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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/29565/2019

CAPH/49/2022 du 04.04.2022 sur JTPH/374/2021 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29565/2019-1 CAPH/49/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 4 AVRIL 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 6 octobre 2021 et intimé sur appel joint, comparant par Me E______, avocat, ______, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

1) Madame C______, domiciliée ______, intimée et appelante jointe, comparant par Me Marilyn NAHMANI, avocate, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809,
1211 Genève 3, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile, et

2) CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue
de Montbrillant 40, Case postale 2293, 1211 Genève 2, intimée, comparant en personne.

 

 

 

 

 

 

EN FAIT

A. Par jugement JPTH/374/2021 du 6 octobre 2021, reçu par les parties le 7 octobre 2020, le Tribunal des prud'hommes a notamment déclaré irrecevables les conclusions formées par A______ en production par C______ de l’intégralité des déclarations et cotisations AVS et LPP, d’un certificat de l’institution supplétive LPP ou de toute autre institution attestant du paiement intégral des cotisations LPP de 2014 à 2020, d’un certificat de [la caisse de compensation] D______ ou de toute autre institution attestant du paiement intégral des cotisations AVS de 2014 à 2020 (ch. 2 du dispositif), déclaré recevable la demande d’intervention principale formée le 10 juin 2020 par la Caisse cantonale genevoise de chômage (ch. 4), condamné C______ à verser à A______ la somme brute de 10’000 fr., sous déduction de la somme nette de 2'312 fr 45 due à la Caisse cantonale genevoise de chômage, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er janvier 2020 (ch. 5), invité la partie en ayant la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 6), condamné C______ à verser à la Caisse cantonale genevoise de chômage 2'312 fr. 45, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 6 février 2020 (ch. 7), dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).

B. a. Le 8 novembre 2021, A______ a formé appel de ce jugement, concluant préalablement à ce que la Cour ordonne à C______ de produire son dossier personnel au sens de l'art. 8 LPD, notamment l'intégralité des déclarations et cotisations AVS et LPP, ordonne à l'institution supplétive LPP ou à toute autre institution pertinente la production d'un certificat attestant du paiement des cotisations LPP relatives à son salaire entre 2014 et 2020 et à la Caisse [de compensation] D______ ou à toute autre institution pertinente la production d'un certificat attestant du paiement des cotisations AVS afférentes à son salaire entre 2014 et 2020.

Principalement, il a conclu à ce que la Cour annule les chiffres 2, 5 et 9 du dispositif du jugement querellé, condamne C______ à lui verser 20'000 fr., sous déductions des charges légales et conventionnelles et 30'000 fr., ces deux sommes portant intérêt à 5% dès le 2 novembre 2019, ainsi que 10'346 fr. 40 avec suite de frais et dépens.

b. Le 15 décembre 2021, C______ a conclu au rejet de l'appel et a formé un appel joint, concluant à ce que la Cour annule les chiffres 5 à 7 du jugement querellé, dise que les salaire de novembre 2019 à février 2020 réclamés par sa partie adverse ne sont pas dus, qu'elle ne doit pas les sommes de 5'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2019, de 5'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2020, de 5'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2020 et de 5'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2020, dise que la poursuite n° 1______ n'ira pas sa voie, la déclare nulle et communique la décision à l'Office des poursuites de Genève.

c. La Caisse cantonale de chômage a indiqué qu'elle s'en rapportait à justice. Dans l'hypothèse où A______ obtenait gain de cause pour le paiement de son salaire de février 2020, elle faisait valoir sa subrogation pour les indemnités versées en 2'903 fr. 25.

d. Les parties ont été informées le 24 février 2022 de ce que la cause était gardée à juger, A______ n'ayant pas fait usage de son droit de répondre à l'appel joint.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. C______ exploite en raison individuelle une entreprise dont le but est la fabrication et la vente de vêtements haute couture.

b. Elle a engagé A______ en qualité de couturier par contrat de travail signé au mois de juillet 2014.

