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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4341/2020

ACJC/636/2025 du 08.04.2025 sur JTBL/660/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4341/2020 ACJC/636/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 8 AVRIL 2025

 

Entre

A______ SARL, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 juin 2024 et intimée sur appel joint, représentée par Me Nassima LAGROUNI, avocate, route du Grand-Lancy 20-22, 1212 Grand-Lancy,

 

et

 

CAISSE DE PREVOYANCE B______, sise ______, intimée et appelante sur appel joint, représentée par Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/660/2024 du 17 juin 2024, reçu par A______ SARL le 19 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers a validé la consignation de loyer n° ______ 2020/1______ (ch. 1 du dispositif), réduit de 5% le loyer de l’atelier de 312 m2 environ au rez-supérieur de l’immeuble sis rue 2______ no. ______ à D______ [GE] durant la période du 4 mars 2019 jusqu’au 30 septembre 2020 (ch. 2), condamné la CAISSE DE PREVOYANCE B______ à verser à A______ SARL le montant de 5'857 fr. 98 (ch. 3), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la libération des loyers consignés à concurrence du montant précité en faveur de A______ SARL et du solde en faveur de la CAISSE DE PREVOYANCE B______ (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

Le Tribunal a considéré que le problème d’accès aux locaux était indéniablement de nature à diminuer la jouissance de ceux-ci. La CAISSE DE PREVOYANCE B______ (ci-après : la bailleresse ou l’intimée) n’étant pas parvenue à éliminer le défaut, A______ SARL (ci-après : la locataire ou l’appelante) pouvait prétendre à une réduction de loyer. Dans la mesure où l’accès aux locaux n’avait pas été empêché, mais uniquement rendu plus difficile, et ce plusieurs fois par semaine mais pas de manière permanente, une réduction de 5% dès le 4 mars 2019, date du signalement à la bailleresse, jusqu’au 30 septembre 2020 paraissait appropriée.

B. a. Par acte expédié le 19 août 2024 à la Cour de justice, A______ SARL a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Cela fait, elle a conclu principalement à ce que la Cour constate la validité de la consignation des loyers du 1er février 2020 au 30 septembre 2020, ordonne une réduction de loyer de 15% par mois du 4 mars 2019 au 30 septembre 2020, soit 975 fr. par mois, et condamne la CAISSE DE PREVOYANCE B______ à lui rembourser la somme de 18'525 fr.

En substance, elle a reproché au Tribunal d’avoir mal apprécié les faits et mal appliqué le droit concernant le pourcentage de réduction octroyée.

La locataire a soutenu que le défaut entravait son activité et ne diminuait pas seulement le confort des personnes se rendant chez elle.

b. Par acte expédié le 16 septembre 2024, la CAISSE DE PREVOYANCE B______ a conclu, sur appel principal, au rejet de l’appel formé par A______ SARL.

Sur appel joint, elle a conclu principalement à ce que les chiffres 1 à 4 du dispositif du jugement soient annulés et modifiés en ce sens que la demande de l’appelante était intégralement rejetée, que les loyers consignés étaient libérés en sa faveur, et que le jugement était confirmé pour le surplus. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La bailleresse a soutenu que l’appelante était dépourvue de toute légitimation active dans la mesure où cette dernière était colocataire à titre solidaire de C______ et que si la demande de la locataire aboutissait, le loyer ne serait réduit qu’à l’égard de l’appelante et non de C______.

Elle a également soutenu que l’usage convenu selon le contrat de bail était celui de dépôt et d’entretien des véhicules, ce qui n’impliquait pas des allées et venues répétées au fil de la journée ni le transport de personnes ou de marchandises. Selon la bailleresse, la chose louée n’avait manqué d’aucune qualité sur laquelle la locataire pouvait légitimement compter, car les passages et brefs arrêts ne constituaient que des entraves mineures inhérentes à l’usage de la chose.

Les témoins de la locataire étaient liés professionnellement de longue date à l’appelante, de sorte que leurs déclarations ne pouvaient être exploitées.

La bailleresse a encore soutenu que l’appelante avait utilisé l’institution du défaut de la chose louée de façon contraire à son but, soit en vue d’une restitution anticipée des locaux et non de l’obtention d’une réfection de prétendus défauts.

c. Par acte expédié à la Cour le 17 octobre 2024, la locataire a répliqué sur appel principal et répondu sur appel joint, concluant au rejet de ce dernier.

