Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/754/2025 du 04.06.2025 sur JTBL/138/2025 ( SBL ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/22826/2024 ACJC/754/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MERCREDI 4 JUIN 2025 |
Entre
Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______, appelants et recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 janvier 2025, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
et
C______ SICAV, c/o C______ (SUISSE) SA, sise ______, intimée, représentée par [l'agence immobilière] D______.
A. Par jugement non motivé JTBL/138/2025 du 9 janvier 2025, expédié pour notification aux parties dans sa version motivée suite à la requête de A______ et B______, le 11 mars 2025, le Tribunal des baux et loyers, considérant que les conditions de l'art. 257d CO étaient réalisées, que les précités violaient l'art. 267 al. 1 CO en se maintenant dans les locaux, et qu'il devait être donné droit aux conclusions en exécution directe du jugement, a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de six pièces au 4ème étage et la cave n° 1 de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à E______ [GE] (ch.1 du dispositif), autorisé C______ SICAV à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et B______ dès le 30ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 3).
B. Par acte du 21 mars 2025 adressé à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé appel subsidiairement recours contre le jugement précité. Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à l'irrecevabilité de la requête dirigée contre eux par C______ SICAV, subsidiairement à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de la décision, cela fait à ce que le recours à la force publique ne soit autorisé que douze mois après l'entrée en force de l'arrêt de la Cour.
A l'appui de leurs conclusions de recours, ils ont nouvellement fait valoir qu'ils avaient trois enfants âgés de 14 ans, 4 ans, et 18 mois, que l'époux était actif dans un "garage mécanique" dont il percevait des revenus variables, que l'épouse n'avait pas d'emploi, qu'ils connaissaient des difficultés financières et faisaient l'objet de poursuites pour dettes, qu'ils se trouvaient sans solution de relogement et qu'ils avaient réglé des indemnités les 27 février et 7 mars 2025.
C______ SICAV a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, faute de critique de la motivation des premiers juges, subsidiairement à la confirmation du jugement, ainsi qu'au rejet du recours.
Par arrêt du 2 avril 2025, la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ et B______ en constatation de la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement.
Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives. A______ et B______ ont nouvellement déposé une quittance d'un paiement opéré au mois d'avril 2025.
Par avis du 17 avril 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :
a. Le 3 mars 2024, C______ SICAV a remis à bail à A______ un appartement de six pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis no. ______ chemin 1______ à E______.
Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 2'690 fr. par mois.
b. Par avis comminatoires du 17 juillet 2024, C______ SICAV a mis en demeure les époux A______ et B______ de lui régler dans les trente jours 5'380 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour les mois de juin et juillet 2024, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral du montant réclamé, de résilier le bail conformément à l'art.257d CO.
c. Considérant que le montant susmentionné n'avait pas été intégralement réglé dans le délai imparti, C______ SICAV a, par avis officiels du 27 août 2024, résilié le bail pour le 30 septembre 2024.
Le montant réclamé a été versé le 5 septembre 2024.
d. Par requête du 1er octobre 2024, C______ SICAV, agissant en protection de cas clairs, a saisi le Tribunal d'une action en évacuation dirigée contre A______ et B______ et requis l'exécution directe de l'évacuation sollicitée.
A l'audience du Tribunal du 9 janvier 2024, les époux A______-B______ n'ont pas comparu. C______ SICAV a persisté dans sa requête, en observant que l'arriéré avait été résorbé à mi-décembre 2024, que l'indemnité de janvier 2025 restait due et que si les locataires se mettaient à jour, elle pourrait renoncer à faire exécuter le jugement.
Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.
1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).
1.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle.
S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).
1.2 En l'espèce, les locataires affirment contester la résiliation du bail. Au vu du montant du loyer mensuel, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation.
1.3 Seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution (art. 309 CPC).
1.4 L'appel et le recours ont été formés dans les délais prévus par la loi (art. 130, 131 CPC).
1.5 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions: (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard.
Dans les procédures en protection des cas clairs, les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2).
Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).
1.6 Il incombe à l'appelant de motiver son appel, c’est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
1.7 Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5; 4A_265/2011 du 8 juillet 2011 consid. 3.2.1).
Le Tribunal fédéral n'a pas tranché le point de savoir si l'article 38 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst./GE – A 2 00) constituerait une disposition constitutionnelle conférant un droit directement invocable en justice. Dans la mesure où les locataires n'étaient pas parvenus à établir qu'ils n'avaient pas la possibilité d'obtenir un logement, l'on ne saisissait pas d'emblée en quoi la garantie déduite de cette disposition s'appliquerait (arrêt du Tribunal fédéral 5A_232/2020 du 14 mai 2020 consid. 5.2).
S'agissant en particulier du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte I ONU – RS 0.103.1), ses dispositions se bornent à prescrire aux Etats, sous la forme d'idées directrices, des objectifs à atteindre dans les divers domaines considérés. Elles leur laissent la plus grande latitude quant aux moyens à mettre en œuvre pour réaliser ces objectifs. Dès lors, elles ne revêtent pas, sauf exception (par exemple l'art. 8 al. 1 let. a, relatif au droit de former des syndicats et de s'affilier au syndicat de son choix), le caractère de normes directement applicables (cf. ATF 121 V 246 consid. 2c;
121 V 229 consid. 3b et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4C_15/2001 du 22 mai 2001 consid. 4).
1.8 En l'espèce, il est constant que les appelants n'ont pas comparu en première instance.
Les conclusions qu'ils soumettent pour la première fois à la Cour sont ainsi nouvelles, tant sur appel que sur recours, étant relevé qu'ils ne soutiennent pas qu'ils n'auraient pas été dûment convoqués à l'audience du Tribunal du 9 janvier 2025.
Par ailleurs, ils ne critiquent pas les motifs du jugement entrepris, singulièrement la réalisation des conditions de l'art. 257d CO. Leurs doléances à l'appui de leur appel reposent sur une pétition de principe en lien avec le droit au logement, qui ne saurait en tout état être accueillie, rien n'indiquant que les recourants ne pourraient pas effectivement se reloger; celles qu'ils exposent à l'appui de leur recours se rapportent à leur situation personnelle, familiale et financière, toute entière fondée sur des faits non exposés en première instance, donc irrecevables.
Au vu de ce qui précède, l'appel et le recours sont entièrement irrecevables.
2. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
Déclare irrecevables l'appel et le recours formés le 21 mars 2025 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/138/2025 rendu le 9 janvier 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22826/2024.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2