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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/15745/2019

CAPH/167/2021 du 30.08.2021 sur JTPH/338/2020 ( OS ) , ARRET/CONTRA

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15745/2019-2 CAPH/167/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 30 AOÛT 2021

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 22 octobre 2020 (JTPH/338/2020), comparant par Me Michael RUDERMANN, avocat, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Marco CRISANTE, avocat, rue du Conseil-Général 18, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/338/2020 du 22 octobre 2020, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ SÀRL à verser à son ancien employé B______ la somme brute de 12'000 fr. correspondant aux salaires des mois de mai, juin et juillet 2019 que l’employé indiquait ne pas avoir perçu. A l’appui de sa décision, la juridiction inférieure a considéré (i) que les dispositions de la Convention collective de travail pour l’hôtellerie-restauration suisse (CCNT) s’appliquaient à la relation de travail, (ii) que l’employeur avait résilié les rapports de travail le 21 juin 2019 considérant faussement que l’employé avait abandonné son poste de travail, (iii) que, dès lors, la réclamation de l’employé tendant au paiement de ses salaires de mai à juillet 2019 devait être accueillie (iv) et que, faute d’avoir prouvé le paiement des salaires durant cette période, l’employeur devait verser à l’employé les trois mois de salaire ainsi réclamés.

Les premiers juges ont en outre condamné A______ SÀRL à remettre à B______ les bulletins de salaire pour les mois de décembre 2018, avril, mai, juin et juillet 2019, ainsi qu’un certificat de travail conforme et une attestation de cotisations LPP pour la période de décembre 2018 à juillet 2019.

B.            Par acte déposé au greffe de la Cour le 20 novembre 2020, A______ SÀRL appelle de ce jugement en tant qu’il la condamne à verser à son ancien employé la somme brute de 12'000 fr. (ch. 3 du dispositif). L’appelante conteste également la décision d’irrecevabilité prononcée par les premiers juges à l’encontre de ses déterminations du 1er juillet 2019 (ch. 2 du dispositif).

A l’appui de son appel, A______ SÀRL fait grief au Tribunal d’avoir rendu le jugement querellé, sans avoir permis à l’employeur de faire valoir son droit à la preuve et d’avoir enfreint l’article 247 al. 1 et al. 2 lit b ch 2 CPC, régissant la maxime inquisitoriale (applicable au litige vu la valeur litigieuse), qui aurait dû amener les premiers juges à un devoir d’interpellation accru à l’endroit des parties, situation qui aurait permis d’éclairer le Tribunal sur la question des salaires impayés qui n’a ainsi pas été instruite par la juridiction inférieure. La partie appelante invoque également la violation de son droit d’être entendu, ainsi que la violation de l’article 154 CPC en faisant grief au Tribunal de ne pas avoir rendu une ordonnance de preuves avant l’administration des preuves.

Dans ses conclusions, la partie appelante conclut ainsi à l’annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement querellé en tant qu’ils rejettent les déterminations de l’employeuse et la condamnent à verser à son ancien employé la somme brute de 12'000 fr. L’appelante conclut en outre à ce qu’il lui soit donner acte qu’elle reconnaît devoir à son ancien employé la somme brute de 4'000 fr. correspondant au salaire du mois de juillet 2019 et au déboutement des conclusions de B______ concernant ses prétentions en paiement de ses salaires des mois de mai et juin 2019, au motif que ces salaires lui ont été versés. Subsidiairement, la partie appelante conclut au renvoi de la cause devant le Tribunal des prud'hommes pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

C.           Par mémoire de réponse du 11 janvier 2021, B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de l’appel. En substance, la partie intimée a nié toute violation d’une règle de procédure dans l’instruction du litige conduite par les premiers juges, qu’ils s’agissent de l’article 150 CPC relatif au droit à la preuve, l’article 247 al. 2 CPC relatif à la maxime inquisitoire, l’article 229 CPC relatif au droit d’être entendu et l’article 154 CPC relatif à l’ordonnance de preuves.

D.           Les parties ont dupliqué et répliqué par actes respectivement des 14 janvier 2021 et 9 février 2021. Les arguments développés par les plaideurs seront repris dans la mesure utile dans le présent arrêt.