Elle a souscrit au raisonnement du Tribunal sur la question de la légitimation active, relevant que ce point avait déjà été tranché par la Cour.

d. Par acte expédié à la Cour le 30 octobre 2024, la bailleresse a dupliqué sur appel principal et répliqué sur appel joint, persistant dans ses développements et conclusions.

e. Par acte déposé au greffe de la Cour le 2 décembre 2024, la locataire a dupliqué sur appel joint et persisté dans ses développements et conclusions.

f. Le 10 janvier 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SARL et C______, en tant que locataires, ont conclu avec la CAISSE DE PREVOYANCE B______, bailleresse de l’immeuble, un contrat de bail à loyer portant sur un atelier de 312 m2 environ au rez-supérieur de l’immeuble sis rue 2______ no. ______ à D______.

La destination des locaux telle qu’elle ressort du contrat de bail est celle de « dépôt et entretien de véhicules ».

Le contrat a été conclu pour une durée initiale courant jusqu’au 30 septembre 2022, renouvelable tacitement de cinq ans en cinq ans.

Le loyer annuel net était échelonné et a été fixé à 68'400 fr. du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019, puis à 78'000 fr. du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020. Les charges s’élevaient à 5'880 fr. par an.

La gestion de l’immeuble a été confiée à [la société] E______ (ci-après : la régie).

b. Par courriel du 4 mars 2019, alors qu'il avait rapatrié l'ensemble de son activité dans le local loué, C______ s'est plaint auprès de la régie de difficultés d'utilisation de celui-ci en raison de l'encombrement de son accès.

c. Le 6 mars 2019, la régie a envoyé un courrier à tous les locataires afin de rappeler l'interdiction de stocker du matériel ou de stationner des véhicules hors des cases. Une société avait été chargée de la verbalisation prochaine des contrevenants.

d. Par courrier du 5 avril 2019, les locataires ont fait savoir à la régie que le problème de l'encombrement n'avait pas été résolu ni même atténué. L'activité de leur entreprise en pâtissait, car leurs véhicules avaient été empêchés à de nombreuses reprises de sortir du local, ce qui générait des retards pour le service aux clients. Ils ont mis la bailleresse en demeure de garantir un accès permanent sans encombre avant le 15 avril 2019, faute de quoi ils entreprendraient des démarches juridiques.

e. Par courrier du 1er mai 2019, les locataires ont à nouveau demandé à la régie de remédier au défaut de l'objet loué. Ils se considéraient en droit de demander une réduction de loyer, mais étaient cependant disposés à y renoncer moyennant la possibilité de résilier de manière anticipée le contrat de bail.

f. Par courrier du 18 juin 2019, les locataires ont mis en demeure la bailleresse d'éliminer le défaut de la chose louée, faute de quoi ils consigneraient le loyer.

g. La régie a répondu le 25 juin 2019 que la société chargée de la surveillance du parking avait cessé ses activités. Des employés de la régie s'étaient rendus sur le site afin de discuter du problème avec les autres locataires, et ils avaient constaté une amélioration de la situation d'accès. Cela étant, s’agissant d’un site dédié à des activités industrielles, des moments d'attente devaient être tolérés.

h. C______ a adressé plusieurs courriels à la régie en décembre 2019 pour se plaindre d'empêchements d'accéder à son local, photographies de véhicules stationnés à l'appui. Une nouvelle mise en demeure a été adressée à la régie par courrier du 20 décembre 2019.

i. La régie a répondu que le collaborateur qui s’était rendu sur le site n'avait pas constaté de problème d'accès. Selon elle, les photographies transmises par les locataires représentaient des situations exceptionnelles. Les locataires pouvaient contacter la nouvelle société en charge de la surveillance du site si un véhicule était parqué devant leur dépôt.

j. Les locataires ont consigné le loyer net dès le mois de février 2020 sur le compte n° ______ 2020/1______.

k. Par acte déposé à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 27 février 2020, A______ SARL a déposé une requête en validation de la consignation et en réduction de loyer.

l. Le 26 juin 2020, C______ s'est plaint auprès de la régie que des palettes étaient entreposées devant son local.

