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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/10773/2024

ACJC/1161/2025 du 01.09.2025 ( SBL ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10773/2024 ACJC/1161/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 1ER SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o Mme B______, ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 7 avril 2025, représentée par Me Manuel BOLIVAR, avocat, BOLIVAR & BATOU, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

 

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Raphaël ZOUZOUT, avocat, Lemania Law Avocats, rue de Hesse 16, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTBL/64/2025 rendue le 7 avril 2025, le Tribunal des baux et loyers (ci-après: le Tribunal) a ordonné la division de la cause n° C/10773/2024 sous les n° C/10773/2024 et C/1______/2025, attribué à la cause n° C/10773/2024 les conclusions en évacuation (conclusions numéro 2 et 3) et à la cause
n° C/1______/2025 l'ensemble des autres conclusions de la demande du
20 septembre 2024, et ordonné la suspension de la cause n° C/1______/2025 jusqu'à droit jugé sur la cause C/2______/2023.

Il est mentionné au pied de la décision que celle-ci peut faire l'objet d'un recours à la Cour de justice, conformément aux art. 126 al. 2 et 319 ss CPC, dans les
10 jours qui suivent sa notification.

B. Par acte expédié le 5 mai 2025 à la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le
10 avril 2025, concluant à son annulation et, cela fait, à la suspension de la procédure d'évacuation jusqu'à droit connu sur la demande en fixation judiciaire du loyer.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. Le 11 octobre 2016, C______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail avec D______, bailleresse, portant sur un appartement de 2,5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 3______ no. ______, [code postal] Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de cinq ans et 15 jours, soit du
15 octobre 2016 au 31 octobre 2021, renouvelable de cinq ans en cinq ans.

Le loyer mensuel initial, selon la formule officielle, a été fixé à 13'800 fr. par an, soit 1'150 fr. par mois, charges non comprises. Le montant du dernier loyer et des charges n'est pas connu.

b. Par contrat du 1er février 2021, B______ a remis en sous-location l'appartement concerné, meublé, à A______, pour une durée d'une année, renouvelable, le préavis de résiliation étant de trois mois avant l'échéance du contrat.

L'article 2 du contrat de sous-location prévoit un loyer mensuel fixé à 1'700 fr. par mois, payable d'avance le 1er de chaque mois, charges comprises, internet et télévision inclus.

c. Par avis comminatoire du 22 décembre 2022, B______ a mis en demeure A______ de lui régler dans les trente jours le montant de 10'883 fr. 49 à titre d'arriéré de loyers et de charges (électricité) pour la période de mars à décembre 2022 et l'a informée de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

Le courrier recommandé contenant ledit avis comminatoire n'a pas été retiré par sa destinataire et il a été renvoyé à l'expéditeur le 3 janvier 2023.

d. Par avis officiel du 30 janvier 2023, B______, considérant que la somme réclamée n'avait pas été réglée dans le délai imparti, a, par courrier recommandé et par porteur, résilié le sous-bail qu'elle avait conclu avec A______ pour le 28 février 2023.

e. Le 7 mars 2023, B______ a introduit une requête en cas clair devant le Tribunal, sollicitant l'évacuation de A______ et l'exécution directe de l'évacuation, ainsi que le paiement des sommes de 17'519 fr. 40, avec intérêts à
5 % l'an dès le 15 avril 2022, à titre de loyers découlant du contrat de bail de sous-location impayés, de 183 fr. 49 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2022 à titre de frais accessoires au contrat de bail de sous-location impayés et de 1'700 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2023 à titre de dommages et intérêts.

Par jugement JTBL/606/2023 du 22 mai 2023, confirmé par arrêt de la Cour ACJC/313/2024 du 11 mars 2024, le Tribunal a déclaré irrecevable la requête en évacuation et en paiement de B______. Dans son jugement, le Tribunal a considéré que B______ n'avait pas respecté l'obligation de notification d'un avis officiel de fixation du loyer initial lors de la conclusion du contrat de sous-location (art. 270 al. 2 CO). Or, en cas de défaut de cet avis, le loyer de la sous-location était nul. Une requête se basant sur le défaut de paiement d'un loyer nul n'était donc pas claire. La résolution du litige nécessitait de déterminer quel loyer adéquat était applicable au contrat de sous-location pour déterminer s'il y avait bien un arriéré et, si oui, de combien. Les réponses à ces questions devaient faire l'objet d'une instruction complémentaire et faisaient appel au pouvoir d'appréciation du juge du fond.

