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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/15339/2019

CAPH/158/2022 du 23.09.2022 sur JTPH/413/2021 ( OO ) , ARRET/CONTRA

Normes : CO.337; CO.337c.al1; CO.337C.al3; CC.55; LB.3.al2; OLB.11.al2; CO.49
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15339/2019-4 CAPH/158/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 23 septembre 2022

 

Entre

BANQUE A______ SA, sise avenue ______, Genève, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 26 octobre 2021 (JTPH/413/2021), comparant par Me Gabriel AUBERT, avocat, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié chemin ______[GE], intimé, comparant par Me Anne MEIER, avocate, rue de Lyon 77, case postale, 1211 Genève 13, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

 

C______ [CAISSE DE CHÔMAGE], rue ______, Genève, partie intervenante, comparant en personne.


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPH/413/2021 du 26 octobre 2021 le Tribunal des prud’hommes, groupe 4, a, à la forme, déclaré recevable la demande formée le 29 novembre 2019 par BANQUE A______ SA contre B______ (chiffre 1 du dispositif), déclaré recevable la demande d’intervention formée le 5 décembre 2019 par la C______ [caisse de chômage] (ch. 2), déclaré irrecevable la conclusion en paiement de Fr. 23'483,30 en mains de D______ [LPP], prise par B______ dans sa réplique du 10 juillet 2020, et amplifiée à Fr. 25'904,55 en date du 1er avril 2021 (ch. 3) ; déclaré recevable la deuxième page du certificat de travail intermédiaire du 28 mars 2019 (pièce 9 dem), déposée par B______ à l’audience du 24 juin 2021 (ch. 4) ; déclaré irrecevable le courrier de BANQUE A______ SA du 16 novembre 2019 ainsi que son annexe (ch. 5) ; et refusé d’ordonner que soit versée à la procédure la pièce concernant le versement en faveur de E______ de l’indemnité pour vacances non prises, produite dans la cause C/1______/2019 opposant la BANQUE A______ SA à F______ (ch. 6).

Statuant au fond, le Tribunal a condamné BANQUE A______ SA à verser à B______ la somme brute de Fr. 107'250, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 juin 2019, sous déduction de la somme nette de Fr. 24'521, avec intérêts moratoires à 5% dès le 28 août 2019 due à la C______ [caisse de chômage] (ch. 7) ; condamné BANQUE A______ SA à verser à B______ la somme nette de Fr. 67'500, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 juin 2019 (ch. 8) ; condamné BANQUE A______ SA à verser à la C______ [caisse de chômage] la somme nette de Fr. 24'521 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 28 août 2019 (ch. 9) ; condamné BANQUE A______ SA à verser à B______ la somme nette de Fr. 20'000, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 juin 2019 (ch. 10) ; condamné BANQUE A______ SA à remettre à B______ un certificat de travail final conforme au considérant 11 de son jugement (ch. 11) ; et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 12).

Enfin, statuant sur les frais, le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à Fr. 3’430 (ch. 13), les a mis à la charge de B______ à hauteur de Fr. 1'300 et à la charge de BANQUE A______ SA à hauteur de Fr. 2'130 (ch. 14) ; les a compensés avec l’avance de frais de Fr. 3'430 effectuée par B______ (ch. 15); condamné BANQUE A______ SA à verser à B______ la somme de Fr. 2'130 (ch. 16), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 17) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 18).

b. Ce jugement a été notifié aux parties, en leurs domiciles élus respectifs, par plis recommandés du 26 octobre 2021. L’appelante l’a reçu en l’Etude de son conseil le 27 octobre 2021 (dossier judiciaire).

B.            a. Par acte expédié le 26 novembre 2021 à la Cour de justice, BANQUE A______ SA a formé appel contre le jugement précité, dont elle requiert l’annulation. Cela fait, elle conclut au déboutement d’B______ et de la C______ [caisse de chômage] de toutes leurs conclusions, et à ce que l’intimé soit condamné en tous les frais de procédure (liasse I).

b. Dans sa réponse du 28 janvier 2022, B______ a conclu au rejet de l’appel de la BANQUE A______ SA, à la condamnation de celle-ci en tous les frais de l’instance et à son déboutement de toutes autres ou contraires conclusions (liasse III).

c. Dans sa réponse, B______ a également formé appel joint contre le jugement précité, concluant principalement à l’annulation des chiffres 3, 8 et 14 de son dispositif, et, cela fait, à ce que BANQUE A______ SA soit condamnée à verser en mains d’D______ LPP Suisse romande, ______[ZH], la somme de Fr. 25'904,55 pour compléter sa prestation de sortie, à ce que l’appelante soit condamnée en outre à lui verser la somme nette de Fr. 144'000, avec intérêts à 5% l’an dès le 6 juin 2019, à ce que celle-ci soit condamnée en tous les frais de l’instance et déboutée de toutes autres conclusions (liasse III, p. 18 ss).

d. Dans sa réponse du 16 mars 2022, BANQUE A______ SA a conclu à l’irrecevabilité de la conclusion d’B______ en paiement de Fr. 25'904,55 à titre de complément de sa prestation de sortie, et, subsidiairement, à ce que celle-ci fût rejetée ; l’appelante a conclu, en outre, au rejet de la conclusion d’B______ en paiement de Fr. 144'000 à titre de pénalité pour licenciement abusif, et « sur les deux appels », conclu à ce que l’intimé fût condamné à tous les frais de procédure devant le Tribunal et devant la Cour de justice (liasse IV).

e. B______ a répliqué le 6 avril 2022 en persistant dans les termes et conclusions de son mémoire-appel et appel-joint (liasse V).

f. BANQUE A______ SA a adressé à la Cour, par pli du 27 avril 2022, des « Observations » (liasse VI).

g. La C______ [caisse de chômage] pour sa part a fait savoir, par pli du 12 janvier 2022, qu’elle renonçait à se déterminer et qu’elle s'en remettait à l’appréciation de la Cour (liasse II).

h. Par plis du 28 avril 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           La Cour retient, sur le vu du dossier et des conclusions prises en appel, les éléments de faits pertinents suivants :

a. BANQUE A______ SA est une société de droit suisse dont le but est l’exploitation en Suisse et à partir de la Suisse d’une banque et l’exercice d’une activité de négociant en valeurs mobilières, principalement, en Suisse et à l’étranger, de gestion de fortune et de négoce de titres ainsi que le préfinancement et le financement d’activités de négoce international (matières premières, métaux, pétrole, céréales, autres), et d’activités de fusion et d’acquisitions : son siège est à Genève (cf. extrait du Registre du commerce).

Elle occupe un effectif de 100 à 120 personnes.

Conformément à la législation bancaire suisse, elle dispose d’un Règlement d’organisation (pièce 23 déf).

aa. Son conseil d’administration, doté de cinq membres, est (et était en 2019) composé comme suit : G______, administrateur dès le 24 mai 2016, en assume la présidence depuis le 30 avril 2018 (jusqu’au 20 mai 2021); H______, actionnaire majoritaire, est administrateur depuis le 19 août 2002 ; il a été Vice-président du conseil du 13 juin 2003 jusqu’au 30 avril 2018, et il en assume la présidence depuis le 20 mai 2021 ; I______, administrateur dès le 24 mai 2016, est Vice-président du conseil depuis le 30 avril 2018 (et ce jusqu’au 22 juillet 2022). Il est titulaire du brevet d’avocat. J______, présidente du Comité d’audit, est administratrice depuis le 2 juillet 2015 ; K______, anciennement président de la Direction Générale, est administrateur depuis le 26 février 2009 (pièce 1 dem ; extraits du Registre du commerce).

ab. Depuis 2001, L______ SA fait office d’organe de révision externe.

ac. En 2019, la Direction Générale de la Banque était composée comme suit : F______, Président de la Direction Générale, dès le 11 octobre 2017 et jusqu’au 26 avril 2019 ; Mme E______, Directrice Générale dès le 17 novembre 2017 jusqu’au 23 juillet 2019, en charge du service finances et comptabilité (PV du 19. 04. 2021 p. 11) ; B______, Directeur Général adjoint du 13 décembre 2016 jusqu’au 30 novembre 2017, et Directeur Général du 1er décembre 2017 jusqu’au 13 mai 2019 ; M______, membre et Chief Operating Officer (COO), dès le 6 mai 2019 (PV 25. 03. 2021 p. 5) et N______, membre dès le 26 avril 2019 (pièce 1 dem). Ce dernier remplaçait F______ (PV. 19. 04. 2021 p. 11). O______, directrice Legal & Compliance (d’avril 2018 à fin juin 2019) était membre de facto de la Direction Générale (PV 19. 04. 2021 p. 5).

ad. Jusqu’en janvier 2019, la direction des Ressources humaines était assumée par P______ ; Q______ était son assistant dès le 27 octobre 2018, et, le 1er mars 2019, il a pris la succession de cette dernière, en qualité de RH Manager (PV 26. 04. 2021 p. 3).

Les membres de la direction générale étaient censés inscrire, au fur et à mesure, leurs absences dues à la prise de vacances dans un logiciel topique (« W______ ») géré par les Ressources humaines.

ae La gestion salariale était sous-traitée à la société fiduciaire R______ SA (PV 25. 03. 2021 p. 3). Le « pay-roll » était cependant géré par les Ressources humaines (RH). Ce service détenait également les contrats et conventions, et les donnait au réviseur externe (PV 19. 04. 2021 p. 11).

af. Le compte-salaire avait été ouvert dans les livres de la S______ (pièce 22 déf). Le déclenchement d’un paiement nécessitait – conformément au principe de « 4 yeux » - une deuxième validation de l’instruction, et ce par le biais d’un log-in parallèle de deux personnes (cf. pièce 22 déf ; pièce 12 déf. p. 9).

ag. Le Département des finances contrôlait, sur une base quotidienne, le montant global des paiements effectués au personnel, mais sans détail. Toutefois, à la fin du mois, il recevait du service des Ressources humaines un tableau final qui indiquait les paiements effectués durant le mois pour chaque personne. Ce fichier indiquait le détail des versements, leur motif (salaire, vacances, indemnités), et ce pour chaque salarié. Ce procédé avait été demandé par H______ qui voulait connaître le détail (PV 19. 04. 2021 p. 12).

b.   B______, né le ______ 1970, a été engagé par la BANQUE A______ SA, en qualité de membre de la Direction générale élargie avec la fonction de Head Stratégie HR à partir du 1er septembre 2016, à plein temps (42 H/sem), par contrat de travail de durée indéterminée signé le 26 mai 2016 (pièce 2 dem).

Le salaire annuel convenu était de Fr. 270'000 brut, versé douze fois l’an. Un forfait de Fr. 18'000 pour remboursement des frais, non fiscalisé et non soumis aux cotisations sociales était également versé en douze mensualités (pièce 2 dem).

Il avait été convenu qu’une fois le processus de réflexion achevé (fin 2017), un bonus basé sur des règles définies et dépendant de la performance générale des employés engagés par B______, tout en restant discrétionnaire, serait appliqué de manière méthodique (pièce 2 dem).

Les parties sont convenues, en outre d’un droit aux vacances de 28 jours par année et d’un délai de préavis de six mois pour la fin d’un mois (pièce 2 dem).

ba. Par avenant signé le 13 décembre 2017, B______ a été nommé Chief Operation Officer (COO) et membre de la Direction Générale au sein du département du Chief Executive Officer (CEO) et ce avec effet rétroactif au 1er novembre 2017 (pièce 3 dem).

c. Par lettre du 27 mars 2019, remis au Président du conseil d’administration, F______ a résilié ses rapports de travail moyennant préavis contractuel de six mois pour fin septembre 2019 (pièce 2 déf ; PV 19. 04. 2021 p. 3).

ca. Les membres du Conseil d’administration en ont été informés lors de sa séance du 27 mars 2019, réunion à laquelle, dans un deuxième temps, auront été conviés les autres membres de la Direction Générale (PV 19. 04. 2021 p. 3).

A cette occasion, et motif pris dans le départ de F______, les autres membres de la Direction générale ont demandé au Conseil d’administration s’il ne voyait pas de contre-indication à ce que le Directeur général, sur le point de partir, rédige et leur remette un certificat de travail intermédiaire. Ayant obtenu l’autorisation, F______ a notamment délivré, le lendemain, un tel certificat à B______, sur la base d’un projet de ce dernier (PV 19. 04. 2021 p. 3). Le document a été contresigné par T______ (PV 19.04.2021, p. 5 ; pièces 9 et 41 dem).

cb. La démission de F______ avait été souhaitée par la Banque. En effet, le Directeur général poursuivait une stratégie à long terme, ce qui ne plaisait pas à l’actionnaire majoritaire, plus intéressé par des résultats immédiats (PV 19. 04. 2021 p. 3).

F______ touchait un salaire annuel brut de Fr. 600'000 et avait droit à 28 jours de vacances par an, et bénéficiait d’un délai de préavis de six mois (pièce 1 déf).

cc. H______, souhaitant assumer lui-même et de suite la Direction générale, a invité F______ à soumettre au Conseil une convention de départ, censée mettre fin aux rapports de travail le plus rapidement possible, soit au 31 mars 2019 (PV 19. 04. 2021 p. 3). Le cumul des fonctions d’administrateur et de Directeur général étant prohibé en droit bancaire public – ce dont la FINMA, informée, avait entretenu avec H______ – les rapports de travail de F______ ont perduré au-delà du 31 mars 2019.

cd. Sollicité, B______ a remis à F______ un exemple de convention de départ, exemple qui correspondait à celui signé par l’ancien Directeur général (PV 19. 04. 2021 p. 3).

ce. B______ n’a pas participé aux négociations, ni aidé l’une ou l’autre des parties à la rédaction de la convention de départ de F______ (PV 19. 04. 2021 p. 4 ; PV 3. 05. 2021 p. 3). Dans ces négociations, impliquant l’intéressé et H______, et conduite sans le concours d’avocats, la question des vacances n’avait pas été abordée (PV du 11. 03. 2021 p. 5 dans la cause C/1______/2019-4, Banque A______ c/ F______ ; pièces 17.1 à 17.4 déf).

Le Conseil d’administration avait défini les grandes lignes. Il n’a pas discuté des questions relatives aux vacances, estimant que ces points concernaient la Direction opérationnelle (PV 3. 05. 2021 p. 8).

cf. Pour H______, il s’agissait « de libérer F______ au plus vite » « afin qu’il puisse trouver un nouvel emploi sans attendre la fin du délai de résiliation » (PV 11. 03. 2021 p. 5 dans la cause C/1______/2019-4, Banque A______ c/ F______ ; PV 3. 5. 2021 p. 7 ; cf. pièce 12 déf. p. 6 infra).

Cette intention de la banque de simplement « libérer » F______ durant le préavis de six mois, et de lui faire prendre les vacances en nature durant ce laps de temps, n’a, lors de ces pourparlers, pas été communiquée à ce dernier, ni, par la suite, à B______ (PV 3. 05. 2021 p. 7).

cg. La convention de départ finalement signée par la banque, représentée par deux membres du Conseil (G______, I______) et F______, a la teneur suivante (pièce 3 déf) :

Genève, le 3 avril 2019.

Concerne : fin des rapports de travail

Monsieur,

Par la présente, nous vous confirmons avoir pris acte de votre volonté de mettre un terme au contrat de travail vous liant avec Banque A______ SA. Nous nous permettons par conséquent d’en exposer les principales modalités.