E.            Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Par demande simplifiée déposée au Greffe du Tribunal des prud'hommes le 28 août 2019, B______ a assigné A______ SÀRL en paiement de la somme totale de 12'000 fr., correspondant à un salaire mensuel de 4'000 fr. dû pour les mois de mai, juin et juillet 2019. En substance, l’employé a indiqué avoir travaillé pour l’entreprise A______ SÀRL en qualité de ______ [profession] à compter du 15 décembre 2018, moyennant un salaire mensuel brut de 4'000 fr. Il a précisé avoir été en incapacité de travail en raison d’une maladie contractée le 21 juin 2019 et attestée par certificat médical établi le 24 juin 2019, certificat qui avait été adressé à son employeur. Il précisait que son salaire de mai 2019 ne lui avait pas été réglé et réclamait les salaires de juin et juillet 2019 que son employeur ne voulait pas lui payer au motif qu’il avait abandonné son poste.

b. Par ordonnance OTPH/1824/2019 du 7 octobre 2019, le Tribunal des prud'hommes transmit à A______ SÀRL un exemplaire de la demande formulée le 28 août 2019 par B______, ainsi qu’un chargé de pièces, et impartit à A______ SÀRL un délai de trente jours pour présenter son écriture de réponse, ainsi que les moyens de preuve dont elle entendait se prévaloir.

Aucune suite ne fut donnée à cette ordonnance et A______ SÀRL ne déposa d’écriture de réponse dans le délai imparti.

c. Par ordonnance OTPH/2189/2019 du 29 novembre 2019, le Tribunal des prud'hommes, constatant le défaut de réponse, impartit aux deux parties un délai de quinze jours pour déposer la liste des témoins qu’elles souhaitaient faire entendre dans la procédure, ainsi que les moyens de preuves dont elles entendaient se prévaloir.

d. Le 11 décembre 2019, soit dans le délai fixé, B______ déposa au Greffe de la juridiction une liste de témoins comprenant deux noms (C______ et D______). Aucune liste de témoins ou réquisition des preuves ne fut déposée par A______ SÀRL dans le délai imparti.

e. Par citation du 12 juin 2020, le Tribunal des prud'hommes convoqua les plaideurs à une audience de débats fixée pour le 29 juin 2020, audience à laquelle les parties ont comparu en personne, sans l’assistance d’un conseil.

f. A l’audience précitée, B______ a maintenu ses réclamations et contesté avoir abandonné son poste de travail. Il a indiqué avoir bénéficié, le 24 juin 2019, d’un certificat médical attestant une incapacité de travail à compter du 21 juin 2019 et avoir transmis ce certificat par pli postal le 24 juin 2019. N’ayant pas eu de réponse de son employeur, il réitéra son envoi le 8 juillet 2019, puis a transmis un nouveau certificat médical, daté du 20 juillet 2019, attestant une reprise de travail dès le 1er août 2019.

g. Les représentants de A______ SÀRL ont précisé n’avoir jamais reçu le certificat médical par courriel, mais avoir bien reçu un certificat médical daté du 24 juin 2019, ne pouvant indiquer s’il avait été posté le jour-même ou le 8 juillet 2019. La défenderesse a également indiqué ne pas avoir reçu un certificat médical faisant état d’une reprise au 1er août 2019. Elle a indiqué que le salaire du mois de mai 2019 avait été payé les premiers jours du mois de juin, en espèces et sans quittance, montant qui avait été remis à B______ par E______. Le salaire du mois de juin lui avait également été payé le 3 juillet 2019, en présence du père du demandeur, également par E______ qui avait réclamé, à cette occasion, le retour des clefs de l’établissement, ainsi que la carte du compte postal qui servait à faire des courses. La défenderesse a indiqué qu’elle disposait de messages G______ [réseau de communication] échangés avec E______ et F______ et attestant le rendez-vous du 3 juillet 2019 et prouvant que la remise des clefs de l’établissement et de la carte du compte postal était liée au paiement du salaire du mois de juin.

h. Le procès-verbal de l’audience débats du 29 juin 2020 impute aux représentants de A______ SÀRL la renonciation à l’audition des deux témoins, le procès-verbal indiquant à ce sujet, dans la bouche des représentants de A______ SÀRL, « je renonce à l’audition de mes deux témoins car ils étaient là pour justifier que je travaillais là-bas ».

