Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/623/2025 du 17.04.2025 sur JTBL/737/2024 ( OBL ) , RENVOYE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/5405/2023 ACJC/623/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 17 AVRIL 2025 |
Entre
ASSOCIATION A______, ayant son siège ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 juillet 2024, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, Case postale 6150, 1211 Genève 6.
Et
B______ ANLAGESTIFTUNG, ayant son siège ______ [ZH], intimée, représentée par Me Philippe PROST, avocat, rue du Rhône 65, Case postale 3199, 1211 Genève 3.
A. Par jugement JTBL/737/2024 du 4 juillet 2024, reçu par les parties le 8 juillet 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné B______ ANLAGESTIFTUNG à rembourser à l'ASSOCIATION A______ un montant de 1'376 fr. 05, avec intérêts à 5 % dès le 14 janvier 2022 (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).
B. a. Par acte déposé le 4 septembre 2024 à la Cour de justice, l'ASSOCIATION A______ (ci-après également : la locataire ou l'appelante) a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu, préalablement, à ce que la Cour ordonne la mise sur pied d'une expertise en vue de déterminer la clé de répartition qui devait être appliquée pour établir les décomptes concernant les locaux loués. Principalement, elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et, cela fait, à ce que la Cour condamne sa partie adverse à lui verser la somme de 19'533 fr. 55, plus intérêt à 5% dès le 1er janvier 2022.
b. Dans sa réponse du 9 octobre 2024, B______ ANLAGESTIFTUNG (ci-après également : la bailleresse ou l'intimée) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.
d. Elles ont été avisées le 6 février 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. Le 25 mars 1982, C______, agence immobilière et régie, en qualité de bailleresse, et ASSOCIATION D______, en qualité de locataire, ont conclu un premier contrat de bail à loyer portant sur un local commercial de 209 m² situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 20, rue 1______ à Genève.
Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année, du 1er avril 1982 au 31 mars 1983, renouvelable ensuite tacitement, sauf congé donné pour le 31 mars ou le 30 septembre de chaque année, moyennant un préavis de trois mois.
Les acomptes provisionnels de charges ont été fixés à 268 fr. par mois, soit 3'612 fr. par année, pour couvrir les frais de chauffage et d'eau chaude, la consommation d'eau, l'épuration des eaux et l'évacuation des ordures.
Une rubrique « charges à forfait » est mentionnée dans le contrat pour les charges de conciergerie, raccordement réseau TV, ascenseur et éclairage général. Aucun montant ne figure toutefois sur le contrat en guise de forfait.
b. Le 12 février 1988, un deuxième contrat de bail a été conclu entre les mêmes parties, portant sur des locaux commerciaux d'environ 132 m² et 79 m² situés au rez-de-chaussée du même immeuble.
Il a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er mai 1988 au 30 avril 1993, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation respectant un préavis de douze mois.
Par avenant du 1er mars 1988, un local de 10 m² situé dans le hall du parking de l'immeuble sis 26A, rue 1______ a été ajouté à ce contrat.
Des provisions relatives aux « frais de chauffage, eau chaude, éclairage général, épuration des eaux, évacuation des ordures, aération et la conciergerie etc. » ont été fixées à 263 fr. par mois, soit 3'156 fr. par an.
c. Le 19 août 1994, SOCIETE IMMOBILIERE E______, en qualité de bailleresse, et ASSOCIATION D______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail portant sur une arcade d'environ 71.4 m² située au rez-de-chaussée de l'immeuble adjacent, sis 22 rue 1______.
Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er septembre 1994 au 31 août 1999, renouvelable ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de six mois.
