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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/27786/2019

CAPH/231/2021 du 22.12.2021 ( CCT ) , REFORME

Recours TF déposé le 01.02.2022, rendu le 30.08.2022, IRRECEVABLE, 4A_52/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27786/2019-CT CAPH/231/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 22 DECEMBRE 2021

 

Entre

COMMISSION A______ (A______), sise ______[GE], recourante contre une sentence arbitrale A-33-18 rendue le 6 novembre 2019 par la Chambre des relations collectives de travail, comparant en personne,

et

B______, sise c/o C______ SA, ______[GE], intimée, comparant par Me Jean-Jacques MARTIN, avocat, rue du Mont-Blanc 16, 1201 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           a. B______ est une société inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2016.

Elle a pour but la commercialisation, la création, la fabrication et l'installation d'éléments de décor pour la communication des entreprises.  

b. Le 20 février 2018, B______ a fait une demande de dérogation d'horaires, pour la période du 26 février au 1er mars 2018, à la Commission paritaire des métiers du second œuvre (ci-après : A______) concernant l’aménagement des vitrines de la boutique D______, sise 1_____ à Genève. Dans le cadre de l’échange de courriels intervenu les 21 et 22 février 2018, et en réponse aux questions posées par la A______, elle a précisé que son travail consistait à démonter toutes les vitrines existantes, puis à y installer les nouveaux décors produits par ses soins. Elle indiquait que le client souhaitait que ces opérations s’effectuent de nuit pour ne pas déranger les équipes de vente et les clients, en précisant qu’elle utilisait "divers outils qui pour des raisons de sécurité ne sont pas à utiliser en public". Elle effectuait elle-même le démontage des vitrines existantes. S’agissant des qualifications professionnelles des employés qui interviendraient sur le chantier, elle précisait que E______ et F______ étaient embauchées en qualité de décorateurs et G______ et H______ en qualité de peintres-décorateurs. Elle a joint une fiche de salaire de chacun desdits employés.

c. Le 22 février 2018, la A______ a notifié une décision négative à la dérogation d’horaires sollicitée par B______, en indiquant que les conditions salariales n’étaient pas conformes aux minimaux imposés par la CCT-SOR.

d. Par courrier du 27 février 2018, la A______, en qualité d’organe de contrôle compétent chargé de veiller à l’application correcte de la CCT-SOR par les entreprises actives dans le secteur du second-œuvre a sollicité que B______ SARL lui fasse parvenir le contrat de travail des quatre employés devant travailler sur le chantier avec l’indication de leur fonction, de leur taux d’occupation, de leur classe de qualification et de leur droit annuel aux vacances, leurs fiches de salaire et leurs décomptes d’heures pour les mois d’octobre à décembre 2017 et janvier 2018, le justificatif de paiement des indemnités forfaitaires, le décompte de leurs vacances, le justificatif de paiement de leur 13ème salaire, l’accusé de réception de l’annonce indiquant la date d’inscription des travailleurs de B______ aux assurances sociales, dûment avalisée par leur caisse AVS/leur fond de prévoyance et de lui indiquer auprès de quelle Caisse de métiers ou quelle Association professionnelle, elle versait la contribution professionnelle et la cotisation à la retraite anticipée. Elle précisait qu’à défaut de production de ces documents dans le délai imparti, elle statuerait sur la base des pièces en sa possession et prendrait les sanctions qui s’imposent.
e. Le 27 février 2018, la A______ a effectué un contrôle de B______ sur le chantier D______, qui a fait l’objet du rapport d’intervention n° 3______. ______, Président de l’entreprise B______ a exposé qu’il avait sept employés en Suisse et trente-cinq en France. Il avait débuté son activité quinze ans auparavant et avait toujours réalisé des décors de vitrines et d’expositions. Il avait fait des démarches auprès de la A______ par erreur, son activité n’étant pas soumise au second-œuvre. Il avait engagé deux ouvriers de J______ SARL après la faillite de celle-ci. Il avait déposé une demande auprès de l’OCIRT pour travail de nuit.

L’inspecteur K______, pour ne pas péjorer le client et compte tenu du doute qu’il avait sur le champ d’application de la CCT-SOR, n’a pas signifié l’arrêt du chantier.

Après recherches, il est apparu que I______ était directeur de la société L______ qui elle-même chapeautait la société M______. Il était précédemment directeur de la société suisse J______ SARL, du 12 août 2014 au 22 janvier 2016, et actuellement, directeur de la société B______, créée le 8 avril 2016.

Selon le contrat de travail remis, N______, titulaire d’un permis G, avait été engagé par B______ en qualité de décorateur, le descriptif de son activité prévoyant qu’il était chargé des travaux de chargement, transport, déchargement et installation des décors de vitrines, de stands ou d’autres lieux de vente. Lorsqu’il n’était pas en mission, il pouvait travailler en atelier. La plupart des missions devait s’effectuer sur territoire suisse mais il pouvait être amené à se déplacer à l’étranger. Le droit suisse était applicable au contrat. Le rapport relève que les fiches de salaires des mois de décembre, janvier et février remises montraient qu’aucune indemnité journalière n’était versée, ni de 13ème salaire. Il a déclaré à l’inspecteur être polydesigner. Son activité lors du contrôle consistait au remplacement des décors de vitrines.

Le contrat de travail de F______, de nationalité suisse, faisait état d’un engagement temporaire, sans taux horaire, ni durée. Il a indiqué à l’inspecteur travailler en qualité d’aide décorateur et lors du contrôle, il remplaçait les décors des vitrines. Les fiches de salaire ne faisaient état d’aucune qualification, ni professions. Aucune indemnité journalière n’était versée, ni 13ème salaire.

Le contrat de travail de G______, de nationalité suisse, mentionnait qu’il était engagé en qualité de peinte décorateur. Il a indiqué à l’inspecteur qu’il était décorateur, ouvrier B (à savoir ouvrier de la construction avec connaissances professionnelles). Il était également occupé au remplacement des décors de vitrines lors du contrôle. Ses fiches de salaire ne faisaient mention d’aucune indemnité journalière, ni d’aucun 13ème salaire.