1.                      Fin des rapports de travail.

Votre contrat prend fin avec effet au 5 avril 2019.

2.                      Salaire

L’équivalent de six mois de salaire vous sera payé date valeur 3 avril 2019. A noter que l’assurance accident de la Banque vous couvrira pendant 30 jours après la date de fin de votre contrat de travail, sauf prise en charge antérieure par l’assurance accident d’un nouvel employeur.

3.                      Remboursement de votre prêt lié à l’acquisitions d’actions ______

( .)

4.                      Documents, matériel et effets divers

( .)

5.                      Confidentialité

( .)

Nous vous remercions de votre bonne collaboration passée et future, et vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées » .

ch. F______, vu les pourparlers et l’absence dans cette convention, d’une clause de solde de tout compte, s’attendait à ce que la Banque lui règle non seulement le salaire jusqu’au 5 avril 2021, date de son dernier jour de travail, mais également qu’elle lui indemnise les jours de vacances non encore prises ainsi que les frais professionnels non encore réglés (PV 19. 04. 2021 p 4 et p. 6 ; PV 11. 03. 2021 p. 5 dans la cause C/1______/2019-4 Banque A______ SA c/ F______).

d. Le 3 avril 2019, à l’issue d’une réunion avec G______, B______ a donné son congé, moyennant préavis de six mois, pour fin octobre 2021 (pièce 10 dem).

ea. Sa décision de partir avait été prise bien avant la démission de F______ (PV 3. 05. 2021 p. 3).

e.b Le 3 avril 2019, F______ a remis à B______ la convention de départ qu’il venait de signer avec la Banque, pour son exécution. Il l’a informé qu’il quitterait la banque le lendemain, le vendredi 5 avril 2019, souhaitant toucher son argent rapidement. B______ lui a répondu qu’il devait recevoir, au préalable, l’approbation écrite du Conseil d’administration avant de pouvoir l’exécuter et l’intervention de R______ pour la gestion salariale (PV 3. 05. 2021, p. 3).

ec. B______ n’a pas posé des questions à F______ par rapport au contenu de la convention. En particulier, il n’a pas thématisé la question des vacances (PV 3. 05. 2021 p. 3). F______, lui non plus, n’a évoqué ce point, ni le lui a donné des instructions à cet égard (PV 19. 04. 2021, p. 4).

ed. Sur ce, B______ s’est mis de suite en contact avec I______, lui demandant l’instruction écrite pour l’exécution de la convention. Ce dernier ne lui a rien signalé de particulier par rapport à cette convention, et U______ ne lui a pas non plus posé de question relative au sort des vacances de l’intéressé (PV 3. 05. 2021 p. 3).

f. Le 4 avril 2019, B______ a fait venir à la banque V______, employée chez R______ SA, en charge pour la gestion des salaires, pour traiter du dossier de F______. Il lui a remis copie de la convention (PV 25. 3. 2021 p. 3).

fa. Sur le vu de la teneur de la convention, tant pour B______ que pour V______, il était clair que F______ devait se voir indemniser les vacances, les rapports de travail de ce dernier prenant fin le 5 avril 2019 (PV 25. 03. 2021 p. 3 ; PV 3. 05. 2021 p 3).

fb. Sur instruction d’B______, V______ a alors calculé le nombre de jours de vacances non encore prises de F______ sur la base des éléments fournis.

fc. Les premiers éléments donnés par B______ à V______ se sont révélés inexacts (cf. pièce 5 déf) suite à une erreur de manipulation d’B______ ou une omission de F______ d’enregistrer ou faire enregistrer les vacances prises en 2018. Le logiciel vacances de la Banque (W______) lui sortait en effet, rubrique « F______ », une feuille indiquant, au 1er janvier 2019 un total de 35,06 jours de vacances non pris pour ce dernier. B______ ne s’était pas aperçu du problème – il avait omis de tenir compte d’un certain nombre de jours de vacances que F______ avait bel et bien prises en 2018. Ce dernier avait notamment pris 9 jours de vacances en 2018 pour un voyage en Islande (PV 14. 10. 2020 p. 2 dans la cause C/1______/2019-4 Banque A______ SA c. F______). Par ailleurs, B______ avait également omis de « pro-ratiser » le droit annuel aux vacances pour l’année 2019 (1. 1. – 5. 4. 2019).

fd. Après vérification faite par V______, mais, pour des raisons techniques, vérification limitée à l’année 2019 (PV 25. 03. 2021 p. 4), il restait à F______, après report des jours de vacances « non-pris » en 2018, un solde de 37,10 jours de vacances (corrections manuscrites apportées par V______ sur le relevé vacances remis par B______ = pièce 5 déf). Compte tenu du salaire annuel brut (Fr. 600'000), ce total correspondait à Fr. 85'287,35 brut (pièce 4 déf).

fe. Le déclenchement du paiement ne pouvant se faire en l’absence de Q______, RH Manager. B______ a donc attendu le retour des vacances de ce dernier, soit le lundi matin, 8 avril 2019 (PV 3. 05. 2021 p. 3).

g. Le lundi matin, 8 avril 2019, B______ a expliqué à Q______, de retour de ses vacances, ce qui s’était passé la semaine précédente, et lui a remis la convention de départ de F______ (PV 26. 04. 2021 p. 4) ainsi que la fourre contenant les calculs du salaire et des vacances effectués par V______. Ils ont contrôlé ensemble ces calculs (PV 4. 06. 2021 p. 4). A aucun moment, Q______ n’a émis des doutes quant au principe que les 37,01 jours – reconnus exacts - de vacances non encore pris par F______ devaient lui être indemnisés (PV 4. 05. 2021 p. 4).

ga. Sur ce, B______ a instruit Q______ de préparer le paiement dans le logiciel DTA (« Daten Träger Austausch ») de la S______, pour que ce dernier puisse être déclenché le jour même encore – après obtention du feu vert écrit de I______ (PV 4. 05. 2021 p. 4).

gb. Le paiement projeté portait sur un montant de Fr. 389'620.70 brut, représentant Fr. 8'333,36 brut à titre de salaire (du 1. 04 au 5. 4. 2019), Fr. 300'000 brut « indemnité de départ », et de Fr. 116,57 brut à titre d’allocations familiales, et enfin de Fr. 85'287,36 brut de titre de « solde vacances », soit, après déduction des cotisations sociales, sur un montant de Fr. 370'779,40 brut (pièce 4 déf).

gc. Par e-mail du 8 avril 2019 14h10, I______ a instruit B______ en ces termes : « Pour faire suite à notre conversation téléphonique de la semaine dernière, je te prie de bien vouloir verser à F______ les six mois de salaire prévus dans sa convention de départ » (pièce 8 déf).

gd. Considérant qu’en n’évoquant que « les six mois de salaires », I______ avait donné l’autorisation « pour le point essentiel », et que cela suffisait, B______ s’estimait fondé à libérer le paiement non seulement pour l’indemnité de départ, mais également pour les autres postes, car « prévus par la loi » (PV 3. 05. 2021 p. 4).

ge. Le 8 avril 2019, à 17h18 (log session S______ identifiant GE 2______ Q______) et à 17h27 (log session S______ identifiant GE 3______ B______), Q______ et B______ ont, conjointement, enclenché le paiement, par BANQUE A______ SA, à F______, du montant de Fr. 370'779,40 net, par le débit de son compte auprès de la S______ (pièce 22 déf).

gf. Par e-mail du 9 avril 2019, adressé à I______, cc. H______, B______ a fait savoir que « le paiement des six mois de salaires a été fait » (pièce 8 déf).

gg. Par la suite, Q______ a versé ces éléments (dossier calculs, convention de départ et justificatifs du paiement) dans le dossier « physique » de l’employé F______ géré par les Ressources humaines (PV 26. 04. 2021 p. 4).

h. Le solde des vacances fait partie des informations saisies et indiquées par les Ressources humaines dans le logiciel et qui se transmet toujours via ce logiciel à la comptabilité de l’entreprise (PV 4. 11. 2020, p. 5 dans la cause C/4______/2019-4 Banque A______ SA c/ F______).

ha. La convention de départ, en main des Ressources humaines, n’est pas parvenue au Département finances et comptabilité de E______ (PV 19. 04. 2021 p. 12). B______ ne la lui a pas transmise – mais il n’était pas tenu de le faire (PV 19. 4. 2021 p. 12).

hb. Le 29 avril 2019, les Ressources humaines de la banque ont fait parvenir à F______ le décompte de salaire afférent au mois d’avril 2019 et au paiement effectué le 8 avril 2019 Il comportait les énoncés suivants : « indemnité de départ, salaire mensuel, allocations familiales, solde vacances payé (sortie) » (pièce 4 déf).

i. Fin avril 2019, E______, responsable du département finances et comptabilité, s’est aperçu, en consultant la comptabilité salariale, du versement par la Banque, le 8 avril 2019, d’un montant de Fr. 370'779,40, à F______ (PV 19. 04. 2021 p. 13).

ia. S’agissant d’un montant inhabituel, son département a procédé à une investigation (PV 19. 04. 2021 p. 13). Début mai 2019, ses services ont constaté qu’il y a eu un paiement pour indemnité de vacances en faveur de F______ (ibid). N’étant pas en possession de la convention, et donc, pas en mesure de déterminer si ce versement était ou non, ses services n’ont pas alerté le Conseil d’administration (ibid).

j.                        Le 3 mai 2019, la Banque, par un courrier signé I______ et Q______, a libéré B______ de l’obligation d’effectuer le solde de son préavis. Elle l’a remercié pour son engagement et lui a souhaité « plein succès pour la suite de [sa] carrière professionnelle ». (pièce 11 dem).

k. Organe de révision externe de la Banque, L______ SA a procédé, à partir du début du mois de mai 2019, au contrôle trimestriel au 31 mars 2019, tel que prescrit par la FINMA. Dès fin avril 2019, cet organe a fait parvenir à la Banque et à chaque service une liste de pièces à fournir (PV 19. 04. 2021 p. 11).

ka. Lors de ce contrôle, effectué sur la base des documents et informations donnés par le département finances (PV 25. 03. 2021 p. 7), L______ SA, dans son projet de rapport du 27 mai 2019, s’était bornée à relever que le versement des Fr. 300'000 « indemnité de départ » et de Fr. 87'000 pour « solde de vacances non prises » n’avait pas été comptabilisé au 31 mars 2019 « comme cela aurait dû l’être » (pièce 10 déf).

L’organe de révision a également constaté l’absence d’une pièce justifiant le versement d’un excédent de Fr. 87'000 (recte : de Fr. 85'287,36 brut non couvert par les termes de la convention de départ de F______ (PV 25. 03. 2021 p. 7), et il a, par e-mail du 27 mai 2019 07h33 adressé à E______ demandé des explications (PV 04. 11. 2020 p. 6 dans la cause C/1______/2019-4 Banque A______ SA c. F______) pour au plus tard le vendredi 31 mai 2019 à 12h00 (pièce 9 déf).

kb. E______ a de suite transmis cet e-mail et ce projet de rapport de L______ SA à I______ (pièce 9 déf).

kc. La banque, agissant par les soins de son Comité d’audit (composé de I______ et de J______), a fourni à L______ SA les explications demandées dans le délai imparti (pièce 11 p. 2 déf).

kd. Dans son rapport définitif (« prise de position »), daté du 31 mai 2019, L______ SA a relevé que « Le Conseil d’administration de la Banque a appris l’existence du versement relatif aux vacances non prises de l’ex-CEO dans le cadre des travaux préparatoires de la présente prise de position. Ce versement n’étant pas prévu dans la convention de départ, le Comité d’audit de la Banque nous a fait savoir qu’il avait commencé à rassembler certains éléments et qu’il allait se réunir afin de prendre des mesures visant notamment à éclaircir les circonstances entourant le versement » (pièce 11 p. 2 déf).

l. Par message WhatsApp du 29 mai 2019, 16h16 - la veille de l’Ascension - M______, successeur d’B______, a convoqué ce dernier à un entretien à la Banque, fixé au lundi 3 juin 2019 à 14h00. Il n’a pas précisé l’objet de la réunion (pièce 12 dem).

la. Le lundi 3 juin 2019, B______ été reçu par une délégation du Conseil d’administration, composée de G______, I______ et J______ (pièce 12 déf). A la leur demande, l’entretien a été enregistré avec l’accord de l’intéressé (pièce 12 déf = transcription verbatim de l’enregistrement, non-contesté).

lb. B______ a été invité à s’expliquer au sujet du versement de l’indemnité vacances à F______, dès lors que de l’avis de ses interlocuteurs, la convention de départ de ce dernier ne prévoyait pas un tel versement et que donc il n’aurait pas dû avoir lieu (pièce 12 déf, passim). S’agissait-il d’un cadeau qu’il entendait accorder à F______ ? (ibid p. 2).

lc. Protestant de sa bonne foi, B______ a expliqué avoir cru que, dès lors que, dans la convention, il était stipulé que les rapports de travail de F______ prenaient fin le 3 avril 2019, ce dernier avait droit à se voir indemniser le vacances non encore prises. Loin de lui l’idée de vouloir faire un « cadeau » à l’ex-CEO (pièce 12 déf. p. 6). Il a relevé l’absence d’une clause précisant la non-indemnisation des vacances et la communication (ibid, p. 6) ce à quoi il lui a été répondu qu’il fallait comprendre que le versement de « six salaires mensuels » constituait un « garden leave », et partant, les vacances étaient censées être à prendre durant le préavis (ibid, p. 10). B______ a alors exprimé ses regrets d’avoir mal compris l’intention de la Banque.

ld. Par ailleurs, il lui a été reproché que manifestement, le 8 avril 2019, il aurait fait co-valider le paiement à Q______ sans avoir remis à ce dernier, et au préalable, la convention (ibid. p. 9). Dès lors le paiement des Fr. 300'000 aurait été, sans droit, rubrifié « indemnité de départ », alors que la convention parlait de « salaire » (ibid. p. 9).

le. Ses interlocuteurs lui ont encore fait grief d’avoir mal déterminé le nombre des jours de vacances qu’il restait à prendre à F______ – en particulier, il ne pouvait lui échapper que ce dernier avait pris 9 jours de vacances pour son voyage, en 2018, en Islande (pièce 12, p. 9 – 10).

m. Par courrier du 6 juin 2019, BANQUE A______ SA a licencié B______ avec effet immédiat, sans en indiquer les raisons. La Banque a enfin précisé qu’elle se réservait le droit de réclamer réparation du préjudice subi (pièce 13 dem).

ma. La décision de licencier B______ avec effet immédiat avait été prise le 6 juin 2019, à l’issue d’une délibération du Conseil d’administration de la banque – et ce sur le vu des « déclarations inexactes » de ce dernier le 3 juin 2019, détruisant le rapport de confiance (pièce 13 déf).

mb. Par courrier de son conseil du 12 juin 2019, B______ a demandé à la Banque de lui communiquer les motifs de son renvoi immédiat (pièce 14 dem).

mc. Par courrier du 21 juin 2019, BANQUE A______ SA a confirmé les griefs déjà articulés à l’adresse d’B______ lors de l’entretien du 3 avril 2019. Elle a fait état d’un total de Fr. 93'870,70 de « bonifications indues », soit le paiement, à F______, de Fr. 8'333,35 à titre de salaire du 1er au 5 avril 2019, de Fr. 85'287,33 à titre d’indemnité pour vacances non prises, et de Fr. 250 à titre de cinq jours de forfait pour frais de représentation (pièce 15 dem).

