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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/30404/2018

CAPH/8/2022 du 03.01.2022 sur JTPH/146/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/30404/2018-1 CAPH/8/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 3 janvier 2022

 

Entre

A______ SA, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le
Tribunal des prud'hommes le 26 avril 2021 (JTPH/146/2021), comparant par Me Samantha EREMITA, avocate, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant en personne.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/146/2021 rendu le 26 avril 2021, reçu par les parties le 28 avril 2021, le Tribunal des prud'hommes a notamment condamné A______ SA à verser à B______ la somme nette de 37'105 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018 (ch. 3 du dispositif).

B.           

B.            a. Par acte expédié le 28 mai 2021 à la Cour de justice, A______ SA a formé appel contre ce jugement, concluant à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif et, cela fait, à la constatation que le licenciement de B______ n'est pas abusif et qu'aucune indemnité n'est due à ce dernier, subsidiairement à la réduction de cette indemnité à sa juste proportion, plus subsidiairement encore au renvoi de la cause au Tribunal des prud'hommes et, en tout état, au déboutement de B______ de toutes autres conclusions.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par pli du 5 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société de droit suisse dont le but est notamment l’exploitation d’une entreprise générale du bâtiment, gypserie, peinture et papiers peints ; son siège est à C______ et D______ en est l’administrateur unique depuis le 17 novembre 2017.

b. B______, né le ______ 1965, a été engagé par contrat oral par A______ SA, en qualité de peintre à partir du 15 novembre 1988. Lors de son engagement, l’entreprise était animée par E______.

Le dernier salaire horaire de base perçu par B______ était de 34 fr. 80 brut. S’y ajoutait l’indemnisation des jours fériés et le versement, au mois de décembre, d’un treizième salaire de 8.33% du salaire annuel.

c. Atteint dans sa santé, B______ a été en incapacité de travail pour cause de maladie dès le mois de février 2016. Dès le mois de juillet 2016, A______ SA a recommencé à l’occuper en lui attribuant des tâches plus légères et de plus petits chantiers.

d. Par décision du 14 juin 2017, l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a octroyé à B______ des mesures professionnelles, sous forme d’un reclassement visant à préserver son employabilité, pour la période du 6 juin au 31 octobre 2017. Les conditions-cadre et contre-prestations attendues étaient une présence à plein temps, une capacité de travail entière à l’issue du reclassement et une prompte prise de contact dans l’hypothèse où B______ aurait « l’impression de ne pas atteindre les objectifs fixés ». Il était précisé : « Grâce à ce contact, nous pouvons ensemble rechercher des solutions et nous ne devons pas interrompre la mesure. Cela vaut également pour l’organe d’exécution », soit A______ SA. Dans ce cadre, l’OAI versait à A______ SA des indemnités journalières, alors que l’entreprise continuait à s’acquitter du plein salaire de B______.

Cette décision a été reconduite, pour la période du 1er décembre 2017 au 31 décembre 2018, par décision du 16 novembre 2017, dont les conditions-cadre étaient identiques.

Selon le rapport établi par F______, du secteur réadaptation de l’OAI, en date du 14 juin 2017, ces mesures professionnelles étaient mises en œuvre afin d’adapter le poste de travail. La capacité de travail de B______ dans son activité habituelle de peintre était à déterminer, mais d’environ 50 à 60%. F______ précisait que "même avec des activités plus légères, le rendement n’est pas total. Monsieur B______ a 52 ans et 29 ans d’ancienneté. Il est sans formation et a toujours exercé dans la même activité ( ). Nous privilégions le maintien en poste afin de préserver également les droits acquis (29 ans de cotisations) à la pré-retraite ».

e. En date du 29 novembre 2017, A______ SA a remis à B______ un document intitulé « Avertissement », dont il ressortait les éléments suivants :

« Malgré votre longue pratique du métier, vous avez commis des erreurs inacceptables à plusieurs reprises ces dernières semaines. Voici 2 exemples.

-                     Chantier « G______ » en septembre 2017 : vous avez tout bonnement inversé l’ordre d’application des 2 produits "Protectapeel" à appliquer successivement pour protéger les vitrages, produits que vous connaissez, et malgré le descriptif précis des travaux à faire qui vous avait été remis.

-                     Chantier « H______ » le 16.11.2017 : Sur les 6 cadres de portes que vous avez peints dans la journée, 2 sont entièrement à refaire car la peinture s’est décollée du fait que le support n’a pas été préparé correctement.

Vos erreurs coûtent très cher à notre entreprise, d’abord en perte immédiate (refaire le travail, bousculer les plannings, perte de temps, retards de chantiers, etc), mais aussi par l’image déplorable qu’un travail mal fait renvoie à nos clients et nos partenaires. Votre attitude nuit gravement à la bonne marche des chantiers et à la réputation de l’entreprise. ( ) Nous attendons de votre part que ces erreurs ne se reproduisent pas ( ) ».

f.a Le 21 décembre 2017, A______ SA a résilié les rapports de travail pour le 31 mars 2018. La société motivait le congé par une dégradation de la qualité du travail de B______, nonobstant la communication de l’avertissement du 29 novembre 2017. En date des 7 et 8 décembre 2017, B______ n’avait pas correctement préparé un support à peindre, ce qui avait engendré le décollement de la peinture. Le 8 décembre 2017, B______ avait provoqué le déplacement inutile d’un de ses collègues. A______ SA précisait ainsi « vos erreurs, volontaires ou pas, coûtent à l’entreprise. Votre comportement ne correspond plus à la dynamique de l’entreprise ».