Le contrat de travail de H______, de nationalité suisse, mentionnait qu’il était engagé comme peintre décorateur à un taux de 100%. Ce dernier a indiqué à l’inspecteur qu’il était décorateur, ouvrier B et à l’assurance invalidité, mais qu’il ne percevait aucune rente. Il était également occupé au remplacement des décors de vitrines lors du contrôle. Ses fiches de salaire ne faisaient mention d’aucune indemnité journalière, ni d’aucun 13ème salaire.

Des photographies ont été jointes au rapport. On y voit des employés occuper à la pose et dépose d’éléments, vraisemblablement de menuiserie, à l'intérieur des vitrines de D______.

f. Le 28 mars 2018, le conseil constitué de B______ a indiqué à la A______ que sa mandante s’était adressée à cette dernière par erreur pour solliciter une dérogation d’horaires, dès lors que son activité ne rentrait pas dans le champ d’application de la CCT-SOR. Plus précisément, elle n’exerçait pas une activité principale ou accessoire prévue par l’art. 2 de ladite convention (version 2011). Elle rappelait la teneur de son but social, à savoir la commercialisation, la création, la fabrication et l’installation d’éléments de décor pour la communication des entreprises.

g. Par courriel du 18 avril 2018, la A______ indiquait au conseil de B______ que, précisément, la création, la fabrication et l’installation d’éléments de décor pour la communication des entreprises relevaient du second-œuvre. En effet, l’art. 2 al. 1 let. a CCT-SOR 2011 s’appliquait "à tous les employeurs, toutes les entreprises et aux secteurs d’entreprises qui exécutent ou font exécuter, à titre principal ou accessoire, des travaux de ( ) fabrication et/ou pose d’agencement(s) intérieur(s) et d’agencement(s) de magasins ( ) ".

Compte tenu des activités décrites dans la demande de dérogation d’horaires du 20 février 2018 et des activités constatées lors du contrôle de chantier du 27 février 2018, B______ devait appliquer les conditions minimales de salaire et de travail imposées par la CCT-SOR (en matière de salaire minimum, de durée et d’horaire de travail) et devait cotiser à la contribution professionnelle et à la retraite anticipée pour son personnel d’exploitation. Un nouveau délai lui était donc imparti pour fournir les pièces sollicitées, ainsi que le questionnaire de fin d’année pour la déclaration de son personnel d’exploitation 2017.
h. Par courrier du 18 mai 2018, le conseil de B______ se prévalait du fait que l’inspecteur de chantier n’avait pas immédiatement interrompu celui-ci, que le but social de l’entreprise ne prévoyait pas des travaux d’agencements de magasin au sens de l’art. 2 al. 1 let. a CCT-SOR (version 2011), mais l’installation d’éléments de décors dans les vitrines, étant précisé que le but social inscrit n’était pas déterminant pour trancher l’applicabilité d’une CCT étendue à un employeur, qui n’était pas lié par cette convention. L’activité de B______ relevait plutôt de l’événementiel, de la communication et du promotionnel. Les éléments de décor installés n’avaient aucun caractère pérenne puisqu’ils étaient changés au minimum six fois par an. Afin que la CCT-SOR étendue puisse s’appliquer à B______, encore fallait-il qu’elle offre des biens et des services de même nature que les entreprises soumises contractuellement à la CCT. Il devait exister un rapport de concurrence directe entre ces entreprises. Or, ce point n’était pas établi en l’espèce. Tel n’était vraisemblablement pas le cas de la concurrence (www.O______.ch; www.P______.ch), laquelle pourrait offrir des prix inférieurs, ce qui entrainerait la fin de son activité.

i. La A______ a confirmé, par courrier du 23 juillet 2018, sa position. Un nouveau délai était accordé à B______ pour fournir le questionnaire de fin d’année 2017 pour la déclaration du salaire de son personnel d’exploitation 2017.

j. Le 31 juillet 2018, la A______ a informé B______ qu’elle faisait l’objet d’un constat d’infraction supposée à la CCT-SOR suite au contrôle effectué le 27 février 2018 à la rue 1_____ à Genève, lors duquel l’inspecteur mandaté par la A______ avait constaté que les quatre employés présents déployaient des activités relevant du second-œuvre. Diverses infractions à la CCT-SOR avaient été relevées (travail d’un soir malgré une dérogation d’horaire négative, non-paiement des suppléments pour travail en dehors de l’horaire normal, non-respect du salaire minimal, non-paiement ou paiement partiel du 13ème salaire, des jours fériés et des indemnités forfaitaires et omission de se déclarer pour la perception de la retraite anticipée et de la contribution professionnelle). Un délai était accordé à la société pour lui faire parvenir ses explications, objections et justifications, accompagnées de toutes pièces utiles, à savoir, obligatoirement, les fiches de salaire des employés de février à avril 2018 et le justificatif du paiement des heures supplémentaires, jours fériés, indemnités forfaitaires, 13ème salaire et du paiement de la contribution professionnelle et de la cotisation de retraite anticipée. A défaut, la A______ l’avisait qu’elle statuerait sur la base du rapport et des pièces en sa possession et prendrait les sanctions qui s’imposent.

k. Malgré le rappel adressé le 4 septembre 2018 à la A______ avec octroi d’un délai supplémentaire pour la production des documents requis, B______ ne s’est pas exécutée.