Les provisions relatives au « chauffage / eau chaude / climatisation etc. » ont été fixées annuellement à 1'020 fr., soit 85 fr. mensuels.
d. A une date indéterminée, B______ ANLAGESTIFTUNG est devenue propriétaire des immeubles précités.
e. Par avenant du 1er mai 2017, les trois contrats de bail ont été modifiés et l'ASSOCIATION A______ a pris la place de l'ASSOCIATION D______, en qualité de locataire.
f. L'immeuble sis 20 rue 1______ est un petit bâtiment de deux étages, attenant à l'immeuble sis 22 rue 1______ et bénéficiant d'une entrée indépendante des autres immeubles. La porte d'entrée principale donne sur un petit couloir, qui lui-même donne sur deux portes palières, à droite et à gauche, permettant l'accès aux locaux loués.
L'immeuble sis 22 rue 1______ est entouré de deux immeubles comprenant plus de douze étages.
g. La régie F______ (ci-après également : la régie) gère les immeubles sis 20, 22 et 26A, rue 1______. Ces trois immeubles disposent d'une installation de chauffage commune, également partagée avec l'immeuble sis 24, rue 1______, propriété de la Caisse de prévoyance G______ et géré par la régie H______. Cette dernière établit les décomptes de chauffage et d'eau chaude pour l'intégralité de l'installation et les transmet ensuite à F______.
h. Le 27 avril 2020, la régie a remis à la locataire un décompte de charges pour la période du 1er mai 2017 au 30 avril 2018, dont il ressortait que la locataire restait devoir un montant total de 8'776 fr. 40, à savoir :
- un montant de 7'959 fr. 25 pour le deuxième contrat concernant les postes « chauffage », « frais d'eau chaude », « installation aération », « électricité générale », « surveillance », « eau/eau usée », « ascenseurs », « concierge », « charge diverse » et « réaffectation pour la période du 01.01.2016 au 30.04.2017 », en tenant compte d'acomptes payés à hauteur de 3'156 fr. ;
- un montant de 265 fr. 60 pour le troisième contrat concernant les frais de chauffage et d'eau chaude ;
- un montant de 551 fr. 55 pour le premier contrat concernant les frais de chauffage et d'eau chaude.
i. Le 20 novembre 2020, la régie a fait parvenir à la locataire un décompte de charges pour la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2019, dont il ressortait que la locataire restait devoir un montant total de 5'063 fr. 85, à savoir :
- un montant de 4'268 fr. 10 pour le deuxième contrat concernant les postes « chauffage », « frais d'eau chaude », « électricité générale », « surveillance », « eau/eau usée », « ascenseurs », « concierge » et « charge diverse » ;
- un montant de 260 fr. 15 pour le troisième contrat concernant les frais de chauffage et d'eau chaude ;
- un montant de 535 fr. 60 pour le premier contrat concernant les frais de chauffage et d'eau chaude.
j. Le 20 avril 2021, la régie a fait parvenir à la locataire un décompte de charges pour la période du 1er mai 2019 au 30 avril 2020, dont il ressortait que la locataire restait devoir un montant total de 5'603 fr. 30, à savoir :
- un montant de 4'403 fr. 75 pour le deuxième contrat concernant les postes « chauffage », « frais d'eau chaude », « électricité générale », « surveillance », « eau/eau usée », « ascenseurs », « concierge » et « charge diverse » ;
- un montant de 362 fr. 90 pour le troisième contrat concernant les frais de chauffage et d'eau chaude ;
- un montant de 836 fr. 65 pour le premier contrat concernant les frais de chauffage et d'eau chaude.
k. Par plis des 17 mai 2020, 29 juin 2020, 22 octobre 2020, fin novembre 2020, mai 2021 et 22 juillet 2021, la locataire a contesté ces décomptes, considérant que certaines charges ne devaient pas lui être facturées (ascenseur, concierge) et que d'autres charges étaient incompréhensibles, par exemple celles relatives à l'aération. En outre, la réaffectation des acomptes du 1er janvier 2016 au 30 avril 2018 ne tenait pas compte des versements qu'elle avait effectués pour cette période, d'un montant total de 4'208 fr. Les locaux loués se trouvaient dans un immeuble d'un seul étage et n'avaient pas de contact avec les grands immeubles adjacents de plus de douze étages. Elle contestait devoir participer aux charges de ces grands immeubles.