A l’issue des débats du 29 juin 2020, le Tribunal a permis aux parties de présenter leurs plaidoiries finales, les deux parties ayant renoncé aux plaidoiries. Le procès-verbal, remis aux parties à l’issue de l’audience, n’indique pas que la cause est gardée à juger.

i. Le 1er juillet 2020, soit postérieurement à l’audience de débats, A______ SÀRL a déposé au Tribunal un argumentaire accompagné de huit pièces tendant à établir que l’employé aurait reçu ses salaires des mois de mai et juin 2019.

j. Le Tribunal des prud'hommes a rendu, le 22 octobre 2020, le jugement querellé. En substance, le Tribunal a déclaré irrecevables les déterminations de A______ SÀRL du 1er juillet 2019 au motif de leur tardiveté et a retenu que l’employeur n’avait pas rapporté la preuve du paiement des salaires des mois de mai et juin 2019, l’employeur indiquant avoir versé le salaire en espèces sans produire aucun justificatif à cet égard. Les juges ont dès lors considéré que les salaires des mois de mai et juin 2019 restaient dus puisqu’ils n’avaient pas été réglés contrairement aux affirmations de l’employeur. Les rapports de travail se terminant le 31 juillet 2020, compte tenu de la suspension du délai de congé au regard de l’incapacité de travail de l’employé, le Tribunal a également considéré que l’employeur restait redevable du salaire du mois de juillet 2019 et c’est ainsi une somme brute de 12'000 fr. que l’employeur a été condamné à devoir payer à son ancien employé.

EN DROIT

1.             Dirigé contre une décision finale dont les dernières conclusions étaient supérieures à 10'000 fr. et déposé dans le délai et la forme prévue par la loi, l’appel de A______ SÀRL est recevable.

2.             A l’appui de son appel, A______ SÀRL fait valoir diverses violations de dispositions du Code procédure civile régissant l’instruction d’une cause civile. Ainsi, (i) une violation de l’article 150 al. 1 CPC, en relation avec l’article 8 CC, régissant la preuve sur des faits contestés, au motif que l’allégation de la défenderesse concernant le paiement des salaires n’aurait pas été contestée par l’employé, (ii) une violation de l’article 247 al. 2 lit. b ch. 2 CPC, régissant le principe de la maxime inquisitoriale pour les litiges du droit du travail ne dépassant pas 30'000 fr., au motif que les premiers juges ont failli dans l’établissement des faits qui leur appartenait d’effectuer d’office et en n’ayant pas interpellé les parties de façon accrue, (iii) une violation de l’article 229 al. 3 CPC, concernant l’admission des faits nouveaux au motif que le Tribunal a écarté, sans justification, les déterminations de A______ SÀRL déposées le 1er juillet 2020, soit postérieurement à l’audience du 29 juin 2020, (iv) une violation de l’article 154 CPC, au motif que le Tribunal n’a pas rendu une ordonnance de preuves également applicable en matière de procédure simplifiée.

3.             A teneur de l’article 150 CPC, la preuve a pour objet des faits pertinents et contestés. Ainsi, seuls les faits pertinents et contestés doivent faire l’objet d’une preuve, sous peine d’échec en vertu de l’article 8 CC. Il est retenu qu’un fait non expressément admis est réputé contesté, l’aveu judiciaire devant être exprimé clairement. Tant qu’il n’y a pas d’aveu, le fait doit être tenu pour contesté, y compris en cas de défaut (Philippe Schweizer in Code de procédure civile commenté, n° 12, ad art. 150 CPC).

On peine à voir dans le dossier un aveu judiciaire de B______ qui aurait reconnu avoir reçu les salaires des mois de mai et juin 2019, dont il réclame aujourd’hui le paiement. Pour asseoir son argumentaire, la partie appelante essaye de démontrer que, lors de l’audience de débats du 29 juin 2020, alors qu’elle avait invoqué ce fait (paiement des salaires), B______ n’aurait pas contesté cette allégation. La partie appelante torture les déclarations des parties et il ne découle pas du procès-verbal d’audience que ce fait aurait été admis par l’employé. Bien au contraire, ce dernier a confirmé lors de l’audience qu’il n’avait pas perçu ses salaires des mois de mai et juin 2019 et que, dès lors, il les réclamait, dans le cadre de la procédure engagée à l’encontre de son ancien employeur. Il est ainsi expressément indiqué, en page 2, alors que cette question était évoquée, que « je persiste à dire que je réclame les mois de mai, juin et juillet à titre de salaire ». Ce grief de la partie appelante sera ainsi rejeté.