Dès le 1er juin 2018, A______ est devenu « Premier couturier », et son salaire a été porté à 5'000 fr.

c. Par lettre du 27 septembre 2019, adressée au nom de "A______", C______ a résilié les rapports de travail avec effet au 30 novembre 2019, au motif de la cessation de toute activité de l'atelier et de la résiliation du bail fin 2019, vu la situation financière.

Par une deuxième lettre du 9 octobre 2019 adressée au nom de "A______", C______ a licencié ce dernier avec effet au 31 décembre 2019. Y figuraient les mêmes motifs que ceux mentionnés dans la lettre du 27 septembre 2019. Elle indiquait que l'activité de l'employé se poursuivrait jusqu'au 30 novembre 2019.

Il n'est pas contesté que ce deuxième envoi est intervenu à la demande de A______, qui avait fait savoir à C______ que son nom n'était pas correctement indiqué sur la lettre du 27 septembre 2019.

d. Le 31 octobre 2019, la mère de C______ a fait savoir par SMS à A______ qu'elle espérait qu'il allait finir ce qu'il avait accepté de faire, conformément à son accord avec son employeuse.

Peu après, elle lui a indiqué, toujours par SMS, qu'elle espérait qu'il allait reconsidérer sa décision et qu'il serait là pour finir le travail prévu. A______ a répondu qu'il ne pouvait pas travailler car il était malade.

La date à laquelle ce dernier échange de SMS a eu lieu ne ressort pas de la pièce produite. A______ allègue que les messages ont été envoyés le 1er novembre 2019, ce que C______ conteste.

e. Le 1er novembre 2019, A______ et C______ ont eu un échange WhatsApp dans les termes suivants :

- Employeur : "Why you cannot work ?"

- Employé : "I cannot work"

- Employeur : "Why ? Medical note ?"

- Employé : "No need"

- Employeur : "I want to know why you cannot work ? Why you disappear ?"

- Employé : "I will not work anymore"

f. Toujours le 1er novembre 2019, A______ s'est rendu chez son employeuse, à la demande de celle-ci, pour lui remettre les clés.

C______ allègue qu'à cette occasion A______, qui n'avait pas du tout l'air malade, lui a dit qu'il ne voulait plus travailler pour elle. A______ le conteste.

g. A teneur de divers certificats médicaux, dont le premier daté du 4 novembre 2019, A______ a été en incapacité de travail du 1er novembre 2019 au 31 décembre 2019.

h. Il a indiqué devant le Tribunal que, par la suite, il avait bloqué tout appel provenant de C______ entre novembre et décembre 2019 car il était stressé et il pensait qu'elle lui ferait du mal en le harcelant par téléphone et en lui mettant beaucoup de pression pour qu'elle revienne travailler.

i. Par courrier du 5 novembre 2019, C______ a reproché à A______ d'avoir abandonné son poste à compter du 1er novembre 2019, abandon qui entraînait la fin des rapports de travail dès cette date, conformément à l'art. 337d CO. Au vu des messages WhatsApp échangés entre les parties, qui étaient sans équivoque, le certificat médical produit a posteriori était sans pertinence.

j. Par SMS du 9 décembre 2019, A______ a indiqué à C______ qu'il était venu au magasin et qu'il voulait savoir si elle allait lui verser son salaire. Il n'est pas contesté qu'il n'y avait personne au magasin ce jour-là.

C______ lui a répondu de se référer à sa lettre du 5 novembre 2019.

k. Par courrier du 13 janvier 2019, A______ a contesté avoir abandonné son poste, compte tenu de son incapacité de travail du 1er novembre au 31 décembre 2019.

l. Le 16 janvier 2020, C______ lui a confirmé qu'elle considérait qu'il avait abandonné son emploi et refusé de venir travailler en restituant les clés du magasin.

m. Le 29 janvier 2020, A______ a répondu qu'il contestait avoir abandonné son poste. La restitution des clés s'était faite à la demande de C______ qui en avait besoin. Il avait toujours eu la volonté d'offrir ses services après sa période de maladie, offre qu'il maintenait jusqu'à la fin de son délai de congé.