Dans ce courrier, la Banque a également fait interdiction à B______ de faire usage du certificat de travail intermédiaire du 28 mars 2019. En effet, selon elle, les lacunes de Monsieur B______ dans l’exercice de ses fonctions ( ) sont de toute évidence incompatibles avec la conclusion du certificat selon laquelle « Monsieur B______ effectue ses tâches et assume ses responsabilités en tout temps à notre pleine et entière satisfaction et ce, en préservant continuellement les intérêts de notre institut » (ibid. p. 3).

md. B______ a reçu son salaire jusqu’au 6 juin 2019 (pièce 16 dem). Il s’est aussitôt inscrit au chômage qui l’a pris en charge à partir du mois de juillet 2019 (pièce 18 dem). Il ne s’est pas vu infliger une pénalité pour perte fautive de l’emploi (ibid).

n. Durant les rapports de travail chez BANQUE A______ SA, B______ était affilié à l’institution de prévoyance professionnelle de son employeur, à savoir D______ LPP Suisse romande, à ______[ZH] (pièce 22 dem).

na. En 2019, la contribution d’épargne vieillesse annuelle de l’employeur à l’avoir vieillesse d’B______ s’élevait à Fr. 32'400, soit à Fr. 2'700 par mois (pièce 22 p. 2 dem).

nb. Ces rapports de travail ayant pris fin le 6 juin 2019, D______ LPP Suisse romande a transféré, le 10 juillet 2019, à la Fondation de libre passage d’X______ SA un montant de Fr. 787'338 (pièce 23 dem). S’il avait pu rester au service de la BANQUE A______ SA jusqu’à la fin du préavis, c’est-à-dire jusqu’ au 31 octobre 2019, sa prestation de sortie aurait été de Fr. 813'242,55 (pièce 24 déf).

o. BANQUE A______ SA a, par courrier du 6 juin 2019 adressé à F______, sommé ce dernier à lui rembourser le montant de Fr. 93'870,70 – qu’il aurait reçu sans droit – et lui a fixé, pour ce faire, un délai au 21 juin 2019 (pièce 14 déf).

oa. F______ ne s’étant pas exécuté, la Banque lui a alors fait notifier, le 9 juillet 2019, un commandement de payer de Fr. 93'870,70, aussitôt frappé d’opposition par le poursuivi (pièce 15 déf).

ob. Par demande du 21 février 2020, BANQUE A______ SA a assigné F______ en paiement de la somme de Fr. 80'450,70 et a requis la mainlevée de l’opposition formé au commandement de payer à concurrence de de montant (pièce 25 dem = liasse III a).

oc. Par jugement JTPH/369/2021 du 4 octobre 2021, rendu dans la cause C/1______/2019-4, Banque A______ SA c/ F______, le Tribunal des prud’hommes, composé du même panel que dans la présente cause a débouté la Banque de toutes ses conclusions. Le Tribunal a estimé, en substance, que F______ avait droit, pour la durée de son engagement, soit du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2019 [sic], de 2 X 28 = 56 jours de vacances ; dès lors que, selon ses déclarations, il avait bénéficié de 14 jours de vacances en 2018, et de 5 en 2019, il lui restait un solde de 37 jours (56 jours – 19 jours) – soit donc le nombre de jours de vacances qui lui avaient été indemnisés (pièce 25 dem = liasse III a, p 13).

Par courrier de son conseil à la Cour du 26 novembre 2021, BANQUE A______ SA a informé que le jugement JTP/369/2021 du 4 octobre 2021, rendu dans la cause l’opposant à F______, faisait l’objet un appel de sa part (liasse I, annexe).

PROCEDURE

A.           Par requête de conciliation déposée à l’office postal le 5 juillet 2019, B______ a assigné BANQUE A______ SA en paiement de la somme totale de Fr. 342'917,65.

Une audience de conciliation s’est tenue le 9 septembre 2019, sans succès, de sorte qu’à l’issue de celle-ci, une autorisation de procéder a été délivrée à B______.

B.            Par demande ordinaire (liasse 1), accompagnée d’un chargé de 20 pièces (liasse 2), déposée à l’office postal le 29 novembre 2019, B______ a assigné BANQUE A______ SA en paiement de la somme totale de Fr. 342'917,65 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 juin 2019. Ladite somme était ventilée comme suit (liasses 1 et 2) :

-          Fr. 107'250 brut, à titre de salaire afférent au solde du délai de congé, soit jusqu’au 31 octobre 2019 ;

-          Fr. 144'000 net, à titre d’indemnité pour résiliation immédiate injustifiée ;

-          Fr. 41'666,65 brut, à titre de « gratification pro rata temporis »;

-          Fr. 50'000 net, à titre d’indemnité pour tort moral.

Le demandeur a également conclu à la délivrance d’un certificat de travail final correspondant à son certificat de travail intermédiaire du 28 mars 2019 (pièces 9 et 41 dem).

A l’appui de ses conclusions, le demandeur a en substance allégué avoir été licencié avec effet immédiat le 6 juin 2019, pendant son délai de congé ensuite de sa démission du 3 avril 2019 et sa libération de la place de travail, le 3 mai 2019. Le motif de son licenciement avec effet immédiat était, selon l’employeur, qu’il aurait fourni des informations inexactes concernant l’exécution de la convention de départ de F______, lors de l’entretien du 3 juin 2019. Or, le versement litigieux avait été effectué deux mois avant son licenciement immédiat, la défenderesse ne pouvait donc plus s’en prévaloir, vu le caractère manifestement tardif. Il avait effectué le versement en faveur de F______ de bonne foi et conformément à ce que prévoyait la convention de départ.

F______ avait démissionné le 27 mars 2019. Les autres membres de la direction, dont lui-même, avaient démissionné le 3 avril 2019. Sur demande de F______, le Conseil d’administration avait accepté qu’il rédige les certificats de travail intermédiaires des autres membres de la direction et n’avait pas souhaité les revoir. Il avait ainsi reçu un excellent certificat de travail intermédiaire le 28 mars 2019.

Il avait été exclu du processus de négociation de la convention de départ de F______ et n’avait reçu aucune instruction et information de la part du Conseil d’administration. Ladite convention prévoyait la fin des relations contractuelles le 5 avril 2019, et notamment le versement d’une indemnité équivalent à six mois de salaires valeur 3 avril 2019.

A réception de la convention de départ, il avait indiqué à F______ qu’il devait recevoir l’approbation écrite du Conseil d’administration pour exécuter le paiement. Il s’était ainsi adressé à I______ afin d’obtenir les instructions. Dans cette attente, il avait réglé les préparatifs du paiement avec V______, employée de R______ SA. L’indemnité pour vacances non prises avait été calculée. Constatant que F______ n’avait saisi, dans le logiciel topique, aucun jour de vacances pour l’année 2019, celle-ci l’avait interpellé. Il avait vérifié ce point auprès de l’assistante de F______, Y______, laquelle avait confirmé que celui-ci avait pris cinq jours de vacances en 2019 et qu’elle avait vérifié les soldes de vacances pour 2017 et 2018. Aucune erreur n’avait été signalée pour ces périodes. Le solde de vacances non prises était donc de 37,0964 jours. Il avait remis à V______ la convention de départ et le décompte de vacances. Une fois les calculs effectués, la procédure habituelle avait été lancée et le paiement avait été chargé sur e-banking, en attente de validation. Le 8 avril 2019, à son retour de vacances, Q______ avait procédé à un contrôle des chiffres et avait lu la convention.

La défenderesse avait mis à jour le système informatique des absences, par conséquent, il n’avait aucune raison de remettre en question le décompte de vacances produit.

Il n’avait pas pu se préparer à l’entretien du 3 juin 2019 et avait tenté de répondre de la façon la plus précise et fidèle à la vérité.

Son contrat de travail prévoyait le versement d’une gratification qui dépendait de critères objectifs prédéterminés, à savoir la performance générale des employés engagés par lui.

La défenderesse lui avait fait interdiction d’utiliser son certificat de travail intermédiaire, au motif qu’il ne correspondait pas à la réalité. Il n’avait pas encore retrouvé un emploi et était toujours au bénéfice des prestations de l’assurance-chômage. Il avait été particulièrement atteint dans sa personnalité par son licenciement abrupt et il réclamait à ce titre une indemnité pour tort moral de Fr. 50'000.

C.           Par demande d’intervention déposée à l’office postal le 5 décembre 2019, la C______ a déclaré se subroger dans les droits d’B______ à l’encontre de la BANQUE A______ SA, et ce à concurrence de Fr. 24'521, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 28 août 2019, représentant les indemnités journalières versées de Fr. 1'059,90 pour le mois de juillet 2019, de Fr. 3'337,75 pour le mois d’août 2019, de Fr. 9'595,35 pour le mois de septembre 2019 et de Fr. 10'528 pour le mois d’octobre 2019 (dossier judiciaire/ partie intervenante).

D.           Par décision du 19 décembre 2019, le Tribunal des prud’hommes a imparti au demandeur un délai pour fournir une avance de frais fixée à Fr. 3'430 (Dossier judiciaire / Frais)

E.            Par mémoire-réponse (liasse 8) accompagné d’un chargé de 16 pièces (liasse 9), déposé à l’office postal le 9 mars 2020, la défenderesse a conclu au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions.

La défenderesse a notamment allégué avoir procédé au licenciement avec effet immédiat du demandeur vu les fausses explications qu’il avait données lors de l’entretien du 3 juin 2019, ses propos étant contraires à la vérité. Celui-ci avait prétendu que R______ aurait fait sa propre interprétation de la convention de départ de F______ et aurait pris la décision de verser le solde de vacances et aurait pris la décision de verser le solde de vacances. Le demandeur avait effectué un paiement de Fr. 85'286,35 brut en faveur de celui-ci à titre d’indemnité de vacances non prises. Or, ce versement n’avait pas été prévu par la convention de départ de F______. I______ avait demandé à B______ de payer uniquement l’indemnité de six mois de salaire et le demandeur n’avait reçu aucune instruction pour payer une indemnité pour solde de vacances ou toutes autres bonifications. D’ailleurs, la pratique connue était d’inclure le droit aux vacances dans cette somme de six mois de salaire. B______ aurait ainsi dû en référer à I______ avant de procéder à ce versement. Selon une pratique connue, le demandeur aurait dû comprendre que le droit au solde de vacances était inclus dans l’indemnité de six mois de salaire versé à F______. Le demandeur avait passé sous silence le paiement des vacances au moment de confirmer à I______ le paiement des six mois de salaire. Quant aux vacances prises par F______, le demandeur savait parfaitement que celui-ci avait pris des vacances en 2018 et il n’avait procédé à aucune vérification. Il avait rejeté sa propre faute sur d’autres personnes, notamment V______, employée de la fiduciaire R______ SA et Q______. Au vu du paiement indu et des fausses explications données, le licenciement immédiat du demandeur se justifiait, après décision du conseil d’administration du 6 juin 2019. Elle avait respecté le délai de trois jours fixé par la jurisprudence. En effet, L______ SA avait communiqué son projet de rapport à la FINMA le 27 mai 2019 et elle avait entendu le demandeur sur les versements litigieux le 3 juin 2019. Le conseil d’administration s’était réuni le 6 juin 2019 et le licenciement immédiat avait été prononcé le même jour.

Quant au bonus, la clause du contrat du demandeur stipulait expressément qu’il s’agissait d’un versement discrétionnaire.

F.            Par réplique (liasse 15), accompagnée d’un chargé complémentaires de quatre pièces (liasse 16), déposé au Greffe du Tribunal le 10 juillet 2020, le demandeur a amplifié ses conclusions et, motif pris à l’art. 337 c al. 1 CO, a conclu à ce que la défenderesse fût condamnée à verser en mains de D______ LPP Suisse romande, ______[ZH, la somme de Fr. 23'485,30 à titre de solde de sa prestation de sortie. Il s’est réservé le droit d’augmenter cette prétention en fonction du chiffre que cette institution de prévoyance professionnelle aura communiqué, s’agissant du montant théorique que son vieillesse LPP aurait atteint au 31 octobre 2019.

Le Conseil d’administration décidait de chaque licenciement. Sa mission était de faire baisser les coûts liés au personnel. S’agissant de la fixation du bonus, l’évaluation des résultats était faite individuellement et non de manière globale. Or, ses résultats étaient bons. Quant à l’exécution de la convention de départ de F______, si les premières versions comprenaient une clause excluant tout droit aux vacances, ce n’était pas le cas de la version finale, ce que G______ avait relevé lors de l’entretien du 3 juin 2019. Il avait remis la convention à V______ afin qu’elle puisse effectuer les calculs des différents postes à payer.

Le motif invoqué par la défenderesse en lien avec les versements litigieux effectués à F______, ne pouvait être admis dans la mesure où elle aurait dû s’en prévaloir dès le prononcé du licenciement immédiat et figurer dans son courrier du 21 juin 2019. Le motif avait été invoqué tardivement vu que les versement avait été effectués le 8 avril 2019. De plus, avant même qu’il ait été libéré de l’obligation de travailler, il avait déjà vu les premières versions du projet de rapport de L______ SA. Les informations et les documents permettant d’établir ledit rapport étaient fournis par la défenderesse de sorte qu’elle avait connaissance des versements litigieux bien avant de procéder au licenciement immédiat.

La convention de départ de F______ réglait uniquement les principales modalités et ne comportait aucune clause sur le solde de vacances, ni même une clause pour solde de tout compte. La convention prévoyait la fin des rapports de travail le 5 avril 2019. Il s’agissait d’une fi anticipée des relations contractuelles, de sorte que les vacances ne pouvaient pas être prises durant un délai de congé.

Durant l’entretien du 3 juin 2019, il n’avait nullement caché des informations ou tenté de remettre la faute sur des tiers. Il avait pleinement assumé son erreur et avait même proposé de tenter de récupérer l’éventuel montant versé en sus auprès de F______ (pièce 24 dem = pièce 12 déf.).

Quant au bonus, son contrat de travail prévoyait que tout changement ou avenant devait être établi par écrit. La clause sur le bonus n’ayant pas fait l’objet de modification écrite, demeurait donc en vigueur.

G.           Par duplique (liasse 20), accompagnée d’un chargé complémentaire de 4 pièces [pièces 17 à 20 déf] (liasse 21), déposée à l’office postal le 14 octobre 2020, la défenderesse a indiqué s’étonner que le demandeur n’ait pas interrogé I______ si la convention ne lui avait pas paru claire.

Le décompte de salaire de F______ du 4 [sic] avril 2019 (pièce 18 déf), démontrait que le demandeur n’avait pas été loyal envers elle et que le principe des quatre yeux n’avait pas été respecté. Le demandeur aurait dû s’apercevoir que le décompte ne mentionnait pas les vacances prises, sachant que F______ avait pris des vacances en 2018 et en 2019, ce que le demandeur avait concédé lors de l’entretien du 3 juin 2019. Elle reprochait à B______ de ne pas avoir fourni à V______ la pièce 6 déf. provenant du logiciel W______ et indiquant les vacances prises par F______. Il avait préféré se renseigner auprès de la secrétaire de ce dernier à ce sujet. Quant au bonus, le demandeur n’avait pas établi que les employés engagés par lui avaient eu une bonne performance générale. Le versement d’un bonus n’était pas justifié.