f.b B______ a déclaré avoir été licencié le dernier jour de travail de l'année 2017. Après que D______ avait inspecté le chantier et confirmé que tout était en ordre, celui-ci lui avait indiqué avoir un courrier pour lui et proposé de le lui lire. Etonné et choqué d’être licencié après sa longue collaboration au sein de l’entreprise, il avait alors refusé de signer cette lettre et déclaré que son supérieur « n'avait qu'à l'envoyer par recommandé par la poste ». Il a confirmé avoir demandé à D______ de lui faire lecture du courrier, en précisant toutefois que son employeur ne lui avait pas indiqué au préalable de quoi il s’agissait. S’il avait effectivement été contrarié, il ne s’était pas pour autant montré agressif et a contesté avoir traité D______ de juif.

f.c A______ SA, représentée par D______, a confirmé ces propos, tout en précisant qu'il avait immédiatement indiqué à son employé qu'il s'agissait d'une lettre de licenciement. D______ a déclaré qu'il était important pour lui de remettre cette lettre devant témoins. Il lui avait proposé de lire ce courrier, ce que B______ avait accepté, raison pour laquelle il disait que c’était à la demande de son employé qu’il lui en avait fait lecture. Il a également précisé qu'il n'était pas juif et que la religion n’avait aucun rapport avec le licenciement de B______.

g. B______ a été totalement incapable de travailler du 7 janvier au 30 septembre 2018.

h. Sous la plume de son syndicat, B______ a formé opposition à son licenciement par courrier recommandé du 6 février 2018, dans lequel il a formellement contesté les motifs de son licenciement et indiqué qu’il considérait ce congé comme abusif. Il a précisé qu’il avait toujours donné satisfaction à sa hiérarchie, aux techniciens et aux clients de l’entreprise.

Dans ce même pli, il a nié toute responsabilité dans les défauts sur le chantier du boulevard de la H______, dont A______ SA avait fait état dans son courrier du 29 novembre 2017. Selon lui, c’était son employeur qui avait refusé de lui fournir les matériaux adéquats, malgré ses demandes en ce sens. Il demandait les preuves des défauts allégués dans le cadre du courrier de licenciement. Quant au déplacement indu de son collègue, il a précisé qu’il avait sollicité de l’aide le 7 décembre 2017 afin de terminer les travaux dans les temps. Il avait accompli des heures supplémentaires, si bien que lorsque son collègue, I______, avait été envoyé le 8 décembre 2017, son appui était devenu inutile.

B______ a souligné faire l’objet de pressions et être testé par D______. Depuis l’arrivée de ce dernier dans l’entreprise, son supérieur le changeait régulièrement de chantier, manquait de courtoisie élémentaire et imposait des délais toujours plus courts à ses employés. D______ lui imposait également de déplacer à chaque fois sa caisse à outils par ses propres moyens, contrairement aux obligations conventionnelles de l’entreprise.

i. En mai 2018, B______ a fait l’objet d’une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique mandatée par son assureur perte de gain maladie. Il ressort de ce rapport, établi le 16 juillet 2018, que son licenciement avait engendré des conséquences néfastes sur son état psychique. Selon ce rapport, B______, bien qu’atteint dans sa santé physique, aurait souhaité continuer à travailler dans cet emploi qu’il appréciait et avait appris sur le tas. Son licenciement était qualifié de « particulièrement douloureux », dès lors qu’il lui avait été signifié devant deux collègues et lors de la mise en place des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité. Il était mentionné que son nouveau patron ne semblait pas vouloir s’impliquer dans ce processus et qu’il avait été « extrêmement touché d’avoir été licencié par un nouveau chef âgé de 26 ans et venu depuis peu de J______ ». Le dernier jour de travail de l’année, il s’attendait à recevoir une prime et non à être licencié. Il conservait en mémoire le visage de son patron, présentait des ruminations anxieuses sur sa vie et avait dès cette date présenté un épisode dépressif, qui était, à la date de l’expertise au mois de mai, qualifié de léger à moyen et propre à engendrer une incapacité de travail de trois à six mois. Il était suivi par un psychiatre et un psychologue en délégation depuis le mois de février 2018, à raison d’une consultation hebdomadaire, et au bénéfice d’une prescription de psychotropes. B______ ne sortait pratiquement plus de chez lui, de préférence en fin d’après-midi, car il avait honte de croiser des voisins qui lui demanderaient de ses nouvelles ou d’autres peintres aux heures où il aurait dû travailler. Il n’était pas considéré apte sur le plan psychique à se présenter pour une nouvelle place de travail et l’expert recommandait la mise en place des mesures prévues au mois de décembre 2017. En effet, la reprise de son activité habituelle n’était pas envisageable en raison des troubles rhumatologiques existants. Il était précisé qu’une reprise du travail aurait un effet très bénéfique sur son état psychique.

j.a S'agissant des malfaçons qui lui étaient reprochées, B______ a précisé utiliser le protectapeel depuis 2005. En 2017, une nouvelle procédure d’application de ce produit, selon laquelle une seconde couche devait s’appliquer en cas de travaux extérieurs, avait été adoptée, ce que E______ lui avait expliqué. Il admettait avoir peut-être mélangé les bidons à l’occasion des chantiers de G______ et K______ en septembre 2017. Sur le chantier de la H______ en novembre 2017, trois des cadres de porte qu’il devait peindre étaient en caoutchouc. Cela rendait nécessaire l’application d’une couche d’accrochage, ce que D______ avait contesté, la peinture dite « trois-en-un » suffisant selon lui à cette fin. Il avait procédé au ponçage des cadres, mais la peinture ne tenait pas sans couche d’accrochage. D’ailleurs, il avait lui-même refait le travail en y appliquant ladite couche, ce qui avait parfaitement fonctionné. Il ne se souvenait pas particulièrement du chantier de L______.