Il a indiqué lors de son audition par le Tribunal qu'en écrivant "I will not work any more" le 1er novembre 2019, il voulait dire qu'il ne voulait pas travailler ce jour-là, mais que cela ne signifiait pas qu'il avait renoncé à offrir ses services à son employeuse.

n. Par requête déposée en conciliation le 21 décembre 2019 et introduite en temps utile devant le Tribunal des prud'hommes, A______ a assigné C______ en paiement.

Il a conclu en dernier lieu, à titre principal, à ce que le Tribunal condamne cette dernière à lui verser 20'000 fr. brut, à titre de salaire pour la période du 1er novembre 2019 au 28 février 2020, avec intérêts moratoires à 5 % l’an dès le 2 novembre 2019, 30'000 fr. net, à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié au sens de l’article 337c al. 1 CO, correspondant à 6 mois de salaire, en raison du fait qu’il était âgé de 57 ans, qu'il ne parlait pas français et qu’il n’avait pas retrouvé d’emploi par la suite, avec intérêts moratoires à 5 % l’an dès le 2 novembre 2019 et 10'346 fr. 40, à titre d’honoraires d’avocat.

Il a en outre pris les mêmes conclusions préalables que celles figurant dans son appel.

o. Par intervention principale du 10 juin 2020, la Caisse cantonale genevoise de chômage a formé des conclusions subrogatoires en paiement par C______ de 5'661 fr. 65, à titre de remboursement des indemnités versées pour les mois de novembre 2019 et janvier 2020 à A______, avec intérêts moratoires à 5 % dès le 6 février 2020.

p. A______ a fait notifier à C______, le 6 août 2020, un commandement de payer les sommes de 20'000 fr. au titre de salaires de novembre 2019 à février 2020, 10'855 fr. au titre de cotisations AVS de 2017 à 2019 et 26'861 fr. 80 au titre de cotisations LPP de 2014 à 2019, intérêts en sus. C______ n'a pas formé opposition à ce commandement de payer.

Elle a introduit une procédure en annulation de cette poursuite par devant le Tribunal de première instance. La suspension provisoire de la poursuite a été ordonnée par ledit Tribunal, d'entente entre les parties. Lors de l'audience du 3 novembre 2021 du Tribunal, A______ a indiqué qu'il ne réclamait plus les créances relatives aux cotisations AVS et LPP.

q. C______ a conclu à ce que le Tribunal déboute sa partie adverse de l’entier de ses conclusions, dise que les salaires de novembre 2019 à février 2020 n’étaient pas dus, que la poursuite, n° 1______, n’irait pas sa voie et déboute la Caisse de chômage de l’entier de ses conclusions.

r. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 28 juin 2021 lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel, formé en temps utile et selon les formes légales dans une cause avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).

Il en va de même de l'appel joint (art. 313 al. 1 CPC).

A______ sera désigné ci-après comme appelant et C______ comme intimée.

1.2 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu’aux conditions suivantes: a. ils sont invoqués ou produits sans retard; b. ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise. La demande ne peut être modifiée que si: a. les conditions fixées à l’art. 227, al. 1, sont remplies; b. la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (al. 2).

La pièce nouvelle produite par l'intimée, à savoir le procès-verbal de l'audience du Tribunal de première instance du 3 novembre 2021 est recevable car elle respecte les conditions posées par l'art. 317 al. 1 CPC.

1.3 La Caisse de chômage a formé des conclusions nouvelles en appel faisant valoir sa subrogation pour les indemnités versées pour février 2020 en 2'903 fr. 25. Elle n'explique cependant pas pour quel motif elle n'avait pas pu faire valoir ces conclusions devant le Tribunal et n'allègue pas qu'elles seraient fondées sur des faits nouveaux. Ces conclusions sont dès lors irrecevables, conformément à l'art. 317 CPC.