H.           Par courrier du 12 novembre 2020, le demandeur a notamment requis l’apport des différents procès-verbaux des audiences qui se sont tenues ou se tiendront dans la procédure parallèle C/1______/2019 – 4 opposant Banque A______ SA à F______. La défenderesse a acquiescé.

Par ordonnance du 22 novembre 2020, le Tribunal a ordonné l’apport des procès-verbaux dans la cause C/1______/2019 Banque A______ SA c. F______ (liasses 25, 28, 32).

A l’audience de débats d’instruction du 1er mars 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives. A l’issue de l’audience le Tribunal a rendu une ordonnance d’instruction et de preuves (PV du 1. 03. 2021 p. 4).

Les parties ont déposé des listes de témoins. Le demandeur a sollicité l’audition de F______, d’E______, d’T______, de Q______, de V______, de Y______, de M______ et d’Z______. La défenderesse a sollicité l’audition de ces mêmes personnes, ainsi qu’en outre, de G______, Président du conseil d’administration, de J______, administratrice, d’AA______, d’AB______ et de AC______.

I.              Par courrier déposé à l’office postal le 15 mars 2021, se référant à l’ordonnance de preuve et d’instruction du 1er mars 2021, la défenderesse a produit un chargé complémentaire de pièces (liasse 34), comprenant un courriel du 10 mars 2021 de D______ LPP Suisse romande, ______[ZH] indiquant que si les rapports de travail du demandeur avait pris fin le 31 octobre 2019, sa prestation de sortie se serait élevée à Fr. 813'242,55 (pièce 24 déf), ainsi qu’un courriel de la Banque S______ (S______) du 12 mars 2021 fait état, entre autres, des connexions e-banking de la défenderesse du 8 avril 2019 relatives au paiement de Fr. 370'779,40 (pièce 22 déf).

J.             A l’audience des débats principaux du 25 mars 2021, la défenderesse a comparu par I______ et de AD______, juriste de la banque (PV 25. 03. 2021 p.1).

V______ (suite à un changement de nom : AE______) a indiqué (PV 25. 03. 2021 p. 3 – 4) n’être plus employée de R______ SA depuis le 31 mai 2020. A l’époque, lorsqu’elle était en poste auprès de R______ SA, elle avait été l’interlocutrice de la défenderesse et se rendait dans les locaux de celle-ci une fois par mois pour la gestion des salaires. Pour exécuter la convention de départ de F______, elle s’était rendue en début du mois d’avril 2019 auprès de la défenderesse afin de s’occuper d’un seul salaire. Elle partageait le bureau avec Q______, en vacances à cette période. B______ lui avait remis un document Excel provenant du système informatique de la défenderesse comprenant le solde de vacances de F______. Il s’agissait de la pièce 5 déf. Elle confirmait que l’écriture manuscrite comprenant le solde de vacances était bien la sienne. Ce jour-là, elle avait traité avec le demandeur uniquement ce paiement. Le tableau qui sortait d’W______ révélait le solde de vacances au 1er janvier 2019 et pour l’année en cours. Ce logiciel avait rencontré quelques difficultés. Il était ainsi nécessaire de calculer le solde de vacances pro rata temporis pour chaque départ (en cours d’année) et elle était chargée d’effectuer ces calculs. Quant à la pièce 6 déf, elle ne l’avait jamais vue. Elle avait trouvé inhabituel que la convention de départ ne prévoit rien quant au solde de vacances. De manière générale, elle établissait une fiche de paiement pour les salaires et les enregistrait directement dans le système.

M______ a indiqué (PV 25. 3. 2021 p. 5) être toujours employé de la défenderesse et avoir remplacé le demandeur. A sa demande, il avait rencontré B______ dans les locaux de la défenderesse, afin d’évoquer avec lui certains dossiers. La discussion avait été informelle et il avait ensuite amené le demandeur dans la salle de conférence où se trouvait une délégation du Conseil d’administration afin de questionner B______. Il n’avait pas assisté à l’entretien, mais en connaissait les raisons.

AB______, a expliqué (PV 25. 03. 2021 p. 6) être toujours employé de la défenderesse, et ce en qualité de comptable et être le gendre de H______. Il n’avait pas eu connaissance de la convention de départ de F______.

AC______ a expliqué (PV 25. 03. 2021 p. 7) avoir été auditeur externe chez L______ SA jusqu’en 2020. Il avait relevé un problème de périodicité de comptabilisation des montants de Fr. 300'000 et de Fr. 87'000. Ceux-ci auraient dû être comptabilisés comme passif transitoire le 31 mars 2019, même si la convention était datée du 3 avril 2019. Il ne lui appartenait pas de se déterminer sur l’adéquation du montant.

Z______ a indiqué (PV 25. 03. 2021 p. 8) avoir collaboré avec B______. Lorsque les Ressources humaines saisissaient les salaires, il fallait compter un à deux jours ouvrables pour qu’ils apparaissent dans le logiciel comptable de la défenderesse. Passé ce délai, les écritures étaient visibles de façon globale et non détaillée. Le montant vu par la comptabilité ne permettait pas de déterminer les individualités.

K.           Par courrier du 1er avril 2021, se référant aux pièces complémentaires déposées par la défenderesse le 15 mars 2021 - dont la pièce 24 déf. -, le demandeur a amplifié à Fr. 25'904,55 sa conclusion en paiement en mains d’D______ LPP Suisse romande, ______[ZH], prise dans sa réplique du 10 juillet 2020.

L.            A l’audience des débats principaux du 19 avril 2021, F______, lui-même en litige avec la banque, a affirmé (PV 19. 04. 2021 p. 3 – 6) n’avoir pas démissionné, mais avoir été licencié. Il avait rédigé le certificat de travail intermédiaire du demandeur et cette question avait été abordée lors de la séance du Conseil d’administration du 27 mars 2019, lequel l’avait autorisé à rédiger et à signer les certificats de travail sans qu’ils ne soient revus. O______, qui co-signait les documents, ne figurait pas au Registre du commerce et n’était pas un membre de la Direction au sens strict, mais dans les faits, elle en faisait partie.

Concernant le bonus, les résultats de la défenderesse n’étaient pas bons en 2017 et en 2018. Le bonus était général et discrétionnaire et n’était pas calculé sur la performance des employés qu’il avait engagés. Le Conseil d’administration avait fixé des objectifs pour la banque et des objectifs individuels. Les employés avaient une liste de tâches à effectuer. Il n’avait pas perçu de bonus pour l’année 2019.

Le demandeur lui avait remis un exemple de convention de départ qui était celle de son prédécesseur. Lui, F______, y avait effectué quelques modification et l’avis remis au Conseil d’administration. Le demandeur ne l’avait pas aidé à la rédiger et ils n’en avaient pas parlé ensemble. Son contrat aurait dû initialement se terminer le 30 septembre 2019 puisqu’il devait respecter un préavis de six mois, mais la Banque lui avait proposé de démissionner et de le faire avec effet immédiat au 31 mars 2021. L’actionnaire principal voulait le remplacer. La FINMA a refusé qu’il soit à la fois actionnaire principal, membre du conseil d’administration et CEO de la Banque. L’actionnaire principal lui a donc demandé de rester une semaine de plus pour qu’un CEO intérimaire qui conviendrait à la FINMA soit désigné.

La convention de départ initialement soumise au Conseil d’administration prévoyait un package de sortie, que son prédécesseur avait obtenu, avec un solde de tous compte et le règlement d’une indemnité de départ, dont le montant n’avait pas été indiqué, par élégance, afin que le Conseil d’administration le détermine. Son prédécesseur avait touché Fr. 200'000. Après quelques jours, H______ l’avait informé qu’il ne toucherait pas d’indemnité de départ. Le montant qui figurait dans sa convention constituait uniquement l’équivalent de six salaires mensuels. Il lui paraissait normal de percevoir le paiement de son solde de vacances, qu’il n’aurait pas demandé s’il avait reçu une indemnité de départ (en sus du montant équivalent au salaire-préavis). Les frais de voyage professionnels, les vacances, les cotisations sociales etc. relevaient des Ressources humaines et non d’une convention de départ.

Le demandeur avait connaissance de ses vacances en Islande (en 2018) et à AH______[France] (en 2019).

Y______ a indiqué (PV 19. 04. 2021 p. 7) avoir travaillé pour la défenderesse de janvier 2019 à septembre 2020. Elle était chargée d’inscrire les vacances de F______ dans le logiciel de la défenderesse. C’était la première fois qu’elle voyait la pièce 5 déf., et ne l’avait pas remise au demandeur. Quant à la pièce 6 déf., il s’agissait bien des vacances de F______. Elle avait entré dans le système les vacances de celui-ci pour 2019.

O______ a déclaré (PV 19. 04. 2021 p. 8) avoir travaillé au sein de la défenderesse du mois d’avril 2018 à juin 2019 en tant que responsable Legal & Compliance. La fin des relations contractuelles avait été difficile. Elle avait démissionné. Elle n’avait jamais été membre de la Direction de la défenderesse.

AA______ a déclaré (PV 19. 04. 2021 p. 10) avoir travaillé pour la défenderesse de juillet 2017 à fin octobre 2019. Elle tenait à jour l’agenda Outlook de F______, mais ne rentrait pas les données dans le logiciel, vu qu’il y avait des données personnelles concernant notamment les salaires. F______ ne rentrait pas systématiquement ses vacances dans le système. Elle avait convenu avec P______ qu’elle lui remettrait la liste des jours de vacances que celui-ci avait pris et que cette dernière les entrerait dans le système, ce qu’elle avait fait par courriel.

E______ a déclaré (PV 19. 04. 2021 p. 11 – 13) avoir été responsable du Service finances et comptabilité d le défenderesse. Suite à sa démission, son solde de vacances avait été payé avec son salaire de décembre 2019, soit son dernier mois de travail et elle avait été libérée de l’obligation de travailler dès la fin du mois de juillet 2019.

La visibilité d’un paiement dépendait du moment où il avait été émis. S’il était effectué le matin, il était déjà visible l’après-midi dans la comptabilité. Son service ne consultait les salaires qu’en début de mois. Pour les mouvements particuliers, le contrôle des fluctuations et des importants, comme Fr. 300'000, par le Service des finances, étaient visibles sur une base journalière et se faisait quotidiennement. A la fin du mois, son service recevait un tableau final des Ressources humaines avec le détail des paiements effectués durant le mois pour chaque personne. Le détail des versements, tels que notamment les vacances, les salaires, les indemnités figuraient sur ce fichier. Ce fichier avait été demandé par H______. Quant aux montants versés à F______, il lui semblait que ces montants étaient apparus au début du mois de mai 2019. Elle avait constaté l’indemnité pour les vacances non prises, mais n’avait pas alerté le Conseil d’administration vu que son service n’était pas en possession de la convention. Elle a précisé que ce n’était pas la première fois que la défenderesse payait un solde de vacances d’un employé.

M.          A l’audience des débats principaux du 26 avril 2021, Q______ a indiqué (PV 26. 04. 2021 p. 3 – 5) que lorsqu’un solde de vacances était à payer en cas de départ d’un collaborateur, un rapport contenant le solde dû était imprimé. Ce rapport n’était ni la pièce 5 déf., ni la pièce 6 déf. S’agissant de la pièce 6 déf., il l’a vue pour la première fois entre l’été et l’automne 2020. En 2019, le logiciel comptable vacances n’était pas fiable. Il était en charge du calcul des vacances en cas de sortie, quand il s’occupait du payroll en 2019, vu que le système n’était fiable qu’à 30%. Actuellement, le système avait encore des imperfections mais était désormais fiable à 70%. AF______ l’avait précédé au poste de RH Manager. Jusqu’à janvier 2019, c’était elle qui établissait les soldes de vacances. Il n’y avait pas de pratique constante quant au paiement du solde de vacances. Cela dépendait de chaque cas particulier.

Il a dû recevoir la convention de la main du demandeur (le lundi 8 avril 2019) vers midi, peu après qu’il avait validé l’ordre de paiement en faveur de F______. Il a dû mettre la convention dans le dossier physique de F______ auprès des Ressources humaines. Le décompte de salaire – tel que la pièce 18 déf – a été préparé par V______ de R______ SA; il est ensuite remis aux Ressources humaines et l’employé le reçoit après coup.

La Banque est tenue par la loi de payer les vacances non prises. Il était arrivé que la défenderesse paie les vacances à l’employé, que celui-ci soit libéré ou non de l’obligation de travailler.

N.           A l’audience de débats principaux du 3 mai 2021, B______ a expliqué (PV 3. 05. 2021 p. 2 – 6) être marié et avoir trois enfants de 17, 15 et 3 ans. Son épouse était femme au foyer. Il avait retrouvé un emploi, en dehors du milieu bancaire. Il avait eu une seule évaluation début 2019 pour l’année 2018, effectuée par F______, laquelle avait été positive, malgré la période difficile de restructuration en trois phases que la défenderesse venait de mener.

Il n’avait pas participé à la rédaction de la convention de départ de F______, ni aux négociations ayant abouti à celle-ci. Le 3 avril 2019, F______ lui avait remis la convention après signature des parties et il l’avait rendu attentif au délai de paiement à ce jour. Lui, B______, était allé demander à I______ une instruction écrite pour exécuter le paiement, lequel n’avait pas attiré son attention sur un point particulier. Le 4 avril 2019, il avait revu point par point la convention avec V______ pour s’assurer de sa bonne compréhension. Elle était revenue le voir pour l’informer qu’il y avait un problème avec les vacances de F______ pour 2019. Il avait demandé à Y______, assistante de F______, de vérifier le solde de vacances pour 2019, laquelle lui avait confirmé que celui-ci avait pris 5 jours de vacances en 2019. Le 8 avril 2019, au retour de vacances de Q______, il lui avait remis le dossier comprenant la convention de départ et le décompte de vacances de F______, contenant les calculs manuscrits de V______ (pour 2019). Il était évident pour lui, pour Q______ et V______ que le solde de vacances devait être payé. Il avait reçu le courriel de I______ lui précisant qu’il pouvait procéder au paiement (vers 14h30 le 8 avril 2019) des six mois de salaire. Cela ne l’avait pas surpris dans la mesure où il s’agissait de l’élément principal. Dans les conventions de départ qu’il avait traitées précédemment, le solde de vacances était toujours mentionné.

Il avait très mal vécu la fin des rapports de travail avec la défenderesse. En premier lieu, l’appel téléphonique de son successeur pour proposer une rencontre afin d’évoquer quelques dossiers ce dernier le remerciant chaleureusement de l’état de service. Une fois arrivé à la Banque, il avait vite réalisé qu’il n’était pas à la Banque pour parler des dossiers. Il s’était retrouvé devant trois membres du Conseil d’administration pour un entretien formel. A l’issue de l’entretien, I______ lui avait affirmé qu’ils ne souhaitaient pas lui faire de tort. Le 6 juin 2019 il avait reçu sa lettre de licenciement immédiat, ce qu’il avait ressenti comme violent. Suite à cela il avait entendu des accusations portées à son encontre indiquant qu’il n’était pas fiable, qu’il avait dit des choses fausses et qu’il ne reconnaissait pas ses erreurs. Tout cela l’avait profondément atteint et choqué. Il n’était pas en possession d’un certificat de travail depuis deux ans.