m. Par courrier du 9 juillet 2020, la régie a indiqué être intervenue auprès du responsable de cette situation.

n. Par courriel du 4 août 2020, C______ a proposé à la régie un locataire de remplacement, exploitant le garage F______. Il a relancé la régie à ce sujet les 7, 14 et 17 août 2020.

o. Par courrier du 29 août 2020, les locataires ont déclaré résilier le bail pour le 30 septembre 2020, ou pour toute échéance antérieure. Ils se sont référés à un appel téléphonique de la régie leur signifiant l'acceptation du candidat de remplacement.

p. Les locataires ont cessé de consigner le loyer dès le 30 septembre 2020.

q. Par courriel du 4 septembre 2020, la régie a informé le propriétaire du garage F______, G______, que le dépôt d'une demande d’autorisation de construire était nécessaire afin de transformer le local pour l'exploitation d'un garage, vu le changement d'affectation.

r. Par courrier du 11 janvier 2021 aux locataires, la régie a donné suite à une demande d'exonération du loyer net pour les mois de novembre et décembre 2020.

s. Par courrier à la Commission de conciliation du 15 janvier 2021, A______ SARL a présenté de nouvelles conclusions, en constatation de la résiliation anticipée du contrat de bail pour le 30 septembre 2020, ainsi qu'en constatation de la restitution anticipée du local litigieux.

t. Non conciliée le 19 mars 2021, la cause a été portée devant le Tribunal le 19 avril 2021. A______ SARL a conclu à la validation de la consignation et la réduction du loyer de 15% pour la période du 4 mars 2019 au 30 septembre 2020, avec restitution du trop-perçu de 18'525 fr. (conclusions 1 à 3), à la constatation de la validité de la résiliation anticipée du contrat de bail (conclusion 4), subsidiairement la validité de la restitution anticipée du local commercial (conclusion 7), sous suite de dépens.

u. La locataire a notamment produit plusieurs photographies, sur lesquelles apparaissaient de nombreux véhicules sur la route d'accès, semblant stationnés en empiétant sur la chaussée, un camion au milieu de la chaussée bloquant celle-ci, ou un camion semblant rouler au milieu d'autres véhicules.

v. Dans ses écritures de réponse du 2 juillet 2021, la bailleresse a plaidé l'irrecevabilité de certaines conclusions, ainsi que le défaut de légitimation active de la locataire.

w. Sur le fond, elle a conclu au déboutement de la locataire et à la libération en sa faveur des loyers consignés. Elle a considéré que la route d'accès devait être utilisée par les différentes entreprises présentes, ce qui générait certes de 1a circulation et de brefs arrêts de véhicules, mais sans que cela n'entrave le passage.

x. Par jugement du 22 décembre 2021, le Tribunal a déclaré la requête du 19 avril 2021 recevable, constaté que A______ SARL disposait de la légitimation active pour les conclusions 1, 2, 3 et 5 de sa demande du 19 avril 2021, dit qu'elle ne disposait pas de la légitimation active pour la conclusion 4 et la conclusion subsidiaire 7 de sa requête et l'a, en conséquence, déboutée de ces deux conclusions.

Ce jugement a été confirmé par arrêt ACJC/1331/2022 de la Cour du 10 octobre 2022. Le recours au Tribunal fédéral formé par la CAISSE DE PREVOYANCE B______ contre cette décision a été déclaré irrecevable.

y. Parallèlement à la présente procédure, C______ et A______ SARL ont déposé une demande contre la CAISSE DE PREVOYANCE B______, agissant en validation de la résiliation de bail et en constatation de la fin du contrat de bail. Cette demande a donné lieu à l'ouverture d'une autre procédure, sous le numéro de référence C/3______/2021. Par jugement JTBL/661/2024 du 17 juin 2024 rendu dans le cadre de cette procédure, les locataires ont été déboutés de toutes leurs conclusions. Les locataires ont fait appel de ce jugement, et la procédure est actuellement pendante par-devant la Cour.

z. Lors de l'audience du 19 octobre 2023 par-devant le Tribunal, C______ a confirmé les déclarations qu’il avait faites le 17 novembre 2022 dans la cause C/3______/2021 - dont le procès-verbal a été versé au dossier – dont il ressort ce qui suit :