j.b A______ SA, représentée par D______, a confirmé l’adoption de la nouvelle procédure relative au protectapeel, laquelle était appliquée avant avril 2017, date de son arrivée dans l’entreprise. En septembre 2017, B______ avait travaillé avec ce produit sur un chantier à G______, puis à la rue M______ et à K______. Il avait averti son employé oralement suite au deuxième chantier. Concernant le chantier de la H______, il a indiqué qu’il n’existait pas de cadres de portes en caoutchouc ou PVC. Au demeurant, seuls 10% des coûts étaient affectés aux matériaux, l’entreprise n’avait aucune raison d’en faire l’économie et utilisait au contraire les produits de la meilleure qualité. Le travail de ponçage de la peinture précédente relevait du b.a.-ba de la peinture et celui-ci n’avait pas été fait. Tel avait également été le cas sur le chantier de L______, au cours duquel B______ avait été averti oralement, en présence de I______, qui dirigeait alors le chantier.

k.a Concernant les mesures de soutien accordées par l'OAI en faveur de B______, N______, entendu en qualité de témoin, a confirmé avoir rencontré E______, directeur de l'entreprise, en compagnie de D______ et de Madame R______, secrétaire chez A______ SA, ainsi que de F______, responsable à l'OCAS, afin de déterminer les possibilités qui pouvaient s'offrir à B______ en tenant compte des circonstances telles que son ancienneté, son habilité, son âge et ses chances de retour en emploi. À l'époque, ils avaient estimé un taux d'employabilité réduit à environ 50%. La première évaluation s’était déroulée à la satisfaction de toutes les parties. Suite au renouvellement de la prise en charge de l’OAI, il avait été surpris par le développement de la relation entre B______ et A______ SA, les parties portant un regard radicalement opposé sur le travail effectué par B______. En effet, il ne comprenait pas les motifs pour lesquels B______ était soudainement mal évalué par son employeuse, alors que la mesure d’une durée convenue d’un an venait de débuter. De même, la décision de licencier B______, dont il avait été informé au cours d’un entretien téléphonique avec D______, lui avait semblé rapide et très soudaine compte tenu de la situation. S’en étaient suivis des échanges par courriel, au cours desquels ils avaient « pris parole de manière assez houleuse », car il trouvait cette décision « non seulement abrupte, mais peu correcte compte tenu des critères médicaux, de l’âge, du nombre d’années d’entreprise ainsi que de l’employabilité ». Il a également déclaré avoir constaté une dégradation de la santé psychique de B______ suite au licenciement de ce dernier.

Le témoin F______ a déclaré avoir suivi, au sein de l’OAI, le dossier visant au maintien en emploi de B______ auprès de A______ SA. Dans ce cadre, le salaire du travailleur avait été assumé à 80% par l’assurance, sans que la capacité réelle de travail de B______ n’ait été déterminée.

k.b Concernant l’évaluation de la capacité de travail de B______, A______ SA, représentée par D______, a indiqué qu'il s’était entretenu à plusieurs reprises avec l’OAI car il avait observé la mauvaise qualité du travail de son employé. Il avait toutefois estimé que ce dernier pouvait travailler à 50%. C’était sur ce chiffre que les parties s’étaient mises d’accord, le salaire de B______ étant pris en charge paritairement par l’entreprise et l’assurance-invalidité.

l. Le témoin O______ a déclaré avoir travaillé pour A______ SA jusqu’à son licenciement avec effet immédiat en décembre 2017, alors qu’il était en incapacité de travail. Il avait assigné A______ SA par-devant le Tribunal de céans, qui lui avait donné raison, mais l’affaire était pendante en appel. Il ne s’était pas entretenu avec B______ relativement à son audition ou afin de coordonner leur action contre A______ SA. Il avait terminé son emploi en qualité de technicien, fonction dans laquelle il supervisait tous les employés, y compris B______. Dans cette fonction, E______ et D______ lui avaient demandé de calculer le taux d’incapacité de travail de B______ en fonction de ses limitations fonctionnelles. Il estimait quant à lui que B______ disposait d’une capacité de travail inférieure à 60%, variant selon les tâches, compte tenu de ses atteintes à la santé et attribuait à ce travailleur des chantiers adaptés. Il pouvait affirmer que B______ était un travailleur vaillant, positif et compétent, travaillant selon les règles de l’art et maîtrisant l’usage des produits nouveaux utilisés dans sa fonction. Le travailleur ne se plaignait jamais et son travail était très bien effectué. Il pouvait personnellement attester de ces faits jusqu’en août 2017, période à partir de laquelle il avait cessé de travailler pour cause de maladie.