Lors de cette audience, la défenderesse avait comparu par trois administrateurs : G______, I______ et J______.

G______ a déclaré (PV 3. 05. 2021 p. 7) n’avoir pas participé aux négociations en lien avec la convention de F______, ajoutant que le Conseil d’administration en avait établi les grandes lignes, à savoir que l’intéressé serait libéré dès que possible et qu’une dédite de six mois de salaire lui serait réglée. Les vacances n’ont pas été abordées. Il pensait qu’il avait été demandé à F______ de présenter son projet de convention à H______ et à I______. L’objectif de l’entretien du 3 juin 2019 était de faire suite aux remarques de l’audit concernant le versement supplémentaire effectué par le demandeur. Celui-ci avait admis une erreur, ce qui était une explication acceptable. Il avait ensuite reporté l’erreur sur V______ de R______ SA. I______ avait contacté cette dernière le 4 juin 2019 pour obtenir des explications.

J______ a expliqué (PV 3. 05. 2021 p. 7-8) que l’élément qui l’avait le plus choquée était le solde de vacances de 37 jours de F______ figurant sur le décompte de la pièce 5 déf., vu son arrivée en 2017 au sein de la défenderesse. Elle estimait que le demandeur aurait dû procéder à une vérification et qu’il n’appartenait pas à R______ SA de décider solde de vacances ou de s’assurer de la véracité du montant.

I______ a fait état (PV 03. 05. 2021 p. 8 – 9), de trois malaises : Premier malaise : il s’était entretenu avec V______ suite à l’entretien du 3 juin 2019. Cette dernière avait indiqué qu’elle avait reçu des instructions précises du demandeur concernant les vacances de F______ et qu’elle avait signalé au demandeur le nombre important du solde de vacances de F______. Sur ce, B______ avait indiqué qu’il fallait réduire de cinq jours le total du nombre de jours de vacances. Deuxième malaise : B______ avait admis, lors de l’entretien du 3 juin 2019, qu’il était évident que F______ avait pris des vacances en 2018. Troisième malaise : lui, I______, avait précisé à B______ qu’il recevrait l’instruction – une fois F______ parti – sur un paiement unique et non pas généralisé. Dans son e-mail (du 10 avril 2019), le demandeur lui avait affirmé avoir effectué un paiement de six mois de salaire – ce qui n’était pas vrai. Il était clair que le lien de confiance était rompu.

O.           A l’audience de débats principaux du 24 juin 2021, le demandeur a déposé la seconde page (= pièce 41 dem) du certificat intermédiaire du 28 mars 2019 (= pièce 9 dem), alléguant une erreur de photocopieuse. La défenderesse s’est opposée à cette production qualifiée de tardive. A l’issue de l’audience, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger (PV 24. 06. 2021 = liasse 40).

P.            Dans son jugement du 26 octobre 2021 (liasse 42), a considéré en substance que le licenciement immédiat du demandeur du 6 juin 2019 était tardif et, par ailleurs, dépourvu d’un juste motif au sens de l’art. 337 CO.

a.        Le congé immédiat était injustifié par ailleurs : dès lors selon la convention de départ de F______, les rapports de travail de ce dernier prenaient fin le 5 avril 2019, le demandeur pouvait, en l’absence d’une clause de solde de tous comptes, légitimement considérer que le solde de vacances devait donc lui être indemnisé (jugement, p. 23). S’agissant du nombre de jours de vacances à indemniser, le logiciel de la défenderesse ayant rencontré des problèmes, mais qui avait été résolus début 2019. Ainsi, le demandeur a rectifié le solde de vacances prises pour 2019, et il pouvait partir du principe que les soldes étaient corrects pour 2017 et 2018 (jugement, p. 23). Le Tribunal lui a donc alloué, sur la base de l’art. 337 c al. 2 CO, le solde du salaire préavis, soit Fr. 107'250 brut, sous déduction de la somme nette de Fr. 24'521 due à l’intervenante (jugement, p. 24).

b.   Par ailleurs, il était tardif parce que tous les mois, H______ avait à sa disposition le détail des salaires et que le département des finances avait également connaissance des transactions extraordinaires (jugement, p.23).

c.         S’agissant de la prétention du demandeur en condamnation de la défenderesse au paiement, en mains d’D______ LPP Suisse romande, ______[ZH], d’un montant de Fr. 25'904,55, le Tribunal l’a jugée irrecevable - la prétention concernant manifestement une assurance sociale fédérale - de sorte qu’elle ne relèverait pas de sa compétence pour en connaître (jugement p. 17).

d.   S’agissant de la pénalité pour licenciement immédiat injustifié (art. 337 c al. 3 CO), le Tribunal, tenant compte de la durée des rapports de travail, de l’âge du demandeur et des circonstances ayant précédé le licenciement abrupt, dont l’entretien surprise du 3 juin 2021, a estimé justifié d’allouer au demandeur un montant correspondant à trois salaires mensuels, soit Fr. 67'500 net. (jugement, p. 24 – 25).

e.         S’agissant du bonus, le Tribunal a rejeté la prétention y afférente, considérant qu’il avait un caractère discrétionnaire (jugement, p. 25 -26).

f.                       S’agissant de la prétention de Fr. 50'000 à titre de réparation pour tort moral au sens de l’art. 49 CO, la Tribunal a admis que le demandeur s’était vu infliger des souffrances de nature à porter atteinte à sa personnalité. Il a été convoqué sous un faux prétexte à l’entretien du 3 juin 2019, dont il ne connaissait pas l’objet et ne pouvait pas se préparer. Le ton de ses interlocuteurs était accusateur et le demandeur se trouvait dans une position difficile et stressante. Il a répondu aux question du mieux qu’il pouvait. Par ailleurs, l’interdiction qui lui avait été faite d’utiliser le certificat de travail intermédiaire l’avait entravé dans ses recherches d’emploi. Des rumeurs ont également circulé voulant qu’il ne serait pas fiable. Enfin, la défenderesse devait se laisser opposer des carences – le système informatique décomptant les vacances était défaillant, le fait ensuite de confier à F______ le soin de rédiger sa propre convention de départ laquelle ne contenait aucune quittance pour solde de tout compte et qui stipulait expressément que seules les principales modalités de la fin des rapports de travail y étaient réglées, dénotait une insouciance. Le demandeur était le bouc émissaire de ces carences. Tout bien pesé, le Tribunal a arrêté le montant dû à titre de réparation du tort moral à Fr. 20'000 nets (jugement, p. 27 – 28).

g.    S’agissant du certificat de travail final réclamé par le demandeur, fondé sur le libellé du certificat de travail intermédiaire du 28 mars 2018, le Tribunal a retenu le bien-fondé de cette prétention – la défenderesse ayant échoué à démontrer que le demandeur n’était pas fiable et digne de confiance.

En conséquence, il a statué que ce certificat de travail final devait être en tout point conforme à la première page du certificat de travail intermédiaire du 28 mars 2019 (pièce 9 dem), à l’exception du premier paragraphe qui aura la teneur suivante (jugement, p. 29, considérant 11) :

« Nous, soussignés, certifions par la présente que Monsieur B______, né le ______ 1970, a travaillé au sein de notre banque du 1er septembre 2016 au 31 octobre 2019. Monsieur B______ nous a rejoint en tant que Head of Strategic HR. Il a été nommé Chief Operating Officer & Human Ressources, avec les titres de Directeur Général et substitut du Président de la Direction Générale au 1er octobre 2017 ».

Quant à la seconde page, le certificat de travail final du demandeur devra avoir la teneur suivante (jugement, p. 29 – 30, suite considérant 11) :

« Au bénéfice d’une solide expérience et de connaissance approfondies, Monsieur B______ a démontré un engagement dans l’ensemble des tâches accomplies au sein de sa zone de responsabilité et au travers de toute la Banque. Sa capacité d’analyse et de gestion a contribué à l’amélioration du service et de la qualité avec une recherche systématique de la meilleure solution requise par le métier.

Monsieur B______ possède des qualités humaines lui permettant non seulement de conduire des équipes, mais également de gérer des situations nécessitant des compétences humaines et techniques. Il démontre particulièrement ses capacités de gestion d’exercices de restructuration.

Dirigeant fiable, engagé et reconnu par ses équipes, Monsieur B______ a fait preuve d’excellentes compétences tant au niveau des connaissances de l’environnement bancaire, que de l’organisation et de la transformation de la banque. Ses compétences, la qualité de ses relations, son ouverture d’esprit et son sens de l’équipe lui ont permis de développer et de maintenir d’excellents rapports avec ses collègues de la Direction Générale, l’ensemble des employés ainsi qu’avec les clients et partenaires de la Banque. Monsieur B______ a effectué ses tâches et assumé ses responsabilités en tout temps à notre entière satisfaction.

Il nous quitte de sa propre initiative et est libre de tout engagement, à l’exception du secret professionnel ».

h.        S’agissant de la prétention subrogatoire de la Caisse C______[caisse de chômage], le Tribunal l’a admise en totalité et a condamné la défenderesse à rembourser à celle-ci le montant de Fr. 24'245 net (jugement, p. 30).

i.      S’agissant des frais judiciaires, le Tribunal, se référant à l’art. 19 al 3 let. e de la loi d’application du Code civil [LaCC, RS/GE E 1.05] et aux arts. 5 et 69 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile [RTFMC, RS/GE E 1 05 10], et compte tenu de la valeur litigieuse de Fr. 348'821,10, les a arrêtés à Fr. 3'430, montant compensé par l’avance de frais versée par le demandeur. La défenderesse ayant succombé, tandis que le demandeur a obtenu partiellement gain de cause, la défenderesse s’est vu condamner au paiement des frais judiciaires à hauteur de Fr. 2'130, tandis que le solde de Fr. 1'300 a été mis à la charge du demandeur. Le Tribunal a donc condamné la défenderesse à verser au demandeur la somme de Fr. 2'130 (jugement, p. 31).

Q.           Dans son mémoire-appel du 21 novembre 2021, l’appelante, reprenant les conclusions et moyens développés en première instance, fait grief au Tribunal d’avoir écarté le bien-fondé du licenciement immédiat (liasse I).

a.        Le paiement de Fr. 85’287,35 à titre d’indemnité solde vacances n’était pas prévu par la convention de M. F______. Son texte était clair. Si toutefois l’intimé avait des doutes quant à son interprétation, il lui incombait de prendre langue avec I______, membre du Conseil d’administration. Ce qu’il a, en violation de son obligation de fidélité, omis de faire. Par ailleurs, contrairement à ce que l’intimé suivi par le Tribunal, soutient, l’indemnisation des vacances non prises n’était pas due « en vertu de la loi ». Il fallait comprendre que F______ était dispensé d’effectuer le préavis de six mois, et que le montant de Fr. 300'000 constituait le salaire afférent à ce préavis libéré. Dès lors, l’indemnité vacances était censée être incluse dans ce montant, conformément à la jurisprudence. Cette règle s’appliquerait également en cas de licenciement immédiat (ATF 117 II 270 cons. 3b ; 128 III 271 cons. 4a).

b.        Par ailleurs, l’intimé avait effectué le paiement « sur la base de calculs gravement erronés ». En particulier, l’intéressé avait indiqué à Mme V______, en faveur de F______, une solde de 35,05 jours de vacances non pris au 1er janvier 2019 (pièce 5 déf), ce qui était manifestement inexact. Ainsi, il ne pouvait ignorer – que ce dernier était parti, en 2018, en vacances en Islande, et ce pour plusieurs jours. C’est à tort que le Tribunal n’en a tenu compte.

L’appelante a encore critiqué le fait que le Tribunal n’ait ni mentionné ni discuté sa pièce 6 déf.

c.    Ensuite, l’intimé, lors de l’entretien du 3 juin 2019, a tenté d’imputer la responsabilité pour les fautes commises sur V______ et sur Q______. Ce qui était inadmissible et constituait une autre violation du devoir de fidélité.

d.   Enfin, l’intimé avait caché le paiement le paiement survenu à I______, et ce en lui donnant, sur une question précise de ce dernier, une réponse sciemment inexacte. Il lui avait caché d’avoir payé à F______ bien plus que les six mois de salaire.

e.    S’agissant de la question d’immédiateté du congé donné, l’appelante fait grief au Tribunal d’avoir retenu que le temps écoulé entre l’exécution du paiement litigieux et le licenciement immédiat était trop long, et qu’elle ne pouvait plus s’en prévaloir.

Or, il ressort des enquêtes que le versement, par l’intimé, de l’indemnité vacances à F______ n’était nullement connu du Département des finances ou de H______, ni de suite, ni encore dans le mois qui suivit ce paiement. Ce versement n’a été détecté qu’à la faveur d’une question topique posée par l’organe de révision externe, le 27 mai 2019. Il était normal qu’avant de procéder à une mesure à l’encontre de l’intimé, la banque devait, au préalable, l’entendre et lui donner l’occasion de s’expliquer. Ce qu’elle a fait le 3 juin 2019. Les explications données par ce dernier ont confirmé que, une fois sa démission (le 3 avril 2019) donné, l’intimé ne se souciait plus des intérêts de la Banque.

f.                       L’appelante critique l’application faite, par le Tribunal, de l’art. 337 c al. 3 CO. Compte tenu des circonstances du cas d’espèces il n’y avait pas lieu d’allouer à l’intimé une quelconque indemnité fondée sur cette disposition. Après tout, l’intéressé – libéré d’effectuer son préavis – restait tenu, en vertu de son obligation de fidélité (art. 321 a CO) de fournir des explications face aux manquements découverts. L’entretien du 3 juin 2019 n'avait rien de choquant.

g.    L’appelante s’en est encore prise au principe et au montant de l’indemnité pour tort moral. A son avis, dès lors que le Tribunal venait d’allouer à l’intimé trois salaires au titre de l’art. 337 c al. 3 CO, il n’y avait plus lieu de lui allouer, en sus, une indemnité fondée sur l’art. 49 CO.

h.   Enfin, et s’agissant du certificat de travail réclamé et sa teneur, le Tribunal a erré en déférant aux conclusions de l’intimé. Les faits montrent que l’intéressé ne méritait pas se voir délivrer le certificat dans sa teneur réclamée – l’employeur ne saurait être obligé de contrevenir au principe de la vérité.

R.           Par courrier à la Cour du 12 janvier 2022, l’intervenante a renoncé à se déterminé et s’est rapportée à justice (liasse II).

S.             Dans son mémoire réponse à l’appel / appel joint du 28 janvier 2022 (liasse III), l’intimé, reprenant à son tour les moyens qu’il avait développés en première instance, a réitéré avoir été parfaitement fondé à effectuer le versement litigieux à F______. Son renvoi immédiat, le 6 juin 2019, était clairement dépourvu de justes motifs.

a.    La convention de départ de F______ ne réglait, selon son propre libellé, que les « principales modalités » de la fin des rapports de travail. Celle-ci était fixée au 5 avril 2019 – ce qui, en droit, ne laissait plus de place à l’inclusion des vacances dans l’indemnité de départ. Elle ne contenait pas de clause solde de tout compte. L’intimée, contrairement à ce que l’appelante soutient, devait dès lors nourrir un doute et vérifier, auprès du Conseil d’administration, ce qu’il convenait de faire.

b.        S’agissant du calcul des vacances de F______, l’intimé n’a commis aucune erreur. Il pouvait se fier, à tout le moins pour les années 2017 et 2018, à ce que le système lui indiquait (pièce 5 déf). Quant à la pièce 6 déf, c’est à bon droit que le Tribunal ne l’avait pas retenue : en effet, elle avait fait surface bien après le versement litigieux, n’a été vue d’aucune des personnes en charge du dossier en avril 2019, et qui plus est, les annotations manuscrites sur cette pièce sont de la main de I______.

c.    Par ailleurs, l’appelante avait, dans un premier temps, invoqué comme motif du licenciement immédiat, c’est-à-dire dans son courrier du 21 juin 2019, le fait que l’intimé aurait donné des renseignements inexacts. Or, dans son appel, elle laisse entendre que le licenciement immédiat serait dû au fait que l’intimé aurait fait verser à F______ une indemnité de vacances de Fr. 85'287,35 indue.