De plus, le contrat de bail principal avait été conclu par B______, conjointement et solidairement avec C______. Ce dernier ne figurait cependant sur aucun acte en lien avec le contrat de sous-location conclu avec A______, que ce soit la conclusion du contrat de sous-location ou encore la lettre de mise en demeure et l'avis de résiliation, sans qu'aucune explication ne soit fournie. La situation n'était ainsi pas claire quant au fait de savoir si tous les actes entrepris par B______ sans C______ étaient valables.

f. Le 20 septembre 2024, A______ a saisi le Tribunal d'une demande en fixation judiciaire du loyer et en paiement, enregistrée sous numéro de cause C/2______/2023. Elle a conclu à ce que le sous-loyer de l'appartement soit fixé à 1'300 fr. par mois, charges comprises, dès le 1er février 2021, à ce que B______ soit condamnée à lui restituer le trop-perçu de loyer avec intérêts à 5% l'an et à lui rembourser la garantie de loyer d'un montant 3'400 fr.

B______ a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions.

g. Le 20 septembre 2024 également, B______ a déposé une requête en évacuation et en paiement à l'encontre de A______, enregistrée sous numéro de cause C/10773/2024. Elle a conclu à l'évacuation de A______ de l'appartement de 2.5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 3______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi qu'au paiement de 37'602 fr. 89 (soit 17'519 fr. 40 avec intérêts à 5% l'an dès le 15 avril 2022 à titre de loyers impayés, 183 fr. 49 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2022 à titre de frais accessoires et 19'900 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2023 à titre de dommages-intérêts pour occupation illicite depuis le 1er mars 2023).

Dans sa réponse du 9 janvier 2025, A______ a conclu préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la cause C/2______/2023 (fixation judiciaire du loyer) et principalement au déboutement de B______ de toutes ses conclusions. Elle a par ailleurs fait valoir que la mise en demeure et le congé étaient nuls.

h. Par ordonnance du 14 janvier 2025, le Tribunal a imparti un délai aux parties au 28 janvier 2025 pour se déterminer sur la disjonction de la cause C/10773/2024 (requête en évacuation d'une part et demande en paiement d’autre part).

Par courrier du 27 janvier 2025, B______ s'est opposée à la division des causes ainsi qu'à toute suspension. Elle a fait valoir que l'invocation de la nullité de la résiliation à ce stade était abusive, que deux causes étaient déjà pendantes devant le Tribunal (C/10773/2024 et C/2______/2023) et que toute division supplémentaire serait incompatible avec une gestion efficace et cohérente du dossier.

Par courrier expédié le 28 janvier 2025 au Tribunal, A______ a conclu à ce que la disjonction de la cause ne soit pas ordonnée. Elle a rappelé que dans sa réponse du 9 janvier 2025 elle avait conclu à la suspension de la procédure en évacuation et en paiement jusqu'à droit connu dans la cause C/2______/2023, la fixation judiciaire du loyer étant une question qui devait être préalablement tranchée.

D. Dans la décision querellée, retenant que A______ ne s'était pas déterminée sur la disjonction des causes dans le délai imparti, le Tribunal a considéré en substance, d'une part, que les conclusions en évacuation relevaient de la procédure simplifiée alors que celles en paiement étaient soumises à la procédure ordinaire. Dès lors la disjonction s'imposait.

D'autre part, le sort des conclusions en paiement des sommes de 17'519 fr. 40 à titre de loyers impayés, 183 fr. 49 à titre de frais accessoires et 19'900 fr. à titre de dommages-intérêts pour occupation illicite dépendait de l'issue de la cause C/2______/2023, dans laquelle A______ avait conclu en particulier à ce que le sous-loyer de l'appartement soit fixé à 1'300 fr. par mois, charges comprises dès le 1er février 2021. Il convenait donc de suspendre la cause C/1______/2025 jusqu'à droit jugé sur la cause C/2______/2023.

 

EN DROIT

1. L'ordonnance entreprise ayant été communiquée aux parties après le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel est régie par le nouveau droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC);

1.1.1 Pour simplifier le procès, le tribunal peut notamment ordonner la division de causes (art. 125 al. 1 let. b CPC).

Les décisions mentionnées à l'art. 125 CPC – qui prévoit notamment que le tribunal peut, pour simplifier le procès, ordonner la jonction des causes (let. c) – sont des décisions relatives à l'organisation du procès. Elles sont uniquement sujettes à un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant ainsi démontrer qu'elles lui causent un préjudice difficilement réparable (ACJC/379/2022 du 15 mars 2022, consid. 1.1, avec référence à Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 2-3
ad art. 125 CPC; Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile,
2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 90 CPC).