4.             4.1 L’article 247 al. 1 CPC, applicable à la maxime des débats, impose au Tribunal un devoir d’interpellation accru (« le Tribunal amène les parties par des questions appropriées, à compléter les allégations suffisantes et à désigner les moyens de preuve »). L’alinéa 2 de la même disposition se réfère à la maxime inquisitoire applicable pour différentes causes et notamment dans les litiges en droit du travail portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 30'000 fr. La maxime inquisitoire applicable en procédure simplifiée est ainsi une maxime inquisitoire « sociale » qui a pour but de protéger la partie la plus faible au contrat et de garantir l’égalité entre les parties au procès. La maxime inquisitoire sociale, ou atténuée ou simple, se distingue de la maxime inquisitoire pure, applicable notamment dans certains domaines du droit de la famille, souvent en association avec la maxime d’office. Cette disposition consacre un devoir d’interpellation accru du Tribunal qui n’est pas limité à un stade précis du procès, mais qui se manifeste essentiellement au début du débat. Le devoir d’interpellation accru est notamment destiné à permettre à de simples citoyens de procéder seuls, de telle sorte que sa portée pratique variera fortement selon les cas : si les parties ont déposé des écritures détaillées, voire sont assistés de représentants professionnels, il ne joue en pratique qu’un rôle restreint, le devoir d’interpellation accru n’étant pas destiné à réparer les négligences procédurales.

La maxime inquisitoire prévue à l’article 247 al. 2 CPC implique la possibilité pour le juge de se fonder sur des faits pertinents établis, même si les parties ne les ont pas invoqués. Cela ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure, ce à quoi le Tribunal doit, le cas échéant, les inciter en les interpellant ; à défaut de collaboration des parties le procès peut être clos, car la maxime inquisitoire atténuée sert à favoriser une procédure accessible à des non juristes, non à suppléer les carences d’une partie négligente ou refusant de s’exprimer. La différence entre une maxime des débats mitigée par un devoir d’interpellation accru (art. 247 al. 1 CPC) et une maxime inquisitoire atténuée (art. 247 al. 2 CPC) n’est pas grande (Denis Tappy in Code de procédure civile commenté, n° 21, 23, 28, ad art. 247 CPC).

4.2 On peine à voir dans le dossier la violation par le Tribunal d’un devoir d’interpellation accru concernant les faits litigieux. Ces derniers sont en effet limités au paiement par l’employeur des salaires des mois de mai et juin 2019 dont l’employé soutient qu’ils ne lui ont pas été payés, alors que l’employeur allègue un paiement en espèces de cette rémunération. Ainsi, la question soumise aux premiers juges était simple et le Tribunal ne devait pas, par son devoir d’interpellation accrue, établir d’autres faits que ceux relatifs au paiement ou au non-paiement des salaires de mai et juin 2019. A lire le procès-verbal de l’audience du 29 juin 2020, les parties ont pu se prononcer largement sur cette contestation, l’employé indiquant que les salaires précités ne lui avaient pas été payés, l’employeur relevant que le paiement des salaires était intervenu sans quittance, le salaire du mois de mai ayant été payé par un dénommé E______ au début du mois de juin, le salaire du mois de juin ayant également été payé en cash et sans quittance le 3 juillet 2019 par le même E______.

La Chambre des prud’hommes considérera ainsi que le Tribunal a satisfait à son devoir d’interpellation accrue au sens de l’article 247 al. 1 CPC, dès lors que les parties ont pu s’exprimer sur leurs contestations et les circonstances qui permettaient de retenir que les salaires des mois de mai et juin 2019 avaient ou non été payés.

4.3    Il convient d’examiner si le Tribunal, en application de la maxime inquisitoire sociale ou atténuée, devait lui-même décider l’audition de témoins permettant d’éclaircir les faits contestés. A cet égard, la Chambre des prud’hommes relève que, par ordonnance du 7 octobre 2019, le Tribunal a transmis à A______ SÀRL un exemplaire de la demande déposée le 28 août 2019 en lui impartissant un délai de trente jours pour déposer son écriture de réponse et indiquer les moyens de preuves dont elle entendait se prévaloir. A______ SÀRL n’a pas usé de cette faculté et aucune écriture n’a été déposée dans le délai imparti, pas plus que des moyens de preuves aient été mentionnés auprès de la juridiction.