B.            a. Par décisions des 18 et 19 octobre 2018, la A______ a prononcé à l’encontre de B______ des peines conventionnelles respectivement de 10'150 fr. (5 x 2'000 fr., soit 500 fr. par personne salariée et par infraction + 150 fr. de frais administratifs) pour violation de la CCT-SOR en matière de salaire conventionnel minimum, 13ème salaire, indemnités forfaitaires et travail du soir sans dérogation horaire, et de 1'000 fr. pour non transmission du questionnaire de fin d'année relatif aux calculs des cotisations dues.

b. B______ a contesté ces décisions en date du 19 novembre 2018 devant la Chambre des relations collectives de travail (ci-après : CRCT). Elle a soutenu qu'elle n'était pas soumise à la CCT-SOR en raison de son activité consistant à exécuter la pose d'éléments de décors et de vitrines de boutique. Nombre de ses concurrents à Genève n'étaient pas soumis à la CCT-SOR, de même que dans le canton de Vaud. Par ailleurs, la CCT-SOR visait des activités de construction pérennes comme la menuiserie, ébénisterie et charpenterie, plâtrerie peinture, revêtement de sol, pose de parquets, carrelage, etc. Ces activités ne comprenaient pas celles de décorations de vitrines qui devaient être renouvelées après quelques semaines d'exposition au maximum. La pose d'agencements intérieurs et d'agencements de magasin étaient des activités qui entraient dans le champ d'application de la CCT-SOR, au contraire de celles, éphémères, de décoration de vitrine

c. Par déterminations du 19 décembre 2018, la A______ a conclu à la confirmation des peines conventionnelles prononcées les 18 et 19 octobre 2018. La création, la fabrication et l’installation d’éléments de décor pour la communication des entreprises relevaient du second-œuvre, de sorte que l’activité de B______ entrait dans le champ d’application de l’art. 2 al. 1 let. a CCT-SOR 2011. B______ avait sollicité une dérogation d’horaire et confirmé que ses travailleurs étaient engagés comme décorateurs et peintres décorateurs. Elle avait indiqué que les travailleurs concernés travaillaient précédemment pour une autre entité du groupe, la société B______, entreprise française active dans la décoration d’intérieur et de vitrines, dont les activités étaient soumises à la CCT-SOR et qui était connue de la A______ pour avoir demandé plusieurs dérogations d’horaires. Les peines conventionnelles étaient maintenues mais la A______ accepterait de les reconsidérer en cas de fourniture des documents requis.

d. Une audience de conciliation s'est tenue le 7 février 2019 devant ladite Chambre. Par décision du même jour, la CRCT a suspendu la cause jusqu'au 30 avril 2019 pour permettre à la A______ de réexaminer ses décisions et, cas échéant, de les annuler (suite aux pièces qui lui seraient remises).

e. La A______ a déposé des écritures complémentaires le 9 mai 2019 devant la CRCT. Elle a persisté dans sa position. Les contrats de travail des employés E______ et G/H______ indiquaient expressément les activités respectives de décorateur et peintre décorateur, activités clairement du second-œuvre. Il n’était pas spécifié dans la CCT-SOR que les éléments de décor devaient être des constructions pérennes, elles pouvaient être éphémères et la décoration d’intérieure était une activité qui pouvait changer régulièrement dans les magasins selon les événements, les promotions, etc.

Elle a produit un document établi par Q______, Directrice adjointe des Associations T______, laquelle indiquait avoir présenté le dossier de B______ au comité de l’Association R (ci-après : R______). Ce dernier avait été unanime, la décoration de vitrines, à l’instar de ce que faisait l’entreprise B______ pour D______, entrait pleinement dans les activités usuelles des entreprises membres de l’R______.

La A______ précisait qu’en exerçant une activité soumise au second-œuvre, il existait un rapport de concurrence direct entre les entreprises de décoration d’intérieur et B______. En ne respectant pas les conditions minimales salariales prévues par la CCT-SOR, elle exerçait une concurrence déloyale sur le marché par rapport à ses concurrents. A titre d’exemple, la société S______ SA, citée dans la contestation de B______, avait fait plusieurs demandes de dérogation pour du travail du soir et du samedi auprès de la A______, pour des activités de pose de décorations dans des vitrines pour une marque de joaillerie de luxe, activité identique à celle de B______. Concernant la profession de polydesigner 3D, il était spécifié sur le site orientation.ch que cette profession consistait en la réalisation, l’installation de décors dans des vitrines ou les magasins en travaillant des matières tel que le bois, le métal, le carton et également des activités comme scier, découper, peindre, tapisser, agrafer, coudre, etc., activités qui relevaient expressément de la décoration d’intérieur, laquelle était soumise au second-œuvre.

f. Le 28 juin 2019, B______ a sollicité que la CRCT nomme un expert indépendant pour analyser la question du prétendu assujettissement de l'entreprise à la CCT-SOR et, sur le fond, qu'elle dise et constate que les activités de B______ n'entraient pas dans le champ d'application de de la CCT-SOR.

Les parties ont sollicité l'arbitrage de la CRCT.

C.           La Chambre des relations collectives de travail (CRCT) a rendu une sentence arbitrale en date du 6 novembre 2019, adressée pour notification aux parties le 7 novembre 2019, par laquelle elle a dit que l'activité de B______, dans le cas d'espèce, n'était pas soumise à la CCT-SOR, dit en conséquence que la A______ n'était pas compétente pour infliger des amendes pour violation de la CCT-SOR et partant a annulé les amendes infligées et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