1.1.2 Le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d’opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d’un autre procès (art. 126 al. 1 CPC).

La décision ordonnant la suspension de la cause est une mesure d'instruction qui peut, conformément à l'art. 126 al. 2 CPC, faire l'objet du recours de l'art. 319
let. b ch. 1 CPC.

En revanche, la décision de refus de suspension ne peut faire l'objet que du recours de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant démontrer le préjudice difficilement réparable résultant du refus de suspendre (arrêt du Tribunal fédéral 5D_182/2015 du 2 février 2016 consid. 1.3 et la doctrine citée).

1.1.3 Le recours, écrit et motivé, doit être déposé auprès de l'instance de recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire, ainsi que les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.1.4 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Le constat des faits, ou appréciation des preuves, est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsque le tribunal a manifestement ignoré le sens et la portée d'un moyen de preuve, lorsque sans motifs, il n'a pas pris en considération un moyen de preuve important et pertinent, ou lorsqu'il a tiré des conclusions insoutenables des faits constatés (ATF 140 III 264).

1.1.5 Comme tous les actes de procédure, les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la bonne foi, en particulier à la lumière de la motivation qui leur est donnée et du but réellement poursuivi au fond par l'appelant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_474/2013 du 10 décembre 2013 consid. 6.2.3; 4A_383/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.3; 4A_551/2008 du 12 mai 2009 consid. 2.3).

1.1.6 Le droit d'être entendu implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 133 I 270 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2014 du
31 octobre 2014 consid. 2). Il y a déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) notamment lorsque le juge refuse indûment de se prononcer sur une requête ou sur un moyen de droit qui lui est soumis et dont l'examen relève de sa compétence. En revanche, lorsque le juge entre en matière et statue formellement sur le moyen de droit qui lui est soumis, il ne peut y avoir de déni de justice formel, mais seulement une violation du droit d'être entendu si la motivation de sa décision ne satisfait pas aux exigences minimales déduites de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 4A_30/2017 du 4 juillet 2017 consid. 2.1).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Ce droit n'est cependant pas une fin en soi. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée. Dans ce cas, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 3.1).

1.2 En l'espèce, la recourante a conclu devant la Cour à l'annulation de l'ordonnance entreprise et à ce que soit ordonnée la suspension de la procédure d'évacuation jusqu'à droit connu dans la cause C/2______/2023 (demande en fixation judiciaire du loyer). On comprend de la motivation à l'appui de son recours qu'elle reproche au premier juge de ne pas avoir ordonné la suspension de la procédure d'évacuation, autrement dit d'avoir procédé à la disjonction des causes et de n'avoir ordonné la suspension que de la demande en paiement.

Elle fait par ailleurs grief au Tribunal d'avoir établi les faits de manière arbitraire en retenant qu'elle n'avait pas donné suite à l'ordonnance du 14 janvier 2025 lui impartissant un délai pour se déterminer sur la disjonction des causes et d'avoir pris sa décision en se fondant sur cette fausse prémisse.

Premièrement, il est exact que la recourante s'est opposée à la disjonction des causes par courrier du 28 janvier 2025, soit dans le délai imparti à cette fin par le Tribunal. L'état de fait ci-dessus a été corrigé sur ce point. Deuxièmement, alors que la recourante avait sollicité la suspension de la procédure C/10773/2024, comprenant (avant la disjonction contestée) une demande en paiement et une requête d'évacuation, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur la suspension de l'évacuation, commettant de la sorte un déni de justice.

Afin d'assurer le respect du principe du double degré de juridiction, il convient d'annuler l'ordonnance entreprise et de renvoyer la cause au Tribunal afin qu'il statue sur toutes les conclusions prises par la recourante, en tenant compte du courrier du 28 janvier 2025.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la recevabilité du recours.

2. La procédure est gratuite (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Annule l'ordonnance OTBL/64/2025 rendue le 7 avril 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/10773/2024.

Renvoie la cause au Tribunal pour qu'il statue dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Madame Laurence MIZRAHI, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.