l. Par courrier du 10 décembre 2021, la régie a mis la locataire en demeure de régler le montant dû, sous menace de résilier les trois contrats de bail.
m. Par courrier du 13 janvier 2022, la locataire a indiqué s'être acquittée des montants réclamés, à savoir un montant total de 19'533 fr. 55, comprenant des frais de rappel, pour éviter la résiliation des baux, tout en ne reconnaissant pas devoir ce montant.
n. Par courrier du 10 octobre 2022, le conseil de la locataire a informé la régie que sa mandante avait payé le montant susmentionné sous la menace de voir ses baux résiliés mais que cette somme avait été encaissée à tort et devait lui être restituée.
En effet, les décomptes de charges pour les années 2017 à 2020 contenaient des postes qui n'avaient jamais été prévus contractuellement. Par ailleurs, les décomptes avaient été établis en prenant en considération les immeubles sis 20, 22, 26 et 26A rue 1______. Or, les charges devaient être calculées uniquement sur les frais concernant l'immeuble no 20 pour les locaux de 209 m², 132 m² et 79 m², respectivement sur l'immeuble no 22 pour l'arcade de 71.4 m². Au demeurant, la locataire n'avait pas à prendre en charge des frais qui ne la concernaient pas, soit les frais d'ascenseurs, de conciergerie et de nettoyage. Elle n'avait en effet jamais bénéficié de la moindre prestation y relative. Enfin, dans le décompte du 27 avril 2020, seule une partie des acomptes versés par la locataire avait été prise en considération.
o. Par acte du 28 février 2023, déclaré non concilié le 15 mai 2023 et introduit le 14 juin 2023 devant le Tribunal, la locataire a conclu, préalablement, à ce qu'il soit ordonné à la bailleresse de procéder à l'établissement d'un nouveau décompte rectificatif pour les années 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020. Principalement, elle a conclu à ce que la bailleresse soit condamnée à lui verser la somme de 19'533 fr. 55, avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2022.
p. Le 4 juillet 2023, la régie a modifié les décomptes.
S'agissant des locaux du deuxième contrat de bail, elle a retiré les postes « surveillance », « eau/eau usée », « ascenseurs » et « charge diverse ». Elle a en revanche maintenu les postes « aération » d'un montant de 324 fr. 05, « électricité générale » d'un montant de 646 fr. 95 et « concierge » d'un montant de 2'166 fr. 25. Elle n'a pas modifié les acomptes pris en compte pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2018, déduisant un montant de 3'156 fr. et non celui de 4'208 fr. allégué par la locataire.
Elle a également retiré le poste « eau/eau usée » pour le premier contrat de bail.
Sur cette base, la régie a informé la locataire qu'un montant de 1'203 fr. 40 lui serait remboursé.
q. Par courrier du 20 juillet 2023, la locataire a répondu que le montant de 1'203 fr. 40 ne valait qu'à titre d'acompte et qu'elle persistait dans ses prétentions.
r. Dans sa réponse du 23 octobre 2023, la bailleresse a conclu au déboutement de la locataire de toutes ses conclusions. Elle a allégué que la clé de répartition des frais accessoires avait été établie sur la base des surfaces chauffées.
s. Lors de l'audience de débats d'instruction du 10 novembre 2023, la locataire a sollicité notamment l'audition de témoins et réservé la question d'une inspection locale et d'une expertise concernant la clé de répartition.
Son conseil a précisé que les décomptes rectifiés étaient également contestés. Pour le décompte 2017/2018, les acomptes à déduire étaient de 4'208 fr. et non de 3'156 fr. Pour tous les décomptes, le poste « frais d'eau chaude » était contesté s'agissant notamment de la clé de répartition appliquée car les locaux ne comprenaient que quatre robinets; les postes « aération », « frais d'électricité » et « conciergerie » étaient également contestés dans leur principe et concernant la clé de répartition.
