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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16258/2019

CAPH/181/2022 du 24.11.2022 sur TRPH/95/2022 ( OO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16258/2019-5 CAPH/181/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 9 NOVEMBRE 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des prud'hommes le 28 juillet 2022, comparant par comparant par
Me Oliver CIRIC et Me Darya GASSKOV, avocats, TA ADVISORY SA,
rue Tabazan 9, 1204 Genève, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile,

d'une part,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Italie, intimé, comparant par Me Zoé SEILER, avocate, c/o Etude Renold Gabus-Thorens, Boulevard des Philosophes 15,
1205 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

d'autre part.


EN FAIT

A.           a. Le 28 juin 2021, B______ a saisi le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) d'une demande dirigée contre [l'organisation internationale] A______ tendant au paiement de divers montants totalisant 179'221 fr. 90 ainsi qu'à la production de transcription ou enregistrement audio ou vidéo du Rapport du Secrétaire général ad interim sur lequel se base la décision n° 11 de la 52ème session du Conseil Exécutif de A______ à C______ [Liban] le 8 avril 2019.

b. Dans son mémoire du 15 mai 2020, A______ a répondu à la demande de B______ et formé une demande reconventionnelle.

c. Par ordonnance du 1er juillet 2020, le Tribunal a imparti un délai à B______ pour répondre sur demande reconventionnelle.

d. Le 3 septembre 2020, B______ a répondu sur demande reconventionnelle et a formé une conclusion nouvelle.

e. Par ordonnance du 11 septembre 2020, le Tribunal a transmis la réponse sur demande reconventionnelle à A______ et lui a imparti un délai pour se déterminer sur la conclusion nouvelle.

f. A______ a déposé ses déterminations le 5 novembre 2020. Elle a requis l'octroi d'un délai pour dupliquer sur les allégués 143 à 217 et 223 à 234 de la réponse à la demande reconventionnelle.

g. Par ordonnance du 17 novembre 2020, le Tribunal a transmis à B______ les déterminations de A______ du 5 novembre 2020 et a imparti à la précitée un délai pour dupliquer sur les allégués susmentionnés.

h. A______ a déposé son écriture de duplique le 18 décembre 2020.

i. Le 29 mars 2021, A______ a soulevé une exception d'immunité de juridiction.

j. Par ordonnance du 30 mars 2021, le Tribunal a transmis à B______ le courrier du 29 mars 2021 et lui a imparti un délai pour se déterminer sur l'exception d'immunité de juridiction.

k. B______ s'est déterminé par écritures du 12 avril 2021.

l. Par jugement JTPH/181/2021 du 20 mai 2021, le Tribunal a rejeté l'exception d'immunité de juridiction soulevée le 29 mars 2021, a dit qu'il serait statué sur les frais dans le jugement final, a dit qu'il n'était pas alloué de dépens et a réservé la suite de la procédure.

m. Le 21 juin 2021, A______ a requis la fourniture de sûretés en garantie des dépens par B______ à raison de 26'916 fr. 10.

n. Par ordonnance du 24 juin 2021, le Tribunal a transmis cette requête à B______, l'a rejetée et a réservé la suite de la procédure.

o. A l'audience du Tribunal du 30 août 2021, les parties ont déclaré n'avoir aucun élément nouveau à apporter. Le Tribunal a notamment ordonné la mise en œuvre d'une expertise judiciaire tendant à établir l'authenticité du contrat de travail du 27 mars 2018 de B______.

p. Par ordonnance TRPH/128/2021 du 1er octobre 2021, le Tribunal a imparti un délai à A______ pour fournir une avance de frais complémentaire de 5'000 fr., en raison de ses conclusions relatives à la mise sur pied d'une expertise.

A______ s'est exécutée.

q. Par ordonnance du 8 novembre 2021, le Tribunal a notamment désigné l'expert et a imparti aux parties un délai pour se déterminer sur la mission d'expertise.

r. A la suite d'une demande de récusation de l'expert nommé, le Tribunal a, par ordonnance du 25 novembre 2021, nommé un nouvel expert et a fixé aux parties un délai pour se déterminer sur ce choix.

s. Le Tribunal a, par ordonnance du 9 mai 2022, dit les questions à soumettre audit expert et a imparti aux parties un délai pour se déterminer sur celles-ci.

t. A la suite des observations des parties sur les questions précitées, le Tribunal a, par ordonnance du 20 juin 2022, a, notamment, formellement désigné l'expert, soit le Dr. D______, lui a confié son mandat d'expertise, l'a invité à répondre aux questions listées dans l'ordonnance, lui a transmis divers documents et lui a fixé un délai pour déposer auprès du Tribunal son rapport d'expertise.

u. L'expert a déposé le 13 juillet 2022 son rapport d'expertise PFS 1______ au Tribunal, comportant 30 pages. Il a répondu aux sept questions posées par le Tribunal dans la mission d'expertise.