2.             Le Tribunal a considéré que l'appelant n'avait pas abandonné son poste, car il était en incapacité de travail pour cause de maladie jusqu'au 31 décembre 2019. Il n'y avait pas lieu de douter de la réalité des certificats médicaux fournis. La résiliation avec effet immédiat signifiée par l'intimée n'était dès lors pas valable. La résiliation ordinaire du contrat était par contre valable. Le délai de congé de deux mois avait été suspendu pour cause de maladie, de sorte que le contrat de travail avait pris fin le 28 février 2020. L'appelant n'avait cependant pas offert ses services à l'intimée avant le 29 janvier 2020. Cette omission n'était pas justifiée par le fait que le conseil de l'intimée lui avait dit de ne pas prendre contact avec elle. L'appelant avait ainsi abandonné son poste dès le 1er janvier 2020 ce qui libérait l'intimée du paiement du salaire dès cette date. Aucune indemnité pour licenciement immédiat injustifié n'était due, en raison de l'abandon de poste. La Caisse cantonale genevoise était subrogée dans les droits de l'appelant à hauteur de 2'312 fr. 45, soit le montant des indemnités qu'elle lui avait versées pour novembre 2019.

L'appelant fait valoir que, puisque l'intimée a résilié avec effet immédiat de manière injustifiée son contrat de travail, il n'était plus tenu de lui offrir ses services. En tout état de cause, le courrier du 5 novembre 2019 confirmait la libération de l'obligation de servir. La demande de remise des clés, la confirmation par SMS du 9 décembre 2019 du courrier du 5 novembre 2019, la rupture du lien de confiance évoquée par l'intimée, la fermeture du commerce de décembre 2019 à mars 2020 en raison du Covid, le non-versement des salaires, la réception par l'intimée de la requête en conciliation du 21 décembre 2019 et son absence à l'audience du 3 mars 2020 confirmaient également que l'appelant n'était pas tenu d'offrir ses services. L'intimée ne l'avait pas non plus interpellé sur ce point. Il avait dès lors droit à son salaire jusqu'au 28 février 2020. Son licenciement avec effet immédiat injustifié justifiait de plus l'allocation d'une indemnité correspondant à six mois de salaire.

L'intimée soutient quant à elle dans son appel joint que la volonté de l'appelant d'abandonner son emploi résulte de l'échange WhatsApp intervenu entre les parties, du fait qu'il a restitué les clés de l'atelier le 1er novembre 2019 et de l'échange de messages entre l'appelant et la mère de l'intimée, de sorte que le contrat a pris fin en application de l'art. 337d CO. Elle n'avait pas licencié l'appelant avec effet immédiat, mais avait procédé par la voie ordinaire avec respect du préavis de congé. L'offre de services de l'appelant intervenue à la fin du mois de janvier 2020 était tardive.

2.1.1 Selon l'art. 337 CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Constituent notamment de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).  

A teneur de l'art. 337d al. 1 CO, lorsque le travailleur n’entre pas en service ou abandonne son emploi abruptement sans justes motifs, l’employeur a droit à une indemnité égale au quart du salaire mensuel; il a en outre droit à la réparation du dommage supplémentaire.

Il y a abandon d'emploi lorsque le travailleur quitte son poste abruptement sans justes motifs. Cela présuppose un refus conscient, intentionnel et définitif du travailleur de poursuivre l'exécution du travail confié. Lorsque l'abandon d'emploi ne résulte pas d'une déclaration expresse du salarié, il faut examiner s'il découle du comportement adopté par celui-ci, c'est-à-dire d'actes concluants. Dans cette hypothèse, il faut examiner si, compte tenu de toutes les circonstances, l'employeur pouvait, objectivement et de bonne foi, comprendre que le travailleur entendait quitter son emploi. Il faut qu'il apparaisse clairement que la décision du travailleur est définitive; si l'employeur peut raisonnablement avoir un doute sur cette intention définitive, il doit adresser au travailleur une mise en demeure de reprendre le travail avant, cas échéant, de pouvoir considérer que l'employé a abandonné son emploi. En particulier, lorsque l'employeur a des doutes au sujet de la capacité de travail de son employé, il doit préalablement l'inviter à reprendre son emploi, à produire un certificat médical ou à justifier son absence avant d'admettre qu'il y a abandon d'emploi (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 770).