La locataire a produit les décomptes de charges des années 2007/2008, 2013/2014 et 2014/2015 établis par l'ancienne régie, comptabilisant uniquement les frais de chauffage (comprenant les frais d'eau chaude), ainsi qu'un forfait « honoraires FC unité locative », selon la même clé de répartition que celle appliquée dans les nouveaux décomptes. Elle a également produit plusieurs attestations confirmant que les locaux n'étaient équipés que de quatre éviers, dont un très près du sol pour les enfants, qu'il n'y avait pas de système d'aération et que les membres de la paroisse effectuaient le nettoyage des locaux et des parties communes. La locataire a finalement produit des photographies de l'immeuble vu de l'extérieur et de l'entrée des locaux, ainsi que des preuves de paiement du loyer et des charges pour la période 2017/2018.
La bailleresse a quant à elle sollicité l'audition de témoins.
t. Lors de cette même audience, le Tribunal a procédé à l'audition de I______, représentante de la locataire. Celle-ci a déclaré qu'il n'y avait que quatre robinets dans les locaux. La seule aération consistait en trois fenêtres bombées sur le toit qu'on pouvait ouvrir et des fenêtres normales. La locataire payait les factures SIG, si bien qu'elle ne comprenait pas en quoi consistait le poste « électricité générale ». La concierge n'intervenait que très rarement, soit lorsque la locataire faisait appel à lui s'il y avait un souci, mais elle nettoyait elle-même ses locaux et le petit couloir d'accès. Elle estimait qu'avec quatre robinets, elle payait trop de charges par rapport au fait qu'il y avait trois immeubles de douze étages.
u. Lors de l'audience du 1er mars 2024, le Tribunal a procédé à l'audition de témoins.
J______, ayant géré l'immeuble sis 20, rue 1______ de 2019 à octobre 2021, a déclaré que lors de sa visite des locaux, elle avait vu plusieurs points d'eau. La concierge des quatre immeubles nettoyait la cage d'escaliers, l'entrée, la descente pour aller au sous-sol et les vitrages. Le poste « éclairage général » concernait l'éclairage des communs. Concernant la clé de répartition pour les frais accessoires hors chauffage et eau chaude, elle avait été établie par les architectes qui avaient construit l'immeuble « à l'époque ». La clé pour les frais de chauffage et eau chaude avait quant à elle été établie soit par H______ soit par F______.
K______, gérante d'immeuble au sein de la régie, a déclaré qu'elle avait vu une cuisine et un WC dans les locaux, qu'elle n'avait pas visité dans leur intégralité. Le service de conciergerie concernait les immeubles sis 20, 22 et 26 rue 1______. La concierge nettoyait les parties communes, à savoir le hall d'entrée et les escaliers. S'agissant de la clé de répartition, l'ancien propriétaire l'avait établie pour le chauffage et l'eau chaude et, à sa connaissance, également pour les autres frais accessoires. A la suite de la contestation des décomptes, ceux-ci avaient été modifiés en ce sens que les postes ne figurant pas dans les baux avaient été supprimés, à savoir les postes « ascenseur », « charge diverse », « surveillance » et « eau usée ».
v. Lors de l'audience du 19 avril 2024, la bailleresse a produit une pièce complémentaire, à savoir un tableau récapitulatif intitulé « calcul des surfaces et répartition » concernant l'immeuble sis 22 rue 1______ et établi par un cabinet d'architectes. Selon le conseil de la bailleresse, l'arcade louée par la locataire y figurait sous le no 10001, avec une surface de 70.75 m², correspondant à une « répartition » de 1.47 %. Le conseil de la locataire a relevé à cet égard que le pourcentage de 1.47 % ne correspondait pas à la clé de répartition qui ressortait des décomptes litigieux et persisté dans ses réquisitions de preuve. Les parties ont ensuite plaidé et persisté dans leurs conclusions.