En substance, la CRCT a retenu que l'entreprise concernée, dans le cadre des activités qu'elle exerçait le 27 février 2018, n'était pas assujettie à la CCT-SOR. Elle a estimé que le remplacement d’une vitrine pouvait être considéré comme une activité éphémère, a fortiori dans un commerce de luxe de la rue 4______, où la décoration était régulièrement renouvelée. Elle s’est ensuite posée la question de savoir si ce caractère éphémère de l’activité était suffisant pour considérer que celle-ci ne relevait pas du second-œuvre et l’exclure du champ d’application de la CCT-SOR. Pour répondre à cette question, elle a examiné un ensemble de critères, à savoir l’activité exercée lors du contrôle, la formation des travailleurs et les conditions de travail. Elle a considéré qu’il ne pouvait rien être déduit de la demande de dérogation d’horaire faite par l’entreprise, qui avait été refusée, tous les travailleurs étant, lors du contrôle, occupés au remplacement des décors de vitrines. Selon le rapport, les quatre travailleurs occupés sur le chantier avaient indiqué exercer la profession de polydesigner et de décorateur. Sur quoi, la CRCT a indiqué que la formation de polydesigner 3D, telle qu'elle ressort du site officiel d'orientation professionnelle, fait l'objet d'un apprentissage de quatre ans permettant d’obtenir un CFC, une maturité professionnelle ou un certificat fédéral, les principales activités de cette profession décrites sur ce site consistant à "concevoir, analyser la demande (type de produit, lieu d'exposition, période de l'année, etc.) formulée par la clientèle ou le service de vente de l'entreprise; se documenter sur les tendances de la mode, les goûts de la clientèle, l'ambiance, le style approprié pour créer une atmosphère en rapport avec le produit ou le service; dessiner en 2D ou 3D à l'aide de logiciels informatiques; créer une maquette de projets; évaluer les coûts, établir un budget et le respecter; définir les délais et les détails de l'exécution des décors, prévoir les adaptations nécessaires aux futures surfaces d'exposition ainsi que la signalisation; commander les fournitures, louer ou acheter des accessoires de décoration" en précisant que les polydesigners collaborent notamment avec des menuisiers, des peintres et des électriciens...". La CRCT a considéré que cette profession était particulière, dès lors qu’elle était moins manuelle que celle de décorateur, et faisait partie des arts appliqués. De surcroît, le fait de collaborer avec des travailleurs du second-œuvre ne signifiait pas exécuter des travaux relevant du second-œuvre. Le décorateur d’intérieur était, quant à lui, un artisan polyvalent selon l’R______. Sur un même projet, le designer concevait, tandis que le décorateur, travailleur du second œuvre, réalisait.

D.           a. Par acte expédié à la Chambre des Prud'hommes de la Cour de justice le 9 décembre 2019, la A______ a formé recours contre cette sentence arbitrale, concluant à son annulation et, cela fait, à la confirmation des décisions rendues les 16 et 18 octobre 2018 par la A______ à l'encontre de B______, laquelle devait être déboutée de toutes autres ou contraires conclusions, sous suite de frais et dépens.

A l'appui de ses conclusions, elle considère que la CRCT a fait preuve d'arbitraire en examinant l'assujettissement de l'entreprise à la CCT-SOR en utilisant le critère de la durée de l'activité (pérenne ou éphémère). Elle s'est ainsi écartée des règles d'interprétation des CCT posées par la loi et la jurisprudence, sans raison, alors que le texte de l'art. 1 CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 CCT-SOR 2011) est parfaitement clair. En l'espèce, tant les activités, que la formation des travailleurs, entrent dans le champ d'application de la CCT-SOR. Or, après avoir retenu un critère inexistant dans la CCT-SOR, la CRCT a poursuivi en détaillant la formation de polydesigner présentée par l'OFPC, alors que seul l'un des travailleurs possède cette qualification, les trois autres étant des décorateurs. Elle a ainsi procédé à un examen incomplet de la situation, ce qui confine à une appréciation manifestement inexacte des faits pertinents présentés. Le fait que l'OFPC distingue la formation de polydesigner de celle de décorateur au moyen de grilles de salaire différenciées n'est pas relevant en l'espèce, dès lors que l'assujettissement à la CCT-SOR ne dépend pas de cela. Lors du contrôle du 27 février 2018, les travailleurs de B______ étaient en train de changer les décors dans plusieurs vitrines, et effectuaient donc des travaux manuels de second œuvre, qui entrent dans le champ d'application de la CCT-SOR. Les contrats de travail versés à la procédure mentionnent d'ailleurs sans ambigüité les fonctions des travailleurs présents sur le chantier, soit deux peintres-décorateurs et un décorateur, aucun contrat ne mentionnant l'engagement d'un polydesigner.

Au surplus, elle fait grief à la CRCT d'avoir ignoré la position de l'R______ laquelle considère que la fonction de polydesigner entre pleinement dans la CCT-SOR, au vu des activités visées, et atteste que plusieurs des entreprises membres de l'R______ qui réalisent des travaux de décoration d'intérieur comparables à ceux de l'entreprise concernée, mais pour d'autres enseignes, sont soumises à la CCT-SOR, de sorte que B______ entre dans un rapport de concurrence directe avec d'autres entreprises du second œuvre et doit se conformer à la CCT-SOR. L'R______ étant l'une des parties contractantes à la CCT-SOR, sa position exprime la volonté des parties à intégrer l'activité de décorateur de vitrines à la CCT-SOR. Or, lors du contrôle du 27 février 2018, les travailleurs de la société concernée effectuaient des travaux de remplacement des décors de vitrine, pour lesquels l'entreprise avait préalablement sollicité une demande de dérogation d'horaire, de sorte que c'est à raison que la A______ avait considéré l'activité déployée comme relevant du second œuvre, indépendamment de l'appellation de polydesigner employé. La CRCT avait admis que le polydesigner concevait une vitrine, mais ne l'installait pas lui-même; il bénéficiait de l'aide de travailleurs du second œuvre pour ce faire, ce qui était précisément le cas lors du contrôle effectué, B______ n'ayant collaboré avec aucune autre entreprise pour démonter et remonter les vitrines du magasin, activité propre au second-œuvre selon l'art. 1 al. 1 let. a CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 let. a CCT-SOR 2011), mais l'ayant fait elle-même. En outre, la décision rendue considérait que les pièces produites ne permettaient pas d'établir avec précision la formation des travailleurs mais concluait cependant, de manière arbitraire, qu'ils étaient tous polydesigners. La A______ avait d'ailleurs sollicité la production par l'entreprise concernée de divers documents concernant la formation des travailleurs concernés, que l'entreprise n'avait pas fournis, et que la CRCT n'avait pas réclamé.

En conséquence, d'une part, par son activité d'agencement de magasin selon l'art. 1 let. a CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 let a CCT-SOR 2011), activité constatée lors du contrôle de chantier du 27 février 2018 et, d'autre part, par son activité de décoration d'intérieur selon l'art. 1 let. j CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 let. e CCT-SOR 2011), activité mentionnée dans les contrats de travail des travailleurs contrôlés le 27 février 2018, l'entreprise B______ était soumise à la CCT-SOR.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au rejet du recours, à la confirmation de la sentence arbitrale et au déboutement de la A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, elle a conclu à la nomination d'un expert indépendant pour analyser la question du "prétendu" assujettissement de B______ à la CCT-SOR.