Les entraves pour l'accès étaient devenues problématiques lorsque l'entreprise avait démarré son activité avec l'ensemble de ses véhicules au mois d'avril 2019. Un camion livrant une imprimerie quasi quotidiennement stationnait au milieu de la chaussée, durant 15 à 20 minutes. Il était alors compliqué, voire impossible, de sortir les grands véhicules de l'entreprise. Tel était aussi le cas lorsque venait, une fois par semaine environ, le camion pour évacuer le papier. Par ailleurs, les clients d'un restaurant se garaient en dehors des cases, ce qui pouvait empêcher tout passage. L’activité de son entreprise consistait à transporter les équipages aéronautiques, de sorte que la ponctualité était très importante. Une amélioration s’était faite sentir après l'intervention de la société chargée de surveiller le parking, mais elle avait été de courte durée. Il avait considéré qu’il était plus adéquat de déménager son entreprise que de faire changer les habitudes des locataires qui étaient déjà sur place.

z.a. Plusieurs témoins ont été entendus :

H______, responsable des opérations et conducteur auprès de la locataire, a confirmé les problèmes d'accès aux locaux en raison de véhicules de tiers mal stationnés. Il fallait, une fois par semaine environ, rechercher les clients du restaurant avoisinant pour permettre aux véhicules de l'entreprise de passer. Tous les 10 à 15 jours, un camion de livraison d'une entreprise de reliure empêchait également la sortie, étant précisé que le déchargement durait généralement 10 à 15 minutes, voire, rarement, jusqu’à 30 minutes. Certains jours, les véhicules étaient empêchés de passer à plusieurs reprises, soit 4 à 5 fois dans la journée. D’autres jours étaient plus calmes, et les véhicules pouvaient passer sans problème.

I______, chauffeur auprès de la locataire, a fait état des mêmes problèmes, qui survenaient plutôt vers midi, mais non le matin. Il a déclaré avoir dû quotidiennement effectuer des manœuvres dangereuses ou avoir été empêché de passer, devant alors demander aux autres entreprises de déplacer des véhicules.

J______, chauffeur auxiliaire auprès de la locataire à l'époque du bail litigieux, a également confirmé avoir rencontré des difficultés de passage aux abords du local. Selon ce témoin, l'accès était obstrué deux à trois fois par semaine par un camion de livraison, de sorte qu'il fallait attendre qu'il ait terminé son déchargement.

z.b. Par écritures parvenues au Tribunal le 1er décembre 2023, A______ SARL a persisté dans ses conclusions en validation de la consignation de loyer et en réduction de loyer, avec restitution du trop-perçu, ainsi qu'à la condamnation de la CAISSE DE PREVOYANCE B______ aux dépens.

z.c. La CAISSE DE PREVOYANCE B______ a, pour sa part, persisté dans ses conclusions en déboutement et en libération en sa faveur des loyers consignés. Elle a notamment considéré que la volonté réelle de A______ SARL était de mettre fin au contrat de manière anticipée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon l'art. 91 al. 1 CPC, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions. La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Retornaz, Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; Spühler, Commentaire bâlois, 3ème éd., 2017, n. 9 ad art. 308 CPC).

1.2 En l'espèce, l’appelante sollicite l'octroi d'une réduction de loyer de 15% par mois du 4 mars 2019 au 30 septembre 2020, soit 975 fr. par mois, représentant un montant total de 18'525 fr.

La valeur litigieuse est dès lors supérieure à 10'000 fr.

1.3 Pour le surplus, l’appel et l’appel joint, écrits et motivés (art. 311 al. 1 CPC), ont été interjetés dans le délai prescrit par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Cela étant, conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, la Cour revoit la cause uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable - pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. Sur appel joint, la bailleresse persiste à soutenir que la locataire, colocataire à titre solidaire de C______, serait dépourvue de toute légitimation active dans la mesure où une réduction de loyer ne pourrait pas être opposable à ce dernier.

La Cour a déjà tranché cette même question dans son arrêt ACJC/1331/2022 du 10 octobre 2022, selon lequel, en cas de défauts de la chose louée, chaque colocataire peut agir seul en justice pour faire valoir ses droits concernant la remise en état, la consignation du loyer et la réduction proportionnelle du loyer.