m. P______, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir travaillé pour A______ SA entre septembre 2015 et juin 2020, date où il avait été licencié d’un commun accord, afin de lui permettre d’entreprendre une reconversion professionnelle. Il avait travaillé avec B______ sur quatre à six chantiers en totalité, mais ne pouvait pas réellement estimer une éventuelle évolution de la qualité du travail de celui-ci, si ce n’est qu’il ne trouvait pas très équitable qu’il ait dû se charger de tous les travaux de force sur un chantier au printemps 2016 ou 2017. Il savait que B______ souffrait d’un problème au bras et avait entendu parler de l’AI, sans que la hiérarchie ou son collègue ne lui aient expliqué ce dont il retournait exactement. Il n’avait observé qu’un seul problème dans l’exécution du travail de B______, relatif à des cadres de porte sur un chantier proche de l’Hôpital en 2017. Ces cadres présentaient des gouttes, des bulles et des grosses giclées qui avaient dû être reprises (retrait, ponçage, masticage et peinture), sans qu’il ne puisse indiquer qui s’était chargé de cette réfection. Des collègues avaient fait part à B______ de ces défauts, mais il ne se souvenait plus quelle avait été la réponse de celui-ci ou comment elle avait été signifiée. Concernant le comportement de B______, celui-ci n’était vu de manière ni positive ni négative. Les collaborateurs de l’entreprise avaient toutefois l’impression que leur collègue était un peu protégé par O______ et que cela créait un sentiment d’injustice. B______ avait un esprit un peu rebelle, ce qui lui laissait penser que celui-ci avait pu recevoir d’autres avertissements que celui dont il avait été informé par ses collègues. S’il n’avait pas constaté de modification comportementale de B______ à l’arrivée de D______, il avait constaté une attitude de « je-m’en-foutisme » suite à l’avertissement. Il lui semblait que son collègue avait indiqué, au cours d’un repas, qu’il se foutait d’être licencié. Il avait lui-même eu une seule altercation avec B______, avant l’arrivée de D______, au cours de laquelle son collègue lui avait agressivement arraché une spatule des mains et l’avait jetée à terre, tout en lui indiquant qu’il devait en utiliser une plus grande. Il avait alors quitté le chantier, estimant avoir été insulté, et s’était plaint à O______, qui les avait dès lors affectés plus rarement en binôme sur les chantiers.

n. Entendu en qualité de témoin, I______ a déclaré travailler pour A______ SA depuis juillet 2015. Il a confirmé que chaque employé recevait un planning l’affectant aux chantiers. Il arrivait cependant assez souvent que des changements interviennent en fonction de l’avancement des chantiers. De même, les employés recevaient un descriptif du travail attendu, lequel mentionnait les matières et les produits à utiliser. En tant que professionnels, ils ne recevaient pas d’indications particulières quant à la manière d’utiliser ces produits, sous réserve de l’utilisation en extérieur du protectapeel, précisant l’application du top coat en dernière étape. B______ avait été l’un des premiers employés formés à l’utilisation de ce produit. Il avait observé que si B______ entretenait de très bons rapports avec E______, il s’entendait moins bien avec D______. Compte tenu du problème à la main dont souffrait B______, des chantiers plus adaptés à ses limitations lui étaient confiés. Il ignorait si B______ respectait les consignes qui lui étaient données ou s’il avait refusé d’exécuter des tâches qui lui avaient été assignées. Concernant le comportement de B______, celui-ci n’avait jamais été méchant avec lui, mais lui avait rappelé son ancienneté lorsqu’il lui avait fait quelques remarques concernant certaines techniques de travail au début de leur collaboration. Il avait personnellement constaté deux malfaçons du fait de B______. La première concernait entre six et dix cadres métalliques qui avaient été mal préparés et dont la peinture s’était écaillée. Lorsque D______ avait fait remarquer à B______ que le travail était mal exécuté, ce dernier s’était mis en colère. Le travail avait dû être repris, sans qu’il sache par qui ou le temps que cela avait pris. A cet égard, B______ lui avait indiqué qu’il n’était pas responsable, mais qu’on lui avait livré une mauvaise peinture. Le second incident avait concerné l’application du protectapeel, dont B______ avait inversé l’ordre d’application. Il avait lui-même consacré quatre jours à cette réfection, qui avait été achevée par un collègue. En outre, il avait assisté, sur demande de D______, à la notification d’un avertissement à B______ sur un chantier à L______. Il avait appris par un collègue que B______ avait mal effectué son travail, sans autre précision, qui avait dû être repris par une autre personne. D______ avait expliqué le contenu de ce courrier à son employé, ce qui l’avait rendu furieux. B______ avait alors déclaré à D______ qu’il n’avait qu’à le virer s’il n’était pas content. A cette occasion, il avait été lui-même pris à partie par B______, lequel l’avait alors traité d’incapable. Il lui semblait d’ailleurs que B______ avait reçu un autre avertissement. Enfin, il était exact qu’il s’était rendu sur un chantier où B______ lui avait indiqué qu’il n’avait plus besoin de lui car il avait terminé, ce qu’il avait pu constater. Il ignorait si ce chantier avait présenté des malfaçons.

o. Le témoin Q______ a déclaré avoir travaillé comme secrétaire auprès de A______ SA entre 2013 et septembre 2019, date de son licenciement d’un commun accord. Elle a confirmé les changements réguliers de chantiers en fonction des besoins. Dès 2017, elle s’était chargée du travail administratif de l’entreprise, notamment en lien avec le personnel, en sus de ses tâches de secrétariat. Son travail de secrétariat avait été repris par R______. Etant en contact plus étroit avec les chefs de chantiers, S______, I______ et T______, elle les entendait se plaindre du travail et de l’attitude désagréable et négative de B______, en particulier. Ils se plaignaient notamment de ce qu’ils devaient repasser derrière lui ou qu’il ne les informait pas à temps de ses besoins en matériel, générant des déplacements de dernière minute pour l’approvisionner. Ils se plaignaient ainsi d’être empêchés d’effectuer correctement leur travail ou d’être retardés. Elle connaissait le dossier médical de B______ car elle avait participé à la première réunion entre E______ et l’OAI, puis aux échanges avec D______ qu’elle devait protocoler. La capacité de travail de B______ avait été estimée à 50%, bien qu’il doive effectuer des journées complètes. Elle se souvenait en particulier d’un échange au cours duquel D______ avait déclaré que B______ était ingérable et incompétent, qu’il avait tout essayé, mais que l’attitude de son employé, qui bâclait son travail, rendait impossible la continuation de leur collaboration, laquelle mettait en danger toute l’entreprise. B______ n’avait pas changé suite à cet appel et avait été rapidement licencié, selon son souvenir. Elle se souvenait avoir tapé deux avertissements à l’intention de B______, tous deux antérieurs à l’entretien téléphonique avec l’OAI. Le premier, au cours de l’automne-hiver 2018, sauf erreur, concernait un défaut de préparation de la surface à peindre et le second, avant Noël de la même année, concernait l’inversion de deux produits. Selon les déclarations de D______, les clients étaient furieux, alors qu’elle avait personnellement lu des courriels échangés à cet égard, auxquels étaient jointes des photographies des défauts.