En substance, elle considère que la CRCT n'est pas tombée dans l'arbitraire pour définir le champ d'application de la CCT-SOR. Le caractère pérenne ou éphémère servant à distinguer les activités de polydesigner et de décorateur devait être examiné afin de savoir si les activités de B______ entraient dans le champ d'application de la CCT-SOR, cette convention ne précisant aucune méthode d'interprétation. La CRCT n'avait par ailleurs pas utilisé ce seul critère d'examen, contrairement à ce que laissait entendre la A______ dans son recours. La comparaison qu'elle avait fait de l'activité de B______ avec celle d'un vitrier n'était pas pertinente, ce dernier effectuant une installation fixe et durable, contrairement à l'entreprise concernée. Par ailleurs, les contrats de travail des employés de B______, ou leurs formations respectives, ne suffisaient pas à déterminer précisément l'activité déployée par la société; seules étant déterminantes les tâches effectivement confiées et exécutées par celle-ci. Il n'était par ailleurs pas surprenant que ladite société emploie des travailleurs ayant des connaissances en matière de peinture ou de décoration, sans pour autant que cela ne permette encore d'affirmer que ceux-ci exerçaient au sein de la société dans ces domaines.

Pour qualifier l'activité de B______ de "décoration d'intérieur", la A______ s'était fondée sur l'avis de l'R______, laquelle était composée d'uniquement quatorze membres. Q______ étant membre de son comité et également secrétaire de la A______, son avis était sujet à caution. Rien ne démontrait que les entreprises membres effectueraient des travaux de décoration de vitrines identiques à ceux de B______. L'activité de cette dernière ne correspondait d'ailleurs pas à celle de décorateur d'intérieur telle qu'elle était définie sur le site de l'R______; B______ n'était ni une menuiserie, ni une ébénisterie, ni une charpenterie et, point essentiel, ne fabriquait aucun élément de décor ni élément de vitrine. Seules la décoration intérieure (au sens de l'art. 2 al. 1 let. e CCT-SOR 2011) et les activités d'agencement intérieur et d'agencement de magasins (au sens de l'art. 2 al. 1 let. a CCT-SOR 2011) qui perduraient et nécessitaient des travaux d'une certaine ampleur (comme la pose d'escalier, de chauffage design, etc.) entraient dans la catégorie des travaux de menuiserie ébénisterie et charpenterie, au contraire de la décoration de vitrine qui était éphémère et de faible importance (présentoirs bijoux ou d'autres marchandises, etc). B______ n'exécutant que la pose d'éléments de décors et de vitrine de boutique (comme cela ressortait du rapport de contrôle sur chantier), c'est à juste titre que la CRCT avait retenu que son activité relevait du métier de polydesigner, dès lors qu'elle imagine/intellectualise les décors qu'elle pose en vitrine après réalisation de ceux-ci par les corps de métier tels les menuisiers, charpentiers, ébénistes. La décision rendue n'était ainsi pas arbitraire.

Au surplus, l'OFPC distinguait clairement la profession de décorateur d'intérieur de celle de polydesigner 3D (les listes d'apprentis en vigueur à Genève distinguaient ces deux professions). Pour les salaires des décorateurs d'intérieur, c'est la CCT-SOR qui s'appliquait, alors que pour la profession de polydesigner 3D, c'étaient les Conventions d'entreprise qui régissaient la matière, de sorte que cette dernière profession ne relevait pas de la décoration d'intérieur et n'était pas assujettie à la CCT-SOR. La décision rendue reposait ainsi sur une appréciation correcte des faits résultant de l'instruction menée. Pour poser les nouveaux éléments de décor, B______ devait enlever les précédents, activité qui ne relevait pas du second œuvre, cette dernière ne fabricant par ailleurs aucun élément de décor.

EN DROIT

1.             La Cour est saisie d’un recours dirigé contre une décision rendue par la Chambre des relations collectives de travail concernant une violation de la convention collective de travail du second œuvre romand (ci-après : CCT-SOR). Elle examine d’office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

1.1 La CCT-SOR prévoit à son art. 51 al. 2 que les décisions de la Commission professionnelle paritaire cantonale (A______) peuvent faire l’objet d’un recours dans les trente jours auprès de la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) dans le Canton de Genève. Selon la même disposition, la CRCT est saisie soit en tant qu’instance de conciliation, soit en tant qu’instance de jugement, soit en tant qu’instance d’arbitrage, en application des art. 8, 9 et 10 de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail. La CRCT est quant à elle définie dans le cadre de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (LCRCT). Cette loi institue une Chambre des relations collectives de travail à Genève avec notamment les compétences de prévenir et concilier les différends d’ordre collectif concernant les conditions de travail et de trancher les différends collectifs comme tribunal arbitral public (art. 1, al. 1, let. a et e LCRCT). L’art.  10  LCRCT prévoit quant à lui que la Chambre peut statuer comme tribunal arbitral public sur tout litige qui lui est soumis d’entente entre les parties. L’art. 7  du Règlement d’application de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (RCRCT) dispose quant à lui que les parties aux conventions collectives et les organisations professionnelles ayant qualité pour agir selon le droit fédéral sont notamment considérées comme parties ayant la qualité pour requérir la réunion de la Chambre des relations collectives de travail. L’art.  10 RCRCT dispose que les associations d’employeurs et de salariés et l’employeur qui a un différend d’ordre collectif avec ses salariés sont notamment considérés comme parties ayant qualité pour requérir la réunion de la Chambre dans le cadre d’une procédure d’arbitrage au sens de l’art. 10 LCRCT. En l’absence d’un compromis écrit, l’art. 11 al. 2 RCRCT dispose que les parties peuvent déclarer conjointement et oralement, lors d’une audience de la Chambre fonctionnant en qualité de Chambre de conciliation, qu’elles se soumettent à son arbitrage, cette déclaration étant portée au procès-verbal. L’art. 15 RCRCT prévoit que la sentence arbitrale rendue par la CRCT est minutée comme un jugement et est assimilée, pour son exécution, à un jugement définitif. Ni la LCRCT ni le RCRCT ne prévoient d’instance de recours cantonale contre une décision prise par la Chambre des relations collectives de travail en tant que tribunal arbitral instaurée par la CCT-SOR. Cette dernière ne prévoit pas non plus un tel recours.