Ce faisant, l’appelante aurait contrevenu à l’interdiction de substituer des motifs – interdiction énoncée à l’ATF 142 III 579 cons . 4.1.

d.   Enfin, le congé immédiat pâtit, à son avis – comme l’avait également relevé à juste titre le Tribunal – de sa tardiveté. L’appelante était censée connaître les versements litigieux bien avant le 27 mai 2019. De fait, elle les connaissait dès qu’ils se sont produits. Le Département des finances en avait connaissance, en tout cas, fin avril 2019 ainsi que H______ à qui un tableau était communiqué contenant tous les paiements effectués durant le mois pour chaque employé.

e.    S’agissant du certificat de travail, l’intimé n’ayant rien à se reprocher en rapport avec l’exécution de la convention, était parfaitement fondé à recevoir un certificat final correspondant à la teneur du certificat intermédiaire du 27 mars 2019.

f.         Abordant son appel joint, l’intimé critique le fait que le Tribunal avait déclaré irrecevable sa conclusion en paiement, par l’appelante, de Fr. 25'904,55 en mains d’D______ LPP Suisse romande, ______[ZH]. Ce faisant, il aurait violé l’art. 337 c al. 1 CO. Or, le fait pour le travailleur licencié avec effet immédiat sans justes motifs, de ne pas bénéficier la part patronale des cotisations LPP que l’employeur aurait dû verser jusqu’à la fin du délai de congé, eût-il été respecté, constitue un poste de dommage à indemniser.

g.    L’intimé critique encore le quantum de la pénalité allouée au titre de l’art. 337 c al. 3 CO. Le Tribunal lui avait alloué l’équivalent de trois salaires mensuels. Or, compte tenu de la gravité de la faute de l’appelante, il se justifiait de fixer cette pénalité à Fr. 144'000, nets, soit à un montant correspondant à six salaires mensuels.

h.        L’intimé n’a pas formé appel incident sur le volet « bonus ». Ce point n’est donc plus litigieux en appel. Enfin, il a joint à son mémoire copie du jugement JTPH/369/2021 du 4 octobre 2021 rendu dans la cause parallèle C/1______/2019-4 opposant Banque A______ SA c. AG______ (liasse III a).

T.            Par mémoire-réponse à l’appel joint du 16 mars 2022, l’appelante s’est déterminée par rapport aux prétendues violations, par le Tribunal, de l’art. 337 c al. 1 CO, et de l’art. 337 c al. 3 CO (liasse IV).

a.    Se prévalant d’un arrêt du Tribunal fédéral 4A_458/2018 du 29 janvier 2020, l’appelante considère que l’indemnité selon l’art. 337 c al. 1 CO ne saurait inclure la cotisation LPP, dès lors qu’elle concernerait une période où le rapport de prévoyance n’existe plus. Par ailleurs, la conclusion prise par l’intimé tend à l’octroi d’un complément à sa prestation de sortie LPP – cette conclusion est exorbitante en droit du travail, et donc irrecevable, et, en tout état de cause, infondée.

b.   Quant à la prétendue violation, par le Tribunal, de l’art. 337 c al. 3 CO, l’appelante le conteste. Tout d’abord, et réitérant, arguments déjà exposés à l’appui de son point central, que le licenciement immédiat de l’intimé était parfaitement justifié – ce qui règle la question de l’éventuelle indemnité pour licenciement immédiat injustifié.

En substance, l’appelante conteste avoir commis une faute en confiant à F______ la rédaction de sa propre convention de départ. Elle conteste l’absence d’instructions claires à l’intimé, ainsi que l’absence de contrôle de la bonne exécution de la convention. Elle nie avoir tendu à ce dernier un « guet-apens » en le convoquant à l’entretien du 3 juin 2019. L’intéressé était, de par ses obligations contractuelles, tenues à y déférer et de fournir des explications.

U.           Par écriture « Réplique » du 6 avril 2022, l’intimé a approfondi sa thèse de la réparation due, par l’employeur qui a procédé à un licenciement immédiat injustifié, au titre de perte de cotisations patronales LPP durant le préavis non-respecté. Revenant sur l’arrêt du Tribunal fédéral cité par l’appelante 4A_458/2018 du 20 janvier 2020, il affirme que le cas de figure jugé était différent de son cas. Il ne se prévaut pas de la thèse selon laquelle le rapport de prévoyance devrait être prolongé pour la durée du préavis non-respecté. Il se borne à réclamer la différence entre sa prestation de libre passage au jour de sa sortie, le 6 juin 2019 et celle qu’il aurait touchée à la fin ordinaire de son contrat, le « 3 » (recte : 31) octobre 2019 (liasse V).

V.           Par écriture « Observations » du 27 avril 2022, l’appelante observe, s’agissant du point « dommage LPP » que le dommage qu’évoque l’intimé ne saurait de toute façon englober ses propres cotisations LPP ; le montant éventuellement dû se limiterait à Fr. 12'952,30 – c’est-à-dire à la moitié du montant articulé par ce dernier, à savoir Fr. 25'904,55.

W.         Par décision du 29 novembre 2021, la Cour a demandé à l’appelante une avance de frais de Fr. 2'000. L’appelante a versé ce montant dans le délai imparti (dossier judiciaire). Par décision du 2 février 2021, la Cour a demandé à l’intimé, en sa qualité d’appelant joint, de verser une avance de frais de Fr. 1'200. L’intimé a versé ce montant dans le délai imparti (dossier judiciaire). Par courrier du 28 avril 2022, les parties ont été informée que la cause était gardée à juger (ibid).

EN DROIT

1.             Recevabilité

1.1.  Interjeté contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) auprès de l’autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3 ; art. 311 CPC) l’appel est recevable.

1.2.       L’appel peut être formé pour a. violation du droit et/ou b. constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

1.3.                Le juge d’appel dispose d’un pouvoir d’examen complet et il revoit librement les questions de fait comme les questions de droit (art. 310 CPC). Il n’est pas lié à l’état de faits dressé par l’instance précédente (ATF 144 III 394 cons. 4.1.4 = JdT 2019 II 147 ; Seiler, Die Berufung nach ZPO, Zurich, 2013, p. 206). Il contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le Tribunal et il vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (art. 157 CPC ; ATF 138 III 374 cons. 4.3.1. ; TF 4A_153/2014 du 28 août 2014 cons. 2.2.3).

1.4.       Est également recevable l’appel joint de l’intimé, formé dans sa réponse déposée dans le délai de 30 jours (art. 312 al. 2 ; art. 313 al. 1 CPC).

1.5.       Il incombe à la partie appelante, respectivement, à la partie qui forme un appel joint, de motiver la démarche, et notamment, la ou les conclusions prise(s) (cf. art. 311 al. 1 CPC). Elle doit indiquer pourquoi et dans quelle mesure, le jugement entrepris doit être annulé ou modifié (ATF 142 III 413 cons. 2.2.4 : 138 III 374 cons. 4.3.1).

1.6.       La valeur litigieuse étant supérieure à Fr. 30'000, la présente procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC). La procédure ordinaire est applicable (art. 219 et art. 243 CPC).

2.                         Licenciement immédiat

L’appelante fait grief au Tribunal de l’avoir écartée de sa thèse d’avoir procédé, le 6 juin 2019, à un licenciement immédiat fondé sur l’existence d’un juste motif au sens de l’art. 337 CO.

2.1.       L’art. 337 CO autorise l’employeur à résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Son notamment considérées, comme de justes motifs, toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de l’employeur la continuation des rapports de travail (al. 2).

2.1.1. Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour « justes motifs » est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive (ATF 137 III 303 cons. 2.1.1). Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 cons. 4.2).

2.1.2. Par manquement du travailleur, on entend généralement la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, mais d’autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 cons. 2.2.1 ; 130 III 28 cons. 4.1 ; 129 III 380 cons. 2.2). Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l’atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée ; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat.

2.1.3. Lorsqu’il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement (TF 4A_342/2021 du 13 octobre 2021 cons. 3.2.1. = ARV/DTA 2021 p. 383 ; ATF 142 III 579 cons. 4.2) Ce principe profite également aux organes salariés d’une société anonyme (cf. ATF 130 III 213 cons. 3.1 = JdT 2004 I 223).

2.1.4. La gravité est notamment appréciée au regard du fait que l’acte est intentionnel ou non (CAPH GE, arrêt du 31 octobre 2014 cons. 2.3.1. = JAR 2015 p. 477).

2.1.5. Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO) en prenant en considération toutes les circonstances du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l’importance des manquements. Le comportement des cadres est apprécié avec davantage de rigueur (TF 4A_225/2018 du 6 juin 2019 cons. 4.1). L’importance du salaire, l’importance de la faute du travailleur, mais également le comportement de l’employeur ainsi que la durée résiduelle du contrat à courir, doivent être pris en considération (TF 4A_467/2019 du 23 mars 2022 cons. 4.1 ; Wyler/Heinzer, op. cit. p. 717).

2.2.                Déterminer les motifs du congé est une question de fait. En revanche, ressortit au droit le point de savoir si le congé est fond sur je justes motifs (TF 4A_379/2021 du 21 septembre 2021 cons. 4.2 = ARV/DTA 2021 p. 391 = SJ 2022 p. 212 ; TF 4A_5/2001 du 9 mars 2021 cons. 3.2).

2.3.       Le fardeau de la preuve de l’existence de justes motifs incombe à l’employeur auteur du licenciement immédiat (art. 8 CC ; ATF 128 III 271 c. 2a/aa = JdT 2003 I 606).

2.4.       Un motif de congé peut être ajouté après coup (« Nachschieben von Kündigungsgründen »), même s’il n’est pas similaire, ni de même nature que celui indiqué pour justifier la résiliation (ATF 142 III 579 cons. 4.2 et 4.3 [arrêt non traduit au JdT] = JAR 2017 p 256). Il faut cependant que le fait (additionnel) invoqué se soit produit, lui-aussi, avant le prononcé du licenciement immédiat et qu’il ait été découvert après cette décision. Le Nachschieben est exclu s’il a trait à des faits ou circonstances que l’employeur connaissait au moment du congé immédiat et qu’il n’a pas invoqués à ce moment-là (ATF 127 III 310 cons. 4 a ; Rehbinder/Stöckli, Berner Kommentar, 2014, N. 17 ad art. 337 CO).

2.5.       La résiliation immédiate produit des effets ex nunc et immédiatement, dès sa réception par le destinataire, sans égard au fait que la résiliation soit justifiée ou non (TF 4A_35/2017 du 31 mai 2017 cons. 4.1 ; Wyler/Heinzer, Droit du travail, Berne, 2019, p. 790).

2.6.       En l’espèce, et en substance, l’appelant invoque, à l’appui du bien-fondé du licenciement immédiat de l’intimé, sur trois imputations : a. le versement indu de l’indemnité de vacances à F______, le 5 avril 2019 ; b. les fautes commises dans le calcul des vacances de ce dernier ; c. les déclarations inexactes faites lors de l’entretien du 3 juin 2019.

2.6.1.                    La première imputation est infondée. Et ce pour plusieurs raisons.

2.6.1.1.    Comme l’a relevé, à juste titre, le Tribunal, l’intimé était confronté à une convention de départ des plus lacunaires – elle ne réglait, selon son préambule, que les « principales modalités » du départ de F______. Elle stipulait le versement de « l’équivalent de six mois de salaires ». Elle ne contenait pas de clause de solde de tous comptes. Et elle précisait par ailleurs que les rapports de travail de ce dernier prenaient fin le 5 avril 2019. Elle n’évoquait pas la question du salaire jusqu’au 5 avril 2019, pas plus que celle de la déduction, part salariée, des cotisations sociales.

2.6.1.2.    A l’évidence, et contrairement à ce que l’appelante tente de plaider, l’on n’avait pas affaire à une libération de la place de travail (art. 324 CO), ni à un licenciement immédiat (art. 337 CO) – mesures qui, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral eussent, en effet, permis de faire prendre à l’intéressé le solde de ses vacances durant le préavis libéré, respectivement, et à certaines conditions, par analogie, durant le préavis non-respecté (cf. ATF 128 III 271 cons. 4a/bb = JdT 2003 I 606). L’on était en présence d’une rupture anticipée, immédiate et consensuelle des rapports de travail qui, en l’absence d’une clause de solde de tout compte, ne permettait pas à l’appelante, eût telle été son idée, de voir incluses les vacances dans le montant de Fr. 300'000.

2.6.1.3.    L’intimé, en l’absence d’instructions précises, - instructions qu’il a du reste sollicitées mais qu’il n’a pas obtenues - était donc fondé à faire indemniser à F______ les vacances non encore prises au 5 avril 2019. Il était également fondé à considérer que le versement des Fr. 300'000 constituait une indemnité de départ, soumise, tout comme l’indemnité vacances, et le salaire jusqu’au 5 avril 2019, aux cotisations sociales.

2.6.1.4.    Mais il y a plus. Le droit bancaire public impose aux banques – à la différence du droit ordinaire des sociétés anonymes - une séparation stricte (« Trennungsprinzip ») entre conseil d’administration et direction générale. Le conseil assume la haute direction et la haute surveillance (« strategische Aufsicht und Leitung »), le management est l’organe responsable de la gestion (cf art. 3 al. 2 let. a Loi fédérale sur le banques et les caisses d’épargne, OLB, RS 952.02 ; art. 11 al. 2 OLB, RS 95). En d’autres termes, le conseil d’administration n’a pas à se mêler de l’opérationnel (Beat Stöckli Die Organisation von Banken, Zurich, 2008, p. 71 ss. ; Winzeler, in : Watter/Vogt/Bauer/Winzeler, Basler Kommentar Bankengesetz, Bâle, 2005, N. 9 ad art. 3 LB).

2.6.1.5.    Certes, la nomination et révocation (concrétisée par le licenciement) de membres de la direction des attributions intransmissibles et inaliénable du conseil d’administration (cf. art. 716 a al. 1 ch. 4 CO) – le droit bancaire reprend ici la droit ordinaire. Cela étant, en droit bancaire, la concrétisation, en droit du travail, d’une décision de ce type relève des compétences du management et du département des Ressources humaines.

2.6.1.6.    En faisant verser à l’intéressé, en sus de l’indemnité de départ, l’indemnité vacances ainsi que le salaire jusqu’au 5 avril 2019, et en faisant retenir les cotisations sociales, part salariée, l’intimé a agi conformément à ces obligations, et conformément au droit. Il a aussi, ce faisant, agi dans l’intérêt de la banque. En effet, ne l’eût-il pas fait, F______ aurait très certainement, si nécessaire motif pris à l’art. 341 al. 1 CO, assignée l’appelante en paiement des prestations sus-évoquées, et ce avec succès.