p. Entendu en qualité de témoin, E______ a déclaré avoir remis l’entreprise A______ SA en novembre 2017 à D______, auquel il avait tout de même donné des coups de mains ponctuels au-delà de cette date. Il a confirmé l’organisation du travail décrite par A______ SA, les employés sachant eux-mêmes quels matériaux utiliser et la quantité requise en fonction des travaux à effectuer. B______, qui ne jouissait pas des qualifications nécessaires lors de son engagement, avait été formé en emploi. Tel était le cas pour le protectapeel, que B______ connaissait très bien. Le travailleur avait inversé l’application des deux produits, malgré le descriptif en sa possession. Cette erreur, dont il avait été informé par D______, avait certainement coûté cher à l’entreprise. Dans une telle situation, il aurait sérieusement réprimandé l'employé et lui aurait adressé une lettre d’avertissement, mais ne l’aurait pas licencié. C’était D______ qui l’avait informé du licenciement de B______, sans pour autant rentrer dans les détails. Il avait toujours entretenu d’excellentes relations avec B______. A______ SA était une entreprise familiale, au sein de laquelle des solutions aux problèmes étaient recherchées en collaboration avec les employés. B______ lui avait fait part de ses difficultés à effectuer certains travaux, raison pour laquelle il avait pris contact avec l’OAI, afin de bénéficier du soutien de l’assurance en lien avec les surcoûts liés au cahier des charges différencié de B______. Conjointement avec O______ et D______, ils avaient entrepris l’évaluation de la capacité de travail de B______ pendant six à huit mois. Il avait ensuite remis son entreprise et D______ avait terminé l’évaluation et conservé seul les contacts avec l’OAI.

q. Le témoin U______ a déclaré avoir, en sa qualité de régisseur, entretenu des relations professionnelles avec A______ SA pendant environ dix à quinze ans. Les travaux mandatés avaient toujours été parfaitement réalisés. Connaissant E______ à titre personnel, il avait constaté une gestion différente de l’entreprise par D______, sans que cela n’impacte sur la qualité des travaux. Il avait très souvent rencontré B______ sur les chantiers, qui avaient toujours été livrés à temps et en respectant les budgets. Sachant que E______ était exigeant, il ne pouvait qu’en déduire que le travail de B______ était bon, compte tenu de la durée de son activité pour l’entreprise. B______ était également une personne très respectueuse, dont il avait personnellement appuyé le dossier d’un des fils en vue de l’obtention d’un logement.

r. V______, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir mandaté A______ SA pour la rénovation de sa maison sise à W______, de fin 2016 à 2017. A______ SA avait agi en qualité d’entreprise générale, mais avait aussi réalisé elle-même des travaux de peinture. Comme souvent en cas de rénovations, il y avait eu des petits couacs, mais il avait été très satisfait des travaux de peinture. La qualité de ces travaux lui avait été confirmée par une entreprise tierce mandatée pour les travaux sur façade ainsi que par un peintre venu ultérieurement pour des retouches. Il avait vu B______ travailler sur le chantier, sans pouvoir indiquer la part d’activité de celui-ci, tout en précisant que la majorité des travaux de peinture avaient été effectués par un jeune peintre.

D. a. Par demande déposée le 10 mai 2019 après échec de la conciliation requise le 13 décembre 2018, B______ a assigné A______ SA par devant le Tribunal des prud'hommes.

S'agissant des prétentions encore litigieuses en appel, il a conclu au paiement de 37'105 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif, subsidiairement à titre d’indemnité pour atteinte à la personnalité, correspondant à six mois de salaire, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2018.

b. Dans sa réponse, A______ SA a conclu à l’irrecevabilité de la demande et au déboutement de B______ de ses conclusions.

c. Par jugement incident rendu le 14 octobre 2019, confirmé par arrêt de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice le 7 avril 2020, le Tribunal de céans a déclaré la demande recevable.

d. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition des témoins N______, F______, responsable du dossier de l'employé au sein de l'OAI, O______, employé de A______ SA, U______, régisseur ayant entretenu des relations professionnelles avec A______ SA, P______, employé de l'appelante entre septembre 2015 et juin 2020, I______, employé de l'appelante depuis juillet 2015, V______, ayant mandaté A______ SA pour la rénovation de sa maison, Q______, secrétaire auprès de A______ SA de 2013 à septembre 2019, et E______, qui a remis la société appelante à D______ en novembre 2017.