Dans un arrêt
4A_53/2016 du 13 juillet 2016, la première Cour de droit civil du Tribunal fédéral a considéré que la CRCT est une instance publique cantonale lorsqu’elle agit en qualité de tribunal arbitral public et que sa composition et la détermination de son siège étant soustraites au choix des parties, elle ne peut pas être considérée comme un tribunal arbitral au sens des art. 353 et ss. CPC, avec la conséquence qu’un recours direct au Tribunal fédéral sur la base de l’art.  77  al. 1 LTF est dès lors exclu et que la CRCT statue ainsi dans ces situations en tant qu’autorité judiciaire cantonale de première instance et que sa décision, comme jugement étatique, n’est pas susceptible d’être attaquée directement devant le Tribunal fédéral. En effet, le recours en matière civile est ouvert contre une décision cantonale, pour autant que cette décision ait été rendue par un tribunal supérieur du Canton, lequel, sauf exception n’entrant pas en ligne de compte en l’espèce, aura statué lui-même sur recours, au sens de l’art. 75  al.  1  et 2 LTF. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’en vertu du droit fédéral, une voie de recours cantonale doit être ouverte contre une décision judiciaire de première instance de la CRCT, de sorte qu’à Genève, la Cour de justice est compétente pour connaître d’un tel recours, en sa qualité d’autorité judiciaire supérieure du Canton (ATF 139 III 252 consid. 1.6 p. 255 et ss.).

A Genève, la Chambre des prud’hommes de la Cour civile est compétente pour les appels et les recours dirigés contre les jugements du Tribunal des prud’hommes (art. 124 LOJ). La Chambre de céans, second degré de juridiction civile à Genève pour un litige ayant trait au droit du travail, est dès lors compétente pour connaître de la présente cause (CAPH/204/2017 du 12 décembre 2017), ce qui n’est au demeurant pas contesté par les parties.

1.2 Le Code de procédure civile est applicable devant les juridictions cantonales aux affaires civiles contentieuses (art. 1 CPC). L’appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins dans les affaires patrimoniales (art. 308 CPC). Le recours est quant à lui recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel. Le recours doit être formé par écrit et lettre motivée et introduit auprès de l’instance de recours dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée. La décision attaquée doit être jointe au dossier, pour autant qu’elle soit en main du recourant.

En l’espèce, la voie de l’appel n’est pas ouverte en raison de la valeur litigieuse inférieure à 10'000 fr. et le recours dont est saisi la Cour a été interjeté en temps utile et dans les formes requises par la loi. Il est donc recevable à la forme.

2.             La recourante fait grief à la CRCT d'avoir considéré que l'activité de B______ ne rentrait pas dans le champ d'application de la CCT-SOR. Elle lui reproche de ne pas avoir examiné, ni apprécié, l'activité exercée par les travailleurs lors du contrôle de chantier et de ne pas avoir tenu compte de la formation professionnelle des travailleurs contrôlés, ou encore de leur fonction mentionnée dans le contrat de travail, mais de s'être contentée de définir l'activité de polydesigner sous un angle purement théorique, en écartant les constatations de terrain propres à définir l'activité concrète.

2.1.1 Le Conseil fédéral a la faculté d'étendre le champ d'application d'une convention collective à tous les employeurs et travailleurs qui appartiennent à la branche économique ou à la profession visée par la convention, mais ne sont pas liés par celle-ci (cf art. 1 al. 1 et art. 7 al. 1 LCCT). Le but de la déclaration d'extension est de créer des conditions de travail minimales identiques pour toutes les entreprises actives sur le même marché, afin d'éviter qu'une entreprise puisse obtenir un avantage concurrentiel en accordant à ses employés de moins bonnes conditions. Font partie de la même branche économique les entreprises qui se trouvent dans un rapport de concurrence direct avec celles qui sont parties à la convention, en ce sens qu'elles offrent des biens ou services de même nature (ATF 134 III 11 consid. 2,2; 134 I 269 consid. 6.3.2; arrêt 4G.391/2001 du 30 avril 2002 consid. 3.1, in JAR 2003 413).

Pour savoir si une entreprise appartient à la branche économique ou à la profession concernée et entre dans le champ d'application de la convention étendue, il faut déterminer concrètement l'activité généralement déployée par l'entreprise concernée (ATF 134 I 269 consid. 6.3.2). Le but social tel qu'énoncé dans les statuts ou le registre du commerce n'est pas déterminant. Est décisive l'activité généralement exercée par l'employeur en question, c'est-à-dire celle qui caractérise son entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_299/2012 du 16 octobre 2012 consid. 2.1; ATF 134 III 11 consid. 2.1; arrêt 4C. 191/2006 du 17 août 2006 consid. 2.3.1; STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 7ème éd. 2012, n. 11 ad art. 356b CO).

2.1.2 Les clauses d'une convention collective ayant un effet direct et impératif sur les contrats individuels entre les employeurs et employés qu'elles lient (cf. art. 357 al. 1 CO) sont dites clauses normatives. Elles s'interprètent de la même manière qu'une loi (ATF 136 III consid. 2.3.1 p. 284). Tel est le cas, en particulier, des clauses définissant à quelle catégorie de travailleurs s'applique la convention collective (arrêt 4A_163/2012 consid. 4.1). La loi s'interprète en premier lieu selon la lettre (interprétation littérale). Le juge peut cependant s'écarter d'une telle interprétation s'il a des raisons sérieuses de penser que le texte légal ne reflète pas la volonté réelle du législateur. Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, il faut rechercher la véritable portée de la norme, en tenant compte notamment des travaux préparatoires, du but et de l'esprit de la règle, ainsi que de la systématique de la loi. Cela étant, lorsqu'il est question des clauses normatives d'une convention collective, il ne faut pas exagérer la distinction entre l'interprétation des lois et celles de contrats (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284). La volonté des parties à la convention collective revêt plus de poids que celle du législateur. Encore faut-il se demander, pour protéger la confiance des parties individuelles n'ayant pas participé à l'élaboration de la convention, si la volonté contractuelle dégagée selon les principes de l'interprétation des contrats résiste à une interprétation objective fondée sur la lettre de la clause normative, son sens et sa raison d'être (arrêts du Tribunal fédéral 4A_467/2016 du 8 février 2017 consid. 3.2; 5A_335/2016 du 30 novembre 2016 consid. 3.1; ATF 133 213 consid. 5.2).