2.1.2 Selon l'art. 324 al. 1 CO, si l’employeur empêche par sa faute l’exécution du travail ou se trouve en demeure de l’accepter pour d’autres motifs, il reste tenu de payer le salaire sans que le travailleur doive encore fournir son travail.

Cette disposition implique que le travailleur ait correctement offert sa prestation. Exceptionnellement, par analogie avec l'art. 108 CO, une offre de service n'est pas nécessaire lorsqu'il apparaît d'emblée qu'elle serait vaine, parce que l'employeur n'accepterait de toute manière pas les services du collaborateur. Tel est en particulier le cas quand l'employeur a clairement refusé par anticipation les services du travailleur ou l'a libéré de son obligation de travailler jusqu'à l'échéance des rapports de travail. Dans cette dernière hypothèse, il convient cependant de réserver le cas dans lequel l'échéance est reportée en raison de la survenance d'une période de protection prolongée; à la fin de la période d'incapacité, il appartiendra alors au travailleur d'offrir à nouveau ses services pour la période courant jusqu'à l'échéance différée du contrat (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 261 et 262).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'intimée, le contrat de travail de l'appelant n'a pas pris fin le 1er novembre 2019 en raison d'un abandon de son emploi par l'appelant au sens de l'art. 337d al. 1 CO.

En effet, l'appelant n'a pas abandonné son emploi sans juste motif puisqu'il était en incapacité de travail pour cause de maladie dès le 1er novembre 2019, de sorte qu'il ne pouvait pas venir travailler, ce qu'il a fait savoir à l'intimée.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que les certificats médicaux qu'il a produits ne seraient pas valables.

L'on ne peut par ailleurs pas déduire de l'échange de messages WhatsApp intervenu entre les parties le 1er novembre 2019 que l'appelant n'entendait pas reprendre le travail à l'issue de son congé maladie. S'il est vrai de la formule "I will not work anymore" est ambiguë, elle ne permettait pas à l'intimée de retenir sans autre que l'appelant entendait définitivement renoncer à reprendre le travail. L'intimée aurait dû l'interpeller sur ce point pour connaître quelles étaient ses intentions à l'issue de son congé maladie, ce qu'elle a omis de faire.

La restitution des clés de l'atelier le 1er novembre 2019 par l'appelant ne confirme pas qu'il entendait renoncer à son emploi, puisqu'il n'est pas contesté qu'elle est intervenue à la demande de l'intimée, qui avait besoin des clés.

Aucune volonté claire de l'appelant de ne pas réintégrer son travail à la fin de sa maladie ne peut non plus être déduite de l'échange de SMS intervenu entre celui-ci et la mère de l'intimée.

Le fait que l'appelant a bloqué les appels de l'intimée pendant les mois de novembre et décembre 2019, alors qu'il était en arrêt maladie, n'est pas déterminant puisque l'intimée pouvait le contacter par écrit.

La position adoptée par l'intimée dès le 5 novembre 2019, et qu'elle a maintenu par la suite, selon laquelle les rapports de travail avaient pris fin avec effet immédiat dès le 1er novembre 2019, était ainsi erronée.

Les rapports de travail se sont au contraire poursuivis jusqu'à la fin du délai de congé, laquelle est intervenue le 28 février 2020 selon les constatations du Tribunal, non contestées en appel.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'on ne saurait considérer que l'appelant a abandonné son poste dès janvier 2020.