De même, par ordonnance du 29 novembre 2019, le Tribunal a imparti aux plaideurs un délai de quinze jours pour déposer la liste des témoins qu’elles souhaitaient faire entendre ainsi que les moyens de preuves dont elles entendaient se prévaloir. Dans le délai imparti, B______ a déposé, le 11 décembre 2019, le nom de deux témoins (C______ et D______) avec indication de leurs adresses. A______ SÀRL n’a pas déposé de liste de témoins dans le délai imparti par le Tribunal.

Le Tribunal a fixé des débats principaux au sens de l’article 246 CPC, audience au cours de laquelle les parties se sont exprimées au sujet de leur contestation, l’employé indiquant que les salaires ne lui avaient pas été versés, alors que l’employeur relevait qu’ils lui avaient été payés en espèces en présence de deux témoins dont l’identité a été mentionnée lors de l’audience du 29 juin 2020.

S’agissant de ces témoins, le procès-verbal de l’audience se réfère, dans la bouche du représentant de A______ SÀRL, à une renonciation par la partie employeuse à l’audition de ses témoins. Le procès-verbal est sur ce point confus, puisqu’il indique expressément, « je renonce à l’audition de mes deux témoins, car ils étaient là pour justifier que je travaillais là-bas ». Assurément, cette allégation doit être imputée à B______, qui avait, dans le délai prescrit, déposé une liste de deux témoins. Aussi, le vocable « je renonce à l’audition de mes deux témoins, car ils étaient là pour justifier que je travaillais là-bas », se réfère bien aux témoins dont l’audition était sollicitée par l’employé, selon liste de témoins déposée le 11 décembre 2019, soit C______ et D______. Il s’agit assurément d’une erreur du procès-verbal et ce vocable aurait dû être imputé à B______ et non à A______ SÀRL qui venait d’indiquer qu’elle payait ses collaborateurs en cash et sans quittance. Le procès-verbal d’audience du 29 juin 2020 paraît ainsi manifestement erroné, dans la mesure où il met dans la bouche de l’employeuse une déclaration qui ne peut avoir été dite que par l’employé.

Ainsi, force est de constater que A______ SÀRL n’a pas renoncé à l’audition de deux témoins (dont elle n’avait certes pas sollicité formellement l’audition) qu’il appartenait au Tribunal, dans le cadre de la maxime inquisitoire, d’entendre les deux témoins sur la question litigieuse liée au paiement du salaire des mois de mai et juin 2019 que l’employé aurait reçu en espèces.

4.4 Certes, la partie appelante s’est largement affranchie des règles procédurales en ne donnant pas suite aux deux ordonnances de procédure notifiées par la juridiction compétente. En particulier, l’appelante n’a pas, contrairement à sa partie adverse, déposé de liste de témoins dans le délai qui lui avait été imparti par le Tribunal. Toutefois, la maxime inquisitoire, appliquée ici avec plein effet dès lors que la partie défenderesse n’était pas assistée d’un avocat ou d’un mandataire professionnel, obligeait le Tribunal à administrer des preuves sur ces faits précisément contestés et d’auditionner les deux témoins identifiés par l’employeuse, qui, selon ses dires, pouvaient prouver que les salaires des mois de mai et juin 2019 avaient été payés à l’employé. En omettant de procéder aux mesures probatoires et en considérant, à tort, que la partie employeuse avait renoncé à l’audition de ses témoins (alors que cette renonciation s’appliquait à la partie employée), les premiers juges ont violé la maxime inquisitoire applicable au litige.

5.             En présence d’une violation de l’article 247 al. 2 lit b ch. 2 CPC, l’appel de A______ SÀRL devra être admis. Les autres griefs soulevés par l’appelante ne doivent dès lors pas être examinés.

6.             L’instance d’appel fera application de l’article 318 al. 1 lit c ch. 2 CPC et renverra la cause au Tribunal des prud'hommes, afin que l’état de fait puisse être complété sur des points essentiels et qu’il soit procédé à l’audition des témoins E______ et F______.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 2 :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté par A______ SÀRL à l’encontre du jugement JTPH/338/2020 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 22 octobre 2020, dans la cause C/15745/2019-2.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 dudit jugement.

Renvoie la cause au Tribunal des prud'hommes pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Guy STANISLAS, président; Monsieur Vincent CANONICA, juge employeur; Madame Monique LENOIR, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119
al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.