Il a, le même jour, déposé sa facture, d'un montant de 10'892 fr. 20, TVA incluse.

v. Par ordonnance du 28 juillet 2022, le Tribunal a transmis le rapport d'expertise aux parties et leur a imparti un délai pour se déterminer sur celui-ci.

w. Par ordonnance TRPH/95/2022 du même jour, le Tribunal, considérant qu'il se justifiait de mettre provisoirement les frais d'expertise à la charge de A______, seule partie à avoir requis la mise en œuvre d'une expertise, lui a imparti un délai pour verser la somme de 5'892 fr. 20, correspondant au solde des coûts de ladite expertise.

B.            a. Par acte expédié le 25 août 2022 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre l'ordonnance précitée, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour, préalablement, ordonnance au Dr. D______ de détailler la facture finale relative à l'établissement du rapport d'expertise PFS 1______ et ordonne au Tribunal de lui fournir toutes les communications intervenues avec l'expert relativement à l'établissement de l'expertise et au montant de celle-ci, et, principalement, arrête les frais d'expertise à un montant total de 5'000 fr., constate qu'elle avait procédé au paiement de l'avance de frais de 5'000 fr. et qu'elle s'était ainsi acquittée des frais d'expertise. Subsidiairement, elle a requis qu'il soit ordonné au Tribunal de réduire les frais complémentaires relatifs à l'expertise "dans une juste proportion".

b. Par courrier du 5 septembre 2022, B______ s'en est rapporté à justice, tant sur la recevabilité du recours que sur le fond de celui-ci.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 22 septembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le délai de recours est de dix jours, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 130, 131 et 321 al. 2 CPC).

La décision fixant définitivement la rémunération de l’expert peut être contestée tant par l’expert que par les parties, par un «recours» (Schweizer, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 30 ad art. 184 CPC).

En l'espèce, la décision attaquée fixe la rémunération de l'expert (art. 184 al. 3 CPC), de sorte que l'on se trouve dans l'hypothèse de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC.

1.2 Déposé selon la forme et le délai prévu par la loi, le recours est recevable.

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307).

2.             La recourante sollicite à titre préalable à ce que la Cour ordonne à l'expert de détailler sa facture finale et ordonne au Tribunal de lui fournir toutes les communications intervenues avec l'expert relativement à l'établissement de l'expertise.

2.1.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves lorsqu'elle estime opportun de renouveler leur administration ou de donner suite à une offre que l'instance inférieure a refusé d'accueillir, de procéder à l'administration d'un moyen nouveau ou d'instruire à raison de conclusions et/ou de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_851/2015 du 23 mars 2016 consid. 3.1; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 5 ad art. 316 CPC).

2.1.2 Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos (droit de réplique); peu importe que celle-ci contienne de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit propre à influer concrètement sur le jugement à rendre. En effet, il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce produite contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvellement versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent faire usage de leur droit de réplique (ATF 139 I 189 consid. 3.2; 139 II 489 consid. 3.3; 138 I 154 consid. 2.3, 484 consid. 2.1; 137 I 195 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2014 du 7 mai 2014 consid. 3, non publié in ATF 140 III 159).

Selon l'art. 53 al. 1 CPC, les parties ont le droit d'être entendues. Elles ont notamment le droit de consulter le dossier et de s'en faire délivrer une copie (art. 53 al. 2 CPC).

2.2 En l'espèce, la recourante n'allègue pas – à juste titre - que le Tribunal ne lui aurait pas transmis tout acte ou toute communication qu'il aurait reçu, respectivement adressée à l'expert. Conformément aux dispositions rappelées ci-avant, il était loisible à la recourante de consulter le dossier, si elle devait estimer que les actes et pièces en sa possession n'auraient pas été complets, ce qu'elle n'allègue pas avoir fait. Il résulte au contraire de la procédure que le Tribunal a systématiquement transmis aux parties chaque acte, correspondance ou pièce versé. La conclusion de la recourante relative à la transmission de toute communication du Tribunal avec l'expert sera par conséquent rejetée. Il en va de même de celle relative à la production, par l'expert, de la fourniture d'une facture détaillée. Outre que la recourante ne fonde sa requête sur aucune disposition légale, elle ne motive pas cette conclusion.

2.3 Il ne sera par conséquent pas fait droit aux conclusions préalables de la recourante.

3.             La recourante fait grief au Tribunal de ne pas l'avoir informée du dépassement des frais de l'expertise.

3.1 Le tribunal peut, à la demande d'une partie ou d'office, demander une expertise à un ou plusieurs experts (art. 181 al. 1 CPC).

L'expert a droit à une rémunération (art. 184 al. 3 CPC).