La cause a ensuite été gardée à juger.
D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'il était suffisamment renseigné et que la cause était en état d'être jugée, sans mesure d'instruction supplémentaire.
Il a retenu que les décomptes répondaient aux exigences de précision posées par la loi et la jurisprudence, comportant la liste chiffrée des frais accessoires mis en compte pour l'immeuble, poste par poste, la clé de répartition pour la part de la locataire, les acomptes versés et le solde dû. Il ressortait des décomptes établis par l'ancienne régie que la même clé de répartition était appliquée depuis 2007 à tout le moins sans jamais avoir été contestée. Il ressortait également des pièces que la clé de répartition était fondée sur la surface des locaux loués, ce qui était conforme à la jurisprudence. S'agissant de la « réaffectation pour la période du 01.01.2016 au 30.04.2017 », figurant dans le décompte 2017/2018, un montant de 4'208 fr. (représentant 16 mois d'acomptes) devait effectivement être déduit et non 3'156 fr. Par ailleurs, la bailleresse pouvait facturer les frais d'eau chaude selon la surface des locaux et non selon le nombre de robinets, une telle manière de faire n'ayant d'ailleurs suscité aucune contestation par le passé. S'agissant des postes « conciergerie », « électricité générale » et « aération » contestés par la locataire, ils n'étaient pris en compte que pour les locaux faisant l'objet du deuxième contrat de bail, lequel listait ces postes comme faisant partie des frais accessoires. Ils pouvaient donc être mis à la charge de la locataire, quand bien même la précédente régie ne les prenait pas en compte. Seul le poste « aération » devait être écarté car la locataire n'en bénéficiait pas, l'aération se faisant uniquement par les fenêtres. Partant, seul un montant de 324 fr. 05 (poste « aération ») devait être retranché du décompte 2017/2018, tandis que la « réaffectation » des acomptes versés devait tenir compte d'un montant de 4'208 fr. Un montant total de 1'376 fr. 05 devait par conséquent être remboursé à la locataire, avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2022.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).
1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse, calculée sur la base des dernières conclusions de première instance, est de 19'533 fr. 55. La valeur litigieuse est donc supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.
1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
1.5 Selon l'art. 243 al. 1 CPC, la procédure simplifiée s'applique aux affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 francs. La maxime inquisitoire sociale régit alors la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).
Le juge doit donc établir les faits d'office et n'est pas lié par les allégations des parties et leurs offres de preuve (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Toutefois, les parties ne sont pas pour autant dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2).
2. L'appelante faisant grief au Tribunal d'avoir constaté certains faits de manière inexacte, il en a été tenu compte dans la mesure utile dans l'état de faits ci-dessus, lequel a été modifié et complété de manière à y intégrer tous les faits pertinents pour l'issue du litige.
Elle reproche également au Tribunal d'avoir procédé à une mauvaise appréciation des faits, s'agissant de la clé de répartition, des frais d'eau chaude, du poste « conciergerie », du calcul concernant le montant auquel a été condamnée l'intimée et d'avoir violé les art. 257a et 257b CO.
2.1.
2.1.1 Selon l'art. 257a CO, les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l'usage de la chose (al. 1). Ils ne sont à charge du locataire que si cela a été convenu spécialement (al. 2).
Cette obligation poursuit un but de protection des locataires (ATF 135 III 591 consid. 4.2.3). A défaut de convention, les frais accessoires sont réputés compris dans le loyer (ATF 121 III 460 consid. 2a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 4A_620/2021 du 18 juillet 2022 consid. 3.1.1).
Pour les habitations et les locaux commerciaux, on entend par frais accessoires les dépenses effectives du bailleur pour des prestations en rapport avec l'usage de la chose, telles que frais de chauffage, d'eau chaude et autres frais d'exploitation, ainsi que les contributions publiques qui résultent de l'utilisation de la chose (art. 257b al. 1 CO). Le bailleur doit, à la demande du locataire, lui permettre de consulter les pièces justificatives (art. 257b al. 2 CO).