2.6.2.               La deuxième imputation paraît, en revanche, fondée.

2.6.2.1.    En effet, il est incompréhensible que l’intimé – quelles qu’aient été les difficultés et défauts du logiciel W______ à l’époque – a pu retenir, en faveur de F______, pour les années 2017 et 2018, un nombre de 35 jours de vacances à indemniser. Etant « collaborateur » étroit du CEO, il ne pouvait, comme le relève l’appelante à juste titre, ne pas se souvenir qu’en 2018 ce dernier était passé prendre des vacances en Islande. Il l’a concédé, sur question précise, lors de l’entretien du 3 juin 2019.

2.6.2.2.    Cette omission de l’intimé de prendre en considération les jours de vacances pris par F______ en 2018, à tout le moins ceux qu’il été censé connaître, n’a pas été corrigée par V______, lors de la préparation du bulletin de paie, faute d’éléments précis fournis par l’intimé. Quel qu’en soit, en définitive, le nombre de jours qui aurait dû être pris en considération, l’intimé a donc commis une négligence de nature à cause un dommage à son employeur.

2.6.2.3.    S’agissait-il d’une incartade à ses obligations justifiant son licenciement immédiat ? La Cour ne le pense pas. Certes, sur ce point, l’intimé a fait preuve d’un manque de diligence due. Mais la gravité n’était pas suffisante pour justifier un renvoi immédiat. L’appelante, informée du problème, pouvait le sanctionner autrement. Elle aurait pu lui retenir le trop payé sur son salaire (le licenciement ordinaire n’était plus possible, dès lors qu’en date du 3 avril 2019, il avait lui-même donné son congé pour fin octobre 2019). Le renvoi immédiat aurait été justifié si, malgré un avertissement, ce type de négligence s’était déjà produit (cf. ATF 130 III 213 cons. 3 = JdT 2004 I 223), ou si ce l’intimé avait agi intentionnellement, en collusion avec le bénéficiaire du paiement – ce qui n’a été ni allégué, ni établi.

2.6.3.                         La troisième imputation n’est pas fondée.

2.6.3.1.    L’examen de la teneur des déclarations faites et explications données par l’intimé lors de l’entretien du 3 juin 2019 en permet pas de retenir le grief tiré de prétendues déclarations inexactes – ou, à tout le moins, des imprécisions éventuelles, dans ces déclarations, doivent être mises sur compte du contexte extrêmement stressant de cet entretien. L’intimé a pris au dépourvu, n’a pu se préparer, ni réunir des documents, ni se faire assister. Il a été réduit à activer ses souvenirs et s’est vu confronté à certaines affirmations du Comité enquêteur qui étaient clairement inexactes.

2.6.3.2.    Ainsi, lui avait-il été affirmé que Q______ n’aurait obtenu de l’intimé la convention de départ de F______ qu’après avoir co-activé le versement litigieux, l’après-midi du lundi 8 avril 2019. Or, il ressort des enquêtes – et des propres déclarations du « RH Manager » - qu’il avait reçu cette convention vers midi le 8 avril 2019.

2.6.3.3.    Lors de cet entretien l’intimé n’a eu de cesse de faire état de sa bonne foi. Il a admis d’éventuelles erreurs – notamment le fait, en versant à F______ une indemnité vacances, d’avoir mal interprété la volonté de H______, administrateur, actionnaire majoritaire, inspirateur du départ (pas tout à fait volontaire du CEO) et co-signataire de sa convention de départ. L’on cherche, en vain, de fausses déclarations de l’intimé, ou encore, de près ou de loin, un comportement déloyal.

2.7.                Selon la doctrine et la jurisprudence, la partie qui veut résilier le contrat avec effet immédiat doit agir sans tarder à compter du moment où elle a connaissance d’un juste motif de licenciement, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir (ATF 138 I 113 cons. 6.3.1. ; TF 4A_206/2019 du 29 août 2019 cons. 4.2.2.).

2.7.1. En principe, un délai de réflexion de deux à trois jours ouvrables est suffisant pour réfléchir et prendre des renseignements juridiques (TF 4A_251/2015 du 6 janvier 2016 cons. 3.2.2 = JAR 2017 p. 93). Dans une personne morale à organe décisionnel polycéphale (« mehrköpfiges Gremium »), la pratique admet un délai de réflexion d’une semaine (Wyler/Heinzer, op. cit. p. 745).

2.7.2. La question, en l’espèce, est donc de savoir à partir de quel moment l’appelante savait – ou était censée savoir – le fait que l’intimé a opéré le versement de l’indemnité vacances indue à F______.

2.7.3. L’appelante fait partir ce délai à partir du moment où l’organe de révision externe a soulevé le point relatif à un versement de Fr. 87'000 non couvert par les termes de la convention de départ de F______ du 3 avril 2019. En procédant à « l’enquête interne » dès ce moment, et ce sans discontinuer, et en accordant à l’intimé de droit d’être « entendu » (= entretien du 3 juin 2019), l’appelante considère que le congé immédiat donné le 6 juin 2019 répond parfaitement au critère de l’immédiateté.

2.7.4. Une personne morale est censée acquérir son savoir à travers le savoir de ses organes (cf. art. 55 CC). Font partie des organes d’une société anonyme, les membres du conseil d’administration ainsi que les membres de la direction. Dans une banque, il suffit qu’un seul membre du conseil ou de la direction ait connaissance du fait incriminé (Allemagne : Bundesgerichtshof [BGH], arrêt du 5 avril 1990 – Aktenzeichen IX ZR 16/89 cons. 1 b = in : Betriebs-Berater [BB] 1990 p. 1222 ; Sparkassendirektor X c/ Sparkasse Y).

2.7.5. Selon la jurisprudence, la personne morale doit également se laisser imputer le savoir d’un collaborateur qualifié (ATF 109 II 338 cons. 2 b – e = JdT 1984 I 301 ; TF 4A_614/2016 du 3 juillet 2017 cons. 6.3.3 ;.), respectivement, le savoir « stocké » sur un support matériel (papier, électronique) facilement consultable (« objektiv abrufbares Wissen ») au sein de l’organisation (TF 4A_104/2018 du 12 juin 2018 cons. 2.1 = SVR 2019 KV 2.11 ; 9C_199/2008 du 19 novembre 2008 = SVR 2009 BVG 12.37). La doctrine partage cette analyse (cf. Watter, « Ueber das Wissen und den Willen einer Bank», in: Festschrift Kleiner, Zurich, 1993, p. 135; Abegglen, Wissenszurechnung bei der juristischen Person und im Konzern, bei Banken und Versicherungen, Berne, 2004, p. 71; Fournier, L’imputation de la connaissance, Zurich, 2021, p. 227).

2.7.6. Le fait pour la personne morale en question de procéder, pour des motifs qui lui sont propres, à une fragmentation interne du savoir, ou se serve de prestataires de service externes (c’est-à-dire d’auxiliaires au sens de l’art. 101 CO), ne saurait lui servir d’excuse (TF 4C.26/2000 du 6 septembre 2000 2c/aa).

2.7.7. En l’espèce, il a été établi que Q______, « RH Manager », et à ce titre, réputé « collaborateur qualifié », avait reçu, des mains de l’intimé, la convention de départ vers midi le 8 avril 2019, et il n’a co-déclenché le versement litigieux qu’après 17h00 le même jour. Il pouvait donc, s’il s’était ému de l’incongruence entre le montant de Fr. 300'000 figurant dans la convention et le montant figurant dans le fichier DTA de l’après-midi, « bloquer » l’exécution du versement litigieux, le signaler à ses supérieurs (autres qu’à l’intimé). Il ne l’a pas fait. Il a co-déclenché le paiement litigieux et puis, il a déposé le justificatif du paiement, i. e. la convention de départ dans le dossier personnel (« Personalakte ») de F______.

2.7.8. Si Q______ n’avait pas, pour instruction, de faire suivre le justificatif de ce versement au Département des finances, dirigé par E______, c’était dû à une fragmentation du savoir, en matière salariale, entre plusieurs services, voulue par l’appelante.

2.7.9. Cela étant, E______, membre de la direction et, de son côté, ainsi que H______, administrateur, recevaient, comme l’a relevé le Tribunal, à la fin de chaque mois, le détail des paiements salariaux et l’identité des bénéficiaires. Si un paiement s’était avéré « extraordinaire » dans son importance, il eût suffi de requérir tous documents justificatifs utiles auprès des services concernés (comptabilité, ressources humaines).

2.7.10.      Par ailleurs, il est tout simplement inconcevable que l’appelante ait pu émettre, et faire parvenir à F______, bénéficiaire des paiements litigieux, fin avril 2019, le décompte de salaire afférent au mois d’avril (cf. pièce 4 déf), sans qu’aucun organe, aucun collaborateur qualifié n’ait eu, au plus tard fin avril 2019, connaissance certaine du versement litigieux du 5 avril 2019. A tout le moins, la convention de départ de F______ était objectivement, et à tout moment, « abrufbar » et ce qui eût permis de déterminer une éventuelle incongruence.

2.7.11.      Il est en outre incompréhensible qu’un établissement bancaire, tenu, ex lege, de de mettre en place un système de contrôle interne efficace (cf. art. 12 al. 4 OLB), doive attendre les questions d’un organe de révision externe, formulées lors d’un contrôle trimestriel, avant de comprendre qu’un montant de Fr. 87'000 a été débité, plusieurs semaines auparavant, prétendument sans cause, de son compte salaire auprès d’un autre établissement.

2.7.12.      En conséquence, la Cour, retiendra, tout comme le Tribunal, que le licenciement immédiat de l’intimé du 6 juin 2019, était tardif. Il est survenu tardivement dans la mesure où, à teneur du courrier motivation y subséquent du 21 juin 2019, il se fonde sur les griefs relatifs au versement litigieux et, fût-il fondé, au calcul inexact du solde des vacances, faits survenus dans la période du 4 au 8 avril 2019, réputés connus de l’appelante depuis fin avril 2019 en tout cas.

2.7.13.      Par ailleurs, ce licenciement immédiat ne repose pas sur un juste motif dans la mesure où il paraît se fonder, par ailleurs, et à teneur dudit courrier motivation du 21 juin 2021, sur le grief tiré d’une « déloyauté » caractérisée par des « déclarations inexactes » données par l’intimée lors de l’entretien du 3 juin 2019.

3.                         Art. 337 c al. 1 CO

3.1.  S’agissant des conséquences financières du licenciement au sens de l’art. 337 c al. 1 CO, le Tribunal a condamné l’appelante au paiement du salaire afférent au solde du préavis non respecté, soit donc pour a période du 6 juin 2019 au 31 octobre 2019. L’appelante, à juste titre, n’a pas contesté ce point.

3.2.       Par contre c’est l’intimé, qui, dans son appel joint, fait état d’une violation de l’art. 337 c al. 1 CO ; il fait grief au Tribunal d’avoir déclaré irrecevable sa conclusion chiffrée en paiement du poste « dommage LPP ». L’appelante a conclu à la confirmation du jugement sur ce point.

3.3.       Selon la jurisprudence et la doctrine qui s’appuient sur l’art. 10 al. 2 let. b LPP, la résiliation immédiate, même injustifiée, du contrat de travail met ipso facto fin au rapport de prévoyance professionnelle obligatoire (et sur-obligatoire) (TF A B 55/99 du 8 novembre 2001 cons. 2 et 3c ; TF 4A_458/2018 du 29 janvier 2020 cons. 6.2.1.; Brechbühl, in : Schneider/Geiser/Gächter (éd), LPP et LFLP, 2e éd., Berne, 2020, N. 19 ad art. 10 LPP ; Rehbinder/Stöckli, op. cit., N. 6 ad art. 337 c CO).

3.3.1.          Il s’ensuit que le travailleur, victime d’un licenciement immédiat injustifié, se voit frustré de l’augmentation de son avoir vieillesse LPP pour le montant des cotisations LPP part patronale, que l’employeur aurait dû verser pour la durée du préavis non respecté. Le travailleur subit donc un dommage qui doit être appréhendé par le biais de l’art. 337 c al. 1 CO.

3.3.2.          Tel est l’avis de la doctrine majoritaire (Rehbinder/Stoeckli, op. cit. N. 6 ad art. 337 c CO ; Streiff/Von Kaenel, Arbeitsvertrag, Zurich, 2012, N. 2 ad art. 337 c CO p. 1149 et N. 8 ad art. 337 c CO p. 1170; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 762 ; Donatiello, in : Commentaire des obligations I, Commentaire romand, 3e éd., Bâle, 2021, N. 10 ad art. 337 c CO ; Etter/Stucky, in Etter/Facincani/Suttter (Hrsg), Arbeitsvertrag, Bern, 2021, N. 17 ad art. 337 c CO ; Moser, Die Zweite Säule und ihre Tragfähigkeit, Bâle, 1992, p. 53 et N. 32; Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, Berne/Lausanne, 2019, N. 2 ad art. 337 c CO ; Schwaibold, in : Honsell (éd), Kurzkommentar OR, Bâle, 2014, N. 5 ad art. 337 c CO ; Gloor, in : Dunand/Mahon (éd), Commentaire du contrat de travail, éd. 2022 (parution en cours), N. 15 ad art. 337 c CO).

3.3.3. Et tel est l’avis de la jurisprudence cantonale (cf. OG ZH, arrêt du 5 décembre 2014 cons. 3 in : JAR 2015 p. 641 ; CAPH GE, arrêt du 22 avril 2020 cons. 3.4.3 (CAPH/83/2020 – ce point n’aura plus été litigieux devant le Tribunal fédéral (cf. TF 4A_255/2020 du 25 août 2020, faits B.b) ; CAPH GE, arrêt du 2 mars 2016, cons. 2.3 (CAPH/46/2016) ; VwG/LU, arrêt du 8 novembre 2006 (V 05 237) in : ZBl. 2007 p. 564).

3.3.4. Il est clair, et le Tribunal fédéral, dans le susdit arrêt 4A_458/2018 du 29 janvier 2020, l’admet explicitement, le travailleur ainsi congédié sans justes motifs subit un dommage (qu’on appellera ici, pour faire court : « dommage LPP »). Il a été dispensé cependant de se prononcer sur l’applicabilité ou non de l’art. 337 c al. 1 CO dans le cas qu’il avait à juger, dès lors que recourant n’avait pas chiffré ce dommage.

3.3.5. En l’espèce, l’intimé a d’emblée pris soin de chiffrer son dommage. Il le chiffre à titre principal, à Fr. 25'904,55 – ce qui englobe, pour la période du 6 juin 2019 au 31 octobre 2019, la totalité des cotisations LPP, à savoir non seulement la part patronale, mais également la part salariée. A juste titre, l’appelante a relevé l’inconsistance de cette prétention : l’intimé ne saurait vouloir réclamer à titre de dommages-intérêts ses propres cotisations LPP. A l’issue des débats, l’intimé, par la plume de son conseil, a concédé ce point et a, à titre subsidiaire, fait valoir un dommage à indemniser limité au total des cotisations LPP part patronale pour la période considérée. Ce total correspond à Fr. 12'952,30 (cf. liasse V p. 5). Ce montant est exact (Fr. 813'242,55 – Fr. 787'338 = Fr. 25'904,55 ; Fr. 25'904,55 : 2 = Fr. 12'952,30).