En effet, compte tenu du fait que l'intimée lui avait fait savoir - à tort - en novembre 2019 qu'elle n'entendait plus accepter ses services, il est compréhensible que l'appelant ne se soit pas présenté à son travail dès la fin de son arrêt maladie, à savoir le premier janvier 2020.

Cela est d'autant plus vrai que les lettres de congé de l'intimée indiquent que l'activité de l'appelant devait se poursuivre jusqu'au 30 novembre 2019 et que l'atelier allait cesser son activité fin 2019.

Le 13 janvier 2020, il a écrit à son employeuse pour lui faire savoir qu'il n'avait pas abandonné son emploi, suite à quoi celle-ci lui a confirmé sa volonté de refuser sa prestation de travail.

L'absence de réaction de l'intimée à l'offre expresse de services formulée par l'appelant le 29 janvier 2020 confirme d'ailleurs que celle-ci n'entendait pas accepter les services offerts et que, quelque que soit le moment de sa formulation, une offre de services émanant de l'appelant aurait été refusée.

L'intimée était donc en demeure d'accepter la prestation de l'appelant, dès janvier 2020, de sorte qu'elle reste tenue de lui verser son salaire.

L'appelant a dès lors droit à la rémunération convenue jusqu'à la fin du délai de congé, soit le 28 février 2020.

Le jugement querellé sera par conséquent modifié en ce sens que l'intimée sera condamnée à verser 10'000 fr. supplémentaires à l'appelant au titre de salaire pour les mois de janvier et février 2020. La date moyenne du 1er janvier 2020 fixée par le Tribunal comme point de départ de intérêts moratoires, qui n'est pas critiquée de manière motivée en appel, sera retenue.

L'appelant n'a par contre pas droit à une indemnité pour résiliation sans justes motifs au sens de l'art. 337c CO. En effet, l'intimée n'a pas résilié le contrat avec effet immédiat pour justes motifs au sens de cette disposition. Elle a au contraire précisé dans sa lettre du 5 novembre 2019 qu'elle considérait que la résiliation émanait de l'appelant, conformément à l'art. 337d CO.

En l'absence de résiliation avec effet immédiat sans juste motif signifiée par l'intimée, l'appelant ne peut prétendre à aucune indemnité fondée sur l'art. 337c al. 3 CO.

L'appel sera ainsi partiellement admis et l'appel joint rejeté.

3. Il n'est pas contesté que la Caisse cantonale de chômage a versé 3'349 fr. 20 de salaire à l'appelant pour janvier. En application des articles 29 al. 2 et 54 al. 1 LACI elle est subrogée dans les droits de l'appelant à hauteur du montant précité.

Le jugement querellé sera dès lors modifié en ce sens que l'intimée devra verser 5'661 fr. 65 (2'312 fr. 45 et 3'349 fr. 20) en mains de la Caisse cantonale de chômage, avec intérêts à 5% l'an dès le 6 février 2020, conformément aux conclusions prises par la Caisse devant le Tribunal.

4. Le Tribunal a considéré que l'appelant n'avait pas droit à une indemnité de 10'346 fr. 40 au titre d'honoraires d'avocat puisque l'art. 22 al. 2 LaCC ne prévoit pas l'allocation de dépens pour les causes soumises à la juridiction des prud'hommes.

Au fil d'une argumentation peu claire, l'appelant fait valoir que "le Tribunal a omis d'examiner la question du paiement d'un dommage en présence d'un comportement contradictoire, téméraire illicite et abusif", dommage qu'il chiffre à 10'346 fr. 40. Il se plaint que l'intimée n'a pas payé toutes les cotisations sociales dues sur son salaire et qu'elle ne lui a pas fourni une copie de son dossier personnel au sens de l'art. 8 LPD. Il ajoute que "les services d'un avocat ont été nécessaires pour solliciter le paiement des salaires, cotisation LPP et AVS et la transmission du dossier personnel de l'intimée. Les honoraires ont, par ailleurs subi une augmentation indue en raison de la restitution de délai injustifiée découlant du comportement abusif et illicite de l'intimée".