Lors de l'audience tenue le 12 janvier 2021, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'employeur était tenu d'adopter des égards particuliers à l'égard de son employé, qui avait été engagé en 1988, était âgé de 53 ans lorsque son licenciement lui a été signifié et qui rencontrait des difficultés de santé ayant conduit à l'adoption de mesures de soutien de l'assurance-invalidité. L'employeur avait adressé un avertissement écrit au travailleur mais n'avait pas démontré l'avoir à différentes reprises également averti oralement. L'employé avait admis avoir fait une erreur en intervertissant deux produits dont la procédure d'application était nouvelle, mais l'employeuse n'avait pas établi qu'il s'agissait d'un produit dont l'application était connue depuis plusieurs mois. Les premiers juges ont estimé que l'employeur n'avait pas démontré l'insubordination, le comportement hostile ou un refus d'exécuter des tâches qui lui ont été confiées, et qu'il n'avait en particulier pas établi avoir entrepris les mesures positives qui lui incombaient à l'égard de son employé avant de lui avoir signifié son licenciement.

Il a en conséquence alloué au travailleur une indemnité correspondant à six mois de salaire, en retenant que les rapports de travail avaient été résiliés de manière abrupte, en présence des collègues de l'employé, à l'issue du dernier jour de travail précédant les fêtes de fin d'année et après trente ans de collaboration, alors que le travailleur était âgé de 53 ans, atteint dans sa santé physique et affecté sur le plan psychique, que ce licenciement avait eu des conséquences lourdes pour le travailleur, dont la réadaptation professionnelle avait été interrompue brusquement et qui n'avait pas retrouvé d'emploi.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision finale rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions de la demande en paiement, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55, 59 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC).

La procédure ordinaire est applicable (art. 219 et ss CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle avait abusivement licencié l'intimé. Elle lui fait en particulier grief de n'avoir pas tenu compte des témoignages de I______, de P______ et d'Q______.

2.1 Chaque partie peut décider unilatéralement de mettre fin à un contrat de durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO). En droit suisse du travail prévaut la liberté de la résiliation, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (ATF 131 III 535 consid. 4.1). Ce droit est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO). L'abus est en principe retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un simple prétexte tandis que le véritable motif n'est pas constatable (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_224/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.1). Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel (ATF 136 III 513 consid. 2.3 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_428/2019 du 16 juin 2020 consid. 4.1). L'art. 336 CO énonce une liste non exhaustive de cas résiliation abusive, concrétisant l'interdiction générale de l'abus de droit (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.2).

Le congé est abusif notamment lorsqu'il est donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre partie, à moins que cette raison n’ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l’entreprise (art. 336 al. 1 let. a CO). Cette disposition vise le congé discriminatoire, fondé par exemple sur la race, la nationalité, l’âge, l’homosexualité, les antécédents judiciaires, le statut familial, ou encore la maladie, la séropositivité une situation de handicap ainsi que la religion (ATF 130 III 699 consid. 4.1, trad. in JdT 2006 I p. 193 et in SJ 2005 I p. 152 ; Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4e éd.2019, n. 3 ad art. 336 CO, pp. 377 s.).

Par préjudice grave porté au travail dans l'entreprise, il faut entendre par exemple le fait que la manière de se comporter au travail rend très pénible l'atmosphère de travail (Subilia/Duc, op. cit., n. 18 ad art. 336 CO, p. 557). Ainsi, le licenciement n'est en principe pas abusif lorsque le travailleur présente des manquements ou des défauts de caractère (par exemple : forte personnalité ; troubles de la mémoire ; caractère brouillon ; incapacité de décision) qui nuisent au travail en commun (arrêts du Tribunal fédéral 4A_309/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.4 à 2.6 ; 8C_826/2009 du 1er juillet 2010 consid. 4.4 ; Dunand, op. cit., n. 33 ad art. 336 CO, pp. 666 s.). Il en va de même lorsque le congé est donné à l'employé qui, en raison de son caractère difficile, crée une situation conflictuelle nuisant notablement au travail en commun, à condition toutefois que l'employeur ait pris toutes les mesures que l'on pouvait attendre de lui pour désamorcer le conflit (ATF 132 III 115 consid. 2.2, trad. in JdT 2006 I p. 152 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2018 du 5 décembre 2018 consid. 3.1).

En tout état de cause, lorsqu'il prononce un licenciement, l'employeur a un devoir de protéger la personnalité de son collaborateur (art. 328 CO). Il doit notamment veiller à ne pas licencier selon des modalités stigmatisantes, avoir cherché à résoudre les conflits de personnalité et avoir procédé à des « aménagements raisonnables » afin de maintenir la relation de travail dans des situations où se présentent des difficultés liées à des aspects de la personnalité tels qu'un handicap, une maladie ou une religion (arrêts du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.2.1 ; 4A_130/2016 du 25 août 2016 consid. 2.1).

Les devoirs susmentionnés revêtent une acuité particulière, à l'égard des travailleuses et travailleurs âgés au bénéfice d'une grande ancienneté. Le Tribunal fédéral ne fixe pas un âge limite à partir duquel un travailleur peut se prévaloir d'une protection liée à son âge. Ce critère est systématiquement analysé conjointement à celui de l'ancienneté (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4e éd. 2019, pp. 43, 777 et 791). Certains auteurs de doctrine préconisent de retenir qu’un devoir accru de protection s'impose à l'égard des travailleuses et travailleurs âgés de 55 ans ou plus avec 25 années de services ininterrompues. Wyler, citant diverses jurisprudences du Tribunal fédéral, fixe à titre indicatif, la limite à 50 ans avec plus de 10 années d'emploi ininterrompues auprès du même employeur au moment de la résiliation (Lempen, L'évolution de la protection contre le licenciement abusif, in PJA 2019, p. 78 ss ; Wyler, La protection du travailleur âgé au bénéfice d'une grande ancienneté, in Regards de marathoniens sur le droit suisse, 2015, pp. 187 ss). Dans une telle constellation, à défaut de mesures positives et d’égards particuliers pris par l’employeur, le licenciement sera qualifié d’abusif (Wyler, La protection du travailleur âgé au bénéfice d’une grande ancienneté au sein de l’entreprise, in Regards de marathoniens sur le droit suisse, 2015, pp. 187 ss et les références citées).