Les arguments soulevés par la bailleresse, qui s’est référée à ceux précédemment présentés par-devant la Cour et ayant donné lieu à l’arrêt ACJC/1331/2022 auquel il peut être renvoyé, ne justifient pas de modifier cet arrêt.

La locataire disposait donc de la légitimation active pour déposer seule des conclusions ayant trait à la consignation, à la réduction de loyer et au remboursement du trop-perçu.

Partant, l’appel joint de la bailleresse doit être rejeté sur ce point.

3. L'appelante remet en cause la quotité de la réduction de loyer fixée par le Tribunal à 5%, soutenant qu'une réduction de 15% du paiement du loyer pendant la période concernée aurait dû lui être accordée. Pour sa part, sur appel joint, l'intimée considère qu’aucune réduction de loyer n’aurait dû être accordée à la locataire dans la mesure où il n’existait pas de défaut restreignant l’usage de la chose louée.

3.1.1 Selon l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée et de l'entretenir dans cet état. En vertu de l'art. 259a CO, lorsqu'apparaissent des défauts de la chose louée qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il n'est pas tenu de remédier à ses frais ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut notamment exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer (let. b). Si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier (art. 259d CO).

A l'exception de la demande de dommages-intérêts, les droits du locataire en raison d'un défaut de la chose louée ne présupposent pas une faute du bailleur (Aubert, Droit du bail à loyer, Bohnet/Montini, 2ème éd. 2017, n. 13 ad art. 259a CO; Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stastny, Le bail à loyer, 2019, p. 322).

Le locataire doit compter, selon le cours ordinaire des choses, avec la possibilité de certaines entraves mineures inhérentes à l'usage de la chose qui ne constituent pas un défaut. En revanche, si l'entrave est plus importante et sort du cadre raisonnable des prévisions, elle devient un défaut (arrêts du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 6.1.1; 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1; ACJC/173/2018 du 12 février 2018 consid. 3.1; SJ 1985, p. 575).

Le législateur ne définit pas la notion de défaut, qui relève du droit fédéral. Celle-ci doit être reliée à l'obligation de délivrer la chose louée dans un état approprié à l'usage auquel elle est destinée (art. 256 al. 1 CO). En d'autres termes, il y a défaut lorsque l'état de la chose diverge de ce qu'il devrait être selon l'art. 256 CO, c'est-à-dire lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise, ou sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2; Montini/Bouverat, in Bohnet/Carron/Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 1 ad art. 256 CO).

La chose louée comprend aussi les installations communes (escaliers, hall d'entrée, etc.), l'accès à l'immeuble et autres terrains attenants. L'exigence d'"état approprié" concerne cet ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 4C_527/1996 du 29 mai 1997 consid. 3a, in SJ 1997 661).

Le défaut de la chose louée est une notion relative. Son existence dépendra des circonstances du cas particulier. Il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, le montant du loyer, l'évolution des mœurs et de la technique (Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, 12ème Séminaire sur le droit du bail, p. 23-24; Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stastny, op. cit., p. 259).

Selon la jurisprudence, l'entrave à la jouissance de la chose est une condition objective et non pas subjective. Il n'y a pas lieu de tenir compte de l'occupation effective des locaux par le locataire pour déterminer si oui ou non ce dernier a droit à une diminution de loyer (ACJC/726/2008 du 16 juin 2008).

3.1.2 La réduction de loyer que peut exiger le locataire en application de l'art. 259d CO doit être proportionnelle au défaut et se détermine par rapport à la valeur de l'objet sans défaut. Elle vise à rétablir l'équilibre des prestations entre les parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_417/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.1). Lorsqu'un calcul concret de la diminution de valeur de l'objet entaché du défaut n'est pas possible, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période, de sorte que les preuves de l'intensité des nuisances et de l'entrave à l'usage ne peuvent être fournies au jour le jour, le Tribunal procède à une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4C_219/2005 du 24 octobre 2005, consid. 2.3 et 2.4; ACJC/1016/2017 du 28 août 2017, consid. 3.1).

A cet égard, le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque cas d’espèce, au nombre desquelles la destination des locaux prévues dans le contrat joue un rôle important (arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013).