Selon la jurisprudence, l'art. 257a al. 2 CO exige que les parties indiquent de manière suffisamment précise dans le contrat lui-même quels frais accessoires sont mis à la charge du locataire, en en détaillant les postes effectifs. Le locataire doit pouvoir comprendre facilement quels sont les postes qui lui seront facturés en plus du loyer net; ceux-ci doivent être décrits clairement et précisément dans le contrat (ATF 135 III 591 consid. 4.3). Même si la liste n'est pas formulée de manière exhaustive, les charges qui y sont mentionnées sont dues car le locataire peut comprendre facilement les postes qui lui seront facturés en sus du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_719/2016 du 31 août 2017 consid. 2.2.1 et la référence).
Des frais accessoires ne peuvent pas être mis à la charge du locataire s'il ne bénéficie pas de la prestation correspondante, par exemple un locataire dépourvu d'un téléviseur n'a pas à s'acquitter des frais pour le raccordement au réseau de télévision par câble (Lachat, Le bail à loyer, 2ème édition, 2019, p. 402)
L'art. 4 al. 1 OBLF prévoit que si le bailleur perçoit les frais accessoires sur la base d'un décompte, il doit établir celui-ci au moins une fois par an et le présenter au locataire.
Le décompte doit préciser les frais mis à charge (chauffage, conciergerie, etc.), indiquer le coût total des dépenses de l'immeuble, la clé de répartition, la part à charge du locataire, les acomptes versés et enfin le solde dû (Bohnet/Montini, Droit du bail à loyer, 2017, n° 92 ad art. 257a/257b CO).
Lorsqu'un immeuble est loué à plusieurs locataires, il convient de répartir entre eux les frais accessoires, en particulier les frais de chauffage et d'eau chaude. Cette répartition peut intervenir sur la base d'un décompte individuel (tenant compte pour partie de la consommation effective du locataire) ou en fonction d'une clé de répartition (Lachat, op. cit., p. 410).
La répartition des frais entre locataires intervient au moment du décompte. Elle dépend des installations de l'immeuble (p. ex.: chauffage centralisé avec ou sans fourniture d'eau chaude sanitaire), de la clé de répartition entre unités de l'immeuble et du bail conclu par les parties. Lorsque l'immeuble est équipé d'une installation de chauffage avec production d'eau chaude, une part estimée entre 70 et 80% est généralement attribuée aux frais de chauffage, l'eau chaude sanitaire représentant les 20 à 30% restants (Bohnet/Montini, op. cit., n° 101 ad art. 257a/257b CO).
Le bailleur dispose d'une certaine marge de manœuvre dans la répartition des frais accessoires. Il peut appliquer une ou plusieurs clés, répartir les frais selon les volumes chauffés, au prorata des millièmes de copropriété, ou encore selon la surface chauffée et le nombre de radiateurs. Pour les locaux commerciaux, une répartition selon le type d'activité est parfois pratiquée, dans le but de prendre en compte l'utilisation accrue de certaines prestations par le preneur (Bohnet/Montini, op. cit. no 95 ad art. 257a/257b CO).
A défaut de compteur individuel, la clé de répartition des frais de chauffage, mais aussi d'eau chaude ou froide ou encore d'électricité, doit être fondée sur une base objective, laquelle est d'ordinaire établie par l'installateur, proportionnellement à la surface ou au volume des différents locaux chauffés. Cette clé de répartition peut aussi s'appliquer à l'eau chaude mais il est également admissible de répartir celle-ci en fonction du nombre de robinets (ACJC/706/2009 du 15 juin 2009 consid 3.1; ACJC/1006/2002 du 9 septembre 2002 consid. 5).
