le mardi 2 mars 2021, l'appelante a maintenu la position qu'elle avait communiquée à l'intimée dans la matinée du lundi 1er mars et confirmé qu'elle n'entendait pas revenir travailler en présentiel. A réception de ce courrier, l'administrateur de l'intimée a écrit personnellement à l'appelante pour lui confirmer qu'il n'était pas possible de lui octroyer de vacances compte tenu du retard à résorber et qu'elle était attendue au bureau le lendemain. L'appelante, qui était désormais parfaitement au courant de la position de son employeuse, n'a toutefois pas obtempéré et ne s'est plus manifestée. Elle n'a notamment pas sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire pour revenir au travail, par exemple au motif qu'elle ne disposait d'aucune solution de garde pour son enfant et devait s'organiser en ce sens. Elle n'a pas non plus signifié à l'intimée qu'elle prenait par conséquent unilatéralement ses vacances au motif que celle-ci pouvait souffrir qu'elle reste absente encore quelques jours.

Au vu de ce qui précède, l'intimée pouvait partir de bonne foi du principe que l'appelante n'entendait pas revenir travailler et qu'elle avait dès lors abandonné son poste.

Se pose dès lors la question de savoir si l'appelante pouvait justifier son absence par le droit que lui conférait l'art. 35a LTr d'être dispensée de travailler sur simple avis, de sorte qu'un abandon de poste au sens de l'art. 337d CO ne pouvait être retenu.

A cet égard, il résulte des principes exposés ci-dessus que l'exercice du droit en question présupposait que l'appelante informe l'intimée suffisamment à l'avance du moment et des modalités selon lesquelles elle souhaitait reprendre le travail, afin que celle-ci puisse se déterminer en fonction de ses propres contraintes organisationnelles. En n'avisant l'intimée de ses intentions que le jour de sa reprise - qu'elle avait de surcroît mal calculé -, l'appelante ne s'est pas conformée à cette obligation.

Son argument, selon lequel il ne lui incombait pas, après réception de la mise en demeure du 1er mars 2021, de reprendre contact avec son employeuse, au motif qu'elle avait "ouvert la discussion" et était en droit d'attendre qu'on lui propose un aménagement lui permettant d'allaiter son enfant à domicile, n'emporte pour le surplus pas conviction. L'intimée ayant été mise devant le fait accompli par l'appelante, elle était en droit de mettre celle-ci en demeure de se présenter au bureau dès le lendemain. Compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce, son devoir de protéger la santé et la personnalité de son employée ne lui imposait pas d'accorder à celle-ci un délai plus long pour revenir au travail, ni de rechercher à la dernière minute un arrangement lui permettant de concilier un tel retour avec son droit à l'allaitement. A supposer que l'appelante ait été réellement convaincue qu'elle pouvait solliciter un tel aménagement sans préavis, la bonne foi lui imposait, comme déjà indiqué ci-dessus, de solliciter un délai supplémentaire pour reprendre le travail, le temps de définir les modalités de sa reprise. Or, elle n'a entrepris aucune démarche en ce sens. Le cas d'espèce ne saurait dès lors être assimilé à celui jugé par le Tribunal cantonal de Saint-Gall dans son arrêt du 10 février 2004, dans lequel l'employée avait indiqué à plusieurs reprises par écrit qu'elle tenait au maintien des rapports de travail (cf. Streiff/Von Känel/Rudolph, Arbeitsvertrag, 7ème éd. 2012, n. 2 ad art. 337d CO, cité supra au consid. 3.3.1)

Au vu de ce qui précède, la tentative de l'appelante d'exciper de l'art. 35a LTr pour justifier son absence, et s'opposer à ce que celle-ci soit qualifiée d'abandon de poste au sens de l'art. 337d CO, ne saurait être protégée dans le cas d'espèce. Les premiers juges ont dès lors considéré à juste titre que le non-retour de l'appelante au travail à l'issue de son congé maternité avait mis fin immédiatement aux rapports de travail.

Le jugement entrepris pouvant être confirmé sur ce point, il n'y a pas lieu d'examiner si l'appelante est en droit de prétendre à une indemnité pour licenciement immédiat injustifié, respectivement pour congé abusif ou discriminatoire.

4. L'intimée reproche pour sa part au Tribunal de l'avoir condamnée à restituer à l'appelante l'indemnité forfaitaire égale au quart du salaire mensuel qu'elle avait retenue à l'occasion de la fin des rapports de travail.