3.1.3 Le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’était pas contraire au droit fédéral de considérer l’entrave à l’accès motorisé jusqu’au pied de l’escalier d’entrée comme défaut de la chose louée justifiant une réduction de loyer, ce pour autant que l’entrave constatée soit contraire à l’usage approprié auquel la locataire en question pouvait prétendre. Dans le cas d’espèce, les locaux étaient destinés à l’usage d’une garderie, et l’accès au pied de l’escalier était entravé par l’exploitante des locaux du rez-de-chaussée qui y entreposait du matériel ou y faisait stationner ses véhicules ou ceux de ses clients. Le Tribunal fédéral a jugé qu’une réduction de loyer de 5% était alors appropriée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013).

Des réductions de loyer de 10% pour la suppression d'une des deux entrées d'un immeuble commercial, soit celle conférant l'accès le plus commode et ouvrant sur une rue marchande et prestigieuse, ont été accordées (ACJC/580/2009 du 11 mai 2009).

La Cour a confirmé une réduction de loyer de 15% en lien avec la fermeture d’une des routes d’accès aux locaux, entraînant le blocage quotidien de véhicules entre un quart d’heure et une demi-heure. Les locaux étaient destinés à l’exploitation d’un atelier mécanique-auto ainsi qu’à l’usage de dépôts (ACJC/580/2019 du 8 juillet 2019).

3.2.
3.2.1
En l'espèce, la destination des locaux telle qu’elle ressort du contrat de bail est celle de « dépôt et entretien de véhicules ».

L’entreposage de véhicules et leur entretien requiert nécessairement des allées et venues dans les locaux concernés.

Les employés de la locataire ont confirmé avoir rencontré des problèmes d’accès aux locaux en raison de véhicules de tiers mal stationnés, ce parfois plusieurs fois par semaine. A cet égard, ces témoignages ne sont pas dépourvus de force probante comme l’allègue l’intimée, ce d’autant plus que les photographies produites par l’appelante permettent également de constater les situations d’encombrement et que la bailleresse elle-même a mandaté, provisoirement, une société chargée de la surveillance du parking afin de remédier aux problèmes allégués par le locataire.

Il est ainsi établi que l’accès aux locaux loués a été restreint de manière momentanée à plusieurs reprises pendant la période concernée, ce qui a restreint l’usage des locaux.

Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu l'existence de problèmes d’accès aux locaux, et les conséquences en résultant, admettant dès lors un défaut de la chose louée.

3.2.2 S’agissant de la quotité de la réduction de loyer, et comme relevé à juste titre par le Tribunal, l’accès aux locaux n’a pas été empêché de manière permanente. Il a toutefois été rendu plus difficile, plusieurs fois par semaine, ce qui nécessitait alors parfois plusieurs minutes d’attente pour entrer et sortir desdits locaux.

Contrairement à ce qu’allègue la locataire, l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 précité ne concerne pas un défaut diminuant le confort des personnes se rendant chez une locataire, puisque les problèmes d’accès allégués impactaient directement l’exploitation d’une garderie, en rendant plus compliqué voire impossible l’accès au pied de l’escalier de l’immeuble.

L’état de fait de l’arrêt ACJC/580/2019 auquel se réfère également la locataire est par ailleurs différent de celui du cas d’espèce, puisqu’il ne s’agissait pas de blocages ponctuels plusieurs fois par semaine, mais de blocages quotidiens pouvant durer entre un quart d’heure et une demi-heure, pour des locaux destinés à l’exploitation d’un atelier mécanique-auto ainsi qu’à l’usage de dépôts.

En ce qui concerne les arguments soulevés par la bailleresse, et comme indiqué précédemment, l’usage de dépôt et d’entretien des véhicules implique nécessairement de pouvoir accéder aux locaux loués, sans qu’il ne soit question d’allées et venues répétées.

Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en fixant la quotité de la réduction de loyer à 5% pour la période allant du 4 mars 2019, date de signalement à la bailleresse, jusqu’au 30 septembre 2020, tel que sollicité par la locataire à l’appui de ses conclusions.

3.2.3 Les griefs tant de l'appelante que de l’intimée sur appel joint se révèlent en conséquence infondés. Le jugement attaqué sera donc confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 19 août 2024 par A______ SARL et l’appel joint interjeté le 16 septembre 2024 par la CAISSE DE PREVOYANCE B______ contre le jugement JTBL/660/2024 rendu le 17 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4341/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Madame Sarah ZULIAN-MEINEN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.