L'abus n'est pas obligatoirement inhérent au motif de la résiliation; il peut également surgir dans ses modalités. Un congé peut ainsi être abusif en raison de la manière dont il est donné, parce que la partie qui donne le congé se livre à un double jeu, contrevenant ainsi de manière caractéristique au principe de la bonne foi, lorsqu'il est donné par un employeur qui viole les droits de la personnalité du travailleur, quand il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but (ATF
136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2; 131 III 535 consid. 4). Est une résiliation abusive le fait d'accuser à la légère un travailleur d'une faute lourde, portant atteinte à son honneur personnel et professionnel, à l'occasion de la résiliation des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_99/2012 du 30 avril 2012 consid. 2.2.1).

La preuve du caractère abusif du congé incombe à la partie à laquelle celui-ci est signifié (art. 8 CC ; ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_240/2017 du 14 février 2018 consid. 3). Cependant, la preuve ayant souvent pour objet des éléments subjectifs, le juge peut présumer en fait l’existence d’un congé abusif lorsque l’employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme fictif le motif avancé par l’employeur, et le motif abusif plus plausible. Cette présomption de fait n’a cependant pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve. La partie demanderesse doit alléguer et offrir un commencement de preuve d’un motif abusif de congé. De son côté, l’employeur ne saurait alors demeurer inactif ; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF
130 III 699 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_408/2011 du 15 novembre 2011 ; Dunand, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 17 ad art. 336 CO, p. 661).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré que le licenciement de l'intimé était abusif parce que l'appelante avait omis d'adopter les égards particuliers dus en raison de l'âge et de l'ancienneté de son employé. Il a retenu que l'intimé avait 53 ans, qu'il jouissait d'une grande ancienneté de trente ans dans l'entreprise lorsqu'il s'est vu notifier son licenciement, de sorte qu'il bénéficiait de la protection spécifique garantie par la jurisprudence. Il était par ailleurs atteint dans sa santé et des mesures de soutien fournies par l'assurance-invalidité étaient en cours pour ce motif. S'agissant des malfaçons commises par l'employé, un seul avertissement lui avait été adressé, l'appelante n'ayant pas démontré lui avoir signifié d'autres avertissements oraux, de sorte qu'elles ne suffisaient à justifier le licenciement du travailleur au regard de son ancienneté dans l'entreprise. Le caractère difficile de l'intimé dont s'est prévalue l'employeuse pour justifier la résiliation des rapports de travail n'avait pas été démontré, étant précisé que cette dernière, qui n'avait pas expliqué à ses employés que l'intimé bénéficiait d'un régime particulier au regard des mesures de soutien mises en place par l'assurance-invalidité, portait une certaine responsabilité dans le sentiment d'injustice exprimé par certains employés à l'égard de l'intimé. L'instruction n'avait pas permis d'établir un refus d'exécuter des tâches, une insubordination ou un comportement hostile imputable à ce dernier. Enfin, l'appelante n'avait pas démontré l'insatisfaction de ses clients ou l'atteinte à son image de marque. Au regard de ces éléments, le Tribunal a considéré que l'appelante n'avait pas pris tous les égards dus à l'âge et à l'ancienneté de l'intimé avant de mettre fin aux rapports de travail, de sorte que le licenciement est abusif. Il a en outre estimé que la résiliation des rapports de travail était également abusive en regard de la manière dont l'appelante l'a communiquée à son employé, dans la mesure où elle avait lue tant la lettre de licenciement que le courrier d'avertissement à son employé en présence de certains de ses collègues, qui ne se justifiait pas par besoin de preuve.

Contrairement à ce soutient l'appelante, le Tribunal a pris en considération les témoignages de I______, de P______ et d'Q______ dans l'appréciation de l'ensemble des circonstances l'ayant conduit à retenir que le licenciement était abusif. Les premiers juges ont en effet tenu compte des déclarations de I______, qui avait indiqué que l'intimé n'avait jamais été méchant avec lui, mais lui avait fait comprendre qu'il ne se souciait guère de ses remarques sur son travail compte tenu de son ancienneté, qu'il s'était emporté et l'avait traité d'incapable lorsqu'un avertissement lui avait été adressé. Ils ont, de même, pris en considération les déclarations de P______, qui avait fait état d'une altercation avec l'intimé ainsi que d'une indifférence et d'un manque d'investissement de l'intimé dans son travail après la notification de l'avertissement écrit. Enfin, le Tribunal a également discuté les déclarations de Q______ concernant les différents avertissements écrits qu'elle aurait dactylographiés et les courriels des clients mécontents dont elle aurait eu connaissance en retenant qu'elles n'emportaient pas sa conviction, ceci en raison de différentes incohérences s'agissant des dates mentionnées mais également du fait que l'appelante aurait pu produire ces correspondances, ce qu'elle n'a pas fait. Le Tribunal a ainsi pris en compte les témoignages que l'appelante lui reproche d'avoir ignorés. Ce grief n'est pas fondé.

C'est également à tort que l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir omis de tenir compte de ce qu'elle avait soutenu son employé dans les démarches en vue des mesures de soutien fournies par l'assurance-invalidité et participé aux réunions tenues dans ce cadre : le Tribunal n'a en effet pas retenu que tel n'avait pas été le cas ni n'en a tenu rigueur à l'appelante dans le cadre de l'appréciation des circonstances l'ayant conduit à retenir que la résiliation des rapports de travail était abusive.