2.1.2 La contestation de l'obligation de verser des frais accessoires insuffisamment clairement définis dans un contrat de bail écrit, après le paiement de ces frais pendant plusieurs années, ne constitue pas, selon le Tribunal fédéral, un abus de droit notamment quand le locataire n'a pas protesté contre ces frais parce qu'il faisait confiance au bailleur et pensait que leur facturation relevait des usages locaux (arrêt du Tribunal fédéral 4C_224/2006 du 24 octobre 2006 consid. 2.3).
Le locataire pourra, sur la base des règles sur l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO), réclamer au bailleur le remboursement de tout ou partie des montants dont il se sera acquitté à tort (Pereira, Jurisprudence et nouveautés en matière de frais accessoires, in 22ème Séminaire sur le droit du bail, 2022, no 36 p. 239 et la référence).
Lorsque le bailleur a procédé au décompte et établi un solde, mais que celui-ci n'a pas été reconnu par le locataire, il revient au bailleur d'alléguer et de prouver sa prétention dans la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_433/2020 du 4 mars 2021 consid. 5.1).
2.2 En l'espèce, l'appelante conteste la clé de répartition appliquée par l'intimée, qu'elle estime erronée, et conclut à la nécessité d'ordonner une expertise afin d'en établir une nouvelle.
Sur ce point, le Tribunal a retenu que l'intimée avait fourni des explications suffisantes quant aux clés de répartition utilisées, bien que les critères d'origine n'aient pas pu être retrouvés. Il a également relevé que cette clé était appliquée depuis au moins 2007, sans avoir été contestée par l'appelante, et qu'elle reposait sur la surface des locaux.
Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'instruction de la cause n'a pas permis d'établir sur quelle base la clé de répartition avait été fixée. En effet, les représentantes de la régie ont seulement été en mesure d'indiquer que cette clé aurait été définie soit par les architectes ayant construit l'immeuble, soit par des agences immobilières (H______, F______), soit encore par l'ancien propriétaire. L'intimée affirme quant à elle que la clé de répartition se fonderait « manifestement sur les m² nets de chaque étage » (réponse à l'appel, p. 6), en se référant à une pièce produite lors de l'audience du 19 avril 2024. Or, cette pièce, qui concerne d'ailleurs uniquement l'immeuble sis 22 rue 1______, ne permet ni d'expliquer les clés de répartition appliquées dans les décomptes litigieux ni de confirmer qu'elles reposent effectivement sur la surface des locaux. La « répartition » de 1,47% y figurant ne correspond d'ailleurs à aucune des clés de répartition mentionnées dans les décomptes litigieux.
Bien que l'intimée dispose d'une marge d'appréciation pour fixer la clé de répartition applicable, encore faut-il que celle-ci repose sur une base objective, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
Par ailleurs, selon la jurisprudence précitée, on ne saurait reprocher à l'appelante de ne pas avoir contesté la clé de répartition par le passé et d'avoir réglé, sans protestation, les montants réclamés au titre des frais accessoires, pendant de nombreuses années, en faisant confiance à sa cocontractante.
Cela étant, dans la mesure où l'intimée ne saurait être exonérée du paiement de tous frais accessoires, dès lors qu'elle a bénéficié des services concernés, il convient de fixer/répartir ceux-ci de façon équitable, selon une clé de répartition objective, que ce soit par la mise en œuvre d'une expertise, comme le sollicite l'appelante, ou par toute autre mesure probatoire utile.
Au vu des considérations qui précèdent, le jugement attaqué sera annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour qu'il instruise cette question et, cela fait, qu'il rende une nouvelle décision sur le fond de la demande (art. 318 al. 1 let. c CPC)
Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres arguments soulevés par les parties.
3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.
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La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 4 septembre 2024 par l'ASSOCIATION A______ contre le jugement JTBL/737/2024 rendu le 4 juillet 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/5405/2023.
Au fond :
Annule ce jugement.
Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour suite d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sarah ZULIAN-MEINEN et Madame Nevena PULJIC, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.