3.3.6.          L’intimé a conclu à ce que l’appelante fût condamnée à verser ce montant en mains d’D______ LPP Suisse romande, ______[ZH], son « institution de prévoyance actuelle ». Techniquement, il s’agirait d’une assignation (art. 466 ss CO), non pas contractuelle, mais « judiciaire ». Cette idée, qui paraît difficile à réaliser, est à écarter.

3.3.7. S’agissant d’un montant dû à titre de dommages-intérêts au sens de l’art. 337 c al. 1 CO – et non pas d’un rappel de cotisations LPP dues – il convient de condamner l’appelante à verser ce montant de Fr. 12'952.30. Il s’agit d’un montant non soumis au cotisations sociales, et partant, d’un montant net – en mains de l’intimé.

3.3.8. La Cour annulera, en conséquence, le No. 3 du jugement entrepris, et, statuant à nouveau, condamnera l’appelante à payer à l’intimé le montant de Fr. 12'952,30 net à titre de réparation du « dommage LPP ».

4.                         Art. 337 c al. 3 CO

4.1.       Le Tribunal a alloué à l’intimé un montant de Fr. 67'500 net à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié. L’appelante, dans son mémoire-appel, ne s’est pas prononcé pas sur ce point.

4.2.       En revanche, reprenant sa conclusion en première instance, c’est l’intimé qui, évoquant une violation de l’art. 337 c al. 3 CO, réclame en appel l’octroi d’une indemnité correspondant à six salaires mensuels, soit de Fr. 144'000 nets.

4.3.       Ce maximum serait justifié compte tenu de la « faute lourde » commise par l’appelante consistant à confier la tâche de rédiger au Directeur général démissionnaire sa propre convention de départ. Il serait justifié compte tenu aussi des reproches infondés qu’elle lui aurait adressés et du « piège tendu » le 3 juin 2019.

4.4.       L’indemnité prévue à l’art. 337 c a. 3 CO a une double finalité, punitive et réparatrice. Elle s’apparente à une peine conventionnelle et le juge, disposant d’un large pouvoir d’appréciation, doit la fixer en équité, en tenant compte avant tout de la gravité de la faute de l’employeur, mais également de toutes les autres circonstances, notamment de l’atteinte portée à la personnalité du travailleur, de son âge, de sa situation sociale et personnelle, de la durée des rapports de travail, des effets économiques du licenciement et de la manière dont celui-ci a été signifié (ATF 135 III 405 cons. 3.1 ; TF 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 cons. 5.1 ; Donatiello, op. cit. N. 18 ad art. 337 c CO). Le juge peut également tenir compte d’une éventuelle faute concomitante du travailleur (ATF 121 III 64 cons. 3 c ; Rehbinder/Stöckli, op. cit. N. 4 ad art. 337 c CO ; Von Kaenel, Die Entschädigung aus ungerechtfertigter fristloser Entlassung (Art. 337 c Abs. 3 OR), Berne, 1996, p. 104 ss).

4.4.1.          L’indemnité est due, sauf cas exceptionnels, pour tout congé immédiat injustifié (ATF 135 III 405 cons. 3.1). Ne faisant pas partie du salaire déterminant AVS, elle n’est pas assujettie aux cotisations sociales (ATF 123 V 5).

4.5.       L’entretien du 3 juin 2019 était certes judicieux en soi – tout employeur sur le point de licencier un travailleur avec effet immédiat a intérêt, vu l’art. 328 al. 1 CO, d’accorder à ce dernier l’occasion de connaître les griefs et de pouvoir s’expliquer ; la loi n’exige cependant pas un entretien préalable au licenciement immédiat.

4.5.1. Ceci dit, le prétexte dont a usé l’appelante pour faire venir l’intimé à cet entretien, et notamment, l’absence de tout indication du motif réel de cette convocation, ont fait que ce dernier a été pris de court. Il n’a pu se préparer, rassembler ses idées, et, cas échéant, des documents pour s’expliquer face à des imputations auxquelles il ne s’attendait absolument pas. Enfin, il n’a pu se faire assister – ce que la doctrine tend à exiger dans un tel cadre (cf. Raedler, Les enquêtes internes dans un contexte suisse et américain, Lausanne, 2018, p. 167 ss.).

4.5.2. Qui plus est, l’interrogatoire, enregistré et conduit, sur un ton accusateur, par une délégation « enquêtrice » de trois membres du conseil, dont deux étaient « co-signataires » de la convention de départ de F______ et partant, d’une objectivité sujette à caution ; l’entretien, en outre, se voulait déstabilisant, de nature à obtenir du mis en cause des aveux ou un self-indictment. L’intimé a été acculé à admettre avoir commis des erreurs – voire d’admettre des erreurs dont il n’avait pas à répondre. Comme l’a relevé, à juste titre, ces manières de procéder s’avèrent inadmissibles.

4.5.3.          Il s’y ajoute le fait que l’intimé, père de famille, et au faîte de sa carrière, a perdu son emploi, a dû s’inscrire au chômage, et, n’a plus retrouvé d’emploi dans le secteur bancaire. Sa carrière de banquier est brisée. Le renvoi immédiat l’a, à l’évidence, gravement atteint dans sa personnalité sociale et économique. Enfin, dès lors que l’appelante l’avait déjà libéré de sa place de travail le 3 mai 2019 – suite à sa démission du 3 avril 2019 – et qu’il était dispensé d’effectuer son préavis – qui normalement eût dû courir jusqu’au 31 octobre 2019, elle n’avait plus d’intérêt déterminant pour un licenciement immédiat – l’intéressé ne présentait plus aucun risque pour la banque.

4.5.4. Enfin, et comme l’a relevé le Tribunal, l’on ne peut se défaire de l’impression que l’appelante s’est servie de l’intimé comme « bouc émissaire ». Il était censé répondre de carences organisationnelles dont elle-même était à l’origine.

4.5.5. Ce nonobstant, et contrairement à ce qui est demandé dans l’appel joint, il n’y a pas lieu d’augmenter l’indemnité allouée par le Tribunal. En effet, l’intimé doit se laisser imputer comme faute concomitante la négligence commise dans la détermination du nombre de jours de vacances non encore pris par F______ dans la période du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2018. Cette faute incompréhensible a été co-causale dans son licenciement.

5.                         Tort moral (art. 49 CO)

5.1.       Le Tribunal a alloué au demandeur (et ci-devant intimé) un montant de Fr. 20'000 net à titre d’indemnité pour tort moral. L’appelante conteste le bien-fondé de cette allocation.

5.2.       Aux termes de l’art. 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. La violation de cette disposition peut, dans certains cas précis, constituer simultanément une atteinte illicite à la personnalité du travailleur, appelant une réparation au titre de l’art. 49 CO (tort moral).

5.2.1.          En principe, l’indemnité prévue à l’art. 337 c al. 3 CO tend à réparer de manière exhaustive le préjudice moral résultant d’un licenciement immédiat injustifié (ATF 135 III 405 cons. 3.1 et 3.2). Toutefois et exceptionnellement, l’application cumulative de l’art. 49 CO reste possible lorsque l’atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur est grave au point que l’indemnité maximale selon l’art. 337 c al. 3 CO ne suffit pas à la réparer (ATF 135 III 405 cons. 3.1. ; TF 4A_372/2016 du 2 février 2017 cons. 5.1.2. in fine =JAR 2018 p. 161); l’octroi cumulatif est également possible lorsque l’atteinte à la personnalité infligée au travailleur ne relève pas directement du licenciement immédiat injustifié, mais d’une autre circonstance (TF 4C.344/1999 du 22 juin 2000 cons. 1 a ; Brehm, Berner Kommentar, 2021, N. 76a ad art. 49 CO; Von Kaenel, op. cit. p. 138).

5.2.2.          L’allocation d’une indemnité pour un tort moral au sens de l’art. 49 CO suppose que l’atteinte ait eu une certaine gravité objective et qu’elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu’il apparaisse légitime qu’une personne dans ces circonstances s’adresse au juge pour l’obtenir (ATF 130 III 699 cons. 5.1. ; 102 II 211 cons. 9).

5.2.3.          La détermination de la somme allouée à titre de réparation du tort moral relève du pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC). Il tient compte de l’importance des souffrances subies par la victime. Bien que la faute de l’auteur de l’atteinte ne soit plus une condition du tort moral, la gravité particulière de celle-ci peut jouer un rôle dans l’évaluation (Werro/ Perritaz, in : Thévénoz/Werro (éd), Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd, Bâle, 2021, N. 13 ad art. 49 CO).

5.3.                En l’espèce, la Cour prend en considération l’interdiction faite à l’intimée, le 21 juin 2019, d’utiliser le certificat de travail intermédiaire qui lui avait été délivré le 27 mars 2019, au motif qu’il ne reflétait pas la réalité, vu les « lacunes » dont « il a fait montre dans l’exercice de ses fonctions ».

5.3.1.          L’appelante a mis l’intimé, en outrepassant l’admissible, sous pression en lui signifiant que s’il venait à faire usage du certificat de travail intermédiaire, elle pourrait prendre des mesures judiciaires. Elle n’a cependant pas jugé nécessaire de lui en délivrer un autre.

5.3.2.          A supposer que le griefs articulés lors de l’entretien du 3 juin 2019 et actés dans la lettre du 21 juin 2019 eussent été fondés, il n’en demeurait pas moins que, même, dans cette hypothèse-là, l’intéressé n’avait pas commis une infraction pénale, et, le certificat du 27 mars 2019, se fût-il avéré « trop favorable » à ce dernier, il n’aurait pas présenté un danger pour autre employeur, de nature à engager la responsabilité civile (art. 41 CO) de l’appelante vis-à-vis de tiers (cf. Streiff/Von Kaenel, op. cit, N. 3 ad art. 330 a CO p. 717 « Rückforderung eines Zeugnisses » ; ArG ZH JAR 2008 p. 537).

5.3.3.          En résumé, l’appelante a entravé l’intimé de manière inadmissible dans ses recherches d’emploi, et porté gravement atteinte à sa personnalité sociale et économique.

5.3.4.          La Cour, par substitution de motifs, confirmera donc tant le principe et que le montant alloué par le Tribunal au titre d’indemnité pour tort moral.

6.                         Certificat de travail final

6.1.                L’appelante conteste encore, dans son mémoire-appel, et en quatre petits paragraphes, sa condamnation à la délivrance, à l’intimé, d’un certificat de travail final, ainsi que, s’agissant de sa formulation, la mention précisant que ce dernier aurait agi « en tout temps à notre entière satisfaction ».

6.2.                A teneur de l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel doit être motivé, et cette exigence concerne chaque point de fait ou de droit du jugement qui fait l’objet d’un grief et que le juge d’appel est censé d’examiner. Une contestation globale ne suffit pas (cf. Seiler, Die Berufung, Zurich, 2013, p. 385 ss).

6.3.                En l’espèce, le grief relatif au certificat de travail est, à l’évidence, insuffisamment motivé et partant, irrecevable. Il ne suffit pas d’alléguer simplement que la teneur du certificat figurant au considérant 11 du jugement contreviendrait au « principe de la véracité ». L’appelant doit, dans un tel cas de figure, indiquer en quoi le texte figurant dans le jugement contrevient aux faits et, cas échéant, au droit – et de proposer une formulation alternative du certificat, censée, elle, correspondre aux faits. C’est seulement dans ce cas qu’il puisse y avoir un débat judiciaire.

6.4.                La Cour confirmera donc, sur ce point également, le jugement entrepris.

7.                         Subrogation de la Caisse de chômage.

7.1.                L’appelante n’a contesté, en appel, ni le principe, ni le montant de la subrogation opérée par l’intervenante. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

8.                         Frais judiciaires

8.1.                Première instance

8.1.1.          S’agissant des frais judiciaires de première instance, il convient, vu l’issue du litige qui ne modifie que marginalement le jugement entrepris, de confirmer le montant de Fr. 3'430.—fixé par le Tribunal et la répartition des frais qu’il a opérée (art. 318 al. 3 CPC a contrario, art. 69 RTFMC).

8.2.                Deuxième instance

8.2.1.          En appel, les règles régissant la fixation des frais judiciaires et leur répartition sont identiques à celles de première instance. La Cour renvoie, à cet égard, aux considérants du jugement entrepris.

8.2.2.          Toutefois, en appel, l’émolument forfaitaire de décision est fixé pour une valeur litigieuse de Fr. 300'001 à Fr. 1'000'000 de Fr. 2'000 à Fr. 8'000 (cf. art. 71 RTFMC).

8.2.3.          En l’espèce, la valeur des conclusions encore litigieuses en appel s’élève à Fr. 327'154,55. Vu ce qui précède, et compte tenu de la complexité du dossier, l’émolument de décision d’appel sera fixé à Fr. 3'200. I sera compensé avec les avances de frais versées par l’appelante et l’intimé (qua appelant incident), qui restent acquises à l’Etat.

8.2.4.          Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe ou sont partagés proportionnellement si aucune partie n’obtient entièrement gain de cause (art. 106 CPC).

8.2.5.          En l’espèce, l’appelant a succombé sur toutes les conclusions qu’elle a prises en appel. L’intimée, sur appel incident, a obtenu gain de cause sur un point marginal (« dommage LPP »), mais il n’a pas réussi à obtenir l’augmentation demandée des montants alloués par le Tribunal à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié (art. 337 c al. 3 CO).

8.2.6.          Au vu du résultat de la procédure d’appel dès lors, la Cour le répartit comme suit : l’appelant en assume les 4/5 de Fr. 3'200, soit Fr. 2'560, l’intimé le 1/5, soit Fr. 640.

8.2.7.          L’intimé, qua sa qualité d’appelant incident, a dû avancer à titre d’avance sur frais judiciaire le montant de Fr. 1'200. L’appelante sera donc condamnée à lui rembourser le montant de Fr. 560 (Fr. 1'200 - Fr. 640).

8.2.8.          Dans le canton de Genève, et en matière prud’homale, il n’est pas alloué de dépens (cf. art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé le 26 novembre 2021 par BANQUE A______ SA contre le jugement JTPH/413/2021 rendu le 26 octobre 2021 par le Tribunal des prud’hommes, dans la cause C/15339/2019 – 4.

Déclare recevable l’appel joint du 28 janvier 2022 par B______ contre le jugement JTPH/413/2021 rendu le 26 octobre 2021 par le Tribunal des prud’hommes, dans la cause C/15339/2019 – 4.

Au fond :

Annule le ch. 3 du jugement attaqué.

Cela fait et statuant à nouveau :

Condamne BANQUE A______ SA à verser à B______ le montant de Fr. 12'952,30 net, avec intérêts à 5% l’an dès le 1er novembre 2019 ;

Confirme ledit jugement pour le surplus.

Sur les frais:

Arrête les frais d’appel à Fr. 3'200 et les compense à due concurrence avec les avances de frais versées par les parties, qui restent acquises à l’Etat.

Les met à la charge des parties, et ce à raison de Fr. 2'560 (4/5ème de Fr. 3'200) pour BANQUE A______ SA, et de Fr. 640 (1/5ème de Fr. 3'200) pour B______.

Condamne BANQUE A______ SA à verser à B______ le montant de Fr. 560 net en remboursement partiel de son avance de frais.

Siégeant :

Monsieur Werner GLOOR, président; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Monsieur Thierry ZEHNDER, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.