Les griefs formulés par l'appelante ne sont ainsi pas fondés. Pour le surplus, la Chambre d'appel fait sienne l'appréciation faite par les premiers juges des éléments au dossier, les ayant conduits à retenir que l'appelante n'a pas pris tous les égards que l'on pouvait attendre d'elle pour protéger la personnalité de son employé au regard notamment de son âge et de son ancienneté. Il en va de même du caractère abusif du licenciement résultant des modalités dans lesquelles il a été signifié.

3. L'appelante reproche par ailleurs au Tribunal d'avoir alloué une indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaire.

3.1 La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l’autre une indemnité (art. 336a al. 1 CO). Cette indemnité est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances ; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (art. 336a al. 2 CO).

L’indemnité en raison du congé abusif a une double finalité, punitive et réparatrice (ATF 132 II 115 consid. 5.6, trad. in JdT 2006 I p. 152 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2017 du 25 juillet 2018 consid. 4.1). Par sa fonction punitive, elle exerce ou devrait exercer un effet préventif, alors que, par sa fonction réparatrice, elle devrait atténuer pour le travailleur l'impact de la résiliation (Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4e éd. 2019, n. 2 ad art. 336a CO, p. 389).

Selon la jurisprudence, le juge doit notamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, de la manière dont le licenciement a été donné, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleur, de l'intensité et de la durée des rapports de travail, des effets économiques du licenciement, de l'âge et de la situation personnelle du travailleur, des conditions existantes sur le marché du travail, de la situation économique des parties, d'une éventuelle faute concomitante du travailleur licencié (arrêt du Tribunal fédéral 4A_166/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.1 ; Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4e éd. 2019, n. 3 ad art. 336a CO, pp. 390 s. ; Dunand, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 14 ad art. 336a CO, p. 692 et les réf. citées).

3.2 En l'espèce, les premiers juges ont alloué à l'intimé une indemnité correspondant à six mois de salaire en considérant que le licenciement avait été prononcé de manière abrupte alors que l'intimé était au bénéfice d'une mesure de soutien de l'assurance-invalidité qui venait d'être octroyée. Les surcoûts liés à l'adaptation du cahier des charges de l'intimé étaient absorbés par l'assurance-invalidité et l'employeuse n'avait pas démontré l'existence d'un préjudice particulier, financier ou réputationnel, du fait des erreurs de son employé. Les erreurs reprochées à ce dernier ne présentaient qu'une gravité relativement faible au regard des circonstances et de l'ancienneté de l'intimé. L'accumulation rapprochée des critiques formulées depuis la reprise de l'entreprise par le nouvel entrepreneur en novembre 2017 témoignait d'une volonté de ce dernier de se séparer de ce collaborateur, avec lequel il s'entendait peu et qui engendrait une surcharge de travail sur le plan organisationnel et administratif en raison de son état de santé. Les rapports de travail avaient été résiliés de manière abrupte, en présence de collègues de l'intimé, à l'issue du dernier jour de travail avant les fêtes de fin d'année, mettant fin à une collaboration de trente ans entre les parties, alors que l'employé, âgé de 53 ans, était atteint dans sa santé. Ce licenciement avait affecté l'intimé dans sa santé psychique et causé sa désinsertion sociale, engendrant ainsi des conséquences lourdes sur l'avenir professionnel de l'employé, qui n'avait pas retrouvé d'emploi et dont la réadaptation professionnelle avait été brusquement interrompue.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les premiers juges n'ont pas omis de tenir compte de l'avertissement qu'elle avait signifié à l'intimé pour retenir que le licenciement prononcé était abrupt : il ressort au contraire des motifs de la décision entreprise que le Tribunal a considéré que la résiliation du contrat de travail était abrupte en ce qu'elle a été prononcée alors que l'employé était au bénéfice d'une mesure de soutien de l'assurance-invalidité, ce caractère abrupt ou inattendu du licenciement ayant d'ailleurs été relevé par le témoin N______.

C'est également à tort que l'appelante reproche au Tribunal de n'avoir pas tenu compte des erreurs commises par l'intimé dans le cadre de son emploi, puisqu'il a au contraire considéré que les erreurs n'étaient que de faible gravité au regard de l'ancienneté de l'employé et de l'ensemble des circonstances.

Enfin, le fait que l'intimé ait perçu des indemnités de chômage a certes permis d'atténuer les conséquences économiques de la résiliation des rapports de travail, mais ne saurait conduire à retenir que les conséquences du licenciement abusif prononcé par l'appelante ne sont pas graves : âgé de 53 ans, atteint dans sa santé, l'intimé a vu s'interrompre la réadaptation professionnelle qui avait été mise en œuvre en sa faveur, n'a plus retrouvé d'emploi, s'est retrouvé socialement désinséré et psychiquement atteint. C'est en conséquence à raison que les premiers juges ont considéré que le licenciement abusif prononcé par l'appelante a eu des conséquences lourdes pour l'intimé.

En définitive, les griefs soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Le Tribunal a fait une correcte appréciation de l'ensemble des circonstances l'ayant conduit à retenir qu'une indemnité correspondant à six mois de salaire était justifiée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.

3. La procédure est gratuite (art. 19 al. 3 let. c LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1:


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 28 mai 2021 par A______ SA contre le jugement JTPH/146/2021 rendu par le Tribunal des prud'hommes 26 avril 2021 dans la cause C/30404/2018.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Roger EMMENEGGER, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.