Le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés (art. 98 CPC). Chaque partie avance les frais d'administration des preuves qu'elle requiert (art. 102 al. 1 CPC).

L'expert est lié au tribunal par un rapport de droit public, de sorte que sa rémunération est fondée sur les règles de procédure cantonale et que les règles de droit privé, soit les dispositions concernant le contrat de mandat ou d'entreprise selon les circonstances, s'appliquent si nécessaire à titre de droit public supplétif (ATF 134 I 159 consid. 3).

L'expert a l'obligation de mener son expertise en respectant un devoir de diligence et de fidélité. Si une échelle de prix est prévue, il doit attirer l'attention du Tribunal sur la possibilité d'un dépassement dans le cas où ladite échelle est manifestement trop basse. Si le coût prévisible de l'expertise est important, elle doit être confiée sur la base d'une offre de prix. Dans le cas où une telle offre n'est pas prévue, l'expert doit avertir le Tribunal du coût prévisible s'il sait qu'il sera conséquent. Si aucun prix fixe ni fourchette de prix n'est convenu d'avance, l'expert n'a pas droit à n'importe quelle rémunération, mais seulement à celle correspondant au coût de son activité autant qu'elle a été menée avec diligence et en conformité avec le cadre de la mission d'expertise. L'expert doit en tous le cas attirer l'attention du juge sur une disproportion manifeste entre le coût de l'expertise et sa portée en rapport avec les faits à éclaircir, respectivement avec la valeur litigieuse (ATF 134 I 159 consid. 4.4).

En pratique, le coût de l'expertise est fondé sur la note de frais de l'expert, dont le montant peut être examiné sur la base des règles applicables à la branche (Dolge, Basler Kommentar ZPO, 2e éd., 2013, n. 10 ad art. 184 CPC).

3.2 Ni le Code de procédure civile ni le droit cantonal ne prévoient des règles concernant la fixation de la rémunération de l'expert, de sorte que les règles précitées définies par la jurisprudence sont applicables.

3.3 En l'espèce, le Tribunal n'a pas invité l'expert à fournir un devis et ne s'est pas enquis du montant prévisible de l'expertise. Par conséquent, aucun prix ni fourchette de prix n'a été convenue d'avance entre l'expert et le Tribunal. Contrairement à ce que soutient la recourante, il n'est pas question en l'espèce d'un dépassement de devis. Si, certes, le Tribunal a sollicité, de la recourante, une avance de frais complémentaire de 5'000 fr., dont elle s'est acquittée, il ne résulte pas du dossier que le montant des frais prévisibles de l'expertise aurait été fixé ou déterminé par le Tribunal. La recourante ne peut pas non plus être suivie s'agissant de la violation alléguée par l'expert de son devoir de diligence en lien avec un "dépassement" du devis, pour le même motif. Par ailleurs, à réception de l'ordonnance du Tribunal du 20 juin 2022, par laquelle le Tribunal a formellement désigné l'expert, lui a confié son mandat d'expertise, l'a invité à répondre aux questions listées dans ladite ordonnance, lui a transmis divers documents et lui a fixé un délai pour déposer son rapport d'expertise, la recourante ne s'est pas enquise de la question des frais d'expertise auprès du Tribunal. Les griefs de la recourante se révèlent dès lors infondés.

La mission de l'expert a consisté à prendre connaissance des divers documents transmis par le Tribunal, à procéder à des examens techniques des quatre pages du contrat de travail, d'examiner les signatures et de déterminer si celles-ci étaient authentiques et de savoir si le sceau de A______ était compatible avec un sceau officiel utilisé par la précitée. L'expert a rendu un rapport d'expertise très détaillé comportant 30 pages et a répondu aux sept questions posées par le Tribunal dans la mission d'expertise.

La recourante n'explicite pas pour quel motif précis la rémunération de l'expert, au regard de l'activité qu'il a déployée, devrait être réduite. Il sera sur ce point souligné que la recourante a en tout état conclu à ce que ladite rémunération soit réduite " dans une juste proportion" qu'elle n'a pas chiffrée.

Le montant des frais d'expertise est donc exempt de critique.

Enfin, c'est à bon droit que le Tribunal a mis provisoirement les frais d'expertise à la charge de la recourante, dès lors que lesdits frais seront définitivement mis à la charge de l'une des parties lors du prononcé du jugement au fond.

3.4 Infondé, le recours sera par conséquent rejeté.

4.       Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 800 fr. (art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC), seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Elle sera en conséquence condamnée à verser ce montant à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :


A la forme
:

Déclare recevable le recours interjeté le 25 août 2022 par A______ contre l'ordonnance TRPH/95/22 rendue le 28 juillet 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/16258/2019.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame
Anne-Christine GERMANIER, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Véronique FERNANDES, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.