2.1.3 La Convention collective de travail romande du second œuvre, conclue dans sa version initiale le 1er novembre 2000, a fait l'objet de divers arrêtés d'extension du Conseil fédéral (cf ATF 134 III 541 consid. 3 p. 543). En l'occurrence, le grief soulevé porte sur le champ d'application de la CCT-SOR, à savoir de son art. 1 al. 1 CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 CCT-SOR 2011).

La Convention collective de travail du second œuvre romand 2019 (CCT-SOR) s'applique à tous les employeurs, toutes les entreprises et aux secteurs d'entreprises qui exécutent ou font exécuter, à titre principal ou accessoire, des travaux de fabrication et/ou pose d'agencement intérieur et d'agencement de magasins (art. 1 al. 1 let. a) ainsi que des travaux de décoration d'intérieur (art. 1 al. 1 let. j) (anciennement art. 2 al.1 CCT-SOR 2011).

2.2.1 En l'espèce, l'intimée, dont le but est la commercialisation, la création, la fabrication et l'installation d'éléments de décor pour la communication des entreprises, a été contrôlée le 27 février 2018 sur un chantier sis rue 1_____ à Genève, alors que quatre de ses employés étaient occupés au remplacement des décors intérieurs des vitrines chez D______. Dans sa décision la CRCT a retenu que le remplacement d'une vitrine était une activité éphémère, a fortiori dans un commerce de luxe situé à la rue 1______ à Genève, où la décoration est régulièrement renouvelée, ce qui permettait de considérer que la société n'était pas assujettie à la CCT-SOR. A l'instar de l'appelante, la Cour relève que l'art. 1 CCT-SOR (anciennement art. 2 CCT-SOR 2011) n'érige pas en condition d'assujettissement à la CCT-SOR, le fait que les travaux de fabrication et/ou de pose d'agencements intérieurs et d'agencements de magasins, ou les travaux de décoration d'intérieur soient pérennes. La CRCT a ainsi introduit un critère d'examen à l'assujettissement à la CCT-SOR qui ne figure aucunement dans la convention et qui procède d'une interprétation de cette dernière qui confine à l'arbitraire, étant rappelé que la volonté des parties à la convention collective revêt plus de poids que celle du législateur et qu'elles n'y ont pas inséré cet élément d'appréciation.

2.2.2 Le texte clair de l’art. 1 de la CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 CCT-SOR 2011) indique que ladite convention s’applique à toutes les entreprises et aux secteurs d'entreprises qui exécutent ou font exécuter, à titre principal ou accessoire, des travaux de fabrication et/ou pose d'agencement intérieur et d'agencement de magasins (al. 1 let. a) ainsi que des travaux de décoration d'intérieur (al. 1 let. j). Les agencements des vitrines à l'intérieur d’un magasin, même s'ils sont remplacés régulièrement, entrent manifestement dans cette catégorie, ce d'autant lorsque, comme en l'espèce, il s'agit d’aménagements d’une certaine importance. Le travail réalisé dans les vitrines de D______ par l’entreprise concernée a nécessité l’intervention de quatre employés. L’activité consistait à démonter tous les agencements des vitrines existants et à installer ensuite, en lieu et place, selon les propres termes de l’intimée dans le courrier adressé le 21 février 2018 à l'appelante, les "nouveaux éléments de vitrine produits par nos soins", ce qui permet de considérer que, contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures, non seulement l'intimée a posé lesdits éléments mais les a fabriqués (ce qui est du reste prévu dans son but social qui vise expressément la création d'éléments de décor). Ce travail nécessitait l’emploi d’outils pouvant être dangereux pour la clientèle, selon les termes de l'intimée, ce qui implique une activité manuelle sur le chantier. Les contrôleurs qui se sont déplacés le 27 février 2018 ont pu constater que les travaux réalisés consistaient en des travaux d’aménagement de vitrines et non des travaux de pose d’éléments de décor. Le travail réalisé par les travailleurs de l'intimée ne peut ainsi être comparé à la pose d’un promontoire à bijoux, comme le soutient l’intimée, dès lors que les travailleurs de B______ ne se sont pas contentés de poser un simple objet, mais ont procédé à des travaux à l'intérieur des vitrines à l'aide d'outils pour y effectuer des aménagements. Les activités exercées le jour du contrôle étaient donc purement manuelles et totalement assimilables à l’agencement intérieur et la décoration intérieure d’un magasin. Les photographies jointes au rapport de l’inspecteur démontrent que les employés effectuaient des travaux importants d’agencement des vitrines concernés, en utilisant manifestement des éléments de menuiserie dans celles-ci, qu’ils ont placés, ajustés et assemblés, au moyen d’un outillage spécifique. L'intimée n'a d'ailleurs fait appel à aucune entreprise extérieure dans la réalisation de ce travail. L’activité de l’entreprise le jour du contrôle entrait donc bel et bien dans le champ d’activité de la CCT-SOR, à laquelle elle est donc pleinement soumise.