4.1.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves lorsqu'elle l'estime opportun.

Cette disposition permet à l'instance d'appel d'ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, de faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore de décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas au recourant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire de l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue en première instanceou si, par une appréciation anticipée des preuves, elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquisou encore, en vertu du principe de la bonne foi ( CPC), si la partie a renoncé à l’administration d’un moyen de preuve régulièrement offert en première instance, notamment en ne s'opposant pas à la clôture de la procédure probatoire (ATF 138 III 374 consid. 4.3, PRA 2013, 4). 

4.1.2 L'art 59 CPC prévoit que l'existence d'un intérêt digne de protection est nécessaire pour qu'une requête soit recevable.

4.1.3 Selon l'art. 115 CPC, les frais judiciaires peuvent, même dans les procédures gratuites, être mis à la charge de la partie qui a procédé de façon téméraire ou de mauvaise foi.

4.2 En l'espèce, l'appelant ne fournit aucune motivation à l'appui de ses demandes de productions de pièces. Il n'indique pas en quoi celles-ci seraient nécessaires pour la solution du litige ni n'explique quel intérêt il a à les obtenir. A cela s'ajoute qu'il a indiqué lors de l'audience du Tribunal de première instance du 3 novembre 2020 que les montants réclamés au titre de cotisation AVS ou LPP avaient été payés.

Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à sa requête de production de pièces.

Il n'est pas non plus établi que l'intimée lui aurait causé un dommage d'un montant de 10'346 fr. 40 en adoptant un comportement contradictoire, téméraire, illicite et abusif. L'existence d'un tel dommage n'est pas établie, pas plus que le fait qu'il serait imputable à l'intimée.

Dans le cadre de la présente procédure, au terme de laquelle l'appelant n'obtient pas entièrement gain de cause, l'intimée n'a pas procédé de façon téméraire ni de mauvaise foi, de sorte que l'art. 115 CPC ne trouve pas application. En tout état de cause, cette disposition ne vise que les frais judiciaires et non les dépens de sorte qu'aucun montant ne peut être réclamé sur cette base au titre d'honoraires d'avocat.

L'intimée ne sera par conséquent pas condamnée à payer à l'appelant un montant supplémentaire de 10'346 fr. 40.

5. Dans la mesure où l'appelant a partiellement gain de cause dans le cadre de son appel, il se justifie de mettre les frais d'appel, arrêtés à 250 fr. et compensés avec l'avance fournie, à charge des parties à raison d'une moitié chacune (art. 106 et 111 CPC; 71 RTFMC). L'intimée sera condamnée à verser 125 fr. à ce titre à l'appelant.

La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires pour l'appel joint, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1:

A la forme :

Déclare recevables l'appel et l'appel joint formés respectivement par A______ et C______ contre le jugement JTPH/374/2021 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 6 octobre 2021.

Déclare irrecevables les conclusions nouvelles prises par la Caisse cantonale genevoise de chômage portant sur le montant de 2'093 fr. 25.

Au fond :

Annule les chiffres 5 et 7 de ce jugement et, statuant à nouveau :

Condamne C______ à verser à A______ 20'000 fr. bruts, sous déduction de 5'661 fr. 65 dus à la Caisse cantonale genevoise de chômage, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er janvier 2020.

Condamne C______ à verser 5'661 fr. 65 à la Caisse cantonale genevoise de chômage avec intérêts à 5% l'an dès le 6 février 2020.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Sur les frais :

Met à la charge des parties, à raison d'une moitié chacune, les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 250 fr. et compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à verser 125 fr. à A______ au titre des frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur
Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Roger EMMENEGGER, juge salarié; Madame Chloé Ramat, greffière

 

 


 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.