4.1 Aux termes du jugement entrepris, les premiers juges ont considéré que le contexte dans lequel l'appelante avait abandonné son emploi était particulier et découlait, jusqu'à un certain point, de problèmes de communication entre les parties. Bien qu'elle souhaitât certains aménagements, l'appelante n'avait ainsi pas cherché à organiser son retour au travail. L'intimée n'avait quant à elle pas cherché à entrer en contact avec son employée, la menaçant très rapidement de lourdes conséquences si elle ne revenait pas au travail. Même si le principe de l'abandon de poste pouvait être admis, il convenait, au vu de ces éléments, de supprimer l'indemnité forfaitaire retenue par l'intimée et de la restituer à l'appelante.

4.2 L'intimée fait en substance valoir que, dans la mesure où cette indemnité présente un caractère de pénalité, il ne lui incombait, ni d'alléguer, ni de prouver qu'elle avait subi un dommage du fait de la rupture des rapports de travail. C'était à l'appelante de démontrer que le dommage subi avait été inférieur au montant retenu, voire n'avait pas existé. Or, l'appelante n'avait pas apporté cette preuve. Au vu de son comportement irrespectueux et choquant, il n'y avait pas non plus lieu de réduire l'indemnité en équité.

4.3 L'art. 337d CO prévoit que lorsque le travailleur n'entre pas en service ou abandonne son emploi abruptement sans justes motifs, l'employeur a droit à une indemnité égale au quart du salaire mensuel ainsi qu'à la réparation du dommage supplémentaire. Selon l'alinéa 2 de cette disposition, le juge peut réduire l'indemnité selon sa libre appréciation si l'employeur ne subit aucun dommage ou si le dommage est inférieur à l'indemnité prévue à l'alinéa précédent.

L'art. 337d al. 1 CO instaure un système d'indemnité forfaitaire en ce sens que l'employeur est dispensé d'apporter la preuve stricte de l'étendue de son dommage. Toutefois, l'employeur assume un fardeau d'allégation, pour permettre au travailleur d'apporter la contre-preuve et de démontrer que l'employeur a subi un dommage inférieur, voire n'a subi aucun dommage du fait de la rupture immédiate des rapports de travail. S'il omet d'alléguer et de préciser en quoi consiste son prétendu dommage, le juge lui refusera l'indemnité forfaitaire; ce dernier peut aussi réduire ce montant forfaitaire pour tenir compte des circonstances (cf. art. 337d al. 2 CO) (Gloor, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 13 ad art. 337d CO; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 773 et les références citées à la note de bas de page n. 3693).

L'indemnité susmentionnée ayant le caractère d'une peine conventionnelle, sa réduction par le juge est toutefois facultative (Portmann/Rudolph, in BSK-OR, 7ème éd. 2020, n. 3 ad art. 337d CO; Streiff/Von Känel/Rudolph, op. cit., n. 5 ad art. 337d CO; d'un autre avis: Aubert, in CR-CO I, 2ème éd. 2012, n. 4 ad art. 337d CO).

4.4 En l'espèce, la question de savoir si les circonstances du cas justifiaient, ainsi que l'a retenu le Tribunal, de dénier à l'intimée le droit à l'indemnité forfaitaire prévue par l'art. 337d CO pour des raisons d'équité, peut souffrir de rester indécise.

Contrairement à ce qu'elle soutient dans son appel joint, l'intimée devait, pour pouvoir prétendre à cette indemnité, alléguer qu'elle avait subi un dommage à l'occasion du départ de l'appelante, afin de permettre à celle-ci d'apporter la contre-preuve et de tenter de démontrer que le préjudice avait été inférieur au montant prélevé, voire avait été inexistant. Or, l'intimée n'a rien allégué de tel devant le Tribunal, se contentant d'indiquer qu'elle avait prélevé sur le salaire de l'appelante, conformément à l'art. 337d CO, un montant équivalant au quart de son salaire mensuel. Elle n'a ainsi pas permis à l'appelante de se déterminer sur son prétendu dommage et d'apporter la contre-preuve de ce dernier. L'indemnité à laquelle elle prétend ne pouvait dès lors lui être octroyée.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, condamnant l'intimée à restituer à l'appelante la somme de 1'125 fr. brut, avec intérêts moratoires à 5% à compter du 1er mars 2021, sera par conséquent confirmé par substitution de motifs.

5. La procédure étant gratuite, il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 71 RTFMC) ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 septembre 2022 par A______ contre le chiffre 5 du dispositif du jugement JTPH/211/2022 rendu le 4 juillet 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/14258/2021-4.

Déclare recevable l'appel joint interjeté le 3 octobre 2022 par B______ SA contre les chiffres 2 et 3 du dispositif de ce jugement.

Au fond :

Confirme les chiffres 2, 3 et 5 du dispositif du jugement querellé.

Dit qu’il n’est pas prélevé de frais ni alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Monsieur Thierry ZEHNDER, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.