2.2.3 L’examen des fonctions et qualifications des employés contrôlés ne permet pas de modifier cette analyse. Il ressort des contrats de travail produits par l’intimée que travaillaient sur place, N______, engagé comme décorateur selon son contrat de travail, F______, employé temporairement sans qualification selon son contrat, G______ et H______, engagés tous deux comme peintres décorateurs, d'après leur contrat de travail. Selon les déclarations faites par les employés lors du contrôle, seul l’employé E______ a déclaré être polydesigner, tandis que les trois autres employés ont indiqué être décorateurs. Aucun desdits employés n’a cependant fourni le justificatif de sa formation, et notamment pas celle de polydesigner qui, comme examiné supra, nécessite quatre années d'apprentissage. Il ne saurait être retenu, sans basculer dans l'arbitraire, que les travailleurs étaient polydesigners 3D. Il apparaît, au vu des déclarations de G______ et H______, qui ont indiqué au contrôleur qu’ils étaient dans la catégorie " ouvrier B ", qu’ils sont sans formation, mais qu’ils disposent d’expérience dans leur domaine, à savoir celui de peintre décorateur. Ils n’ont ainsi à l’évidence pas suivi de formation de polydesigner, telle que décrite supra, et n’en possède pas les compétences et qualifications. Bien qu'il se prétende polydesigner, ce qui ne ressort pas de son contrat de travail, il en va de même de N______. Quant à F______, il a été engagé temporairement et est sans qualification, ce qui est précisé expressément dans son contrat, de sorte qu'il ne saurait être considéré qu'il exerce une activité de polydesigner. L’intimée n’a pas fourni d'explications, ni d'éléments de preuve qui pourraient permettre de retenir que les quatre employés contrôlés auraient les qualifications de polydesigner, ni d'ailleurs qu'ils en exerceraient la fonction. Il convient par conséquent de s’en tenir aux indications figurant dans les contrats de travail, concernant la qualification des travailleurs, et aux observations effectuées lors du contrôle. L'activité réalisée par les quatre travailleurs concernés le 27 février 2018 était purement manuelle et consistait en la dépose et pose d'agencements intérieurs de vitrines. C’est ainsi à tort que la CRCT a retenu que tous les employés étaient des polydesigners, rien ne permettant de retenir, au vu des contrats de travail produits et de l’activité déployée sur le chantier, que même un seul d'entre eux le serait. Les travailleurs contrôlés étaient donc bien des décorateurs et peintres décorateurs au sens de l’art. 1 al. 1 let. j CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 let. e CCT-SOR 2011), qui exerçaient lors du contrôle des travaux manuels de second œuvre.

2.2.4 Au surplus, la A______ a produit un document établi par Q______, Directrice adjointe des Associations T______, laquelle a indiqué avoir soumis le dossier de B______ SARL au comité de l'R______ (Association R______), qui a confirmé que la décoration de vitrines, à l'instar de l’activité pratiquée par B______ pour D______, entrait pleinement dans les activités usuelles des entreprises membres de l'R______, soit des entreprises qui réalisaient des travaux de décoration d'intérieur, telles que visées par l'art. 1 let. j CCT-SOR 2019. Plusieurs membres de l'R______ effectuaient d'ailleurs des travaux similaires à B______ pour d'autres enseignes. L'intimée a relativisé la force probante de ce témoignage au motif que Q______ serait également secrétaire de la A______. Aucun élément ne permet cependant de mettre en doute le témoignage de cette personne, laquelle ne semble pas avoir un intérêt personnel à l’issue du présent litige. L'intimée n'a, par ailleurs, pas apporté la preuve contraire, soit que les entreprises qui pratiquent la même activité qu'elle sur territoire genevois ne seraient pas soumises à la CCT-SOR. Enfin, l'R______ étant l'une des parties contractantes à la CCT-SOR, la volonté qu'elle exprime reflète celle des parties à ladite convention.

2.2.5 Les travailleurs de l'entreprise B______, lesquels procédaient aux démontage et à la pose d'agencements intérieurs des vitrines de D______ lors du contrôle du 27 février 2018, effectuaient bien une activité propre au second œuvre. Ainsi, d'une part, en raison de son activité d'agencement de magasins selon l'art. 1 al. 1 let. a CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 let. a CCT-SOR 2011), qui a été constatée lors du contrôle effectué, et d'autre part, en raison de son activité de décorateur d'intérieur selon l'art. 1 let. j CCT-SOR 2019 (anciennement art. 2 al. 1 let. e CCT-SOR 2011), qui ressort des qualifications figurant dans les contrats de travail des employés, l'entreprise B______ est soumise à la CCT-SOR. Elle entre en effet en concurrence directe avec d'autres entreprises du second œuvre qui exerce une activité identique, à savoir l'installation d'agencements de vitrines et qui sont soumises à la CCT-SOR.

C'est ainsi à tort que la CRCT a considéré que l’activité de B______ n’était pas soumise à la CCT-SOR, de sorte que la sentence arbitrale du 6 novembre 2019 sera annulée.

2.2.6 A titre superfétatoire, il sera encore précisé que l'expertise judiciaire que sollicitait à titre subsidiaire l'intimée n'est d'aucune utilité lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'apprécier des faits et de leur appliquer le droit.

2.2.7 Les peines conventionnelles prononcées à l'encontre de B______ le 18 octobre 2018 et le 19 octobre 2018 par la Commission paritaire des métiers du bâtiment du second œuvre (A______), sur la base de l'art. 52 CCT-SOR qui lui en donne la compétence, seront donc confirmées, l'intimée n'ayant émis aucune critique sur les infractions à la CCT-SOR retenues, ni sur le montant des peines infligées, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ces points.

3.             Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 19 al. 3 let. c LaCC). Il n'est en outre pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).



* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe CT :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 9 décembre 2019 par la COMMISSION A______ (A______) contre la sentence arbitrale 2______ rendue le 6 novembre 2019 par la Chambre des relations collectives de travail dans la cause C/27786/2019-CT.

Au fond :

Annule la sentence arbitrale attaquée.

Confirme les peines conventionnelles du 18 octobre 2018 et du 19 octobre 2018 rendues par la COMMISSION A______ (A______) à l'encontre de B______.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE CHAVANNE, présidente; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Fiona MAC PHAIL, juge employeur; Madame Shirin HATAM, juge salariée; Madame Ana ROUX, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 


 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119
al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.